Unité d’intervention structurée Comité consultatif sur la mise en œuvre rapport annuel 2021-2022

Table des matières

Acronymes utilisés

ASA
Antécédents sociaux des autochtones
CCMO UIS
Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée
CJS
Community and Justice Services (Loyalist College)
CSMC
Commission de la santé mentale du Canada
DC
Directive du commissaire
DEI
Décideur externe indépendant
EEF
Établissement d’Edmonton pour femmes
ÉM
Établissement de Millhaven
LSCMLC
Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
MOMS
Mères offrant un soutien mutuel
RSCMLC
Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
SCC
Service correctionnel du Canada
SGD
Système de gestion des délinquants
SPC
Sécurité publique Canada
SPC
Service pénitentiaire du Canada
UIS
Unité d’intervention structurée

Sommaire exécutif

Le 30 novembre 2019, le Service correctionnel du Canada a introduit des modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) dans le but d’abolir ce qui était officiellement appelé « isolement préventif », et officieusement « isolement cellulaire ». L’idée était de fournir un hébergement alternatif et des services aux détenus qui n’arrivaient pas à trouver un logement convenable dans la population carcérale générale. Selon la loi, le transfert d’un détenu dans l’une de ces unités d’intervention structurée a lieu pour remédier à trois préoccupations seulement : les préoccupations liées à la sécurité d’autrui, les préoccupations liées à la sécurité du détenu, ou celles liées à l’intégrité des enquêtes en cours.

Cette loi présentait quelques caractéristiques principales. Tout d’abord, ces unités spéciales, connues sous le nom d’unités d’intervention structurée (UIS), ne seraient pas utilisées fréquemment et, une fois que le détenu y serait transféré, son séjour devrait être aussi court que possible. Pour garantir que les séjours soient de courte durée, des programmes et des services seront mis en place afin de permettre au détenu de réintégrer rapidement la population carcérale générale. Parmi les promesses législatives faites aux détenus figure celle de leur offrir la possibilité de passer au moins quatre heures en dehors de leur cellule chaque jour, dont deux heures de contact humain significatif. D’autres modifications majeures ont permis de renforcer l’autonomie et l’indépendance opérationnelles des professionnels de la santé, de créer des défenseurs des droits des patients et de garantir un accès raisonnable aux services de santé non essentiels (en plus de l’accès aux soins essentiels).

La loi exigeait également que des données sur le fonctionnement des UIS soient recueillies de manière systématique, vraisemblablement pour s’assurer que les promesses législatives étaient tenues. Enfin, le transfèrement et le maintien d’un détenu dans une UIS requièrent une série complexe d’approbations qui passent par plusieurs étapes. Ce processus de surveillance se base en premier lieu sur l’examen de certaines décisions importantes par des décideurs externes indépendants (DEI), une disposition qui ne figurait pas dans la législation initiale telle qu’elle a été présentée, mais qui a été ajoutée à la suite des modifications recommandées par le comité de la Chambre des communes chargé d’examiner la législation.

Le présent rapport s’appuie sur les « Observations préliminaires sur l’exploitation des unités d’intervention structurée de Service correctionnel Canada »Note de bas de page 1 du Comité, lesquelles ont été achevées en octobre 2021, mais qui ont malheureusement été publiées par Sécurité publique Canada qu’en avril 2022. Les travaux du Comité s’appuient également sur les expériences d’ un précédent comité qui a mis fin à son mandat à l’été 2020 avant de recevoir les informations qu’il avait demandées pour remplir son mandat de surveillance. Les travaux du Comité s’appuient également sur les conclusions de quatre rapports rédigés par des chercheurs indépendants et publiés entre octobre 2020 et mai 2021Note de bas de page 2.

Il serait peu clairvoyant de minimiser l’importance des UIS dans le contexte du système carcéral global du Canada. Le 13 février 2022, les UIS ne comptaient « que » 165 détenus sur une population totale de 12 182 détenus dans les établissements du SCC (1,4 % de la population totale des détenus sous garde fédérale à cette date). Mais comme l’a souligné le Comité dans ses « Observations préliminaires » d’octobre 2021, ce « décompte » ne prend pas en considération le flux de personnes qui entrent et sortent des UIS. En octobre 2021, le Comité a estimé qu’environ 8,4 % des personnes détenues dans les établissements du SCC pendant les 21 premiers mois du régime des UIS ont passé un certain temps dans une ou plusieurs UIS.

Cependant, ceci ne tient pas compte non plus de préoccupations importantes quant au recours aux UIS. Les transfèrements aux UIS sont beaucoup plus susceptibles de se produire si le prisonnier est autochtone, et dans certaines régions plus que d’autres. Étant donné que les transfèrements vers les UIS ne sont censés avoir lieu que « s’il n’existe aucune autre alternative valable » à l’enfermement du détenu dans une unité d’intervention structurée… »Note de bas de page 3, il serait juste de conclure que cette solution est la moins souhaitable pour résoudre un problème.

Il est largement reconnu que les peuples autochtones sont surreprésentés dans les pénitenciers canadiens. En partant du fait que les Canadiens d’origine autochtone ne représenteraient que 4,2 % des adultes canadiens, les autochtones, selon le tableau A, sont largement surreprésentés dans nos pénitenciers.

Tableau ANote de bas de page 4 : Proportion des autochtones dans les pénitenciers et les UIS du Canada
Homme Femme Total
Proportion de la population autochtone dans la population canadienne adulte 4,2 % 4,2 % 4,2 %
Pourcentage de la population carcérale autochtone le 13 février 2022Note de bas de page 5 31,6 % 49,1 % 32,4 %
Pourcentage de séjours-personnesNote de bas de page 6 dans des UIS, impliquant des Autochtones, jusqu’au 13 février 2022 39,8 % 75,8 % 41,1 %

Des inquiétudes ont récemment été soulevées quant à la surreprésentation des populations autochtones – en particulier les femmes – dans les établissements pénitentiaires du Canada. Toutefois, la surreprésentation des autochtones en général – et des femmes en particulier – dans les pénitenciers est éclipsée par le recours aux UIS pour les femmes autochtones.

Selon les données du SCC, 75,8 % des séjours de femmes dans des UIS au Canada concernaient des femmes autochtones, alors qu’elles ne représentent que 4,2 % de l’ensemble de la population féminine adulte au Canada. Les résultats relatifs aux hommes autochtones, bien que moins spectaculaires, demeurent comparables. Par rapport à l’ensemble de la population carcérale dans chacune des cinq régions du SCC, les autochtones sont plus susceptibles que les autres de se retrouver en UIS.

Le Comité reconnaît pleinement que des différences régionales et institutionnelles peuvent exister. Cependant, il déplore le manque d’explication quant au degré de variation entre les régions dans le recours aux UIS. Le tableau B ci-dessous fait état de la variation significative inattendue dans le recours général aux UIS par région.

Tableau B : séjours-personne dans les UIS par région
Région Nombre total de séjours dans les UIS par 1 000 détenus dans la région
Atlantique 355,3
Québec 475,7
Ontario 107,5
Prairies 259,1
Pacifique 321,1
Canada 278,2

Dire que l’écart dans le recours aux UIS traduit la « culture locale » de chaque région n’est pas une explication adéquate. Au contraire, cet écart énorme suggère deux choses. Les régions utilisent manifestement les UIS de manière différente, et probablement à des fins différentes ou avec des seuils d’utilisation différents.

Le nombre de cellules de l’UIS varie aussi considérablement d’une région à l’autre, allant de 13,4 cellules pour une capacité totale de 1 000 cellules en Ontario à 36,3 cellules de l’UIS pour 1 000 cellules dans la région des Prairies. Le Comité ne parvient pas à saisir pleinement les raisons invoquées par le SCC pour expliquer la variation du nombre de cellules des UIS par région. De plus, l’écart constaté dans le recours aux UIS entre les régions offre à SCC l’occasion de tirer des conclusions concernant les régions ou les établissements qui recourent le moins aux UIS.

Surveillance des UIS par les décideurs externes indépendants (DEI)

Comme nous l’avons déjà souligné, certaines décisions relatives aux UIS font l’objet d’un contrôle externe par les DEI, et l’une des plus importantes décisions concerne la durée du séjour des détenus dans ces unités. Bien que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela)Note de bas de page 7 distingue entre les séjours de 15 jours ou moins et ceux plus longs, le Canada a décidé que le premier examen externe du séjour dans l’UIS ne doit pas être effectué avant que le détenu n’ait séjourné dans l’UIS pendant au moins 90 jours.

Depuis l’ouverture officielle des UIS le 30 novembre 2019, 14 DEI différents ont pris des décisions concernant la « durée de séjour » de détenus dans les UIS afin de déterminer si ce séjour était justifié. En examinant uniquement les décisions « Le détenu ne doit pas rester dans l’UIS » vs « Le détenu doit rester dans l’UIS », l’on peut distinguer deux groupes de DEI : un groupe de 9 DEI qui n’a jamais ou rarement ordonné la libération d’un détenu, contre 5 DEI qui ont ordonné la libération dans au moins 23 % des cas. Comme le montre le tableau C, les décisions des DEI sur la libération d’un détenu varient sensiblement.

Tableau C : Décisions des DEI
Types de DEI Le détenu ne devrait pas rester dans l’UIS Le détenu devrait rester dans l’UIS Total des décisions (définitives)
Cinq DEI les plus enclins à décider que le détenu quitte l’UIS 55 103 158

34,8 %

Fourchette : 23 % à 50 %

65,2 %

Fourchette : 50 % à 77 %

100 %
Neuf DEI les plus enclins à décider que le détenu reste dans l’UIS 19 348 367

5,2 %

Fourchette : 0 % à 8 %

94,8 %

Fourchette : 92 % à 100 %

100 %
Total 74 451 525

14 %

Fourchette : 0 % à 50 %

86 %

Fourchette : 50 % à 100 %

100 %

Par ailleurs, de nombreux prisonniers dont on a ordonné le départ de l’UIS n’ont pas été immédiatement renvoyés dans la population générale. Des raisons légitimes peuvent expliquer les retards dans l’exécution des décisions prises par les décideurs externes indépendants (DEI) de transférer des prisonniers hors d’une unité d’intervention structurée (UIS), mais nous avons eu du mal à comprendre pourquoi cela prendrait, dans certains cas, des mois.

Bien que les séjours à l’UIS soient, selon la loi, censés prendre « fin le plus tôt possible »Note de bas de page 8, cela ne veut pas dire qu’ils sont courts. Plus de la moitié (56,5 %) des séjours à l’UIS ont dépassé 15 joursNote de bas de page 9. La durée des séjours dans l’UIS a certes varié au cours de la période d’étude (à partir du 30 novembre 2019), mais aucune tendance évidente ne se dégage.

Cependant, la durée du séjour à l’UIS présentait de grandes différences au niveau régional. À titre d’exemple, 32 % des séjours dans l’UIS au Québec ont duré 5 jours ou moins, alors que dans les Prairies, 10 % seulement des séjours ont duré de 1 à 5 jours. Environ 30 % des séjours à l’UIS en Ontario ont duré au moins 62 jours. Par contre, au Québec, seuls 18 % environ ont duré 62 jours ou plus.

En dépit des recommandations (non contraignantes) des DEI, (par exemple, sur la question de savoir si le SCC a pris toutes les mesures utiles pour offrir au détenu des contacts humains réels en vertu de l’article 37.83[1]), les enquêtes « contraignantes » menées par les DEI sur le « temps passé dans l’UIS » (art. 37.8 de la LSCMLC) n’ont pas lieu tant que le prisonnier n’a pas séjourné à l’UIS plus de 60 jours. Étant donné que les DEI ne sont pas tenus de rendre une décision avant que 30 jours supplémentaires ne se soient écoulés, il est possible, à dessein, qu’en l’absence d’une décision indépendante concernant leur maintien en isolement, les prisonniers canadiens passent plus de six fois la durée définie par les Règles Mandela comme étant un isolement cellulaire prolongé (c’est-à-dire plus de 15 jours). Nos conclusions – ainsi que les documents du SCC – indiquent également que même lorsque l’ordre de sortir d’une UIS est rendu, le SCC est parfois lent à appliquer la décision. Les examens externes indépendants des placements en UIS réalisés en dehors des délais impartis sont largement dénués de sens. La législation doit être modifiée pour rectifier cette erreur.

Les prisonniers autochtones, qui, comme on l’a vu précédemment, sont disproportionnellement plus susceptibles d’être transférés dans les UIS, sont également moins susceptibles que les autres groupes (Noirs, Blancs et autres groupes) de faire des séjours très courts (5 jours ou moins) dans les UIS. Les détenus identifiés par le SCC comme présentant des problèmes de santé mentale aggravés étaient particulièrement susceptibles de faire des séjours très longs dans les UIS (62 jours ou plus).

La loi prévoit également de proposer aux détenus au moins quatre heures à l’extérieur de leur cellule, dont deux heures de contacts humains réels. La plupart des prisonniers n’ont pas réellement obtenu ces quatre heures tous les jours, et la probabilité qu’ils ne bénéficient pas de deux heures de contact humain réel est encore plus importante. L’atteinte de ces objectifs prévus par la loi était beaucoup plus probable dans la région des Prairies qu’ailleurs. Le SCC a informé le Comité qu’en dépit des offres quotidiennes de sortie de cellule, de nombreux détenus refusaient de profiter de cette occasion. En étudiant en détail les détenus qui ont séjourné dans les UIS pendant 16 jours ou plus, nous avons constaté que pour 1 335 de ces détenus en long séjour, soit 64 %, les refus ne sauraient expliquer l’incapacité à obtenir quatre heures de sortie de cellule. Les résultats concernant l’obtention de deux heures par jour de contacts humains réels sont similaires : les refus n’expliquent pas tous le fait que les détenus ne parviennent pas à obtenir deux heures de contact humain significatif par jour. Nous estimons que pour 1 091 des 2 071 détenus de longue durée (soit 53 % des détenus de longue durée dans les UIS), les refus n’expliquent pas l’impossibilité d’obtenir les deux heures de contact humain réel promises par la loi.

Nous comprenons que le SCC, dès les premiers jours du régime de l’UIS, doutait de sa capacité à respecter les exigences de la loi en matière de temps passé hors de la cellule. Ce problème existait bien avant le COVID-19 et a duré pendant toute la période étudiée. Toutefois, nous avons relevé des preuves indiquant qu’en 2021, des améliorations significatives ont été apportées pour garantir que les détenus sortent de leur cellule pendant les quatre heures prévues.

Au dernier trimestre de 2020, 70 % des détenus de long séjour dans les UISNote de bas de page 10 (depuis 16 jours ou plus) n’ont pas obtenu leur temps à l’extérieur de la cellule la plupart des jours (76 à 100 % de leurs jours passés en UIS). Ce « taux de manquement » était comparable à ce qu’il était lorsque les UIS ont ouvert pour la première fois en novembre et décembre 2019. Cependant, au cours de l’année 2021, ce taux a baissé de manière continue et substantielle, passant de 70 % à 34 %. Néanmoins, on ne saurait faire abstraction du fait que 34 % des détenus en « long séjour » dans les UIS du SCC n’ont pas réussi à obtenir leurs quatre heures de sortie de cellule pendant la plupart de leurs journées dans l’UIS.

La difficulté pour le SCC réside en partie dans les mesures à prendre lorsqu’un détenu refuse de quitter sa cellule. La Directive du Commissaire 711 suggère que « tous les efforts raisonnables » devraient être déployés pour offrir aux détenus du temps à l’extérieur de la cellule. En d’autres termes, il semblerait qu’il incombe au SCC d’essayer d’offrir aux détenus du temps à l’extérieur de la cellule. Néanmoins, pour des raisons qui demeurent incompréhensibles, environ 65 % des détenus de longue durée dans l’UIS ont refusé au moins deux fois de sortir de leur cellule et près de 10 % ont refusé de sortir de leur cellule pendant au moins la moitié des jours passés dans l’UIS. Cependant, une fois de plus, il se peut que le SCC ait déjà la solution aux refus des détenus : les refus de quitter les cellules de l’UIS étaient beaucoup plus fréquents dans certaines régions (par exemple, la région du Pacifique) que dans d’autres (Prairies ou Ontario). Le Comité ne dispose pas encore de données concrètes pour appréhender cette variation régionale.

Le SCC est tenu d’enregistrer les informations relatives aux offres et aux refus de passer du temps en dehors de la cellule. Les refus des détenus de quitter les cellules ne justifient pas entièrement le fait qu’ils soient privés de temps à l’extérieur de la cellule. Nous avons relevé les dossiers de centaines de détenus de longue durée dans l’UIS pour lesquels ce refus ne suffisait pas à expliquer l’impossibilité d’atteindre les quatre heures de sortie de cellule. Par exemple, si l’on considère uniquement ceux qui ont séjourné au moins 16 jours à l’UIS, 610 détenus ont été enregistrés par le SCC comme ayant refusé de quitter leur cellule pendant 20 % ou moins de leurs séjours à l’UIS, mais n’ont pas obtenu leurs « quatre heures à l’extérieur de la cellule » pendant au moins 76 % de leurs séjours à l’UISNote de bas de page 11. En outre, il ressort de nos entretiens et d’autres informations que nous avons recueillies (par exemple, les renseignements tirés de quelques décisions des DEI) que certains de ces refus sont en partie tout à fait compréhensibles dans la mesure où les offres proposées seraient moins attrayantes pour presque tout le monde que de rester seul dans une cellule.

On ne peut pas parler d’isolement, de ségrégation ou d’UIS sans aborder la question de la santé mentale. Plusieurs détenus transférés aux UIS – 29 % des hommes et 64 % des femmes – ont été identifiés par le SCC comme ayant des problèmes de santé mentale. Cela était particulièrement valable pour ceux qui ont été placés plusieurs fois dans les UIS. Nous avons recensé 161 détenus qui ont été transférés dans des UIS à cinq occasions distinctes entre le 30 novembre 2019 et le 13 février 2022. Parmi ceux-ci, 53 % ont été identifiés au début d’un ou plusieurs de leurs séjours comme ayant des besoins en matière de santé mentale, contre « seulement » 24 % de ceux qui n’ont effectué qu’un seul séjour en UIS au cours de cette période.

Les méthodes de travail du SCC impliquent souvent de déplacer les détenus vers différents établissements et souvent vers différentes régions lorsqu’ils sont transférés vers ou à l’extérieur d’une UIS. Les détenus ayant des problèmes de santé mentale reconnus par le SCC sont particulièrement susceptibles d’être transférés dans différentes UIS de la même région ou de régions différentes. Et bien évidemment, une fois qu’ils sont placés dans une UIS, ils y restent plus longtemps que ceux qui n’ont pas de problèmes de santé mentale. Il nous a été difficile de concilier cette situation avec la déclaration du SCC selon laquelle « les UIS servent à aider les détenus et à leur offrir, de façon continue, la possibilité de participer à des interventions et à des programmes en vue de favoriser leur réintégration en toute sécurité dans une population carcérale régulière ». Le déplacement des détenus d’un établissement à l’autre et d’une région à l’autre ne semble pas être le moyen le plus évident pour les encourager à participer à des activités et à des programmes.

Nous avons remarqué que les détenus autochtones sont particulièrement susceptibles de se retrouver dans les UIS du Canada. Le jour pour lequel nous disposons de données de « recensement » du SCC (13 février 2022), la proportion de détenus autochtones dans les UIS était plus élevée que celle des détenus autochtones dans les établissements du SCC dans chaque région. Étant donné que toute personne placée en isolement social (même si elle se trouve dans une UIS) risque presque certainement de voir se développer ou s’aggraver des problèmes de santé mentale existants, il est inquiétant de constater que les personnes autochtones transférées dans les unités d’intervention structurée (UIS) sont particulièrement susceptibles d’être signalées par le service correctionnel du Canada (SCC) comme ayant des problèmes de santé mentale.

Étant donné que l’isolement expose les gens à des risques, le Comité espère que le SCC pourra tirer les leçons de son succès relatif dans certains établissements pour éviter que les autochtones ne soient isolés dans leurs cellules de l’UIS. On constate de grandes disparités entre les établissements quant à la capacité de faire sortir de leur cellule les prisonniers autochtones ayant séjourné longtemps dans les UIS. Le tableau D présente le pourcentage de jours où les prisonniers ont manqué leurs quatre heures de sortie de cellule. Ce tableau ne contient que les données relatives aux autochtones ayant effectué de longs séjours dans les UIS (c’est-à-dire 16 jours ou plus) dans six établissements.

Tableau D : Capacité à obtenir 4 heures de sortie de cellule chez les prisonniers autochtones (séjours de 16 jours ou plus dans les UIS, uniquement)
  Le détenu ne réussit que rarement (0-50 % des jours passés dans les UIS) à obtenir quatre heures de sortie de cellule Le détenu n’a pas réussi à obtenir quatre heures de sortie de cellule de manière fréquente (51 % ou plus) Total
Pénitencier de la Saskatchewan 30 87 117
(25,6 %) (74,4 %) (100 %)
Centre de détention d’Edmonton 15 64 79
(19,0 %) (81,0 %) (100 %)
Centre de détention pour femmes d’Edmonton 8 11 19
(42,1 %) (57,9 %) (100 %)
Stony Mountain 193 17 210
(91.9%) (8.1%) (100%)
Bowden 37 1 38
(97,4 %) (2,6 %) (100 %)
Kent 4 163 167
(2,4 %) (97,6 %) (100 %)
Toutes les autres UIS 35 271 306
(11,4 %) (88,6 %) (100 %)
Total 322 614 936
(34,4 %) (65,6 %) (100 %)

Dans les pénitenciers de Stony Mountain et de Bowden, par exemple, seuls 8,1 % et 2,6 % des détenus autochtones de longue durée, respectivement, n’ont pas obtenu leurs quatre heures de sortie de cellule pendant la moitié ou plus de leurs journées. Ces taux atteignent 74,4 %, 81 % et 97,6 % respectivement pour le pénitencier de Saskatchewan, l’établissement d’Edmonton et Kent. En d’autres termes, les détenus autochtones ayant effectué de longs séjours au Pénitencier de Saskatchewan, à l’Établissement d’Edmonton ou à Kent ont presque tous manqué les quatre heures de sortie quotidienne de leur cellule. Au pénitencier de Stony Mountain et à Bowden, en revanche, les détenus le faisaient presque toujours. De telles variations entre les établissements ne sont pas surprenantesNote de bas de page 12.

Le Comité vient de lancer son travail sur une question déjà soulevée : le déplacement des prisonniers à travers le pays. Les séjours multiples dans les UIS sont fréquents. En effet, sur les 1 920 personnes ayant été transférées dans une UIS une ou plusieurs fois au cours de la période du 30 novembre 2019 au 13 février 2022, 46 % avaient visité des UIS au moins deux fois. D’ailleurs, 161 personnes avaient visité des UIS à au moins cinq occasions distinctes, et à mesure que le nombre de séjours en UIS augmentait, le nombre de visites effectuées aux différentes UIS augmentait aussi, tout comme le nombre de différentes régions où ces détenus ont été transportés.

Au cours de ces 26,5 mois (du 30 novembre 2019 à la mi-février 2022), nous avons recensé 27 prisonniers qui avaient séjourné dans quatre UIS différentes et 43 prisonniers ayant séjourné dans des UIS de trois régions ou plus. En fait, un prisonnier avait été envoyé dans des UIS dans les cinq régions du Canada et six autres prisonniers avaient séjourné dans des UIS de quatre régions. La question qui se pose est de savoir à quoi servent ces transferts, et pourquoi des personnes ont dû aller dans plus d’une UIS dans plusieurs régions? Les détenus ayant fait plusieurs séjours dans des UIS étaient plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé mentale. Il est difficile de prétendre que les transferts entre institutions et régions constituent le meilleur moyen de résoudre ces problèmes.

En 1996, le rapport de la Commission Arbour, dans le cadre de la réponse du SCC aux événements survenus à la prison des femmes de Kingston, avait conclu que « le placement d’un détenu en isolement est la décision la plus restrictive que le Service puisse prendre en matière de liberté individuelle »Note de bas de page 13. L’isolement social n’est pas un état « normal » pour les êtres sociaux. Cependant, dans le milieu carcéral, il arrive parfois que l’isolement de certains détenus soit inévitable pour leur sécurité ou celle des autres.

Le cadre juridique et politique régissant les UIS suggère que les séjours doivent être rares et de courte durée, et prévoit que les détenus qui y sont placés doivent bénéficier de programmes et de services destinés à répondre à leurs besoins et à leurs risques dans le but de les réintégrer dans la population générale le plus rapidement possible. Il existe donc une réelle tension entre la nécessité de répondre, de manière efficace, aux besoins des détenus à haut risque, vulnérables et complexes, et l’objectif de permettre aux détenus de retourner rapidement à la population générale.

Nous ne suggérons pas que les longs séjours dans les UIS doivent être autorisés ou encouragés. Cependant, ce conflit laisse entendre que la mise en place des UIS ne suffit pas pour résoudre le problème de l’isolement destructeur. Pour cela, il faut réduire le recours aux pénitenciers pour répondre à des besoins complexes et, si l’incarcération ne peut être évitée, adopter des programmes plus centrés sur la personne que l’approche actuelle « basée sur le lieu » (ou le transfert des détenus difficiles vers d’autres régions ou établissements).

Nous clôturons notre premier rapport annuel par des recommandations au commissaire du Service correctionnel du Canada et des conseils au ministre de la Sécurité publique. Ces recommandations et conseils couvrent 14 grands sujets de préoccupation concernant le fonctionnement des UIS et l’avenir de la surveillance du SCC. Les sujets couverts par les recommandations sont les suivants :

Introduction

Par la promulgation, en 2019, du projet de loi C-83 : Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi, l’objectif était de proposer de nouvelles normes améliorées en matière de soins aux détenus canadiens. Pour reprendre les propres termes du SCC, « les unités d’intervention structurée (UIS) font partie d’une transformation historique du système correctionnel fédéral qui a entraîné l’élimination de l’isolement préventif ». Le SCC a en outre précisé que « l’ une des mesures de protection clés en place [dans le régime des UIS] est un mécanisme de surveillance externe. » On ne saurait trop insister sur l’importance de ce mécanisme. Des décideurs externes indépendants (DEI), répartis à travers le pays, assurent une surveillance des conditions et des périodes de détention des détenus dans les unités d’intervention structurée. Leurs décisions ont force exécutoire ».Note de bas de page 14

Une deuxième forme de surveillance, non prévue par la loi, a été instaurée quelques mois avant que la nouvelle loi ne soit promulguée. Le ministre de la Sécurité publique a mis en place un Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée (CCMO UIS), composé de huit personnes chargées de conseiller le SCC et le ministre sur le fonctionnement des UIS. Pour des raisons diverses – notamment que le SCC ne lui a pas fourni des informations opportunes ou adéquates sur le fonctionnement réel des UIS – le Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée n’a pas été en mesure de s’acquitter de ses responsabilités. Au terme du mandat d’un an de ses membres, le premier Comité a soumis son rapport et s’est automatiquement éteint pendant l’été 2020 sans avoir pu évaluer le fonctionnement des UIS.Note de bas de page 15

À l’expiration du mandat du premier CCMO UIS, Sécurité publique Canada a ordonné que les données relatives au fonctionnement des UIS soient communiquées au Dr Anthony Doob (président du premier Comité). Entre la fin septembre 2020 et mai 2021, Dr Doob et ses collaborateurs ont produit quatre rapports distincts sur le fonctionnement des UISNote de bas de page 16.

Le présent rapport est le premier rapport annuel du nouveau Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée (CCMO UIS), mis en place par le ministre de la Sécurité publique au printemps 2021. Ce rapport commence par un bref historique de l’isolement cellulaire au Canada et de la création des UIS, et donne une description du Comité actuel. Après ces quelques introductions, le rapport aborde plusieurs thèmes majeurs et formule des conseils à l’intention du ministre de la Sécurité publique et des recommandations à l’intention du commissaire du Service correctionnel.

L’isolement cellulaire au Canada et les promesses des UIS

L’histoire de l’isolement cellulaire en milieu carcéral ne date pas d’hier. Dans les premières prisons d’Amérique du Nord, tous les prisonniers étaient confinés à vivre et à travailler en isolement afin d’éviter la « contamination » par l’interaction sociale. Avec l’évolution des prisons, la socialisation est devenue la norme et seuls les prisonniers les plus incorrigibles devaient être isolés. Lorsque les châtiments corporels ont été abolis, l’isolement cellulaire est apparu comme « le principal mécanisme officiel de contrôle ».Note de bas de page 17 Au fil du temps, l’isolement cellulaire a été remplacé par le termeNote de bas de page 18 isolement et des formes de placement plus nuancées sont apparues. Les détenus étaient séparés de la population générale pour des raisons disciplinaires ou non. L’isolement disciplinaire consistait à isoler les détenus pour des infractions graves ou flagrantes aux règles de l’établissement. L’isolement non disciplinaire inclut l’isolement administratif, destiné à maintenir l’ordre, et l’isolement préventif qui vise à assurer la sécurité du détenu.

En 1975, le Solliciteur général du Canada a confié à un groupe d’étude (en réponse à un rapport de l’Enquêteur correctionnel) le soin d’examiner les préoccupations relatives au modèle d’isolement, notamment les lacunes dans la tenue des dossiers par le Service pénitentiaire du Canada (SPC)Note de bas de page 19, qui ne précisait pas les raisons et les conditions de l’isolement (p. ex. routine quotidienne, durée du séjour, mise en liberté sous condition). Le groupe d’étude a constaté que les détenus isolés étaient souvent traités de la même manière, quelle que soit la raison de leur isolement, qu’ils étaient généralement oubliés ou négligés. Le groupe d’étude a relevé des écarts entre les établissements en fonction de leur âge et de leur architecture, ainsi que d’autres facteurs susceptibles d’exacerber l’impact de l’isolement social, notamment les caractéristiques individuelles (p. ex., physiques, intellectuelles, émotionnelles), les préoccupations liées à la sécurité, la peur de la maladie et des blessures, et le manque de soins de santé et de nourriture saine. Le groupe d’étude a recommandé que le SPC démontre un plus grand respect de la loi, des règlements et de la politique en vigueur; offre de meilleures formations au personnel dédié aux unités d’isolement; et mène davantage de recherches sur les effets de l’isolement. Il a par ailleurs recommandé la création d’un comité en charge d’examiner les cas en isolement afin de surveiller l’isolement administratif. Le comité devrait être présidé par le directeur de l’établissement, qui serait chargé d’élaborer dans les meilleurs délais un plan de réinsertion des détenus et d’en assurer le suivi. En 1977, un sous-comité sur le régime d’institutions pénitentiaires au Canada a appuyé les recommandations du groupe d’étude, tout en conseillant que le modèle de comité de réexamen des cas d’isolement en établissement soit revu après deux ans. En 1977, le SPC a mis en œuvre les recommandations. En 1979, le Service correctionnel du Canada (SCC), nouvellement renommé, n’a pas réussi à mener l’examen interne (Jackson, 2006).

En 1983, Michael Jackson, professeur de droit à l’Université de la Colombie-Britannique, a évalué le « nouveau processus réformé » en étudiant les cas d’isolement préventif à l’établissement Kent d’Agassiz, en Colombie-Britannique. Dans son livre intitulé Prisoners of Isolation : Solitary Confinement in Canada, Jackson a dénoncé l’absence de critères en matière d’isolement et d’un processus de réexamen indépendant. Il a donc proposé un Code de réglementation de l’isolement qui prévoyait un arbitrage indépendant des cas afin de garantir la protection des droits et des libertés des détenus, et a établi des limites claires quant à la durée du séjour en isolement. Tout en dénonçant le processus, Jackson (1983) rappelle que l’isolement cellulaire (traduction) « ne découle pas des pratiques de torture et d’abus de pouvoir de la part de l’État, mais plutôt d’une réaction réformiste contre ces pratiques » (p. 6). En d’autres termes, « les meilleurs plans peuvent parfois mal tourner », d’où la nécessité d’une surveillance et d’une gestion prudentes. Ni l’arbitrage indépendant de l’isolement préventif ni les limites à l’isolement n’ont été incorporés dans la Loi sur les services correctionnels et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) (1992).

Bien que l’isolement disciplinaire et l’isolement préventif présentent souvent des similitudes (en apparence), ils comportent des différences importantes. La plus importante est que l’isolement disciplinaire étant punitif, il est fortement réglementé par la loi et les politiques. L’article 44 de la LSCMLC stipule qu’un détenu ne peut être placé en isolement disciplinaire que s’il est condamné par un président indépendant à la suite d’une audience disciplinaire. Pour cela, le détenu doit recevoir une notification écrite de l’accusation disciplinaire et être informé de la procédure selon laquelle il sera jugé. En revanche, le placement en isolement préventif n’exigeait pas les mêmes mesures de protection procédurale. De plus, alors que l’isolement disciplinaire ne pouvait se prolonger au-delà de 30 jours (45 jours en cas de plusieurs infractions), la durée de l’isolement préventif était indéfinie et potentiellement illimitée (jusqu’à la date d’expiration du mandat).Note de bas de page 20 Dans la pratique, la réglementation et le contrôle de l’isolement disciplinaire ont conduit à un recours accru à l’isolement préventif afin d’isoler les détenus ingérables, entraînant à son tour un recours abusif à l’isolement préventif. Ce recours abusif a causé, 30 ans plus tard, en 2007, la mort d’Ashley Smith, 19 ans, alors qu’elle se trouvait dans une cellule d’isolement. Durant les 11 mois et demi passés en détention au SCC, Ashley Smith a été placée presque constamment en isolement, entrecoupée de nombreux épisodes de recours à la force et de 17 transferts dans huit établissements différents.

Les conséquences que peuvent subir les populations carcérales en l’absence d’un arbitrage indépendant et d’une surveillance opportune avaient été dévoilées 13 ans plus tôt par une série d’événements survenus à la Prison des femmes de Kingston, en Ontario. Dans son rapport de 1996 sur les événements survenus à la Prison pour femmes, la juge Louise Arbour a condamné sans équivoque le recours punitif du SCC à l’isolement préventif, et a déclaré que « dire qu’il s’agissait d’isolement préventif est un euphémisme » et qu’il « s’agit d’une forme de punition que les tribunaux hésiteraient à imposer, ses conséquences étant si destructrices » (p. 153). La juge Arbour s’est montrée particulièrement critique quant à la nature indéfinie de l’isolement préventif et à l’apparente réticence ou incapacité du SCC à changer ses pratiques « sans une orientation et un contrôle judiciaires » (p. 214) La juge Arbour a formulé les recommandations suivantes : que l’isolement préventif soit administré conformément à la loi et surveillé de manière appropriée (recommandation 9.a); que l’on mette fin à la pratique de la détention prolongée en isolement préventif (recommandation 9.d); examen de l’isolement après trois jours jusqu’à un maximum de 30 jours (recommandations 9.e.ii,iv); et que l’isolement ne soit pas imposé plus de deux fois par année civile pour un total de 60 jours (recommandation 9.e.iii). Si le nombre maximal de jours a été épuisé, les options à envisager peuvent inclure un transfert vers une institution, un placement dans une unité de santé mentale, ou d’autres « formes de surveillance intensive » (recommandation 9.e.iv), le tout devant donner lieu à des interactions avec la population carcérale générale. Si ces options s’avèrent impossibles, ou si le SCC estime qu’une période supplémentaire d’isolement est requise, le Service devra demander la décision du tribunal (recommandation 9.e.v). La juge Arbour a en outre recommandé qu’à défaut de soumettre l’isolement à une surveillance judiciaire, une autre forme d’arbitrage indépendant portant sur le maintien en isolement devait être mise en place dans un délai de cinq jours (recommandation 9.f).

Dans son rapport, la juge Arbour a rappelé aux lecteurs la nécessité d’évaluer le fonctionnement du SCC en regard de sa mission et de son engagement à faire preuve de « transparence », d’« intégrité » et d’« imputabilité » (section 2.12). La juge Arbour a affirmé que ces valeurs exigent le respect de la loi et la vigilance pour corriger tout manquement à la loi. La juge Arbour a affirmé que ces valeurs exigent le respect de la loi et la vigilance pour corriger tout manquement à la loi. Elle a conseillé au SCC d’être plus réactif aux critiques externes et plus ouvert à l’autocritique, de rendre compte de ses actes de manière loyale et honnête et de reconnaître ses erreurs. Elle a rappelé au SCC que le respect des droits des détenus exige l’intégrité dans la gestion des condamnations, notamment la gestion prudente de l’isolement. Arbour (1996) a conclu que les conditions de détention à la Prison des femmes de Kingston, notamment le recours à l’isolement préventif, « constituent un grave manquement du Service correctionnel à son mandat de gardien ».

En réponse au rapport Arbour, le SCC a constitué un Groupe de travail sur l’examen de l’isolement préventif (1996-1997). Ce groupe de travail regroupait des membres internes et externes. Les premières conclusions du groupe de travail ont confirmé l’affirmation de Mme la juge Arbour que le « SCC a une culture où la primauté du droit n’est pas respectée » (Jackson, 2006, p. 168). Le groupe de travail a recommandé que le SCC mette à l’essai un modèle interne « amélioré » de processus d’examen des cas d’isolement, qui prévoirait un arbitrage indépendant des cas d’isolement. L’adoption de cette recommandation était considérée comme « un test déterminant de la volonté du Service à changer sa culture d’entreprise pour en faire une culture qui non seulement prône la primauté du droit, mais qui en fait aussi la preuve » (Jackson & Sloan, 1998). En parallèle, le SCC a reçu un rapport du Groupe de travail sur les droits de l’homme (1997) qui formulait la même recommandation. Ces deux rapports conjugués n’ont pas réussi à faire réagir le commissaire du SCC de l’époque, Ole Ingstrup, qui a maintenu la position traditionnelle du SCC consistant à rejeter l’arbitrage indépendant. Dans une lettre adressée au commissaire en juin 1998, Michael Jackson et Todd Sloan (1998) ont qualifié la résistance du SCC à l’arbitrage indépendant de « symbole de la réalité opérationnelle incapable de se plier aux principes d’ouverture, d’intégrité et de responsabilité » (tel que cité dans Jackson, 2006, p. 78).

L’article de Jackson paru en 2006 fait référence à d’autres examens des pratiques du SCC. L’examen de la LSCMLC cinq ans plus tard (2000) a recommandé la nomination immédiate d’un décideur indépendant pour l’isolement préventif. En réponse à cette recommandation, le SCC a mis à l’essai un processus amélioré d’examen des cas d’isolement (2001-2002) qui prévoit la mise sur pied d’un comité d’examen des cas d’isolement avec un membre externe. Selon une évaluation externe du projet pilote réalisée en 2003, les perceptions d’équité du processus ont été améliorées, mais les résultats de l’examen des cas d’isolement n’ont que peu changé. Les principaux sujets de préoccupation concernaient le nombre croissant de cas volontaires, dont beaucoup refusaient la réintégration pour cause d’incompatibilité avec d’autres détenus, et le peu de possibilités viables (par exemple, les transferts au sein d’une même région ou entre régions). Ce processus pilote a rapidement été suspendu.

En 2004, la Commission canadienne des droits de la personne a publié un rapport sur les femmes purgeant une peine de ressort fédéral et a recommandé un arbitrage indépendant sur l’isolement préventif dans les cinq établissements régionaux pour femmes. Une fois de plus, le SCC a rejeté la recommandation, invoquant que le cadre juridique existant l’en empêchait, mais a néanmoins proposé d’« améliorer » les pratiques existantes. Cette décision a été vivement dénoncée comme trompeuse et révélatrice de l’engagement du Service correctionnel du Canada (SCC) à maintenir le statu quo, en conservant le contrôle exclusif de l’isolement préventif. Le SCC (2005) a déclaré être « lui aussi préoccupé par la durée des séjours en isolement et par la surutilisation possible, mais il considère que cette situation est attribuable à des réalités opérationnelles dont il faut tenir compte en premier lieu : infrastructure désuète, manque de solutions de rechange, difficultés liées aux transfèrements, gestion des cas de longue durée, y compris ceux des détenus qui refusent de quitter l’unité d’isolement ». Ces « réalités opérationnelles » rappellent remarquablement les conclusions du Rapport du Groupe d’étude sur la dissociation (1975) et de toutes les révisions ultérieures, ce qui explique le peu de progrès réalisés au cours des 30 dernières années.

Dans un article publié en 2015 (Kerr 2015A), Lisa Kerr, professeur de droit à l’université Queen’s, a expliqué comment le fait d’isoler des prisonniers sans l’intervention d’un juge et pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la peine prononcée ou avec les principes du droit pénal peut profondément accentuer la gravité et les effets d’une sanction légale d’emprisonnement. Tout en reconnaissant que la loi canadienne exige que l’isolement soit utilisé comme une mesure de dernier recours, Kerr a souligné que la loi ne permet pas de spécifier des délais concrets, un examen indépendant et des protections sanitaires suffisantes pour les personnes placées en isolement. Dans un deuxième article paru en 2015, Kerr a présenté la première contestation complète des lois sur l’isolement fondée sur la Charte. Le cas était celui de Bobby Lee Worm, une femme autochtone qui a été maintenue à l’isolement pendant quatre ans en vertu d’un régime d’isolement appelé « protocole de gestion » qui ne s’appliquait qu’aux femmes. Selon Kerr, des intervenants internes et externes avaient informé le SCC, avant sa mise en œuvre, que le « protocole de gestion » était contraire à la loi. Il ne respectait ni les dispositions de la LSCMLC sur l’isolement préventif ni la Charte. Le SCC n’a pas tenu compte de ce conseil et a continué, pendant des années, à détenir des femmes, principalement des femmes racialisées, dans ces conditions de détention. En même temps, le SCC a ignoré les critiques et les demandes de changement constantes émanant de la magistrature et de l’Enquêteur correctionnel. Mais lorsque Bobby Lee Worm a déposé son dossier en mars 2011, le SCC a réagi immédiatement en publiant une promesse de révision de la politique. En mai 2011, moins de 60 jours après le dépôt des actes de procédure, le SCC a annoncé qu’il avait annulé le protocole et offert un règlement à Mme Worm, mettant ainsi fin au litige.

Bien que l’affaire Worm ait été réglée, elle n’a pas permis d’aborder la législation existante qui continuait à permettre des pratiques correctionnelles douteuses, comme le « protocole de gestion » ou le recours abusif à l’isolement de manière plus générale. Kerr (2019) a souligné les coûts juridiques découlant de pratiques correctionnelles néfastes et des lacunes de la loi sur l’isolement, comme les suspensions de procédures dans les affaires pénales, le prolongement du crédit pour le temps passé en détention préventive en plus des 20 millions de dollars de dommages-intérêts en vertu de la Charte contre le gouvernement fédéral.Note de bas de page 21 Preuve des insuffisances de la loi existante, les tribunaux accordaient un dédommagement en vertu de la Charte aux détenus qui avaient été placés en isolement, même lorsque les prisons et les établissements pénitentiaires exerçaient leurs activités dans les limites législatives. En 2019, les tribunaux de la Colombie-Britannique et de l’Ontario ont conclu que l’isolement préventif rejoignait la définition de l’isolement cellulaire au sens des Règles Mandela et qu’il violait les articles 7 (c’est-à-dire que l’isolement prolongé et indéfini portait atteinte aux droits à la liberté) et 12 (c’est-à-dire que l’isolement de plus de 15 jours constituait une peine cruelle et inusitée) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte).Note de bas de page 22

Alors que les appels étaient en cours, le gouvernement fédéral a adopté en 2019 le projet de loi C-83 : Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi, dans le but spécifique d’éliminer l’isolement disciplinaire et de remplacer l’isolement préventif par des unités d’intervention structurée (UIS). Avec le projet de loi C-83, le gouvernement canadien affirmait vouloir « transformer le système correctionnel fédéral » en se conformant aux règles de Nelson Mandela et en améliorant les soins de santé pour les détenus. Mais, malgré cette bonne intention, la législation n’est pas sans susciter des inquiétudes. En effet, certaines caractéristiques des UIS demeurent mal définies, notamment les délais de placement, les « contacts humains significatifs », les normes relatives à l’environnement physique, le degré et la forme de la surveillance judiciaire, ainsi que les restrictions spécifiques aux détenus vulnérables,dont ceux ayant des problèmes de maladie mentale.

Les UIS ont été créées sur la base d’une promesse légale selon laquelle chaque prisonnier devrait bénéficier d’un minimum de quatre heures de sortie de cellule, dont deux heures de « contact humain significatif ». En outre, les prisonniers transférés dans les UIS devraient bénéficier d’interventions et de programmes adaptés à leurs besoins. En prévoyant quatre heures de sortie de cellule, les UIS dépassent les règles Mandela, notamment la règle 44, qui définit l’isolement cellulaire comme « l’isolement d’un détenu pendant 22 heures par jour ou plus, sans contact humain réel ».

La loi exige que les transferts aux UIS soient évités dans la mesure du possible, et que, si le transfert à une UIS est considéré nécessaire, des efforts soient déployés pour que les détenus soient rapidement réintégrés dans la population générale. La politique et la loi exigent que lorsque le SCC envisage un transfert vers une UIS, il doit explorer les possibilités alternatives et les options qui s’offrent dans le cadre du processus. Ces dispositions – qui prévoient des séjours peu nombreux et de courte durée, et garantissent des périodes hors cellule, y compris des périodes impliquant une interaction humaine significative – ont servi de justification principale à l’annonce par le gouvernement de la fin du recours inconstitutionnel à l’isolement.

Les unités d’intervention structurée et le Comité consultatif sur la mise en œuvre

Mandat et composition du Comité

En avril 2021, l’honorable Bill Blair, alors ministre de la Sécurité publique du Canada, a reconstitué un comité consultatif indépendant pour « améliorer la redevabilité et la transparence du nouveau régime des UIS. » (Communiqué de presse, 2021). Le mandat du nouveau CCMO UIS a été renforcé en termes d’indépendance et de sa relation avec le SCC et Sécurité publique Canada (SPC). Plus spécifiquement, le mandat du Comité consultatif sur la mise en œuvre (CCMO) est de « surveiller et d’évaluer la mise en œuvre et le fonctionnement des unités d’interventions structurée (UIS), de soumettre un rapport au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile afin de donner son avis sur la question de savoir si le modèle des UIS est mis en œuvre comme prévu par la Loi et de fournir des recommandations et des conseils non contraignants à la commissaire du Service correctionnel du Canada (SCC). » (Mandat, 2021). Le mandat prévoit que le Comité doit produire des rapports annuels dans les deux langues officielles et que SPC est tenu de les publier sur son site Web dans les 15 jours ouvrables suivant leur soumission au commissaire et au ministre.

En avril 2021, Howard Sapers a été nommé président du Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée. Jusqu’à neuf autres membres du Comité devaient être nommés, dont des personnes ayant une expérience et des connaissances diverses, y compris une expérience directe en matière de détention. Les membres devaient être choisis en consultation avec le président du comité pour un mandat d’une durée maximale de deux ans. Le comité initial était composé de Howard Sapers, Anthony Doob, Ed McIsaac et Farhat Rehman. Quelques mois plus tard, Ed Buller et Johanne Vallée ont été nommés, permettant de constituer le quorum (six) nécessaire à la tenue d’une première réunion. Une troisième série de nominations, début 2022, a abouti à la désignation de Janet Taylor, Margo Watt et Robert WrightNote de bas de page 23 comme membres du ComitéNote de bas de page 24. Au moment de la rédaction du présent rapport, le comité devait encore accueillir la nomination promise d’un membre ayant une expérience directe en matière de détention.

Gouvernance et fonctionnement du comité

Le Comité est un organe autonome, mais jouit du soutien administratif de Sécurité publique Canada (SPC), plus précisément de la Direction générale de la prévention du crime. Un membre de cette direction est chargé de préparer les comptes rendus de discussion des réunions du comité, sauf lorsque le comité décide de se réunir à huis clos. Les demandes de remboursement de frais de déplacement et d’indemnités journalières présentées par le Comité sont traitées et payées par le Ministère conformément aux règles du Conseil du Trésor. Le sous-ministre adjoint de la Direction générale de la prévention du crime est le principal point de contact de SPC. Le président et les autres membres du personnel de SPC assurent la liaison au besoin. Le sous-ministre est également prêt à discuter de toute question liée aux travaux du Comité. De plus, le mandat exige que le président et le ministre de la Sécurité publique se rencontrent.

Le Comité se réunit sur une base régulière et prend ses décisions par consensus. Il détermine son propre plan de travail, les sujets qui y seront abordés, la méthodologie privilégiée, les personnes et organisations qu’il souhaite rencontrer et les établissements qu’il visite. Le Comité s’est réuni 18 fois entre juillet 2021 et juin 2022.

Cadre de collaboration entre le CCMO et le SCC

En octobre 2021, le Comité et le Service correctionnel du Canada (SCC) ont approuvé un cadre de collaboration qui décrit les informations auxquelles le Comité a accès, les attentes mutuelles et les délais spécifiques dans lesquels le SCC doit fournir les différents types de données et de renseignements exigés par le Comité. Le cadre établit également le calendrier et la nature des réunions à tenir entre le SCC et le Comité.

Le SCC a désigné une personne chargée de coordonner l’échange de renseignements et les réponses aux requêtes du Comité, ce qui s’est traduit par une relation positive et productive. De plus, le comité est en contact avec toute l’équipe de direction du SCC, y compris le commissaire du SCC, et le président du Comité consultatif sur la mise en œuvre (CCMO) est en contact permanent avec le commissaire.

Le cadre de collaboration a été très utile. Le cadre de collaboration a été très utile. Le comité a formulé plusieurs demandes de renseignements qui ont généralement été satisfaites. À quelques exceptions près, les réponses ont été complètes et fournies en temps opportun. Dans les cas où l’information n’était pas disponible ou qu’elle n’était pas facile à compiler, le SCC a collaboré avec le Comité pour trouver d’autres données répondant à nos besoins.

Méthodologie

Pour bien répondre à son mandat qui consiste à surveiller et à évaluer la mise en œuvre des USI, le comité utilise la méthodologie suivante :

  1. Analyse des données quantitatives demandées au SCC
  2. Analyse et examen des rapports et autres documents, y compris les décisions des Décideurs externes indépendants (DEI).
  3. Visites aux UIS incluant des réunions avec le personnel et des entretiens avec des détenus transférés dans une UIS
  4. Réunions avec les hauts dirigeants du SCC dans le siège national du Service et dans ses bureaux régionaux
  5. Réunions avec divers organismes et intervenants.

À la demande du comité, SPC a conclu un contrat avec une criminologue de premier plan, Mme Jane Sprott, pour appuyer les travaux du groupe. Il est important de spécifier que les données utilisées pour les analyses du comité proviennent directement du SCC. Les professeurs Doob et Sprott ont un accès sécurisé aux réseaux départementaux pertinents pour faciliter l’échange de données et sont également en mesure de communiquer directement avec la Direction de la recherche du SCC.

Le Comité a accès à des informations concernant le nombre de détenus entrant et sortant des UIS dans les cinq régions administratives du SCC. Ces données incluent le sexe, la race, les raisons générales des placements dans l’UIS ainsi que toute indication, dans le dossier, que le détenu a un besoin en santé mentale documenté dans son dossier médical. Les données comprennent en général la durée du séjour, le temps passé hors de la cellule et le temps pendant lequel le détenu a pris part à une interaction humaine significative, au sens du SCC. Le SCC a communiqué au comité une quantité substantielle d’informations sur les détenus et leur séjour dans l’UIS, sur la base de leurs dossiers administratifs. De plus, des données concernant les examens du « temps passé à l’UIS » ont été fournies au comité par des décideurs externes indépendants.

Une grande partie de l’information statistique fournie au Comité provient de nouveaux outils de collecte mis en œuvre simultanément au passage de l’« isolement préventif » aux « unités d’intervention structurée ». Le SCC a fait savoir au Comité que la mise en œuvre de ces nouveaux outils de collecte de données a posé certains problèmes. Bien qu’il ne fasse aucun doute que les données ne sont pas exemptes d’erreurs, le Comité n’a relevé aucune preuve suggérant que les dossiers relatifs aux séjours dans les UIS étaient biaisés dans une direction particulière.

Plus récemment, le SCC a mis en place un logiciel qui génère un Rapport de fin de journée permettant au gestionnaire correctionnel de chaque UIS d’examiner toutes les activités de son unité à la fin de la journée et d’assurer un contrôle de la qualité. Depuis le printemps 2022, les directeurs d’établissement et les équipes des directions régionales ont accès aux informations opérationnelles sur les UIS en temps réel.

Pour recueillir des données d’observation et d’entrevue à chaud, il a été essentiel de visiter les UIS et de recueillir des informations par l’observation directe, des rencontres avec la direction du SCC et le personnel de première ligne, ainsi que par des entrevues avec des détenus. Les membres du comité ont également tenu des réunions avec plusieurs intervenants et organisations cités ci-après. Les visites sur place ont été retardées à cause de la pandémie de COVID-19, mais dès que cela a été possible, le Comité a repris les visites (généralement avec deux membres à chaque visite). Au 30 juin 2022, des visites ont été effectuées ou programmées dans les institutions suivantes :

Pendant les visites, les membres du comité observent les sites des UIS pour évaluer les conditions de détention et les possibilités d’accès aux espaces dédiés aux programmes, aux réunions et aux activités. Ils s’entretiennent avec le personnel de divers groupes professionnels au sein des établissements afin de comprendre les problèmes, les défis et les pratiques exemplaires à l’échelle locale, régionale et nationale. Les membres se réunissent également avec des détenus. Ceux-ci sont invités à s’exprimer sur les activités et les possibilités offertes, le temps passé en dehors de leur cellule, les services médicaux et psychologiques, les raisons de leur placement en UIS, la qualité des interactions avec les autres (personnel et détenus) au sein de l’unité et, le cas échéant, sur leur refus de sortir de leur cellule.

Lors de leurs rencontres avec le personnel et les gestionnaires des UIS du SCC, les membres du comité ont abordé plusieurs aspects des UIS, notamment les politiques, le processus de mise en œuvre, la dotation en personnel, les ressources financières, les indicateurs de rendement et les services de santé. Des réunions et des séances d’information ont également été organisées avec divers intervenants et organisations, énumérées ci-dessous. Voici une listeNote de bas de page 25 non exhaustive des réunions organisées :

Qu’est-ce qu’une unité d’intervention structurée?

Il est à rappeler que les UIS sont la solution développée par le gouvernement du Canada suite à sa décision de ne pas défendre la pratique de I' isolement devant la Cour Suprême du Canada. Comme nous l’avons expliqué dans l’introduction, les tribunaux canadiensNote de bas de page 26 et les Règles Mandela ont établi que les détenus ne doivent pas être confinés dans leur cellule pendant plus de 22 heures sans contact humain significatif.Note de bas de page 27

Les Règles Mandela pertinentes sont les suivantes :

Règle 44

Aux fins des présentes règles, l’isolement cellulaire signifie l’isolement d’un détenu pendant 22 heures par jour ou plus, sans contact humain réel. L’isolement cellulaire prolongé signifie l’isolement cellulaire pour une période de plus de 15 jours consécutifs.

Règle 45

  1. L’isolement cellulaire ne doit être utilisé qu’en dernier ressort dans des cas exceptionnels, pour une durée aussi brève que possible, sous contrôle indépendant et uniquement avec l’autorisation d’une autorité compétente. Il ne doit pas être imposé du fait de la nature de la peine du détenu.
  2. Le recours à l’isolement cellulaire devrait être interdit pour les détenus souffrant d’une incapacité mentale ou physique lorsqu’il pourrait aggraver leur état.

Les Règles Mandela interdisent également l’isolement cellulaire prolongé (défini à la Règle 44) :

Règle 43

  1. En aucun cas les restrictions ou sanctions disciplinaires ne peuvent constituer des actes de torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les pratiques suivantes, en particulier, sont interdites :
    1. Isolement cellulaire pour une durée indéterminée;
    2. Isolement cellulaire prolongé;
    3. Placement d’un détenu dans une cellule obscure ou constamment éclairée.Note de bas de page 28

Le fonctionnement de ces nouvelles unités doit satisfaire aux exigences légales inscrites maintenant dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCML). Ces exigences comprennent la possibilité d’interagir avec autrui, que ce soit dans le cadre de programmes, d’interventions, de services ou lors de loisirs. L’objectif ultime est de promouvoir la réinsertion du détenu dans la population générale de l’établissement le plus rapidement possibleNote de bas de page 29. Le recours à l’UIS constitue une mesure temporaire pour des détenus dont la sécurité est menacée, ou lorsque la sécurité de l’établissement est compromise en raison de leur comportement, ou aux fins d’une enquête. En plus de l’obligation d’offrir du temps à l’extérieur de la cellule ainsi que des activités, le SCC doit également assurer les soins de santé physique et mentale des détenus au sein de ces unités.

Le paragraphe 37(2) de la LSCMLC stipule que le SCC doit tenir un registre des possibilités offertes à chaque détenu et des réponses du détenu. Le SCC a dû revoir la disposition physique des établissements abritant des UIS afin de favoriser un environnement propice au respect de ses obligations en matière de possibilités à offrir. Le SCC a informé le CCMO que plusieurs établissements ont procédé à des modifications de leurs infrastructures afin d’inclure des espaces dédiés aux entrevues, aux loisirs, aux programmes, ainsi que des salles communes, des cours extérieures, des bureaux pour le personnel. Les travaux ont été achevés dans plusieurs établissements tandis que les rénovations d’autres sites devraient être terminées dans les mois à venir (environ trois ans après que la date d’ouverture des UIS ait été connue).

Les membres du Comité exécutif du SCC ont informé le CCMO que le choix des sites pour la mise en place des UIS était déterminé en concertation avec les bureaux régionaux. Néanmoins, la plupart des sites ont signalé qu’ils ont peu ou pas participé à la décision de mettre en place des UIS dans leur établissement, de choisir l’emplacement des unités dans l’établissement ou de déterminer la capacité des unités. Des UIS ont été créées dans les cinq régions administratives du SCC, dans des établissements pour hommes et pour femmes. Le tableau 1 donne la liste des sites où des UIS ont été créées.

Tableau 1 : Capacité de l’UIS et nombre de détenus
Région Établissement Capacité de l’UIS Nombre des UIS au 13 février 2022 Nombre des détenus régionaux au 13 février 2022 Capacité nominale des cellules par région (juillet 2021) Cellules UIS par capacité nominale de 1 000
Atlantique   56 20 1 027 1 819 30,8
  Atlantique 54 20      
  Nova (femmes) 2 0      
Québec   107 35 2 571 3 596 29,8
  Port-Cartier 19 14      
  Donnacona 48 20      
  CRR 18 1      
  USD 18 0      
  Joliette (pour femmes) 4 0      
Ontario   53 19 3 268 3 970 13,4
  Millhaven 50 19      
  Grand Valley (pour femmes) 3 0      
Prairies   154 58 3 697 4 246 36,3
  Stony Mountain 40 33      
  Bowden 30 0      
  Saskatchewan 32 14      
  Edmonton 48 11      
  Edmonton (pour femmes) 4 0      
Pacifique   52 33 1 619 2 657 19,6
  Kent 48 33      
  Vallée du Fraser (pour femmes) 4 0      
Total   422 165 12 182 16 288 25,9

En date du 10 mai 2022Note de bas de page 30, la capacité totale des UIS au Canada se chiffrait à 422 cellules. Leur répartition dans le pays étant inégale, la capacité des UIS, sur une capacité nominale pondérée de 1 000 cellules, varie d’une région à l’autre. On ne sait pas exactement comment ont été prises les décisions concernant l’attribution des places au sein des UIS dans chaque établissement ou par région. Le résultat, cependant, montre une variation régionale spectaculaire du nombre de cellules disponibles en UIS, sur une capacité pondérée de 1 000, dans les pénitenciers de la région (dernière colonne du tableau 1).

En élaborant le modèle des UIS, le SCC a développé un cadre de dotation du personnel de manière à répondre aux exigences de la loi. Chaque UIS compte des agents correctionnels (établissements pour hommes) ou des intervenantes de première ligne (établissements pour femmes) ainsi que des gestionnaires correctionnels. On y trouve également des agents de libération conditionnelle, des agents de programmes correctionnels, des agents de programmes sociaux, des agents de renseignement de sécurité, des agents de liaison autochtones, des enseignants ainsi qu’un accès aux aînés, aux aumôniers et au personnel de santé. Étant donné que les UIS accueillent des détenus qui ont ou pourraient présenter des problèmes de santé mentale, le SCC a informé le comité qu’il prend des mesures pour s’assurer que les membres du personnel affecté aux UIS reçoivent d’abord une formation en santé mentale. Néanmoins, en raison du roulement du personnel et d’autres contraintes liées aux ressources humaines, le SCC a également informé le Comité qu’il avait du mal à poursuivre cet objectif de formation.

Le SCC doit assurer une surveillance continue de l’état de santé physique et mentale des détenus dans une UIS. Un examen de santé mentale doit être effectué dans les 24 heures suivant leur arrivée dans l’UIS et, par la suite, à intervalles réguliers. Toutefois, l’avis du professionnel de la santé qui effectue ces évaluations est soumis au responsable de l’établissement à simple titre de recommandation et n’est pas contraignant. C’est le directeur du pénitencier qui détermine ce qui se passe réellement :

37.3 (1) Le directeur du pénitencier décide, conformément aux règlements pris en vertu de l’alinéa 96g), si le détenu doit demeurer dans l’unité d’intervention structurée

  1. dès que possible après qu’un professionnel de la santé agréé lui a, en vertu de l’article 37.2, recommandé, pour des raisons de santé, qu’il n’y soit plus incarcéré
  2. au cours de la période débutant le jour où une décision est prise au titre du paragraphe 29.01(2) et qui se termine à l’expiration de la période de trente jours débutant le premier jour où le détenu est incarcéré dans l’unité

Si le directeur de l’établissement ne met pas en œuvre la recommandation, un comité de santé présidé par le commissaire adjoint, Services de santé, étudiera le cas et un décideur externe indépendant (DEI) pourra éventuellement recevoir le cas pour prendre une décision.

« Dès que possible » n’est pas défini et constitue un critère délicat en termes de redevabilité. Par ailleurs, on pourrait soutenir que la législation elle-même ne vise pas à ce que les décisions soient prises rapidement puisque le paragraphe (b) indique que la décision du directeur de l’établissement quant à l’opportunité de placer le détenu dans une UIS ne doit pas être prise avant que le détenu n’ait été incarcéré dans l’unité d’intervention structurée (UIS) pendant 30 jours.

Les UIS ne disposent d’aucune ressource humaine dédiée à la santé, mais les détenus peuvent recevoir des visites quotidiennes d’un professionnel de la santé agréé. La nature de ces visites n’est pas non plus clairement établie dans la loi. Certains détails relatifs à la nature des visites sont soulignés dans les Lignes directrices du SCC en santé mentale et les Directives du commissaire, mais le comité ne détient aucune donnée systématique sur la situation réelle.

Dans différentes réunions tenues avec les hauts dirigeants du SCC et lors des visites du CCOM dans les UIS, le personnel de direction du SCC a affirmé être régulièrement confronté à des difficultés en matière de ressources humaines. Bien que certains établissements semblent moins touchés que d’autres, le maintien en poste, le roulement du personnel et les répercussions de la pandémie sur les heures supplémentaires et l’absentéisme sont tous des facteurs qui ont eu des conséquences sur la stabilité des équipes en place dans les UIS. À ce stade de notre travail, le CCMO ne peut pas évaluer pleinement cet impact sur la capacité du SCC à fournir les services attendus et à satisfaire à ses exigences légales.

Dans tous les établissements, le personnel a généralement manifesté son enthousiasme et son engagement à l’égard du modèle de l’UIS, et a souvent déclaré que les choses étaient bien meilleures que lorsque l’ancien régime d’isolement préventif était en place. Cela dit, le personnel de première ligne a constamment déploré les retards dans l’amélioration de l’infrastructure, l’espace physique limité ou inadéquat, l’échec du processus de collecte des données, l’accent mis par la direction (à tous les niveaux) sur le nombre de périodes « en dehors de la cellule » au lieu de se concentrer sur ce qu’il appelle « la situation globale ». Le personnel du programme n’a cessé de répéter au comité qu’en raison du nombre élevé de prisonniers placés en UIS qui ne peut pas passer du temps avec les autres détenus en dehors de leur cellule, il est presque impossible d’offrir à tous les prisonniers des possibilités raisonnables, compte tenu des contraintes actuelles liées au personnel et à l’espace. Bien que l’espace physique soit certainement limité, nous avons pu constater la créativité du personnel dans plusieurs sites pour surmonter la plupart de ces obstacles. Nous avons également entendu le personnel de santé dire constamment que les exigences actuelles en matière de consignation au dossier sont excessivement exigeantes et redondantes.

Le SCC a informé le CCMO de son intention, après deux ans et demi de fonctionnement, de doter les établissements de personnel de santé supplémentaire afin de mieux soutenir les détenus de l’UIS et ceux de la population carcérale générale. Comme ce nouveau personnel n’est pas encore en poste, le Comité n’est pas en mesure d’évaluer les changements proposés. En ce qui concerne les services de santé, le SCC nous a informés que des ressources financières supplémentaires ont été allouées à l’ajout de postes d’infirmières et de psychiatres dans les établissements, mais ces postes ne sont pas spécifiquement affectés aux UIS. Lors des visites sur place, nous avons constaté que bien des employés des services de santé n’étaient pas au courant du nouveau modèle prévu en matière de ressources humaines et qu’ils n’avaient pas participé aux décisions concernant l’affectation de nouveaux employés, que ce soit par groupe professionnel ou en ce qui concerne le nombre de nouveaux employés nécessaires. Le SCC nous a informés qu’il avait pour objectif d’améliorer l’évaluation initiale de la santé des détenus, mais une fois encore, cette amélioration ne vise pas les détenus placés à l’UIS. Le comité entend donc examiner plus attentivement la question des ressources humaines de l’UIS au cours de la prochaine année.

Au moment de rédiger ce rapport, le CCMO ne possède aucune donnée quant au nombre de détenus ayant pris part à des programmes lors de leur passage en UIS ni quant à l’efficacité de ces derniers. Il en va de même pour les autres activités offertes aux détenus dans une UIS. Comme pour la question de la dotation des effectifs travaillant dans les UIS, ce point sera examiné plus attentivement lors de la deuxième année du mandat du comité.

Prise de décision et surveillance des UIS

La LSCMLC modifiée permet d’établir un pouvoir décisionnel à l’extérieur du SCC en créant les décideurs externes indépendants (DEI). Parmi leurs fonctions, les DEI sont chargés d’examiner les dossiers à la suite de certaines décisions du commissaire.

Pour comprendre la « durée » des examens menés par les DEI, il serait peut-être judicieux de commencer par voir où ils se déroulent dans le contexte de l’ensemble du processus menant à ces examens (en commençant par le placement initial dans l’UIS).

Les articles pertinents de la LSCMLC sont inclus dans le calendrier suivant. Pour comprendre à quel moment les examens sont effectués, nous avons établi la chronologie à partir de l’autorisation initiale de placer le détenu en UIS.

  1. Le membre du personnel peut autoriser le transfèrement à une UIS [art. 29.01(1)] [Jour 1]
  2. Le directeur du pénitencier décide si le détenu doit demeurer dans l’UIS (dans les 5 jours ouvrables) [art. 29.01(2)] [Jour 6-8]
  3. Au plus tard deux jours ouvrables après son transfèrement en UIS, le détenu doit être avisé des motifs par écrit [art. 34(3)] [Jour 1-3]
  4. Les examens de santé mentale ont lieu dans les deux jours suivant le transfèrement et chaque jour par la suite, et une évaluation de la santé mentale peut être ordonnée. Toutefois, c’est le directeur de l’établissement qui décide en dernier ressort du sort du détenu [art. 37.2 et art. 37.3]. Ce processus peut prendre 30 jours supplémentaires.
  5. Dans les 30 jours suivants, le transfèrement dans l’UIS, le directeur de l’établissement détermine si le détenu doit y demeurer « dès que possible dans les circonstances prévues par le règlement ». [art. 37.3(1)].
  6. 30 jours après le no 5, le « Commissaire » décide si le prisonnier doit rester dans l’UIS. [37,4] [Jour 61-66]]
  7. Trente jours après la décision prise dans le No 6, le DEI décide si le détenu doit demeurer dans l’UIS [art. 37.8] [Jour 91-96]. On parle parfois ici de « réexamen du 30e jour ».

Même si un directeur d’établissement peut réexaminer un cas en vue d’une libération chaque fois qu’une autre solution sûre se dégage, l’échéancier prévu par la loi pour la durée des examens est lourd et ne garantit pas des examens en temps opportun. Plus précisément, si le prisonnier est toujours en UIS 60 jours après la décision précédente du commissaire (au point 6) et donc à peu près au 120e jour ou un peu plus tard, le commissaire prend une nouvelle décision (comme au point 6). Ceci déclenche alors une nouvelle décision du DEI dans les 30 jours qui suivent [jour 150 ou peu après]. Ce processus se répète jusqu’à ce que le commissaire ou le DEI ordonne la libération du prisonnier.

Si l’article 37(2) de la LSCMLC autorise le personnel de santé à recommander de modifier les conditions d’incarcération du détenu ou même à retirer d’une UIS un détenu qui présente des signes de détérioration de sa santé, il convient de rappeler que l’article 37(3) indique clairement qu’une telle recommandation du personnel de santé ne saurait engager le directeur de l’établissement.

Observations sur le rôle et les fonctions du décideur externe indépendant

Le projet de loi initial (C-83, 42e législature, 1re session) portant sur la création des UIS ne prévoyait pas de contrôle externe du fonctionnement de ces unités. Très rapidement, lors de l’examen du projet de loi par la commission parlementaire, une forme d’examen externe indépendant de certaines décisions s’est avérée nécessaire. Des modifications en faveur de la création de DEI indépendants ont été adoptées et intégrées dans la version finale de la loi. Les DEI ont pour rôle d’examiner les cas, de superviser les conditions de détention des prisonniers, et de contrôler la fréquence et la durée des transfèrements aux UIS. Ils sont chargés d’examiner certaines décisions et de formuler des recommandations. Les DEI sont autorisés par la loi à prendre des décisions exécutoires concernant les déplacements hors d’une UIS. Ces décisions doivent, bien entendu, être mises en œuvre par le SCC. Comme nous le verrons plus loin dans ce rapport, l’application de ces décisions n’est pas aussi simple qu’on pourrait l’espérer.

Les décideurs externes indépendants (DEI) ne sont pas des employés du SCC. Ils sont nommés par le ministre et occupent des postes statutaires. Les membres nommés doivent posséder une connaissance des processus décisionnels administratifs. Leurs travaux et leurs constatations sont régis par les articles 37.6 à 37,83 de la LSCMLC. Ils sont nommés à temps plein ou à temps partiel pour un mandat renouvelable de cinq ans au maximum, et sont rémunérés aux taux fixés par le Conseil du Trésor selon un minimum de 1 800 heures par période de 12 mois consécutifs. Actuellement, on compte douze DEI nommés pour des mandats différents, dont onze à temps plein et un à temps partiel. Deux des douze ont été nommés en tant que DEI principaux, un pour la région de l’Ouest et un pour la région de l’Est. Les modalités actuelles de la nomination des DEI ne prévoient pas d’avantages ni de congés payés. Les DEI peuvent choisir de ne pas travailler (ou d’être payés) pendant un maximum de quatre semaines au cours de l’année, à condition que la charge de travail leur permette de prendre ce congé. En pratique, comme certains DEI doivent être disponibles 365 jours par an, nous avons appris que certains DEI travaillant à plein temps n’ont pas pu bénéficier de congé de quatre semaines depuis leur nomination. Si un DEI à temps plein ne respecte pas le minimum de 1 800 heures (en cas de maladie, par exemple), non seulement il pourrait perdre son revenu, mais il court également le risque que des cas ne soient pas traités ou ne le soient pas dans les délais prévus par le règlement.

Les postes des décideurs externes indépendants (DEI) n’ont pas été créés au sein d’une structure qui prévoit un soutien indépendant. Par conséquent, le Service correctionnel du Canada (SCC) a affecté du personnel pour leur fournir un appui administratif. Les employés assignés à ces fonctions sont des fonctionnaires fédéraux et relèvent du SCC. Lors des discussions avec les membres du comité, certains DEI ont fait part de problèmes liés à la réception en temps opportun des divers documents. Comme indiqué, le SCC fournit un soutien administratif aux DEI, et assure la collecte des documents à distribuer. Pour le moment, six postes du SCC sont affectés à ces tâches. Le fait que les employés du SCC collectent les documents demandés par les SGDE ne pose guère problème. Ce qui inquiète, en revanche, c’est l’impact que pourrait avoir le fait que le SCC remplit une fonction de secrétariat sur la perception de l’indépendance des DEI et du conflit d’intérêts qui en découle.

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) stipule que :

37.7 (1) Le Service est tenu de fournir au décideur externe indépendant les renseignements pertinents dont il dispose pour permettre à celui-ci de prendre toute décision au sujet du détenu.

Le problème qui se pose de toute évidence est qu’il n’y existe aucun moyen de définir « les renseignements pertinents dont il dispose pour permettre à celui-ci de prendre toute décision… ». Faute d’accès au Système de gestion des délinquants (SGD) du SCC, les DEI peuvent ne pas avoir connaissance de l’existence de renseignements qui pourraient être pertinents pour leurs activités décisionnelles. Certains DEI se sont dits préoccupés par le fait que cette situation limite leur capacité à vérifier qu’ils ont examiné tous les renseignements pertinents avant de faire une constatation ou de prendre une décision.

Formation des DEI

La formation initiale des DEI consistait en une séance de deux semaines, offerte par le Service correctionnel du Canada (SCC) et Sécurité publique Canada (SPC). Une grande partie du contenu de cette séance de formation que le comité a examiné comprenait des renseignements généraux sur le fonctionnement du SCC. Outre la question de savoir s’il est approprié pour le SCC d’élaborer et de dispenser la formation aux personnes chargées de superviser ses opérations, les membres du comité ont relevé des éléments qu’ils considèrent comme essentiels et qui manquent à la formation initiale, notamment :

Affectations

Les DEI principaux reçoivent de la part du SCC une liste de nouveaux cas, assortie de quelques renseignements qui, pour l’essentiel, se limitent à identifier le prisonnier et à préciser l’article de la loi sur lequel porte l’examen en cours. Les DEI principaux sont alors chargés de l’affectation des cas. Il est à noter que si un DEI en particulier a déjà rendu une décision sur un cas, les examens ultérieurs sont généralement assignés au même DEI pour de nouvelles décisions (si le détenu demeure en continu dans l’UIS). Lorsque le détenu est transféré hors de l’UIS, l’affectation est généralement confiée à un nouveau DEI. Cette mesure permet de garantir que les détenus ne commencent pas à considérer le DEI comme leur « assistant » ou leur « défenseur ». En outre, le fait de faire intervenir des DEI différents contribue à renforcer la perception d’indépendance et d’impartialité des examens. Le comité a appris qu’à l’occasion, un DEI peut se sentir en conflit d’intérêts ou estimer avoir rendu un nombre excessif de décisions sur un dossier spécifique et donc se retirer.

Examens des cas par les DEI

Les deux catégories d’examens les plus fréquemment effectués par les DEI concernent le temps passé en dehors de la cellule (art. 37.83) et la durée du séjour (art. 37.8).

Le DEI commence généralement l’examen de la durée du séjour (art. 37.8) après décision du commissaire sur le transfèrement du détenu conformément à l’article 37.4, qui intervient généralement 60 jours après le transfèrement initial. En règle générale, une décision est rendue dans les 90 jours suivant le début du transfèrement dans l’UIS. Aux termes de la loi, le DEI peut examiner le cas d’un détenu pour différentes questions, de façon simultanée.

Les DEI ont constaté qu’une fois leur décision de faire sortir un détenu d’une UIS est rendue, ils ne reçoivent que peu ou pas de retour d’information sur la manière et la date de sa mise en œuvre. Ils ont également exprimé leur inquiétude quant au manque d’explication fournie si l’ordre de retirer le détenu n’est pas respecté. Bien que le comité ait pris connaissance d’un petit échantillon de décisions anonymisées de DEI et que les DEI principaux aient affirmé au comité être prêts à partager les décisions (une fois les données d’identification supprimées), les décisions des DEI ne sont pas encore rendues systématiquement disponibles pour examen. Cette réticence à partager les décisions est difficile à comprendre étant donné que la LSCMLC et ses Règlements exigent la transparence et la diffusion à des fins de recherche. Plus précisément, l’article 37.77 prévoit ce qui suit :

37.77 Le décideur externe indépendant peut diffuser, conformément aux règlements pris en vertu de l’alinéa 96g.1), notamment en les publiant, les renseignements, à l’exception des renseignements personnels, relatifs à ses décisions.

Le règlement pertinent stipule que :

23.02 Pour l’application de l’article 37.77 de la Loi, le décideur peut publier sur support papier et électronique un échantillonnage représentatif des renseignements relatifs à ses décisions et ces publications sont mises à la disposition des délinquants, des agents et du public.

Le Comité est conscient que l’article 37.74(1) de la LSCMLC semble interdire le partage de renseignements. Toutefois, une lecture complète de l’article (notamment le paragraphe 37.74[2]) réfute cette préoccupation :

37.74 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le décideur externe indépendant est tenu au secret en ce qui concerne les renseignements dont il prend connaissance dans l’exercice des attributions que lui confère la présente loi ou toute autre loi fédérale.

(2) Il peut communiquer les renseignements visés au paragraphe (1) dans le cadre de l’exercice de ces attributions.

Décisions des DEI sur la durée des séjours

Le comité a focalisé son attention sur l’examen de la durée des séjours. Il est important de noter qu’un détenu, au cours de son séjour à l’UIS, peut être soumis à plus d’un examen de durée de séjour si ce séjour est prolongé. Le processus d’examen par les DEI, initié une fois que le détenu a passé 60 jours dans l’UIS, peut durer 30 jours de plus, malgré l’obligation légale que les examens soient effectués dans les délais. Trente jours, c’est le double de la durée pendant laquelle un séjour en « isolement cellulaire » peut être considéré comme « actes de torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » en vertu des Règles Mandela, si le détenu est soumis à des conditions d’isolement cellulaire (Règle 43).

Dans 36 % des cas initialement soumis au DEI, le détenu avait déjà été transféré hors de l’UIS avant qu’une décision puisse être prise, et dans 1,4 % des autres cas, le DEI a déterminé que l’examen serait sans intérêt. Lorsque nous avons examiné les deux résultats les plus évidents du processus de réexamen (c’est-à-dire le maintien ou non dans l’UIS), nous avons constaté que dans 451 des 525 cas, soit 86 %, le DEI a décidé le maintien du détenu en UIS.

Le résultat le plus intéressant de l’examen des décisions est probablement la variabilité qui existe entre les différents DEI. Le tableau 2 fait ressortir cette donnée inattendue – la variabilité significative des décisions prises par les DEI.

Tableau 2 : Décisions de mise en liberté prises par chacun des 14 DEI
Identifiant du DEI Décision du DEI
Le détenu NE devrait PAS demeurer dans l’UIS Le détenu devrait demeurer dans l’UIS Total
1 3 49 52
5,8 % 94,2 % 100,0 %
2 0 57 57
0,0 % 100,0 % 100,0 %
3 21 24 45
46,7 % 53,3 % 100,0 %
4 4 62 66
6,1 % 93,9 % 100,0 %
5 10 33 43
23,3 % 76,7 % 100,0 %
6 9 27 36
25,0 % 75,0 % 100,0 %
7 3 36 39
7,7 % 92,3 % 100,0 %
8 12 16 28
42,9 % 57,1 % 100,0 %
9 3 47 50
6,0 % 94,0 % 100,0 %
10 2 22 24
8,3 % 91,7 % 100,0 %
11 4 55 59
6,8 % 93,2 % 100,0 %
12 0 6 6
0,0 % 100,0 % 100,0 %
13 0 14 14
0,0 % 100,0 % 100,0 %
14 3 3 6
50,0 % 50,0 % 100,0 %
Total 74 451 525
14,1 % 85,9 % 100,0 %

Le tableau 2 montre que le choix du décideur externe indépendant (DEI) pour un cas particulier revêt une grande importance. Plus précisément, si l’on observe les DEI qui ont réalisé plus de 40 examens, on constate que le pourcentage de décisions de « retrait de l’UIS » se situe entre zéro et 46,7 %. En d’autres termes, si l’on confie le cas d’un détenu au DEI no 2, on peut s’attendre à ce que le détenu soit maintenu dans l’unité d’intervention structurée (UIS). Alors que plusieurs DEI ont ordonné le renvoi de moins de 5 % de leurs cas, d’autres ont décidé de libérer plus d’un quart des prisonniers dont ils ont examiné le cas.

Pour savoir ce qui se passe lorsqu’un DEI ordonne qu’une personne soit transférée en dehors de l’UIS, nous avons examiné le sous-ensemble de décisions relatives à des séjours en UIS où il n’y a eu qu’un seul examen.

En partant du principe d’une surveillance externe dotée d’un pouvoir décisionnel, il serait justifié de s’attendre à ce que, lorsqu’un DEI ordonne au SCC de transférer un détenu hors d’une UIS, ce transfert se fasse assez rapidement. Les dispositions en la matière sont définies dans la Directive du commissaire 711 : Unités d’intervention structurée (CD 711)Note de bas de page 32, qui stipulent que le moment du transfert hors de l’UIS dépend de l’endroit où le détenu est transféré :

Cette série de dispositions peut expliquer pourquoi, parfois, des personnes demeurent longtemps à l’UIS après que le DEI ait ordonné leur libération.

Le temps nécessaire pour effectuer le transfèrement est repris dans le tableau 3 :

Tableau 3 : Nombre de jours avant la mise en liberté selon la décision du DEI
Décision du DEI Nombre de jours dans l’UIS (depuis la date à laquelle le dossier a été transféré au DEI jusqu’à la date de sortie de l’unité)
Mise en liberté dans les 30 jours qui suivent le renvoi au DEI Mise en liberté 31 à 40 jours après le renvoi du dossier au DEI Mise en liberté 41 à 60 jours après le renvoi du dossier au DEI Mise en liberté plus de 61 jours après le renvoi du dossier au DEI Total
Décision de retirer le détenu de l’UIS 11 13 9 18 51
21,6 % 25,5 % 17,6 % 35,3 % 100 %
Décision de maintenir le détenu en UIS 21 35 47 10 113
18,6 % 31,0 % 41,6 % 8,8 % 100 %
Aucune décision nécessaire, le transfert étant déjà effectué ou sans effet 218 5 1 1 225
96,9 % 2,2 % 0,4 % 0,4 % 100 %
Total 250 53 57 29 389
64,3 % 13,6 % 14,7 % 7,5 % 100 %

Remarque : séjours – personnes ayant fait l’objet d’un seul examen de la durée de séjour par le DEI. Les délais indiqués dans ce tableau correspondent au délai avant la mise en liberté, à partir de la date de renvoi du cas au DEI.

Les données des tableaux 3 et 4 suggèrent que les examens des DEI semblent être moins efficaces que prévu pour contrôler les longs séjours. Après environ 60 jours, un cas devrait être envoyé au DEI pour examen de la durée du séjour. Néanmoins, il semble que le SCC n’ait pas renvoyé un nombre conséquent de détenus aux fins d’un examen de la durée de séjour, même lorsqu’ils ont passé assez de temps en UIS.

Tableau 4 : Temps passé en UIS et renvoi ou non du cas au DEI
Nombre de jours en UIS Le cas a-t-il été envoyé au DEI pour examen de la durée du séjour?
Non envoyé pour examen Envoyé à au DEI Total
Jusqu’à 65 jours 3 097 57 3 154
98,2 % 1,8 % 100 %
De 66 à 75 jours 63 94 157
40,1 % 59,9 % 100 %
De 76 à 90 jours 59 105 164
36,0 % 64,0 % 100 %
De 91 à 120 jours 66 136 202
32,7 % 67,3 % 100 %
Plus de 121 jours 93 196 289
32,2 % 67,8 % 100 %
Total 3 378 588 3 966
85,2 % 14,8 % 100 %

Remarque : Nous avons utilisé 65-66 comme point de rupture afin d’accorder au SCC le bénéfice du doute sur la manière de calculer les jours.

Nous avons dégagé deux explications possibles pour les résultats des tableaux 3 et 4. Premièrement, il est possible que le SCC ait eu l’intention d’appliquer la décision du DEI, mais qu’il ait attendu un transfèrement intrarégional ou interrégional (c.-à-d. que le détenu devait être transféré dans un autre établissement, mais que le SCC n’a pas été en mesure d’organiser le transfèrement très rapidement). Le Comité a été informé que la pandémie de COVID-19 a contribué aux retards de transfert. Une deuxième hypothèse est que le détenu refusait de quitter l’UIS et que le SCC ne voyait aucune nécessité de recourir à un examen par un DEI. Aucune de ces deux explications ne suffit à justifier pourquoi le SCC n’a pas renvoyé certains cas au DEI pour examen, conformément à la loi.

Les décideurs externes indépendants (DEI) sont censés jouer un rôle important en veillant à ce que les détenus sous garde fédérale soient traités de manière équitable, conformément à la loi. Toutefois, le comité ne peut affirmer avec certitude que le processus d’examen des DEI fonctionne comme prévu. Parmi les préoccupations soulevées, figurent les conditions de nomination, les lacunes dans la formation et l’orientation, la complexité excessive du cadre stratégique et le caractère limité et conflictuel du soutien administratif. En outre, le Groupe a souligné le manque de cohérence dans la formulation des décisions, la rapidité des examens, la grande variation entre les modèles de décisions des DEI et une législation qui laisse place à l’interprétation alors qu’un langage précis est nécessaire.

Exigences opérationnelles et juridiques de l’UIS

Le comité a constaté de grandes variations dans les méthodes de travail entre les établissements et les régions, comme en témoignent les données sur le fonctionnement des UIS. Certains établissements qui réussissent mieux à intégrer les délinquants dans la population générale ont recours à leurs comités de détenus issus de la population générale pour élaborer des plans de sortie en collaboration avec les détenus de l’UIS. Dans d’autres établissements, nous avons constaté la contribution de groupes extérieurs à la mise en place de programmes et d’activités. Cependant, d’autres établissements ne permettent pas aux comités de détenus d’accéder à l’UIS et rien n’indique que des groupes extérieurs y participent. De nombreux établissements ont effectivement associé les aînés autochtones aux activités quotidiennes de l’UIS, notamment à l’élaboration des plans de gestion des cas des détenus. Dans d’autres établissements, il nous a été signalé que les aînés se sentent marginalisés et ne sont pas intégrés à l’équipe.

Comme indiqué plus haut dans ce rapport, il est généralement admis que l’isolement cellulaire a des effets néfastes sur ceux qui en font l’expérience, surtout pour de longues périodes. En même temps, les administrateurs correctionnels soutiennent que certains détenus ont parfois besoin d’une forme d’isolement du reste de la population pénitentiaire. Le personnel et les détenus nous ont également confié que les délinquants les plus vulnérables se sentent plus en sécurité dans l’UIS que parmi la population générale. Plusieurs détenus, en plus de se sentir plus à l’aise dans l’environnement de l’UIS, considèrent celle-ci comme un meilleur endroit pour accéder aux soins de santé, aux programmes et aux services culturels. De nombreux prisonniers ont également émis l’opinion qu’il est plus facile d’obtenir une réévaluation de la cote de sécurité et/ou un transfert à un niveau de sécurité inférieur est plus facile à partir de l’UIS que de la population générale. Ces facteurs ont contribué à faire naître au sein de la population carcérale le sentiment que l’UIS est un bon endroit pour se sentir en sécurité, se reposer et travailler sur son programme correctionnel. En outre, le personnel chargé des programmes a affirmé que les délinquants ayant des besoins en matière de santé mentale sont mieux servis en restant dans l’UIS qu’en retournant dans la population générale en ce qui concerne l’accès et la continuité des programmes et des traitements.

Ce dilemme ne devrait étonner personne. Depuis toujours, une grande partie de la population en isolement y est placée pour sa propre protection. Compte tenu des mesures prises pour remédier aux aspects négatifs de l’isolement, il n’est donc pas du tout surprenant que les détenus en quête de sécurité trouvent refuge à l’unité d’intervention structurée (UIS). En revanche, il est plutôt surprenant que le Service correctionnel du Canada (SCC) ne semble pas, à ce jour, avoir élaboré de stratégies spécifiques pour résoudre ce dilemme.

Le fait que certains détenus préfèrent l’UIS à la population générale n’est qu’un faible éloge des conditions de détention dans ces unités. Certes, de nombreuses ressources ont été ajoutées, mais la majorité des UIS sont situées dans d’anciens quartiers d’isolement préventif. Bien que ces zones aient été fraîchement repeintes, elles sont souvent dépouillées, avec des espaces de bureaux et de programmes exigus, un éclairage naturel insuffisant, et des aires de loisirs intérieures et extérieures limitées, sans oublier les traces de leur histoire récente. Le comité a noté que plusieurs projets destinés à améliorer l’infrastructure de ces unités sont toujours en cours de planification ou de construction alors qu’ils sont en place depuis deux ans et demi.

Lorsque le gouvernement a décidé, en réponse aux jugements de la Cour d’appel, d’amender la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) afin d’abolir la ségrégation et de se conformer, du moins en droit sinon en pratique, aux Règles Mandela, il a été amené à établir ce qui pourrait être considéré comme des objectifs ou des exigences législatives. Il s’agit essentiellement de deux objectifs : premièrement, le recours à l’enfermement dans une cellule en isolement (relatif ou absolu) des autres personnes est censé être utilisé en dernier recours. Deuxièmement, même lorsqu’un détenu subit des conditions d’isolement, l’isolement complet doit être réduit au minimum, voire interdit.

Aujourd’hui, la loi canadienne autorise le recours à l’isolement cellulaire dans les UIS pour trois raisons décrites de façon explicite dans la LSCMLC. La loi interdit le recours aux UIS à des fins de punition et le transfert des détenus dans une UIS à des fins de traitement.

34 (1) L’agent ne peut autoriser le transfèrement d’un détenu dans une unité d’intervention structurée du pénitencier au titre du paragraphe 29.01(1) que s’il est convaincu qu’il n’existe aucune autre solution valable et que s’il a des motifs raisonnables de croire, selon le cas :

  1. que le détenu a agi, tenté d’agir ou à l’intention d’agir d’une manière qui mettrait en danger la sécurité d’une personne ou d’un pénitencier et que la présence de celui-ci au sein de la population carcérale régulière mettrait en danger cette sécurité;
  2. que la présence du détenu au sein de la population carcérale régulière mettrait en danger la sécurité de celui-ci;
  3. que la présence du détenu au sein de la population carcérale régulière nuirait au déroulement d’une enquête pouvant mener à une accusation soit d’infraction criminelle soit d’infraction disciplinaire grave visée au paragraphe 41(2).

En plus des trois fondements possibles du transfèrement dans une UIS (c.-à-d. la sécurité d’autrui, la sécurité du détenu et l’interférence avec une enquête en cours), une autre question essentielle doit être prise en considération, notamment celle relative à la durée du séjour d’une personne dans une UIS. Comme indiqué ci-dessus, si le SCC envisage de placer une personne dans une UIS, cela implique qu’il n’y a « aucune solution valable » autre que l’UIS, et que « l’incarcération dans une unité d’intervention structurée prend fin le plus tôt possible. »Note de bas de page 33 Ces objectifs ne présentent aucune ambiguïté. Implicitement, la loi reprend l’idée que le temps passé dans une UIS n’est pas dans l’intérêt supérieur d’un détenu et doit être utilisé en dernier recours.

Dans les 24 heures qui suivent le transfert d’un détenu vers une UIS, le « dossier du détenu » doit être transmis au service de santé du SCC « pour que soit effectuée une évaluation de la santé mentale du détenuNote de bas de page 34 », et le détenu doit recevoir la visite quotidienne d’un « professionnel de la santé agréé »Note de bas de page 35. En outre, des examens internes (et éventuellement externes) sont effectués à plusieurs reprises. Dans tous les cas, malgré la disposition législative prévoyant une prise de décision indépendante et contraignante, le SCC exerce l’autorité ultime quant aux mesures à prendre, le cas échéant, en réponse aux examens.

Un examen attentif des articles de la LSCMLC relatifs à l’examen montre clairement que c’est seulement après qu’un détenu ait été dans une UIS pendant environ quatre fois la durée spécifiée par les Règles Mandela pour que l’isolement soit considéré comme des actes de torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (c’est-à-dire 60 jours), que le commissaireNote de bas de page 36 détermine si le détenu doit demeurer dans l’UIS (LSCMLC 37.4). Ces facteurs réunis, les détenus devraient être relativement peu nombreux à être transférés dans les UIS, et leur séjour devrait être le plus court possible. Selon la loi, les séjours de courte durée sont donc préférables aux longs séjours. Ce que la loi ne prévoit pas, en revanche, c’est de fixer une limite stricte à la durée d’un séjour. Toutefois, si l’on compare deux régions, dont l’une compte moins de séjours que l’autre et dont les séjours à l’UIS sont également plus courts, il est clair que la région dont les séjours à l’UIS sont moins nombreux et plus courts est plus conforme à la loi.

La deuxième exigence de la loi est que les détenus doivent pouvoir passer quatre heures par jour hors de leur cellule, dont deux avec un contact humain significatif. Il s’agit d’exigences législatives distinctes, mais manifestement liéesNote de bas de page 37. Le problème qui se pose alors est de comprendre pourquoi une personne pourrait refuser l’opportunité qui lui est offerte par le SCC. Il est difficile de comprendre qu’on leur a offert « du temps dans la cour » et que le prisonnier « refuse de passer du temps dans la cour ». En parcourant les rapports du décideur externe indépendant (DEI) (ainsi que les relevés météorologiques locaux), on peut déduire que les prisonniers refusent parfois de passer quatre heures dans la cour en hiver en raison des conditions climatiques défavorables. De même, il est difficile d’évaluer les « deux heures » de « contact » prévues à l’article 36(1)(b), puisque nous ne savons pas, de manière suffisamment détaillée, ce qui a été offert et pourquoi cela a pu ou non être attrayant.

Pour les analyses ci-dessous, nous avons utilisé les propres données du SCC basées sur les séjours effectués au UIS entre le 30 novembre 2019 et le 13 février 2022. (Cependant, afin d’évaluer tous les éléments liés au temps passé dans l’UIS, nous avons retenu une date limite antérieure pour le début du séjour dans l’UIS (fin novembre 2021) de manière à pouvoir déterminer si une personne est restée plus de deux mois (jusqu’à la mi-février 2022, date à laquelle nos données ont été recueillies par le SCC).

Durée de séjour dans l’UIS

Comme le montre le tableau 5, plusieurs séjours en UIS ont duré plus longtemps que le seuil international clé souvent invoqué pour l’isolement cellulaire, à savoir 15 jours. En effet, plus de la moitié des séjours effectués pendant cette période ont duré 16 jours ou plus.

Tableau 5 : Nombre total de jours passés en UIS
Nombre de jours en UIS Fréquence Pourcentage Pourcentage cumulatif
De 1 à 5 752 20,1 20,1
De 6 à 15 874 23,4 43,5
De 16 à 31 606 16,2 59,8
De 32 à 61 636 17,0 76,8
De 62 à 552 866 23,2 100,0
Total 3,734 100,0  

Pour situer ces chiffres dans leur contexte, le comité a étudié les données relatives aux durées antérieures de séjour en isolement préventif. Selon le document 2020 Aperçu statistique : Le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (Sécurité publique Canada, 2022), 72,2 % des transfèrements en isolement préventif en 2019 (avril 2019-novembre 2019) ont duré moins de 30 jours (sur la base de 3216 transfèrements). La version antérieure de ladite Annexe statistique faisait état d’un chiffre comparable pour 2018-2019 [74,7 % (n=5421)]. Par conséquent, environ 72-75 % des séjours en isolement ont duré moins de 30 jours. Il semblerait donc que les séjours qui ont commencé pendant les deux premières années de fonctionnement des UIS aient été, dans l’ensemble, un peu plus longs que ceux effectués dans le cadre de l’isolement préventif. Néanmoins, au fil du temps, la durée de séjour des détenus placés en UIS a varié sans aucune tendance apparente (voir Tableau 6).

Tableau 6 : Durée du séjour du UIS en fonction de sa date de début
Mois au cours duquel le séjour dans l’UIS de la personne a commencé Nombre total de jours passés en UIS, incluant le 13 février 2022
De 1 à 5 De 6 à 15 De 16 à 31 De 32 à 61 De 62 à 552 Total
De novembre 2019 à décembre 2019 36 50 44 74 95 299
12,0 % 16,7 % 14,7 % 24,7 % 31,8 % 100,0 %
De janvier 2020 à mars 2020 137 149 83 84 121 574
23,9 % 26,0 % 14,5 % 14,6 % 21,1 % 100,0 %
De avril 2020 à juin 2020 151 117 87 70 83 508
29,7 % 23,0 % 17,1 % 13,8 % 16,3 % 100,0 %
De juillet 2020 à septembre 2020 121 168 104 94 108 595
20,3 % 28,2 % 17,5 % 15,8 % 18,2 % 100,0 %
De octobre 2020 à décembre 2020 104 102 71 78 120 475
21,9 % 21,5 % 14,9 % 16,4 % 25,3 % 100,0 %
De janvier 2021 à mars 2021 76 127 75 59 105 442
17,2 % 28,7 % 17,0 % 13,3 % 23,8 % 100,0 %
De avril 2021 à juin 2021 52 53 48 70 83 306
17,0 % 17,3 % 15,7 % 22,9 % 27,1 % 100,0 %
De juillet 2021 à septembre 2021 49 63 49 69 80 310
15,8 % 20,3 % 15,8 % 22,3 % 25,8 % 100,0 %
De octobre 2021 à novembre 2021 26 45 45 38 71 225
11,6 % 20,0 % 20,0 % 16,9 % 31,6 % 100,0 %
Total 752 874 606 636 866 3 734
20,1 % 23,4 % 16,2 % 17,0 % 23,2 % 100,0 %

Compte tenu des différences régionales dans les modalités d’utilisation des unités d’intervention structurée (UIS), il semble que chaque région pourrait avoir intérêt à découvrir les pratiques exemplaires (ou, plus exactement, les meilleurs résultats) adoptées dans d’autres régions. Cela dit, ces écarts empêchent de comprendre comment le déclenchement de la pandémie de COVID-19 a provoqué le prolongement des séjours dans les UIS.

Comme indiqué plus haut dans le tableau 1, le nombre de cellules UIS mises en place par capacité nominale de 1 000 dans la région variait considérablement. Le tableau 7 ci-dessous montre également que le nombre de séjours à l’UIS pour 1 000 détenusNote de bas de page 38 dans une région varie considérablement, et les régions ayant tendance à avoir un taux élevé de séjours de courte durée (Atlantique et Québec) ont également tendance à afficher des taux élevés de séjours de longue durée. L’Ontario se distingue par un nombre (et un taux) peu élevé de séjours dans les UIS, aussi bien courts que longs.

Tableau 7 : Taux de séjours de courte et de longue durée dans les UIS par 1 000 détenus dans la région
Région Séjours courts dans les UIS (1 à 15 jours) par 1 000 détenus dans la région Séjours longs dans les UIS (16 jours ou plus) par 1 000 détenus dans la région Nombre total de séjours dans les UIS par 1 000 détenus dans la région
Atlantique 134,8 220,5 355,3
Québec 278,4 197,3 475,7
Ontario 39,8 67,7 107,5
Prairies 74,8 184,3 259,1
Pacifique 144,2 176,9 321,1
Canada 121,1 157,0 278,2

Toutefois, les régions varient non seulement en termes de recours global aux UIS, mais aussi quant à la manière d’utiliser ces cellules. Nous ne disposons d’aucune explication évidente pour justifier cette variation entre les régions Cela dit, lorsque l’objectif est de réduire le nombre de séjours dans les UIS (longs ou courts), il est préoccupant de constater que les variations sont aussi marquées.

Comme le montre le Tableau 8, une fois qu’un détenu est transféré dans une UIS, la région dans laquelle il se trouve constitue un bon indicateur de la durée de son séjour dans l’unité. Les séjours très courts dans l’UIS (c.-à-d. cinq jours ou moins) sont beaucoup plus probables au Québec que dans les Prairies.

Tableau 8 : Durée de séjour dans l’UIS par région
Région de l’UIS Nombre total de jours dans l’UIS, y compris ceux qui sont encore en service
De 1 à 5 De 6 à 15 De 16 à 31 De 32 à 61 De 62 à 552 Total
Atlantique 57 108 67 80 123 435
13,1 % 24,8 % 15,4 % 18,4 % 28,3 % 100,0 %
Québec 403 338 155 148 222 1 266
31,8 % 26,7 % 12,2 % 11,7 % 17,5 % 100,0 %
Ontario 70 77 48 81 121 397  
17,6 % 19,4 % 12,1 % 20,4 % 30,5 % 100,0 %
Prairies 99 192 213 230 274 1 008
9,8 % 19,0 % 21,1 % 22,8 % 27,2 % 100,0 %
Pacifique 123 159 123 97 126 628
19,6 % 25,3 % 19,6 % 15,4 % 20,1 % 100,0 %
Total 752 874 606 636 866 3 734
20,1 % 23,4 % 16,2 % 17,0 % 23,2 % 100,0 %

La durée du séjour varie également en fonction des différences de race ou d’origine ethnique. Les détenus autochtones étaient moins susceptibles que les autres groupes de passer cinq jours ou moins dans l’UIS, une fois transférés là-bas. Cependant, la proportion de séjours de très longue durée (62 jours ou plus) ne semble pas varier beaucoup entre les groupes (voir le tableau A1 en annexe).

Comme indiqué ci-haut, une des préoccupations qui semble sous-tendre les articles de la LSCMLC portant sur la création des UIS est que les longues périodes de séjour dans les UIS sont réputées néfastes pour le détenu. Comme on peut le voir dans le tableau 9, les détenus ayant vu leur santé mentale se détériorer à un moment donné pendant leur séjour dans l’UISNote de bas de page 39 sont beaucoup plus susceptibles d’y rester pendant une période prolongée. Ceux dont la santé mentale n’a pas été affectée pendant leur séjour à l’UIS (c’est-à-dire que la personne n’a pas de besoins de santé mentale reconnu ou a des besoins identifiés mais stables) sont beaucoup plus susceptibles d’être transférés hors de l’UIS dans les 15 jours.

Tableau 9 : Durée du séjour à l’UIS pour les détenus ayant divers problèmes de santé mentale
Groupes ayant des besoins en santé mentale (des 9 groupes ayant des besoins en santé mentale du SCC) Nombre total de jours dans l’UIS, y compris ceux qui sont encore en service
De 1 à 15 jours De 16 à 552 jours Total
Aucun, faible ou certains besoins, ne s’aggravent pas 1 433 1 681 3 114
46,0 % 54,0 % 100,0 %
Besoins élevés, ne s’aggravent pas 158 171 329
48,0 % 52,0 % 100,0 %
Divers besoins en santé mentale, qui s’aggravent 35 256 291
12,0 % 88,0 % 100,0 %
Total 1 626 2 108 3 734
43,5 % 56,5 % 100,0 %

Les détenus autochtones dans les UIS (qui constituent environ 41 % des personnes en séjour étudiés ici) sont plus susceptibles que les autres groupes d’avoir des besoins élevés en matière de santé mentale ou d’être reconnus comme ayant une santé mentale détériorée (voir le tableau A2 en annexe).

Résumé des résultats concernant la durée du séjour dans l’UIS

Temps en dehors de la cellule de l’UIS

Pour diverses raisons évidentes, les longs séjours en UIS suscitent beaucoup plus d’inquiétude que les courts séjours. Certaines juridictions ont imposé des limites à la durée des séjours en isolement ou ont mis en place des procédures d’examen spéciales pour les séjours plus longs.

Un peu plus de la moitié (56 %) des séjours dans les UIS effectués pendant la période couverte par nos données ont duré 16 jours ou plus.

Dans la section qui suit, nous nous pencherons principalement sur les détenus ayant séjourné au moins 16 jours dans les UIS. Les détenus placés en UIS pendant une longue période sont plus susceptibles que ceux placés pendant une courte période (c’est-à-dire ceux dont le séjour en UIS est de 15 jours ou moins) d’obtenir leurs quatre heures en dehors de la cellule du UIS et leurs deux heures de contact humain significatif (voir les tableaux A3 et A4 en annexe).

Obtenir les quatre heures « promises » de sortie de cellule de l’UIS

Néanmoins, durant la période couverte par ces études statistiques (séjours en UIS débutant entre novembre 2019 et novembre 2021), la majorité des détenus placés en UIS pour un long séjour n’ont pas bénéficié de leurs « quatre heures » en dehors de la cellule pendant au moins la moitié de leurs journées. Comme le montre le tableau 10, environ 58 % des détenus de longue durée en UIS n’ont pas bénéficié de leurs quatre heures pendant au moins trois quarts de leurs journées. Le tableau A5 en annexe présente une ventilation plus détaillée. De plus, et c’est probablement le point le plus important, comme le montrent les tableaux A8 et A10 de l’annexe, dans le cas des détenus de longue durée, le refus des détenus ne suffit pas pour justifier le fait que nombre d’entre eux ne bénéficient pas du temps de sortie en cellule prévu par la législation.

Tableau 10 : Pourcentage de jours pendant lesquels les détenus de longue durée n’ont pas réussi à obtenir 4 heures en dehors de leur cellule
  Fréquence Pourcentage Pourcentage cumulatif
0 à 50 % de jours manqués 518 25,0 25,0
51 % à 75 % de journées manquées 351 16,9 42,0
76 % à 100 % de journées manquées 1 202 58,0 100,0
Total 2 071 100,0  

Remarque : Détenus en longs séjours uniquement (16 jours ou plus).

On constate toutefois d’énormes différences entre les régions. Les unités d’intervention structurée (UIS) de la région des Prairies ont mieux réussi à respecter cette exigence législative que les quatre autres régions (voir le tableau 11).

Tableau 11 : Différences régionales dans l’atteinte des « 4 heures en dehors de la cellule » (détenus UIS en long séjour uniquement) Remarque : détenus UIS en long séjour (16 jours et plus) uniquement
Région de l’UIS Pourcentage de jours où les 4 heures hors cellule n’ont pas été atteintes
0 à 50 % de jours manqués 51 % à 75 % de journées manquées 76 % à 100 % de journées manquées Total
Atlantique 33 52 179 264
12,5 % 19,7 % 67,8 % 100,0 %
Québec 26 88 406 520
5,0 % 16,9 % 78,1 % 100,0 %
Ontario 50 71 125 246
20,3 % 28,9 % 50,8 % 100,0 %
Prairies 401 88 213 702
57,1 % 12,5 % 30,3 % 100,0 %
Pacifique 8 52 279 339
2,4 % 15,3 % 82,3 % 100,0 %
Total 518 351 1 202 2 071
25,0 % 16,9 % 58,0 % 100,0 %

Les différences régionales et institutionnelles permettent de mieux comprendre la situation dans chaque UIS. Par exemple, dans ce cas, si environ 57 % des détenus des UIS de la région des Prairies ont profité de leurs quatre heures en dehors de la cellule presque tous les jours (c.-à-d. qu’ils les ont manquées pendant 50 % de jours au maximum), comment se fait-il que seulement 2,4 % des détenus des UIS du Pacifique aient atteint ce résultat?

Plus encourageant encore, le SCC a réussi de mieux en mieux, courant 2021, à faire sortir les détenus de leurs cellules de l’UIS. Ceci est illustré en détail dans le tableau 12, qui répartit en trois groupes les progrès réalisés en ce qui concerne l’obtention des quatre heures de sortie de cellule.

Tableau 12 : Réussite à obtenir quatre heures de sortie de cellule en fonction de la date de début du séjour en UIS (détenus de longue durée uniquement)
Mois au cours duquel le séjour dans l’UIS de la personne a commencé Pourcentage de jours où les 4 heures hors cellule n’ont pas été atteintes
0 à 50 % de journées manquées 51 % à 75 % de journées manquées 76 % à 100 % de journées manquées Total
Novembre 2019 à décembre 2019 33 34 146 213
15,5 % 16,0 % 68,5 % 100,0 %
Janvier 2020 à mars 2020 64 53 162 279
22,9 % 19,0 % 58,1 % 100,0 %
Avril 2020 à juin 2020 55 24 156 235
23,4 % 10,2 % 66,4 % 100,0 %
Juillet 2020 à septembre 2020 79 42 178 299
26,4 % 14,0 % 59,5 % 100,0 %
Octobre 2020 à décembre 2020 26 53 184 263
9,9 % 20,2 % 70,0 % 100,0 %
Janvier 2021 à mars 2021 57 39 139 235
24,3 % 16,6 % 59,1 % 100,0 %
Avril 2021 à juin 2021 73 35 92 200
36,5 % 17,5 % 46,0 % 100,0 %
Juillet 2021 à septembre 2021 67 35 93 195
34,4 % 17,9 % 47,7 % 100,0 %
Octobre 2021 à novembre 2021 64 36 52 152
42,1 % 23,7 % 34,2 % 100,0 %
Total 518 351 1 202 2 071
25,0 % 16,9 % 58,0 % 100,0 %

Remarque : Détenus en longs séjours uniquement (16 jours ou plus).

Les résultats du tableau 12 sont certainement encourageants. 70 % des personnes ayant commencé leur séjour à l’UIS au dernier trimestre de 2020 n’ont pas obtenu les quatre heures de cellule prévues par la loi pendant au moins 76 % des jours de leur séjour à l’UIS. Pour ceux qui ont commencé leur séjour à l’UIS en octobre ou novembre 2021, ce pourcentage a chuté de moitié environ, à 34,2 %.

« S’améliorer », c’est bien, mais cela ne signifie pas pour autant qu’on doit s’arrêter là. Force est de constater que seuls 42,1 % ont manqué la moitié ou moins de leurs quatre heures promises en cellule. Les chiffres (et non les pourcentages) illustrent clairement ce point. Au cours de cette période de forte amélioration, 152 personnes sont entrées dans les UIS et y sont restées au moins 16 jours. 52 d’entre elles ne sont pas sorties de leur cellule pendant au moins trois quarts de leurs journées passées dans l’UIS. Par ailleurs, l’amélioration n’a pas été uniforme dans toutes les régions. L’amélioration constatée à l’échelle nationale semble découler d’une amélioration relativement nette dans deux régions – l’Atlantique et les Prairies – et d’un changement moins constant ou moins favorable dans les autres.

La LSCMLC présente l’exigence des quatre heures comme un « principe absolu » des possibilités offertes à un détenu dans une UIS. Le texte stipule que les détenus doivent avoir la possibilité « de passer au moins quatre heures en dehors de sa cellule » (a.36[1] a). De même, le paragraphe 117 de la Directive du Commissaire 711 : Unités d’intervention structurée (DC711) prévoit que « … tous les efforts raisonnables seront déployés pour offrir aux détenus le plus de temps possible à l’extérieur de leur cellule au-delà de la période minimale de quatre heures… ». Cependant, dans la plupart des cas, le temps moyen passé par le détenu hors de sa cellule est loin d’atteindre les quatre heures « promises ». En d’autres termes, 5,5 % des prisonniers ont bénéficié de leurs quatre heures complètes chaque jour, alors que 69,6 % n’ont passé en moyenne que deux heures ou moins hors de leur cellule (voir le tableau A6 en annexe).

Le SCC est également tenu par la loi de consigner les refus des détenus de sortir de leur cellule, d’autant plus qu’il est dans le meilleur intérêt du SCC de noter tous les refus, quelle qu’en soit la raison. Il est à noter que pour ces prisonniers de longue durée, les refus ne peuvent expliquer le manquement à l’obligation d’accorder quatre heures de sortie de cellule. Comme le montre le tableau 13, environ 70 % des prisonniers de « long séjour » n’ont refusé de sortir qu’une ou deux fois, soit moins de 20 % de leurs journées en UIS.

Tableau 13 : Nombre de refus de sortir de la cellule toute la journée (détenus de long séjour uniquement)
  Fréquence Pourcentage Pourcentage cumulatif
Aucun refus ou une seule fois 730 35,2 35,2
Refus au moins deux fois, représentant jusqu’à 20 % de leurs jours 724 35,0 70,2
Refus au moins deux fois, représentant 20,1 % à 50 % de leurs journées 417 20,1 90,3
Refus au moins deux fois, représentant 50,1 % à 100 % de leurs journées 200 9,7 100,0
Total 2 071 100,0  

Remarque : Détenus en longs séjours uniquement (16 jours ou plus).

Les refus des détenus de quitter leur cellule se sont produits dans toutes les régions et pendant toutes les périodes. Cependant, les différences régionales sont frappantes, les refus étant beaucoup plus fréquents dans certaines régions (Pacifique et Québec) que d’autres. Dans la région des Prairies, les refus étaient relativement rares (voir tableau 14).

Tableau 14 : Variation régionale du taux de refus de sortir de la cellule toute la journée
Région de l’UIS Nombre de refus de quitter la cellule toute la journée
Aucun refus ou une seule fois Refus au moins deux fois, représentant jusqu’à 20 % de leurs jours Refus au moins deux fois, représentant 20,1 % à 50 % de leurs journées Refus au moins deux fois, représentant 50,1 % à 100 % de leurs journées Total
Atlantique 77 114 64 9 264
29,2 % 43,2 % 24,2 % 3,4 % 100,0 %
Québec 88 201 167 64 520
16,9 % 38,7 % 32,1 % 12,3 % 100,0 %
Ontario 103 130 12 1 246
41,9 % 52,8 % 4,9 % 0,4 % 100,0 %
Prairies 437 201 53 11 702
62,3 % 28,6 % 7,5 % 1,6 % 100,0 %
Pacifique 25 78 121 115 339
7,4 % 23,0 % 35,7 % 33,9 % 100,0 %
Total 730 724 417 200 2 071
35,2 % 35,0 % 20,1 % 9,7 % 100,0 %

Remarque : Détenus en longs séjours uniquement (16 jours ou plus).

Conformément aux données sur la capacité à obtenir quatre heures de sortie de cellule, les refus semblent être un peu moins fréquents pour les longs séjours en unité d’intervention structurée (UIS) commençant en 2021 que pour les séjours en UIS commençant en 2019 et 2020 (tableau A7 de l’annexe).

Le fait que certains détenus ne bénéficient pas de quatre heures en dehors de leur cellule ne peut pas être raisonnablement attribué au refus des détenus de sortir. Nous avons étudié les dossiers des 2 071 détenus de longue durée à l’UIS qui n’ont pas obtenu leurs quatre heures de sortie de cellule pendant une grande partie (51 % ou plus) de leurs journées en UIS (tableau A8 en annexe). Plusieurs d’entre eux ont refusé de quitter leur cellule au moins un jour. Pourtant, pour 1 335 de ces détenus de longue durée, soit 64 % de ce groupe, les refus ne peuvent expliquer l’impossibilité d’atteindre les quatre heures de sortie de cellule.

Deux heures de contact humain significatif.

Les résultats concernant le « temps passé en dehors de la cellule » se reflètent, pour la plupart, dans les données relatives aux « deux heures de contact humain significatif ». Comme il ressort du tableau 15, environ trois quarts des détenus de longue durée n’obtiennent pas assez souvent deux heures de contact humain significatif (plus de 21 % de leurs journées).

Tableau 15 : Pourcentage de jours où les 2 heures hors cellule n’ont pas été atteintes
  Fréquence Pourcentage Pourcentage cumulatif
0 à 20 % de journées manquées 502 24,2 24,2
21 % à 75 % de journées manquées 1,035 50,0 74,2
76 % à 100 % de journées manquées 534 25,8 100,0
Total 2 071 100,0  

Remarque : Détenus en longs séjours uniquement (16 jours ou plus).

Le tableau 16 montre que la plus grande réussite a été enregistrée dans la région des Prairies, tandis que les régions du Québec et du Pacifique ont le moins bien réussi à offrir deux heures d’interaction humaine significative aux détenus de longue durée en UIS (tel que constaté après examen des résultats du temps en dehors de la cellule). La variation entre les régions est, une fois de plus, spectaculaire.

Tableau 16 : Variation régionale du pourcentage de journées où les 2 heures de contact humain significatif en dehors de la cellule n’ont pas été atteintes
Région de l’UIS Pourcentage de jours où les 2 heures hors cellule n’ont pas été atteintes
0 à 20 % de journées manquées 21 % à 75 % de journées manquées 76 % à 100 % de journées manquées Total
Atlantique 45 168 51 264
17,0 % 63,6 % 19,3 % 100,0 %
Québec 53 273 194 520
10,2 % 52,5 % 37,3 % 100,0 %
Ontario 55 143 48 246
22,4 % 58,1 % 19,5 % 100,0 %
Prairies 329 252 121 702
46,9 % 35,9 % 17,2 % 100,0 %
Pacifique 20 199 120 339
5,9 % 58,7 % 35,4 % 100,0 %
Total 502 1 035 534 2 071
24,2 % 50,0 % 25,8 % 100,0 %

Remarque : Détenus en longs séjours uniquement (16 jours ou plus).

Comparativement aux séjours effectués en UIS entre novembre 2019 et mars 2021, le SCC a mieux réussi, pour la période commençant vers avril 2021, à offrir aux détenus deux heures de contacts humains significatifs (voir le tableau 17). Ce résultat se rapproche de la mesure plus globale (quatre heures en dehors de la cellule) décrite précédemment. Le SCC a laissé entendre au comité que ces chiffres améliorés pourraient être attribuables à une meilleure documentation, et non à des changements dans les pratiques de fonctionnement.

Les nouvelles mesures examinées par le Comité sont entrées en vigueur à la fin de 2021 et ne permettent donc pas de comprendre les deux premières années de fonctionnement des UIS. Notre conclusion est simple : ces mesures sont peut-être plus efficaces que les mesures initiales pour les besoins de la redevabilité au sein du SCC. Toutefois, l’idée qu’elles donnent des UIS ne diffère pas beaucoup des mesures que nous avons utilisées pour examiner les UIS depuis leur ouverture. Les nouvelles mesures sont présentées à l’annexe II du présent rapport.

Tableau 17 : Évolution dans le temps du pourcentage de jours où les 2 heures de sortie de cellule n’ont pas été atteintes
Mois au cours duquel le séjour du détenu en UIS a commencé Pourcentage de jours où les 2 heures hors cellule n’ont pas été atteintes
0 à 20 % de journées manquées 21 % à 75 % de journées manquées 76 % à 100 % de journées manquées Total
Novembre 2019 à décembre 2019 36 128 49 213
16,9 % 60,1 % 23,0 % 100,0 %
Janvier 2020 à mars 2020 67 141 71 279
24,0 % 50,5 % 25,4 % 100,0 %
Avril 2020 à juin 2020 53 112 70 235
22,6 % 47,7 % 29,8 % 100,0 %
Juillet 2020 à septembre 2020 60 152 87 299
20,1 % 50,8 % 29,1 % 100,0 %
Octobre 2020 à décembre 2020 34 150 79 263
12,9 % 57,0 % 30,0 % 100,0 %
Janvier 2021 à mars 2021 61 94 80 235
26,0 % 40,0 % 34,0 % 100,0 %
Avril 2021 à juin 2021 68 95 37 200
34,0 % 47,5 % 18,5 % 100,0 %
Juillet 2021 à septembre 2021 63 86 46 195
32,3 % 44,1 % 23,6 % 100,0 %
Octobre 2021 à novembre 2021 60 77 15 152
39,5 % 50,7 % 9,9 % 100,0 %
Total 502 1 035 534 2 071
24,2 % 50,0 % 25,8 % 100,0 %

Remarque : Détenus en longs séjours uniquement (16 jours ou plus).

Vu le nombre non négligeable des cas de refus de passer deux heures hors de la cellule pour un contact humain significatif, la situation devient préoccupante (voir le tableau A9 en annexe).

Cependant, les refus ne signifient pas que tous les prisonniers ne parviennent pas à obtenir deux heures de contact humain significatif par jour. En effet, nous estimons (voir Tableau A10 en annexe) que pour 1 091 des 2 071 (53 % des détenus de longue durée à l’UIS), les refus n’expliquent pas l’échec à obtenir les deux heures promises de contact humain significatif.

Résumé des constats concernant le temps passé en dehors de la cellule (quatre heures et deux heures de contact significatif)

Selon les données recueillies, nous avons abouti à une série de conclusions interdépendantes :

L’expérience prometteuse de l’Établissement de Millhaven (ÉM)

Lors d’une visite de l’ÉM en juin 2022, les membres du comité ont rencontré le directeur de l’établissement, qui était enthousiaste à l’idée de discuter d’un nouveau projet destiné à améliorer les services offerts aux détenus placés en UIS. Le projet est une initiative locale lancée par l’ÉM et le programme Community and Justice Services (CJS) du Loyalist College. Ce programme collégial de deux ans vise à contribuer à la sécurité des communautés en aidant les personnes à risque ou ayant des démêlés avec le système de justice pénale à acquérir les compétences et le soutien dont elles ont besoin pour faire des choix de vie positifs.

Le directeur de l’établissement (un diplômé du Loyalist College) a contacté le coordinateur du programme CJS du Loyalist College afin de déterminer le rôle que pourraient jouer les étudiants dans la conception et la réalisation d’activités pour les prisonniers transférés à l’UIS. En dépit des difficultés liées à COVID-19 et au calendrier institutionnel, un projet pilote a été lancé avec succès. Dans le cadre de ce projet, les étudiants ont identifié des « activités » (à ne pas confondre avec les « programmes ») réalisables à proposer aux détenus placés en UIS, lesquels pourraient obtenir des micro-crédits (un certificat) pour leur participation. Les deux activités proposées au cours des mois d’hiver 2021/22 étaient « Créations et artisanat autochtones » (proposées en collaboration avec l’aîné et l’agent de liaison autochtone de l’établissement) et « Compétences professionnelles » (compétences informatiques, notamment l’utilisation d’Excel et de Word). Trois détenus ont obtenu des certificats pour leur participation.

Dans le but d’inclure un plus grand nombre de détenus et de membres du personnel de l’UIS, le projet devrait être élargi cet automne (2022). Cette initiative est en cours d’étude pour être étendue à la population générale ainsi qu’à d’autres établissements. Comme l’a expliqué le directeur de l’établissement, l’extension de ce projet à la population générale pourrait faciliter la transition en dehors de l’UIS pour les prisonniers qui refusent de passer du temps à l’extérieur, et son application à d’autres établissements pourrait faciliter l’adaptation post-transfert. Ce projet peut se révéler bénéfique pour les prisonniers placés dans l’UIS, pour les établissements qui peinent à proposer suffisamment d’activités et d’interactions significatives avec les prisonniers, pour les étudiants qui y gagnent une expérience précieuse, et pour les services correctionnels en général compte tenu de la transparence accrue que procure la présence de membres de la communauté à l’intérieur des murs de la prison. En ce moment, le directeur de l’établissement et le directeur du programme CJS sont en train de discuter et de mettre en commun leurs ressources avec un professeur d’université qui coordonne un programme de stage similaire dans la région de l’Atlantique.

Préoccupations particulières

Santé mentale

Les problèmes, troubles, maladies et besoins en matière de santé mentale ont toujours été considérablement plus fréquents dans les populations correctionnelles que dans la population générale non carcérale. Selon une étude du SCC réalisée par Beaudette et coll. (2015), sur une population de plus de 1 000 détenus masculins nouvellement admis, 73 % répondaient aux critères liés au moins à un trouble mental; et plus de la moitié répondaient aux critères d’un trouble mental majeur à vie, autre que les troubles liés à la consommation de substances et le trouble de la personnalité antisociale, comme les troubles de l’anxiété et de l’humeur (46,4 %). Une autre étude du SCC, réalisée par Brown et coll. (2018), a révélé que 79,2 % des femmes détenues au moment de l’étude présentaient des critères de trouble mental; et que ce taux se chiffrait à 95,6 % chez les femmes autochtones. Les troubles les plus courants comprenaient les troubles de la personnalité (82,7 %), la consommation de substances (76 %), l’anxiété (54,2 %) et l’humeur (22,1 %).

Pour compliquer davantage la situation, les taux élevés de comorbidité (troubles concomitants), peuvent atteindre 30 % ou plus dans toute population.En comparaison, environ 20 % des Canadiens sont confrontés à une maladie mentale au cours d’une année donnée, et jusqu’à 50 % à l’âge de 40 ans. Il convient de souligner que seulement 6 % des dépenses de santé publique sont consacrées à la santé mentale. Il est difficile de déterminer la proportion des dépenses de santé du SCC consacrée spécifiquement à la santé mentale, mais selon un rapport de 2017, environ 11 % des dépenses totales directes des programmes du SCC en 2014-2015 ont été affectées à trois domaines : les services cliniques, publics et de santé mentale.

Les détenus aux prises avec des problèmes de santé mentale sont, de manière disproportionnée, plus exposés au risque d’isolement que ceux qui ne souffrent d’aucune maladie mentale. Les recherches montrent que dans les environnements correctionnels, l’isolement constitue une réponse courante aux problèmes de santé mentale, qui se manifestent par des comportements et des désordres cognitif agressifs, perturbateurs et autodestructeurs (par exemple, des idées suicidaires). Ces manifestations/symptômes correspondent en fait aux principaux critères justifiant le transfert vers une UIS : risques pour la sécurité personnelle, risques pour les autres ou risques pour la sécurité de l’établissement.

Comme il ressort du tableau 18, le SCC lui-même a signalé qu’une grande partie des personnes admises dans les UIS étaient confrontées à des problèmes de santé mentale. Les femmes et les détenus autochtones placés dans une UIS risquent tout particulièrement d’être reconnus par le SCC comme ayant des problèmes de santé mentale (voir tableaux A11 et A12 en annexe).

Comme évoqué, les transferts vers une UIS sont motivés par trois facteurs. Dans chaque groupe, le SCC a identifié une grande partie des détenus comme ayant des besoins en matière de santé mentale (voir le tableau A13 en annexe).

Les détenus ayant séjourné à plusieurs reprises dans des UIS entre le 30 novembre 2019 et le 13 février 2022 étaient nettement plus susceptibles d’être reconnus (au début d’un ou plusieurs de ces séjours) comme ayant des besoins en matière de santé mentale. Comme le montre le tableau 18, le SCC a constaté que 55 % des personnes ayant effectué cinq séjours ou plus dans une UIS au cours de cette période de 26 mois étaient confrontées à des problèmes de santé mentale. En revanche, 24,4 % « seulement » des personnes placées une fois dans une UIS au cours de cette période ont été identifiées comme ayant des besoins en matière de santé mentale.

Tableau 18 : Risque de signalement d’un besoin en santé mentale par rapport au nombre de transferts vers une UIS (du 30 novembre 2019 au 13 février 2022)
Nombre de séjours en UIS Des signes ont-ils été relevés, lors d’un séjour à l’UIS, indiquant que le détenu avait des besoins en matière de santé mentale?
Non Oui Total
Un 779 251 1 030
75,6 % 24,4 % 100 %
Deux 277 126 403
68,7 % 31,3 % 100 %
Trois 124 87 211
58,8 % 41,2 % 100 %
Quatre 67 48 115
58,3 % 41,7 % 100 %
Cinq ou plus 72 89 161
44,7 % 55,3 % 100 %
Total 1 319 601 1 920
68,7 % 31,3 % 100 %

Les personnes reconnues par le SCC comme ayant des problèmes de santé mentale et ayant séjourné plusieurs fois dans une UIS sont plus susceptibles d’être transférées dans une autre UIS de différentes régions (37,4 % contre « seulement » 30,4 % des personnes non reconnues par le SCC comme ayant des problèmes de santé mentale). (Voir le tableau A14 en annexe). Ces détenus peuvent être plus difficiles à gérer. La stratégie consistant à déplacer les prisonniers vers une autre UIS dans une autre région rappelle les pratiques abusives de ségrégation qui avaient abouti au déplacement fréquent de prisonniers difficiles à gérer à travers le pays.

Difficile de comprendre comment les besoins des personnes reconnues par le Service correctionnel du Canada (SCC) comme ayant des problèmes de santé mentale peuvent être satisfaits lors de multiples séjours courts à l’unité d’intervention structurée (UIS), surtout si, entre ces séjours, ces personnes sont déplacées d’un établissement à l’autre et d’une région à l’autre. Cette situation ne nous semble pas propice à la mise en place de relations thérapeutiques positives ni être un moyen efficace de fournir aux détenus une certaine stabilité dans leur vie.

Les détenus ayant des besoins identifiés en matière de santé mentale étaient légèrement (mais de manière statistiquement significative) plus susceptibles de passer des séjours relativement longs dans les UIS (tableau A15 en annexe).

Le SCC a fourni au Comité un indicateur détaillé pour mesurer la santé mentale des personnes dans les UIS. En substance, cet indicateur divise les personnes en groupes ayant des besoins faibles, moyens et élevés et permet de vérifier si leurs problèmes de santé mentale sont stables, s’aggravent ou s’améliorent. Le groupe le plus préoccupant, évidemment, est celui dont l’état de santé mentale est, selon le SCC, considéré en détérioration. Ces personnes se sont avérées être les plus susceptibles de passer de longs séjours dans les UIS. Ces résultats sont d’autant plus importants que la séparation des autres entraîne une détresse psychologique extrêmement élevée et que plus les niveaux d’isolement sont élevés, plus le taux de suicide augmente.

Comprendre l’impact des UIS sur la santé mentale des détenus nécessite beaucoup plus de données que celles dont dispose actuellement le Comité. Le SCC souligne que les transfèrements en UIS constituent une mesure temporaire destinée à aider les détenus à adopter des comportements plus positifs, mais comme le montre le Tableau 18, les problèmes de santé mentale et les séjours multiples en UIS sont tous les deux reliés. De plus, les détenus ayant des problèmes de santé mentale et ayant effectué plusieurs séjours dans des UIS sont plus susceptibles d’être déplacés dans deux régions ou plus (tableau A24 de l’annexe). Selon les circonstances, le fait de s’isoler de la population générale peut à court terme contribuer à atténuer les symptômes de détresse psychologique, à renforcer le sentiment de sécurité et à réduire l’exposition aux déclencheurs environnementaux et interpersonnels. Par contre, à plus long terme, l’isolement peut exacerber les problèmes de santé mentale existants (p. ex., la mauvaise humeur), contribuer à l’apparition de nouveaux problèmes (p. ex., l’anxiété sociale) et mener à la stigmatisation.

Cela remet en question le fondement de l’affirmation du SCC selon laquelle « Les UIS servent à aider les détenus et à leur offrir, de façon continue, la possibilité de participer à des interventions et à des programmes en vue de favoriser leur réintégration en toute sécurité dans une population carcérale régulièreNote de bas de page 40. » À ce stade, le Comité ne dispose pas d’informations suffisantes pour évaluer si les UIS revêtent un caractère thérapeutique ou contre-thérapeutique pour les détenus ayant des problèmes de santé mentale. Ainsi, nous ne disposons pas de données adéquates sur les raisons spécifiques du transfèrement dans une UIS, sur l’adéquation entre ces raisons et les symptômes de santé mentale (voir référence au BEC, 2015 ci-dessous), sur les profils des symptômes et des troubles spécifiques aux détenus des UIS, sur les alternatives aux UIS, y compris les transferts intrarégionaux et interrégionaux et la création de sous-populations (voir référence au CSC, 2016 ci-dessous), sur les alternatives aux UIS en dehors des établissements à sécurité maximale, sur l’impact du transfèrement dans une UIS sur l’accès aux interventions et aux programmes et sur les résultats obtenus.

Selon un rapport publié en 2015 par le Bureau de l’enquêteur correctionnel (BEC)Note de bas de page 41 sur les tendances sur 10 ans en matière d’isolement préventif, les détenus connaissant les « problèmes » suivants (dont beaucoup, sinon tous, sont liés à la santé mentale) sont beaucoup plus susceptibles, par rapport aux autres, d’être placés en isolement : problèmes de comportement (68. 6 % contre 44,9 %); problèmes de cognition (68,8 % contre 45,3 %); besoins d’intervention (64,9 % contre 47,5 %); problèmes de santé mentale (63,2 % contre 48,0 %); problèmes de capacité mentale (61,6 % contre 47,8 %); et problèmes de conduite sexuelle (54,0 % contre 48,0 %). Il est à noter que les détenus ayant des antécédents d’isolement présentent, par rapport aux autres, un risque élevé (75,5 % contre 45,5 %) ou des besoins importants (74,4 % contre 47,5 %), une faible motivation (27,2 % contre 11,2 %), un mince potentiel de réintégration (62,3 % contre 24,5 %) ou un manque de responsabilisation (30,3 % contre 17,9 %). Le rapport 2016 du SCC indique que le nombre de prisonniers en isolement préventif a été réduit de 474 en novembre 2015 à 360 en août 2016. Cette baisse est due en grande partie à deux stratégies, à savoir les transferts interrégionaux et la création de sous-populations supplémentaires de détenus jugés inadaptés à l’hébergement dans la population générale. Aucune de ces stratégies n’est recommandée pour les UIS et il importe de déterminer leur fréquence d’utilisation pour gérer les cas des UIS.

Les soins de santé mentale dans les établissements correctionnels ont longtemps été affectés par le manque de personnel et les taux de roulement élevés. Dans un rapport de la Commission de la santé mentale du Canada (CSMC) (2017), les taux de vacance dans les établissements correctionnels fédéraux et provinciaux oscillaient autour de 8,5 % et pouvaient atteindre 30 % pour des rôles spécifiques, comme les psychologues. Le manque de ressources pour les soins intermédiaires et spécialisés entraîne une surcharge des soins primaires. Les centres de traitement régionaux, qui fournissent des soins tertiaires, ont une capacité limitée. Alors que certains problèmes de santé mentale (consommation de substances, problèmes d’adaptation) sont pris en charge, d’autres ne sont pas suffisamment détectés (p. ex., les troubles du développement neurologique comme le spectre de l’autisme et le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), traités (p. ex., les troubles liés aux traumatismes et au stress) ou diagnostiqués (p. ex., les troubles obsessionnels compulsifs et autres troubles connexes). Les manifestations symptomatiques qui exigent une attention plus immédiate (comme la dysrégulation émotionnelle et les comportements oppositionnels, provocateurs et d’automutilation) peuvent conduire à un placement en UIS. Reste à déterminer si les UIS constituent la meilleure option pour les détenus ayant des problèmes de santé mentale à court ou à long terme. Comme nous l’avons mentionné, étant donné que la prévalence des problèmes de santé mentale dépasse 70 % chez les hommes et les femmes, il est tout à fait évident que le SCC se trouve dans l’obligation de relever ce défi. La configuration actuelle des UIS – espace limité pour les traitements et les consultations privées, cellules ne répondant pas à la demande, situées pour la plupart dans des prisons de haute sécurité, physiquement aversives et austères, manque de personnel de santé dédié – les rend inadaptées à cette tâche.

Détenus autochtones

Pour aborder la situation de la population autochtone au sein des UIS, nous avons résumé dans le tableau 19 certains faits concernant la population carcérale autochtone du Canada. Ce tableau met en évidence la surreprésentation alarmante des peuples autochtones dans les pénitenciers du Canada. Alors que les autochtones représentent environ 4,2 % de la population adulte du Canada, nous constatons que les hommes et les femmes autochtones sont généralement surreprésentés dans les populations carcérales, et plus particulièrement au sein des UIS. Le 13 février 2022, le pourcentage de prisonniers autochtones dans les établissements du SCC se montait à 32,4 % et, pour la première fois, les femmes autochtones comptaient pour près de la moitié de la population carcérale féminine fédérale. À cette même date, environ 48 % de la population masculine des UIS était d’origine autochtone.

Le seul constat le plus frappant réside dans le fait que, alors que les femmes autochtones représentent environ 4,2 % de la population féminine du Canada, 75,8 % des femmes ayant séjourné dans des UIS depuis l’ouverture de ces dernières en novembre 2019 sont des femmes autochtones.

Tableau 19 : Proportion des autochtones dans les pénitenciers et les UIS du Canada
Homme Femme Total
Proportion de la population autochtone dans la population canadienne adulte 4,2 % 4,2 % 4,2 %
Population carcérale, 13 février 2022 – en nombre 11 608 574 12 182
Population carcérale 13 février 2022 – en pourcentage 95,3 % 4,7 % 100 %
Population carcérale autochtone au 13 février 2022 3 665 282 3 947
Pourcentage de la population carcérale autochtone au 13 février 2022 31,6 % 49,1 % 32,4 %
Population de l’UIS ce jour-là 164 -- 164
Nombre de détenus autochtones dans les UIS ce jour-là 79 -- 79
Pourcentage de détenus autochtones dans les UIS ce jour-là 48,2 % -- 48,2 %
Séjours-personne dans les UIS jusqu’au 13 février 2022, y compris les Autochtones 39,8 % 75,8 % 41,1 %

Des variations existent entre les régions du SCC, reflétant vraisemblablement, du moins en partie, la population non incarcérée de la région. La population carcérale du Québec était composée à 15,6 % d’autochtones, contre 55,7 % dans la région des Prairies. La région du Pacifique suit de près la région des Prairies, avec une population carcérale autochtone de 39,3 %.

La question de la surreprésentation des autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux a fait l’objet de plusieurs groupes de travail, enquêtes et commissions royales depuis le début des années 1980 et, malgré les efforts des gouvernements et les interventions des tribunaux, le pourcentage des autochtones dans les établissements correctionnels fédéraux n’a cessé d’augmenter. La surreprésentation des autochtones dans les établissements pénitentiaires fédéraux a été invoquée, tant au niveau national qu’international, pour remettre en question l’engagement du Canada en matière de droits de la personne. Plus la surreprésentation augmente, plus la réputation du Canada à cet égard décline.

Pour ce qui est des UIS, les Prairies ont recensé, en février 2022, un taux de 67,2 % d’autochtones parmi tous les détenus des UIS, suivies de près par la région du Pacifique avec 54,5 %. Il convient de noter qu’en février 2022, la proportion de détenus autochtones placés en UIS était, dans toutes les régions du Canada, supérieure à la proportion d’autochtones dans la population carcérale générale du SCC.

Tableau 20 : Recensement des pénitenciers au 13 février 2022
Région Pourcentage global des autochtones dans les établissements du CSC de la région Pourcentage des autochtones dans les UIS de la région
Atlantique 20,8 % 40,0 %
Québec 15,6 % 26,5 %
Ontario 19,5 % 26,3 %
Prairies 55,7 % 67,2 %
Pacifique 39,3 % 54,5 %
Canada 32,4 % 48,2 %

Le pourcentage de détenus autochtones placés dans les UIS et présentant un indicateur de santé mentale est de 37,6 %, soit une proportion plus élevée par rapport aux trois autres groupes raciaux de détenus (blancs, noirs et autres/mixtes) placés dans les UIS (voir le tableau A16 en annexe).

Pour les détenus autochtones et non autochtones, la durée du séjour dans une unité d’intervention structurée (UIS) est considérablement plus longue dans certains établissements que dans d’autres. Dans tout le Canada, un peu plus de la moitié (56,5 %) des séjours en UIS sont « longs » (16 jours ou plus). Dans l’ensemble, toutes institutions confondues, les détenus autochtones sont plus susceptibles de passer de longs séjours en UIS (62,0 % des séjours durent au moins 16 jours) que les détenus non autochtones (52,6 %).

Les variations sont remarquables aussi bien entre les établissements qu’entre les régions, comme le montre le tableau 21. On observe, par exemple, d’importantes différences régionales en ce qui concerne la possibilité pour les détenus autochtones de sortir de leur cellule pendant les quatre heures quotidiennes requises. À Stony Mountain et à Bowden, la grande majorité des détenus autochtones de longue durée ne manquent que rarement ou jamais leurs quatre heures de sortie de cellule pendant la plupart de leurs journées passées dans les UIS. En revanche, dans les établissements pénitentiaires de Saskatchewan, Edmonton et Kent, ainsi que partout ailleurs, le SCC est beaucoup moins susceptible de réussir à atteindre cet objectif essentiel des UIS.

Tableau 21 : Atteinte des 4 heures de sortie de celluleNote de bas de page 42 de long séjour (16 jours et plus) uniquement pour les détenus autochtones en UIS
UIS Emplacement Pourcentage de jours où les 4 heures hors cellule n’ont pas été atteintes
0 % à 50 % de journées manquées 51 % à 100 % de journées manquées Total
Pénitencier de la Saskatchewan 30 87 117
25,6 % 74,4 % 100 %
Edmonton 15 64 79
19,0 % 81,0 % 100 %
Centre de détention pour femmes d’Edmonton 8 11 19
42,1 % 57,9 % 100 %
Stony Mountain 193 17 210
91.9% 8.1% 100%
Bowden 37 1 38
97,4 % 2,6 % 100 %
Kent 4 163 167
2,4 % 97,6 % 100 %
Toutes les autres UIS 35 271 306
11,4 % 88,6 % 100 %
Total 322 614 936
34,4 % 65,6 % 100 %

En examinant les données équivalentes pour les prisonniers non autochtones, le schéma s’avère à peu près le même (voir le tableau A17 en annexe).

Le personnel du SCC et les détenus ont déclaré aux membres du Comité que les UIS des pénitenciers de Bowden et de Stony Mountain étaient « spéciales » dans le bon sens du terme. Le tableau 21 suggère que l’expérience des prisonniers ayant effectué un long séjour à l’UIS de Stony et de Bowden est en fait différente de celle des prisonniers ayant effectué un long séjour à une autre UIS. À Stony et Bowden, les détenus sortent généralement de leur cellule assez souvent; ce qui n’est pas le cas ailleurs.

Il existe plusieurs raisons pour lesquelles un détenu autochtone (ou autre) refuse de sortir de sa cellule pendant les quatre heures prescrites par la loi. Lors des entretiens, les prisonniers ont déclaré que parfois, il ne leur était pas proposé de sortir de leur cellule ou qu’ils n’en profitaient pas à cause de la météo, de l’heure de la journée, parce que ce qui leur était proposé ne les intéressait pas ou parce qu’ils voulaient un temps libre loin du personnel et des autres prisonniers. En vertu de la loi et des lignes directrices, il incombe au SCC de fournir des possibilités intéressantes aux détenus afin de les encourager à sortir de leur cellule. Par conséquent, le fait qu’une personne ne sorte pas de sa cellule ne devrait pas être attribué uniquement au détenu.

Le SCC est tenu de transférer tous les prisonniers hors des UIS le plus tôt possible. Cependant, de nombreux détenus autochtones interrogés à ce jour dans les UIS préfèrent y rester. Comme l’a fait remarquer un décideur externe indépendant (DEI), la sécurité personnelle du prisonnier est perçue comme une raison majeure de son refus de sortir. Parmi les autres raisons, citons le fait que les détenus aient pu développer une bonne relation avec le personnel de l’UIS, qu’ils aient pu passer plus de temps hors de leur cellule et qu’ils aient reçu plus d’attention de la part du personnel non correctionnel qu’ailleurs. Les prisonniers se rendent également compte de la pression que subit le personnel correctionnel pour se conformer à la législation, ce qui leur donne un certain pouvoir de négociation, car le SCC veut maintenir le nombre de détenus de l’UIS à un niveau bas.

Les membres de gangs rivaux sont souvent présents dans les établissements fédéraux, en particulier dans les régions des Prairies et du Pacifique. Appartenir à l’un des gangs, être un membre associé ou même simplement s’associer à un membre d’un gang, peut entraîner des violences entre gangs. En conséquence, le placement volontaire dans une UIS constitue l’option privilégiée pour de nombreux prisonniers autochtones impliqués dans des gangs et ne pouvant s’intégrer dans la population générale. Plusieurs détenus interrogés ont reconnu qu’ils faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour être transférés dans une UIS.

Une fois placés dans une UIS, certains prisonniers autochtones essaient d’y rester le plus longtemps possible pour leur sécurité personnelle et pour avoir accès aux programmes et autres activités. Les prisonniers évoquent souvent ce qu’ils estiment être les seules raisons acceptables pour quitter une UIS. Parmi ces raisons, les principales sont les suivantes : (a) rester dans une UIS jusqu’à ce qu’ils puissent passer de la sécurité maximale à la sécurité moyenne, (b) rester jusqu’à leur date d’admissibilité à la libération conditionnelle, ou (c) rester jusqu’à ce qu’ils puissent être transférés dans un établissement à l’extérieur de la région où leur appartenance à un gang ne serait pas connue ou où ils ne seraient pas confrontés à des conflits avec des gangs rivaux.

Les Aînés sont reconnus comme faisant partie intégrante du parcours de guérison d’un détenu autochtone et lui offrent la possibilité de participer à des cérémonies, de recevoir des conseils spirituels et des conseils personnalisés. Bien que les membres du comité n’aient jusqu’à présent consulté qu’un petit nombre d’aînés, les préoccupations soulevées par ces derniers sont généralement similaires. Nombre d’entre eux estiment qu’ils ne disposent pas de suffisamment de temps pour faire le travail avec les détenus et qu’il faudrait embaucher davantage d’aînés. Les contrats actuellement conclus avec les aînés autochtones durent d’un an à plusieurs années.

Les programmes destinés aux détenus autochtones, tant au sein de l’UIS qu’ailleurs dans l’établissement, sont couverts par l’article 80 de la LSCMLSC, qui stipule que « le Service doit offrir des programmes adaptés aux besoins des délinquants autochtones ». Il ressort de cette loi que les services des aînés ne doivent pas être le seul soutien aux détenus autochtones. Ces derniers doivent en fait faire partie d’une stratégie plus large visant à les aider à mener à bien leur plan correctionnel.

La Directive du commissaire 702 : Délinquants autochtones (DC 702)Note de bas de page 43 stipule spécifiquement que les Aînés doivent faire partie de l’équipe de gestion des cas, disposer d’installations adéquates pour la prestation de services spirituels confidentiels et veiller à ce que le rapport sur les antécédents sociaux des autochtones (ASA) du détenu soit pris en compte dans les processus décisionnels, y compris son placement dans l’UIS et son retrait de celle-ci. Ces exigences ne semblent pas être couramment respectées, hormis peut-être dans l’espace culturel de l’UIS à Stony Mountain. Les aînés interrogés nous ont confié qu’ils étaient informés des décisions prises par le conseil des directeurs d’établissement concernant les placements et les transferts, mais qu’ils n’étaient pas spécifiquement impliqués dans la prise de décision. De même, ils ne prenaient pas part à la gestion des cas de manière significative, bien qu’ils aient travaillé avec les détenus sur des plans de guérison individuels.

La DC 702 précise en outre que les ASA doivent être pris en compte dans toutes les décisions relatives au transfèrement d’un détenu autochtone. Si certaines décisions des décideurs externes indépendants (DEI) ont tenu compte des rapports des aînés, seuls deux cas examinés par le Comité jusqu’à présent ont permis d’établir que les ASA figuraient parmi les documents soumis aux DEI par le SCC. Le Comité a demandé des preuves de conformité à cet article de la DC 702, mais n’en a pas encore reçu.

Pour accomplir un travail de guérison, qui ne peut être réalisé dans un court laps de temps, les aînés ont besoin de stabilité dans leur poste. Alors que les aînés de Stony Mountain, d’Edmonton et de l’EEF pour femmes sont liés par des contrats à long terme, et que l’aîné de la prison des femmes est en poste depuis près de deux décennies, l’aîné de Kent a été dégagé de ses fonctions après un an sans qu’un remplaçant soit recruté. Tant à Stony Mountain qu’à la prison des femmes, les espaces culturels sont bien aménagés et bien utilisés et aucun des aînés n’a eu de problèmes particuliers avec l’UIS. Par contre, à Edmonton et Kent, les espaces mis à la disposition de l’aîné pour les consultations et les cérémonies étaient moins qu’adéquats. L’aîné de l’EEF n’a pas de difficulté à accéder aux femmes, mais elle nous a dit que, d’après son expérience, le placement à l’UIS ne dure généralement que quelques jours.

Les aînés ont reconnu qu’il était difficile de travailler avec les prisonniers autochtones transférés dans les UIS, étant donné qu’ils n’ont reçu qu’une formation sommaire sur les politiques et les pratiques des UIS du SCC. Bien que le SCC dispose d’un programme d’orientation complet pour les aînés, ceux-ci ont déclaré au Comité que leur formation s’est faite sur le tas et qu’elle manquait souvent de détails, ce qui entraînait parfois des conflits entre leur interprétation et celle des politiques et des pratiques du SCC. Les aînés ont dit au Comité qu’ils aimeraient bénéficier d’un soutien accru de la part des conseils régionaux d’aînés et voir la réintroduction d’un aîné national au siège du Service correctionnel du Canada (SCC).

Séjours multiples dans les UIS

Le fonctionnement des unités d’intervention structurée (UIS) peut être abordé de plusieurs manières. Dans ce rapport, nous avons considéré les UIS comme des unités distinctes faisant partie de plus grands établissements. Lorsque les membres du comité se sont entretenus avec des détenus qui avaient été ou étaient actuellement placés dans une UIS, nous avons pu clairement écouter les expériences individuelles des détenus. Dans nos analyses statistiques, nous nous intéressons surtout aux « séjours-personnes » dans l’UIS, chaque transfèrement distinct vers une UIS constituant un élément de données à examiner. Les résultats de ces analyses ne différencient pas entre deux séjours effectués par une seule personne et un seul séjour effectué par chacune de deux personnes. Chaque séjour (effectué par la même personne ou par des personnes différentes) constitue un « séjour personne » distinct. Ceci est clairement la manière la plus appropriée de décrire ce qui se passe lorsque l’on tente de comprendre le fonctionnement quotidien des UIS.

Toutefois, de nombreux détenus dans les établissements du SCC – même durant la courte période de fonctionnement des UIS – ont séjourné dans les UIS plus d’une fois. D’après les données obtenues des systèmes du SCC au début du mois de mars 2022, on recense 3 966 séjours de personnes dans les UIS entre le 30 novembre 2019 et le 13 février 2022. Sur ces 3 966 séjours, certains prisonniers ont été transférés plus d’une fois à une UIS. Les données montrent que « seulement » 1 920 détenus différents ont été transférés dans une UIS. Certains d’entre eux ont donc bénéficié de deux séjours ou plus.

Si l’on examine le nombre de « séjours » dans les UIS effectués par chacun de ces 1 920 détenus (voir le tableau A18 en annexe), on constate que la majorité d’entre eux (1 030, soit 53,6 %) n’ont été placés qu’une seule fois. Cela signifie que 890 personnes (46,4 % des 1 920 personnes) ont séjourné au moins deux fois dans une UIS au cours de cette période (du 30 novembre 2019 au 13 février 2022). En d’autres termes, les séjours multiples ne sont pas inhabituels. En effet, dix détenus se sont rendus dans une UIS au moins dix fois de manière distincte au cours de la période allant de novembre 2019 à février 2022.

En considérant les 890 personnes qui ont séjourné plus d’une fois dans un UIS au cours de cette période et le nombre des différentes UIS dans lesquelles elles ont été transférées, on constate que près d’un tiers des personnes (31,5 %) qui ont effectué deux séjours dans une UIS au cours de cette période, ont effectué leur deuxième visite dans un établissement différent du premier (voir tableau A19 en annexe). À l’autre extrémité, 161 personnes (soit 8,4 % de la population totale de 1 920 personnes) ont été transférées dans une UIS à cinq reprises ou plus pendant cette période. De ces 161 personnes qui avaient été dans une UIS cinq fois ou plus, 80,7 % ont été transférées à au moins deux UIS différentes.

La question qui se pose est de déterminer les objectifs que ces transferts sont censés atteindre. Si le placement dans une UIS avait pour but de résoudre un problème, pourquoi les gens devaient-ils aller dans plus d’une UIS (souvent, bien sûr, dans plus d’une région puisque seulement deux régions – le Québec et les Prairies – ont plusieurs UIS pour les hommes).

Les détenus qui se rendent plusieurs fois dans des UIS ont de fortes chances d’être transférés dans différentes régions (tableau A20 en annexe). Parmi ceux qui ont été transférés dans des UIS cinq fois ou plus, la plupart (62,7 %) ont été placés dans des UIS dans plus d’une région. L’un de ces détenus a été transféré aux UIS des cinq régions.

Comprendre pourquoi des personnes sont placées plus d’une fois dans des UIS

La loi ne prévoit que trois raisons pour le placement des détenus en UIS. Nous nous sommes penchés sur le nombre des différentes justifications légales invoquées pour motiver un séjour dans une UIS. Un peu plus de la moitié (54,6 %) des personnes qui ont été placées deux fois ou plus dans une UIS au cours de cette période ont présenté deux ou plusieurs motifs juridiques pour justifier leur séjour (tableau A21 en annexe).

Une caractéristique beaucoup plus inquiétante concernant les détenus ayant fait de multiples séjours en UIS concerne la relation entre ces multiples séjours et l’identification par le SCC d’une personne comme ayant un besoin de santé mentale. Comme nous l’avons vu plus haut (et comme le résume le tableau A22 de l’annexe), les personnes identifiées comme ayant des problèmes de santé mentale sont plus susceptibles d’effectuer de multiples séjours à l’UIS (58,2 % contre 40,9 %). Ce constat ressort également du tableau 18, qui montre que plus une personne a fait de séjours dans les UIS au cours de cette période de 26,5 mois, plus il est probable qu’elle soit identifiée par le SCC, à un moment donné de son séjour, comme ayant des problèmes de santé mentale. Pour les personnes n’ayant effectué qu’un seul séjour, 24,4 % présentaient un indicateur de santé mentale. Parmi celles ayant effectué cinq séjours ou plus, 55,3 % avaient un indicateur de santé mentale. En d’autres termes, le fait d’avoir un indicateur de santé mentale dans son dossier semble également indiquer que la personne a vraisemblablement été placée plusieurs fois dans une UIS.

Si l’on considère uniquement les personnes ayant effectué des séjours multiples, il y a de fortes chances que celles qui ont un indicateur de santé mentale aient séjourné dans des UIS et des régions différentes que celles qui n’ont pas d’indicateur de santé mentale. Alors que 46,7 % des personnes sans indicateur de santé mentale ont vécu dans deux UIS différentes ou plus, cette proportion est de 55,7 % chez les personnes avec indicateur de santé mentale. De même, les personnes avec un indicateur de santé mentale étaient plus susceptibles d’être transférées dans des UIS de différentes régions (37,4 %) que celles sans indicateur de santé mentale (30,4 %) (voir tableaux A23 et A24 en annexe).

Étudier le recours aux UIS et le déplacement des détenus vers différentes régions et différentes UIS peut se révéler utile pour comprendre l’approche du SCC à l’égard des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Un détenu que le SCC identifie comme ayant des problèmes de santé mentale et qui effectue de multiples séjours à l’UIS est plus susceptible d’être déplacé vers des d’autres UIS dans différentes régions (37,4 % contre « seulement » 30,4 % des détenus non reconnus par le SCC comme ayant un problème de santé mentale) (voir le tableau A24 en annexe) Ces détenus sont peut-être plus difficiles à gérer, mais il est difficile de savoir comment un mouvement constant peut être thérapeutique ou constituer en soi une bonne pratique correctionnelle.

Ces données sur les mouvements des détenus qui ont fait de multiples séjours dans les UIS entre les établissements et les régions, en particulier ceux qui sont confrontés à des problèmes de santé mentale, nous préoccupent encore. D’autant plus qu’ils traduisent peut-être un problème plus vaste lié à la façon dont le SCC traite les défis très importants et complexes auxquels sont confrontés certains de ses détenus.

Conclusion

« Le placement d’un détenu en isolement est la décision la plus restrictive que le Service puisse prendre en matière de liberté individuelle » (rapport Arbour 1996) et constitue « une épreuve décisive de la légitimité du système correctionnel » (Jackson & Sloan, 1998). Presque 25 ans plus tard, ces déclarations restent toujours valables. Qu’avons-nous appris au cours de ces années? La réponse à la problématique de la ségrégation des prisonniers semble obéir à une tendance commune : L’isolement des prisonniers suscite des inquiétudes, soit dans les médias, soit de la part des prisonniers eux-mêmes. Il s’ensuit généralement un examen obligatoire des pratiques du SCC, y compris un examen de la conformité du SCC à la loi. Des recommandations sont ensuite formulées et portent généralement sur la nécessité de procéder à une évaluation et à une surveillance indépendantes de l’isolement, de limiter le placement des détenus vulnérables, de renforcer le respect de la loi, d’améliorer la tenue des dossiers et de former le personnel et les administrateurs à la législation et aux droits de la personne. Par la suite, le SCC répond aux recommandations, mais décline celles visant à imposer des limites de placement et à renforcer la surveillance externe ou l’arbitrage indépendant, proposant plutôt de mener son propre examen et d’« améliorer » les pratiques (par exemple, unités de sécurité « améliorées », examen de l’isolement « amélioré »). Au bout du compte, il est difficile de parvenir à un changement significatif, et le cycle finit par se reproduire. Au fil du temps et compte tenu des nombreux rapports et examens rédigés sur la question, la réticence du SCC à l’égard de l’arbitrage externe, les restrictions quant aux personnes à placer en isolement, son respect variable de la loi, des règlements et des politiques, et sa réticence à mettre en œuvre les recommandations, constituent des faits notables et inquiétants.

L’isolement social n’est pas une situation naturelle pour les êtres sociaux. Le fait d’isoler les gens de leur communauté, et de tout « contact humain significatif », que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la prison, est une décision majeure. Elle compromet les droits légaux de la personne (à la vie, à la liberté et à la sécurité) notamment en menaçant son bien-être psychologique. L’isolement social est nuisible et accentue la vulnérabilité de la personne. Les recherches menées depuis des décennies ont prouvé que les liens sociaux sont indispensables à la santé et au bien-être et qu’ils contribuent largement aux indicateurs de morbidité et de mortalité, y compris la santé mentale et physique. Contrairement aux relations sociales, qui procurent une certaine satisfaction et atténuent le niveau de stress, l’isolement social et l’ostracisme suscitent de l’aversion. Cet isolement doit impérativement être décidé avec prudence et faire l’objet d’un suivi approprié, tant sur le plan juridique que psychologique. L’interaction avec les autres nous est indispensable pour tester la réalité, prendre du recul, acquérir des compétences sociales et les mettre en pratique, ainsi que pour le fonctionnement interpersonnel (autant d’éléments qui contribuent à la réussite de la période qui suit l’incarcération).

Une question essentielle qui mérite réponse est de savoir ce que signifie l’intervention et quels sont les résultats attendus du séjour d’un détenu dans une UIS. S’il s’agit simplement de donner au détenu « un temps d’arrêt» loin de la population carcérale générale en attendant que d’autres options de placement en cellule puissent être identifiées, un bref passage en UIS permettrait de répondre à cet objectif. Par contre, si le but de l’intervention est de travailler avec le détenu pour répondre aux besoins qui ont accéléré son placement en UIS, une implication continue des aînés, des cliniciens, des agents de programme et d’autres intervenants est nécessaire.

Il n’est guère aisé de gérer une population marquée par des antécédents d’abus, des traumatismes intergénérationnels, une éducation inadéquate, des lacunes en matière de compétences et d’apprentissage, des dépendances et d’autres problèmes de santé mentale. Il peut arriver que des détenus doivent être isolés pour leur propre sécurité ou celle des autres.L’isolement des détenus de la population générale peut être un moyen légitime de gérer un environnement potentiellement dangereux, à condition que cela soit fait de manière légale, responsable et dans le respect de l’intérêt supérieur et des droits légaux du détenu.

Il existe une divergence entre les exigences législatives et les mesures d’intervention, en particulier pour les détenus qui arrivent en détention fédérale après avoir vécu de multiples expériences traumatisantes. Une contradiction fondamentale caractérise le cadre législatif et politique qui a permis de créer et de régir les UIS. D’une part, ces unités sont censées remplacer les mesures d’isolement dangereuses par des interventions sûres et structurée pour les détenus fédéraux les plus vulnérables, difficiles ou complexes. D’autre part, il ressort d’une lecture approfondie de la législation que le transfèrement vers une unité d’intervention structurée (UIS) est censé constituer une solution de dernier recours. En outre, les dispositions prévoyant de mettre fin au placement dans une UIS le plus tôt possible indiquent clairement que ces séjours devraient être de courte durée. Il est difficile de concilier les efforts extraordinaires déployés et les ressources allouées à l’opérationnalisation des UIS, dans le but de faire sortir les détenus les plus difficiles le plus rapidement possible. Affecter du personnel à l’évaluation et à la prise en charge des risques et des besoins des personnes incarcérées relève d’une bonne pratique correctionnelle, mais cela prend du temps. L’accent mis actuellement sur les séjours de courte durée et les fréquents déplacements involontaires qui en résultent compromettent à la fois la continuité et le niveau d’effort soutenu que cette bonne pratique exige.

Loin de nous l’idée de suggérer que les longs séjours, avec ou sans surveillance, devraient être autorisés ou encouragés. Au contraire, nous affirmons qu’il existe une tension évidente entre, d’une part, la nécessité de répondre aux besoins des détenus à haut risque, vulnérables et complexes et, d’autre part, la contrainte opérationnelle et législative de les sortir rapidement de conditions de détention potentiellement plus sûres, dotées de ressources suffisantes et axées sur l’intervention.

Cette situation découle des circonstances qui ont mené à la mise en place des UIS. Le projet de loi C-83 a été adopté en réponse aux décisions des tribunaux de la Colombie-Britannique et de l’Ontario qui ont jugé inconstitutionnel le recours du SCC à l’isolement. La nature indéfinie de l’isolement préventif, le manque d’une surveillance véritablement indépendante, l’impact distinct sur les hommes et les femmes autochtones, ainsi que sur les personnes souffrant de problèmes de santé mentale, sont autant de points qui ont été jugés problématiques. Le projet de loi C-83 avait donc pour premier objectif de régler ces problèmes. Ainsi, au lieu de modifier la politique et les opérations existantes, il fallait éliminer l’isolement, du moins en théorie, sinon en pratique. Lors des visites sur place et après examen des données du Service correctionnel du Canada (SCC), le Comité a constaté que la même population de détenus qui était placée de façon permanente en isolement préventif est maintenant transférée de façon régulière aux UIS et qu’une fois transférée, elle est la plus susceptible d’y rester.Note de bas de page 44

Lors des visites d’établissements, le personnel et les détenus ont fréquemment fait remarquer que les UIS sont désormais considérées comme des lieux d’hébergement souhaitables. Les détenus soulignent les avantages offerts notamment l’accès prioritaire aux soins de santé, les contacts accrus avec les agents de libération conditionnelle, l’absence de double occupation des cellules et un sentiment accru de sécurité personnelle. Quant au personnel, il se plaint que de tels avantages offerts par les UIS les empêchent de réintégrer les détenus dans la population générale. Cette situation soulève une autre question fondamentale : Faut-il faire en sorte que les UIS soient moins accommodantes et moins solidaires, ou doit-on améliorer l’hébergement et le soutien de la population générale afin que les UIS ne soient plus perçues comme offrant un traitement préférentiel?

Le personnel du SCC a également souligné l’impact des UIS sur d’autres secteurs d’activité. La mise en place des UIS a lourdement pesé sur le personnel du SCC, et ces unités continuent à alourdir les charges opérationnelles et administratives de l’ensemble de l’organisation. Ces charges liées à la production de rapports, à la dotation en personnel, à la surveillance et à l’intervention semblent avoir réduit l’attention accordée à d’autres priorités institutionnelles et ont détourné certaines ressources allouées à d’autres initiatives. Malgré tout, les dirigeants du SCC considèrent les UIS comme étant essentielles à la transformation du Service. Cette vision de la transformation suppose la réalisation de progrès dans la résolution des problèmes identifiés par les tribunaux.

Malgré les efforts sincères et soutenus du personnel du SCC pour faire fonctionner les UIS, le Comité constate que de nombreux détenus continuent d’effectuer de longs séjours, de subir des placements multiples (parfois presque continus), de rester enfermés pendant de longues périodes et d’être privés de contacts humains significatifs. Les détenus autochtones, hommes et femmes, et ceux ayant des problèmes de santé mentale connus continuent d’être nettement surreprésentés dans les UIS (comme ils l’étaient auparavant en isolement). Il n’est pas difficile de conclure que même si les UIS fonctionnaient parfaitement, sans changements significatifs dans la politique et les pratiques correctionnelles dans l’ensemble, une telle situation va se prolonger.

Conseils au Ministre de la Sécurité Publique et Recommandations au Commissaire du Service Correctionnel

1. Solutions de rechange au placement en UIS

2. Durée des séjours en UIS

3. Temps en dehors de la cellule

4. Contact humain significatif

5. Transfert interrégional

6. Soins de santé

7. Détenus autochtones

8. Programmes et interventions

9. Décideurs externes indépendants

10. Infrastructure

11. Ressources humaines

12. Formation du personnel

13. Responsabilisation accrue

14. Avenir du CCMO

Annexes

Annexe A – Tableaux de données

Tableau A1 : Temps passé dans l’UIS en fonction de la race ou de l’origine ethnique
  Nombre total de jours dans l’UIS, y compris ceux qui sont encore en service
De 1 à 5 De 6 à 15 De 16 à 31 De 32 à 61 De 62 à 552 Total
Blancs 318 344 196 208 315 1 381
23,0 % 24,9 % 14,2 % 15,1 % 22,8 % 100,0 %
Autochtones 246 336 291 306 354 1 533
16,0 % 21,9 % 19,0 % 20,0 % 23,1 % 100,0 %
Noirs 113 106 64 75 121 479
23,6 % 22,1 % 13,4 % 15,7 % 25,3 % 100,0 %
Autre/combinaison/Jours manqués 75 88 55 47 76 341
22,0 % 25,8 % 16,1 % 13,8 % 22,3 % 100,0 %
Total 752 874 606 636 866 3 734
20,1 % 23,4 % 16,2 % 17,0 % 23,2 % 100,0 %
Tableau A2 : État de santé mentale des détenus transférés en UIS
  Groupes ayant des besoins en santé mentale (des 9 groupes ayant des besoins en santé mentale du SCC)
Aucun, faible ou certains besoins, ne s’aggravent pas Besoins élevés, ne s’aggravent pas Divers besoins en santé mentale, qui s’aggravent Total
Blancs 1 167 113 101 1 381
84,5 % 8,2 % 7,3 % 100,0 %
Autochtones 1 203 184 146 1 533
78,5 % 12,0 % 9,5 % 100,0 %
Noirs 438 13 28 479
91,4 % 2,7 % 5,8 % 100,0 %
Autre/combinaison/ 306 19 16 341
89,7 % 5,6 % 4,7 % 100,0 %
Total 3 114 329 291 3 734
83,4 % 8,8 % 7,8 % 100,0 %
Tableau A3 : Durée du séjour à l’UIS et succès à obtenir 4 heures de congé
Nombre de jours en UIS Pourcentage de jours où les 4 heures hors cellule n’ont pas été atteintes
0 à 50 % de journées manquées 51 % à 75 % de journées manquées 76 % à 100 % de journées manquées Total
De 1 à 15 jours 294 171 1 174 1 639
17,9 % 10,4 % 71,6 % 100,0 %
De 16 à 551 jours 518 351 1 202 2 071
25,0 % 16,9 % 58,0 % 100,0 %
Total 812 522 2 376 3 710
21,9 % 14,1 % 64,0 % 100,0 %
Tableau A4 : Durée du séjour à l’UIS et succès dans l’obtention de 2 heures de contact humain significatif hors de la cellule
Nombre de jours en UIS Pourcentage de jours où les 2 heures hors cellule n’ont pas été atteintes
0 à 20 % de journées manquées 21 % à 75 % de journées manquées 76 % à 100 % de journées manquées Total
De 1 à 15 jours 309 569 761 1 639
18,9 % 34,7 % 46,4 % 100,0 %
De 16 à 551 jours 502 1 035 534 2 071
24,2 % 50,0 % 25,8 % 100,0 %
Total 811 1 604 1 295 3 710
21,9 % 43,2 % 34,9 % 100,0 %
Tableau A5 : Pourcentage de jours où les 4 heures en dehors de la cellule n’ont pas été atteintes (long séjour uniquement)
  Fréquence Pourcentage Pourcentage cumulatif
Zéro jour manqué (0 %) – les détenus sont sortis pendant 4 heures chaque jour dans l’UIS 113 5,5 5,5
Jusqu’à 20 % de journées manquées 201 9,7 15,2
21 % à 50 % de journées manquées 204 9,9 25,0
51 % à 75 % de journées manquées 351 16,9 42,0
76 % à 99 % de journées manquées 887 42,8 84,8
100 % de journées manquées 315 15,2 100,0
Total 2 071 100,0  
Tableau A6 : Moyenne des heures obtenues par les détenus ayant manqué leurs 4 heures complètes sur 1 jour ou plus (détenus de longue durée seulement)
Moyenne des heures reçues Fréquence Pourcentage de tous les détenus de longue durée Pourcentage des détenus ayant manqué leur 4 heures au moins un jour
0 à une demi-heure 252 12,2 12,9
plus d’une demi-heure à 1 heure 304 14,7 15,5
plus de 1 heure à 2 heures 885 42,7 45,2
plus de 2 heures à 3 heures 500 24,1 25,5
plus de 3 heures à 4 heures 17 .8 .9
Total 1 958 94,5 100,0
Sorties de 4 heures par jour 113 5,5  
Total 2 071 100,0 100 %

Remarque : Longs séjours uniquement (16 jours ou plus)

Tableau A7 : Refus de sortir de la cellule de l’UIS au fil du temps
Mois au cours duquel le séjour dans l’UIS de la personne a commencé Nombre de refus de quitter la cellule toute la journée
Aucun refus ou une seule fois Refus au moins deux fois, représentant jusqu’à 20 % de leurs journées Refus au moins deux fois, représentant 20,1 % à 50 % de leurs journées Refus au moins deux fois, représentant 50,1 % à 100 % de leurs journées Total
Novembre 2019 à décembre 2019 65 96 41 11 213
30,5 % 45,1 % 19,2 % 5,2 % 100,0 %
Janvier 2020 à mars 2020 95 111 57 16 279
34,1 % 39,8 % 20,4 % 5,7 % 100,0 %
Avril 2020 à juin 2020 80 63 60 32 235
34,0 % 26,8 % 25,5 % 13,6 % 100,0 %
Juillet 2020 à septembre 2020 95 98 69 37 299
31,8 % 32,8 % 23,1 % 12,4 % 100,0 %
Octobre 2020 à décembre 2020 72 98 59 34 263
27,4 % 37,3 % 22,4 % 12,9 % 100,0 %
Janvier 2021 à mars 2021 95 66 40 34 235
40,4 % 28,1 % 17,0 % 14,5 % 100,0 %
Avril 2021 à juin 2021 83 72 33 12 200
41,5 % 36,0 % 16,5 % 6,0 % 100,0 %
Juillet 2021 à septembre 2021 77 73 30 15 195
39,5 % 37,4 % 15,4 % 7,7 % 100,0 %
Octobre 2021 à novembre 2021 68 47 28 9 152
44,7 % 30,9 % 18,4 % 5,9 % 100,0 %
Total 730 724 417 200 2 071
35,2 % 35,0 % 20,1 % 9,7 % 100,0 %
Table A8 : Pourcentage de jours où les 4 heures en dehors de la cellule n’ont pas été atteintes et nombre des refus de quitter la cellule toute la journée
Pourcentage de jours où les 4 heures hors cellule n’ont pas été atteintes Nombre de refus de quitter la cellule toute la journée
Aucun refus ou une seule fois Refus au moins deux fois, représentant jusqu’à 20 % de leurs jours Refus au moins deux fois, représentant 20,1 % à 50 % de leurs journées Refus au moins deux fois, représentant 50,1 % à 100 % de leurs journées Total
0 à 50 % de jours manqués 431 83 4 0 518
83,2 % 16,0 % 0,8 % 0,0 % 100,0 %
51 % à 75 % de journées manquées 152 178 18 3 351
43,3 % 50,7 % 5,1 % 0,9 % 100,0 %
76 % à 100 % de journées manquées 147 463 395 197 1 202
12,2 % 38,5 % 32,9 % 16,4 % 100,0 %
Total 730 724 417 200 2 071
35,2 % 35,0 % 20,1 % 9,7 % 100,0 %

Remarque : Détenus en longs séjours uniquement (16 jours ou plus).

Tableau A9 : Nombre de cas de refus de sortir de la cellule pour établir un contact humain significatif toute la journée (détenus de longue durée uniquement)
  Fréquence Pourcentage Pourcentage cumulatif
Aucun refus ou une seule fois 619 29,9 29,9
Refus au moins deux fois, représentant jusqu’à 20 % de leurs jours 746 36,0 65,9
Refus au moins deux fois, représentant 20,1 % à 50 % de leurs journées 495 23,9 89,8
Refus au moins deux fois, représentant 50,1 % à 100 % de leurs journées 211 10,2 100,0
Total 2 071 100,0  

Remarque : Détenus en longs séjours uniquement (16 jours ou plus).

Tableau A10 : Pourcentage de jours où les deux heures en dehors de la cellule n’ont pas été atteintes et refus de sortir de la cellule (détenus de longue durée uniquement)
Pourcentage de jours où les 2 heures hors cellule n’ont pas été atteintes Nombre de refus de quitter la cellule pour un contact humain significatif toute la journée
Aucun refus ou une seule fois Refus au moins deux fois, représentant jusqu’à 20 % de leurs jours Refus au moins deux fois, représentant 20,1 % à 50 % de leurs journées Refus au moins deux fois, représentant 50,1 % à 100 % de leurs journées Total
0 à 20 % de journées manquées 401 101 0 0 502
79,9 % 20,1 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %
21 % à 75 % de journées manquées 189 572 267 7 1 035
18,3 % 55,3 % 25,8 % 0,7 % 100,0 %
76 % à 100 % de journées manquées 29 73 228 204 534
5,4 % 13,7 % 42,7 % 38,2 % 100,0 %
Total 619 746 495 211 2 071
29,9 % 36,0 % 23,9 % 10,2 % 100,0 %

Remarque : Détenus en longs séjours uniquement (16 jours ou plus).

Tableau A11 : Taux des besoins en matière de santé mentale reconnus par le SCC chez les hommes et les femmes transférés vers un UIS
Sexe du détenu Besoins en santé mentale reconnus par le SCC
Non Oui Total
Homme 2 708 1 126 3 834
70,6 % 29,4 % 100,0 %
Femme 47 85 132
35,6 % 64,4 % 100,0 %
Total 2 755 1,211 3 966
69,5 % 30,5 % 100,0 %
Tableau A12 : Taux des besoins en matière de santé mentale reconnus par le SCC chez les détenus autochtones et non autochtones transférés vers une UIS
  Besoins en santé mentale reconnus par le SCC
Non Oui Total
Non-autochtones 1 732 594 2 326
74,5 % 25,5 % 100,0 %
Autochtones 1 023 617 1 640
62,4 % 37,6 % 100,0 %
Total 2 755 1 211 3 966
69,5 % 30,5 % 100,0 %
Tableau A13 : Motifs de transfert à l’UIS et besoins en santé mentale
Motif de transfert Besoins en santé mentale reconnus
Non Oui Total
Sécurité de l’établissement en péril 1 564 630 2 194
71,3 % 28,7 % 100,0 %
Sécurité personnelle du détenu 1 133 562 1 695
66,8 % 33,2 % 100,0 %
Interférence avec une enquête 58 19 77
75,3 % 24,7 % 100,0 %
Total 2 755 1 211 3 966
69,5 % 30,5 % 100,0 %
Tableau A14 : Santé mentale et déplacements entre les UIS et les régions
Des signes ont-ils été relevé, lors d’un séjour à l’UIS, que la personne avait des besoins en matière de santé mentale? Détenus ayant effectué plus d’un séjour dans des UIS : Lieu des séjours
Séjours effectués dans une seule UIS/une seule région Différentes UIS dans la même région Différentes UIS et différentes régions Total
Non 288 88 164 540
53,3 % 16,3 % 30,4 % 100,0 %
Oui 155 64 131 350
44,3 % 18,3 % 37,4 % 100,0 %
Total 443 152 295 890
49,8 % 17,1 % 33,1 % 100,0 %

Remarque : Le tableau contient uniquement des données sur les détenus ayant passé plusieurs séjours dans l’UIS au cours de la période étudiée.

Tableau A15 : Nombre de jours dans l’UIS en fonction du besoin reconnu chez le détenu en matière de santé mentale
Besoins en santé mentale Nombre de jours en UIS
De 1 à 15 jours De 16 à 551 jours Total
Non 1 187 1 408 2 595
45,7 % 54,3 % 100,0 %
Oui 452 663 1 115
40,5 % 59,5 % 100,0 %
Total 1 639 2 071 3 710
44,2 % 55,8 % 100,0 %
Tableau A16 : Besoins en santé mentale reconnus par groupe
  Besoins en santé mentale reconnus
Non Oui Total
Blancs 1 032 424 1 456
70,9 % 29,1 % 100,0 %
Autochtones 1 023 617 1 640
62,4 % 37,6 % 100,0 %
Noirs 427 86 513
83,2 % 16,8 % 100,0 %
Autre/combinaison/ Jours manqués 273 84 357
76,5 % 23,5 % 100,0 %
Total 2 755 1 211 3 966
69,5 % 30,5 % 100,0 %
Tableau A17 : Pourcentage de jours où les quatre heures n’ont pas été atteints par les détenus non autochtones dans certaines UIS
Emplacement de l’UIS Pourcentage de jours où les 4 heures hors cellule n’ont pas été atteintes
Zéro jour manqué (les détenus sont sortis pendant 4 heures chaque jour dans l’UIS) Jusqu’à 20 % de journées manquées 21 % à 50 % de journées manquées 51 % à 75 % de journées manquées 76 % à 99 % de journées manquées 100 % de journées manquées Total
Établissement de Saskatchewan 0 3 15 14 26 4 62
0 % 4,80 % 24,20 % 22,60 % 41,90 % 6,50 % 100,00 %
Centre de détention d’Edmonton 0 1 7 11 41 18 78
0,00 % 1,30 % 9,00 % 14,10 % 52,60 % 23,10 % 100,00 %
Centre de détention pour femmes d’Edmonton 0 1 0 0 1 0 2
0,00 % 50,00 % 0,00 % 0,00 % 50,00 % 0,00 % 100,00 %
Stony Mountain 19 30 9 4 1 0 63
30.20% 47.60% 14.30% 6.30% 1.60% 0.00% 100.00%
Bowden 13 13 7 1 0 0 34
38,20 % 38,20 % 20,60 % 2,90 % 0,00 % 0,00 % 100,00 %
Kent 0 0 3 30 82 56 171
0,00 % 0,00 % 1,80 % 17,50 % 48,00 % 32,70 % 100,00 %
Tout autre établissement 1 12 62 147 393 110 725
0,10 % 1,70 % 8,60 % 20,30 % 54,20 % 15,20 % 100,00 %
Total 33 60 103 207 544 188 1 135
2,90 % 5,30 % 9,10 % 18,20 % 47,90 % 16,60 % 100,00 %

Remarque : Prisonniers non autochtones seulement

Tableau A18 : Nombre de séjours en UIS
Nombre de séjours Fréquence Pourcentage Pourcentage cumulatif
1 1 030 53,6 53,6
2 403 21,0 74,6
3 211 11,0 85,6
4 115 6,0 91,6
5 70 3,6 95,3
6 35 1,8 97,1
7 20 1,0 98,1
8 12 .6 98,8
9 14 .7 99,5
10 3 .2 99,6
11 4 .2 99,8
12 1 .1 99,9
14 1 .1 99,9
15 1 .1 100,0
Total 1 920 100,0  
Tableau A19 : Nombre d’UIS où ont séjourné les détenus ayant effectué plusieurs séjours
Nombre de séjours en UIS (hors séjours d’une seule fois) Nombre des différents UIS où ont séjourné les détenus
Une Deux Trois Quatre Cinq Six Total
2 276 127 0 0 0 0 403
68,5 % 31,5 % 0,0 % 0,0 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %
3 102 86 23 0 0 0 211
48,3 % 40,8 % 10,9 % 0,0 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %
4 34 55 24 2 0 0 115
29,6 % 47,8 % 20,9 % 1,7 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %
5+ 31 58 47 21 2 2 161
19,3 % 36,0 % 29,2 % 13,0 % 1,2 % 1,2 % 100,0 %
Total 443 326 94 23 2 2 890
49,8 % 36,6 % 10,6 % 2,6 % 0,2 % 0,2 % 100,0 %
Tableau A20 : Séjours multiples en UIS et nombre de régions
Nombre de séjours en UIS (hors séjours d’une seule fois) Nombre de régions différentes où la personne a effectué des séjours en UIS
Une Deux Trois Quatre Cinq Total
Deux 335 68 0 0 0 403
83,1 % 16,9 % 0,0 % 0,0 % 0,0 % 100 %
Trois 142 65 4 0 0 211
67,3 % 30,8 % 1,9 % 0,0 % 0,0 % 100 %
Quatre 58 49 8 0 0 115
50,4 % 42,6 % 7,0 % 0,0 % 0,0 % 100 %
Cinq et plus 60 70 24 6 1 161
37,3 % 43,5 % 14,9 % 3,7 % 0,6 % 100 %
Total 595 252 36 6 1 890
66,9 % 28,3 % 4,0 % 0,7 % 0,1 % 100 %
Tableau A21 : Nombre de justifications légales des transferts, par nombre de placements en UIS
Nombre de séjours séparés dans les UIS pendant cette période : Nombre de justifications légales
Une Deux Trois Total
Deux 249 154 -- 403
61,8 % 38,2 % -- 100 %
Trois 88 120 3 211
41,7 % 56,9 % 1,4 % 100 %
Quatre 32 79 4 115
27,8 % 68,7 % 3,5 % 100 %
Cinq ou plus 35 112 14 161
21,7 % 69,6 8,7 % 100 %
Total 404 465 21 890
45,4 % 52,2 % 2,4 % 100 %
Tableau A22 : Santé mentale et nombre de séjours dans les UIS
Des signes ont-ils été relevé, lors d’un séjour à l’UIS, que la personne avait des besoins en matière de santé mentale? Nombre de séjours en UIS
Séjour unique Séjours multiples Total
Non 779 540 1 319
59,1 % 40,9 % 100,0 %
Oui 251 350 601
41,8 % 58,2 % 100,0 %
Total 1 030 890 1 920
53,6 % 46,4 % 100,0 %
Tableau A23 : Santé mentale et nombre de séjours différents
Des signes ont-ils été relevé, lors d’un séjour à l’UIS, que la personne avait des besoins en matière de santé mentale? Nombre des différents UIS où ont séjourné les détenus Total
1 2 3 4 5 6
Non 288 179 61 10 0 2 540
53,3 % 33,1 % 11,3 % 1,9 % 0,0 % 0,4 % 100,0 %
Oui 155 147 33 13 2 0 350
44,3 % 42,0 % 9,4 % 3,7 % 0,6 % 0,0 % 100,0 %
Total 443 326 94 23 2 2 890
49,8 % 36,6 % 10,6 % 2,6 % 0,2 % 0,2 % 100,0 %
Tableau A24 : Santé mentale et nombre des différentes régions
Des signes ont-ils été relevé, lors d’un séjour à l’UIS, que la personne avait des besoins en matière de santé mentale? Nombre de régions différentes où la personne a effectué des séjours en UIS
1 2 3 4 5 Total
Non 376 136 25 3 0 540
69,6 % 25,2 % 4,6 % 0,6 % 0,0 % 100,0 %
Oui 219 116 11 3 1 350
62,6 % 33,1 % 3,1 % 0,9 % 0,3 % 100,0 %
Total 595 252 36 6 1 890
66,9 % 28,3 % 4,0 % 0,7 % 0,1 % 100,0 %

Annexe B – Nouveau système de mesure

À la fin de l’année 2021, le Service correctionnel du Canada (SCC) a affiné son approche concernant la mesure du « temps passé à l’extérieur de la cellule » afin de corriger les lacunes de l’approche existante et de déterminer avec plus de précision si les détenus ont bénéficié de leurs quatre heures complètes de temps passé en dehors de leur cellule du UIS. Par exemple, si le prisonnier est admis en unité d’intervention structurée (UIS) le soir (après 18 heures, par exemple), il ne disposera pas de quatre heures pour sortir de sa cellule ce jour-là. Selon l’ancienne approche, le « décompte des jours » du SCC comptabiliserait ce jour comme un jour passé en UIS (même si le détenu était libéré de l’UIS le jour suivant). De même, si le prisonnier se trouve au tribunal ou à l’hôpital, le « temps passé à l’extérieur de la cellule » ou les « contacts humains significatifs » n’aurait pas la même signification que si la personne se trouvait au sein de l’UIS.

Afin de tenir compte de ce problème dans nos analyses, nous avons déduit un jour du nombre de « jours passés en UIS ». Ainsi, un détenu admis en UIS le lundi (à n’importe quelle heure) et libéré de cette même UIS le lendemain est considéré, selon notre système, comme ayant passé un jour dans l’UIS (et non deux). Ces détails – de même que les modifications apportées au système de mesure par le SCC à la fin de 2021 – pourraient bien constituer une avancée importante pour les gestionnaires du SCC qui cherchent à s’assurer que les employés accomplissent bien ce que l’on attend d’eux. Par exemple, étant donné qu’une personne admise en UIS tard dans la soirée d’un jour donné ne peut pas être « à l’extérieur de la cellule » pour une durée de quatre heures avant 22 heures, il n’est évidemment pas raisonnable de considérer cette situation comme un échec lorsqu’elle se produit.

Des modifications plus subtiles ont aussi été apportées à la description des mesures liées aux éléments clés de l’UIS. Désormais, il est explicitement fait mention de l’« offre » de sortie de cellule et de l’« acceptation » ou non de cette offre par le détenu. Dans ce scénario, si le détenu s’est vu proposer une offre mais qu’il l’a déclinée, le SCC, ou les responsables de l’UIS locale, n’assument qu’une faible responsabilité dans le refus du détenu de sortir de sa cellule.

Une autre question importante doit être considérée. Les effets de ce « réglage fin » des mesures sont probablement plus déterminants pour évaluer les courts séjours dans les UIS, étant donné que les événements qui se produisent pendant un ou deux jours (par exemple, le premier jour) constituent une proportion beaucoup plus élevée de jours pour un court séjour que pour un long séjour dans l’UIS.

Cela dit, nous avons examiné les nouvelles données. De toute évidence, les chiffres seront légèrement différents, mais les conclusions que l’on pourrait tirer de ces « nouvelles » données ne sont pas différentes de celles que nous avons tirées en utilisant les mesures qui nous permettent de disposer d’une plus longue période de temps pour l’examen. Les principales conclusions, obtenues à l’aide de la nouvelle mesure, concernent les séjours qui ont débuté le 1er novembre 2021. Étant donné que nos données ont été « recueillies » le 13 février 2022, nous ne disposons que de 2,5 mois de données à examiner. Les séjours-personnes ayant débuté pendant cette période sont au nombre de 344, parmi lesquels nous avons pu en examiner 339 avec précision.Note de bas de page 45 La difficulté réside dans le fait que plusieurs de ces personnes – en particulier celles dont le séjour a commencé en 2022 – se trouvaient encore à l’UIS lorsque les données ont été collectées, et que, par conséquent nous ne savons pas quelle a été la durée réelle de leur séjour. De ce fait, nous ne pouvons pas comparer les mesures pour le groupe qui nous intéresse le plus, à savoir les prisonniers de longue durée.

Le tableau B1 montre que, en utilisant cette mesure, il a été constaté que la plupart des personnes se sont effectivement vu proposer un temps à l’extérieur de la cellule.

Tableau B1 : En utilisant la nouvelle mesure, pourcentage de jours où les personnes ayant commencé leur séjour dans une UIS après le 1er novembre 2021 se sont vues proposer un temps à l’extérieur de la cellule
  Fréquence Pourcentage valide Pourcentage cumulatif
Inférieur ou égal à 50 % 28 8,3 8,3
Plus de 50 % à 75 % 26 7,7 15,9
Plus de 75 % à 90 % 63 18,6 34,5
Plus de 90 % à 99 % 105 31,0 65,5
100 % des jours 117 34,5 100,0
Sous total 339 100,0  
Jours manqués 5    
Total 344    

Le temps hors cellule est particulièrement susceptible d’être proposé aux détenus de long séjour (sachant que la différence entre un séjour « long » et un séjour « court » est problématique, étant donné que certains détenus se trouvent encore à l’UIS) (voir tableau B2).

Tableau B2 : Nombre total de jours passés dans une UIS, y compris ceux qui y sont encore – en utilisant la nouvelle mesure du nombre total de jours disponibles – et le pourcentage de jours pendant lesquels les personnes qui ont commencé leur séjour dans une UIS après le 1er novembre 2021 ont été invitées à passer du temps en dehors de leur cellule?
Nombre total de jours passés dans une UIS, y compris ceux qui y sont encore – en utilisant la nouvelle mesure du nombre total de jours disponibles En utilisant la nouvelle mesure, pourcentage de jours où les personnes ayant commencé leur séjour dans une UIS après le 1er novembre 2021 se sont vues proposer un temps à l’extérieur de la cellule?
50 % des jours 50 % à 75 % des jours 75 % à 90 % des jours 90 % à 99 % des jours 100 % des jours Total
De 1 à 5 26 24 36 4 58 148
17,6 % 16,2 % 24,3 % 2,7 % 39,2 % 100,0 %
De 16 à 98 2 2 27 101 59 191
1,0 % 1,0 % 14,1 % 52,9 % 30,9 % 100,0 %
Total 28 26 63 105 117 339
8,3 % 7,7 % 18,6 % 31,0 % 34,5 % 100,0 %

En ce qui concerne l’acceptation ou non de l’offre par les prisonniers, nous constatons, dans le tableau B3 – en cohérence avec les conclusions mentionnées dans le corps du présent rapport – qu’une grande partie des prisonniers n’ont pas accepté l’offre de passer du temps à l’extérieur de la cellule.

Tableau B3 : En utilisant la nouvelle mesure, pourcentage de jours les personnes qui ont commencé leur séjour dans une UIS après le 1er novembre 2021 ont-elles profité de l’offre de sortir de cellule
  Fréquence Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulatif
50 % 245 71,2 72,3 72,3
50 % à 75 % 33 9,6 9,7 82,0
75 % à 90 % 27 7,8 8,0 90,0
90 % à 99 % 23 6,7 6,8 96,8
100 % des jours 11 3,2 3,2 100,0
Total 339 98,5 100,0  
Jours manqués 5 1,5    
Total 344 100,0    

La probabilité qu’un détenu ne profite pas de l’offre de passer du temps en dehors de la cellule était particulièrement élevée pour les séjours de courte durée (voir le tableau B4).

Tableau B4 : Pourcentage de jours où les détenus effectuant des séjours courts et longs dans les UIS à partir du 1er novembre 2021, y compris ceux qui se trouvent toujours en UIS, ont-ils profité de l’offre de passer du temps à l’extérieur de la cellule?
Nombre total de jours passés dans une UIS, y compris ceux qui y sont encore – en utilisant la nouvelle mesure du nombre total de jours disponibles En utilisant la nouvelle mesure, pourcentage de jours les personnes qui ont commencé leur séjour dans une UIS après le 1er novembre 2021 ont-elles profité de l’offre de passer du temps en dehors de la cellule
50 % 50 % à 75 % 75 % à 90 % 90 % à 99 % 100 % des jours Total
De 1 à 5 119 15 6 1 7 148
80,4 % 10,1 % 4,1 % 0,7 % 4,7 % 100,0 %
De 16 à 98 126 18 21 22 4 191
66,0 % 9,4 % 11,0 % 11,5 % 2,1 % 100,0 %
Total 245 33 27 23 11 339
72,3 % 9,7 % 8,0 % 6,8 % 3,2 % 100,0 %

Dans le tableau B5, nous étudions les possibilités pour les détenus d’être invitées à passer du temps en dehors de la cellule de l’UIS. Dans le corps de ce rapport, nous avons constaté un grand écart au niveau régional. Dans cette nouvelle mesure améliorée, nous constatons aussi (même si parfois la taille de l’échantillon est petite) que l’écart entre les régions est considérable. Cette observation permet de réfuter d’avance toute hypothèse selon laquelle les variations régionales que nous observons, quelle que soit la mesure utilisée, seraient dues à des erreurs de mesure. Or, dans le cas présent, avec les mesures nouvelles et améliorées, nous continuons d’observer d’importantes variations régionales.

Tableau B5 : Succès des offres de sortie de cellule, par région et par durée de séjour à l’UIS
Nombre total de jours passés dans une UIS, y compris ceux qui y sont encore – en utilisant la nouvelle mesure du nombre total de jours disponibles En utilisant la nouvelle mesure, pourcentage de jours où les personnes ayant commencé leur séjour dans une UIS après le 1er novembre 2021 se sont vues proposer un temps à l’extérieur de la cellule
50 % 50 % à 75 % 75 % à 90 % 90 % à 99 % 100 % des jours Total
De 1 à 5
Atlantique 2 1 5 0 8 16
12,5 % 6,3 % 31,3 % 0,0 % 50,0 % 100,0 %
Québec 14 14 13 1 12 54
25,9 % 25,9 % 24,1 % 1,9 % 22,2 % 100,0 %
Ontario 6 2 8 0 1 17
35,3 % 11,8 % 47,1 % 0,0 % 5,9 % 100,0 %
Prairies 1 5 10 2 23 41
2,4 % 12,2 % 24,4 % 4,9 % 56,1 % 100,0 %
Pacifique 3 2 0 1 14 20
15,0 % 10,0 % 0,0 % 5,0 % 70,0 % 100,0 %
Total 26 24 36 4 58 148
17,6 % 16,2 % 24,3 % 2,7 % 39,2 % 100,0 %
De 16 à 98
Atlantique 1 0 1 7 12 21
4,8 % 0,0 % 4,8 % 33,3 % 57,1 % 100,0 %
Québec 0 1 4 25 8 38
0,0 % 2,6 % 10,5 % 65,8 % 21,1 % 100,0 %
Ontario 1 1 13 7 1 23
4,3 % 4,3 % 56,5 % 30,4 % 4,3 % 100,0 %
Prairies 0 0 1 42 35 78
0,0 % 0,0 % 1,3 % 53,8 % 44,9 % 100,0 %
Pacifique 0 0 8 20 3 31
0,0 % 0,0 % 25,8 % 64,5 % 9,7 % 100,0 %
Total 2 2 27 101 59 191
1,0 % 1,0 % 14,1 % 52,9 % 30,9 % 100,0 %
Total
Atlantique 3 1 6 7 20 37
8,1 % 2,7 % 16,2 % 18,9 % 54,1 % 100,0 %
Québec 14 15 17 26 20 92
15,2 % 16,3 % 18,5 % 28,3 % 21,7 % 100,0 %
Ontario 7 3 21 7 2 40
17,5 % 7,5 % 52,5 % 17,5 % 5,0 % 100,0 %
Prairies 1 5 11 44 58 119
0,8 % 4,2 % 9,2 % 37,0 % 48,7 % 100,0 %
Pacifique 3 2 8 21 17 51
5,9 % 3,9 % 15,7 % 41,2 % 33,3 % 100,0 %
Total 28 26 63 105 117 339
8,3 % 7,7 % 18,6 % 31,0 % 34,5 % 100,0 %

Là encore, on retrouve le même profil que nous avons vu précédemment dans la disposition des prisonniers à travers les régions à accepter les offres qui leur sont faites.

Tableau B6 : Probabilité de profiter des offres de sortie de cellule par région et par durée du séjour à l’UIS
Nombre total de jours passés dans une UIS, y compris ceux qui y sont encore – en utilisant la nouvelle mesure du nombre total de jours disponibles En utilisant la nouvelle mesure : quel est le pourcentage de jours ou les personnes qui ont commencé leur séjour dans une UIS après le 1er novembre 2021 ont-elles profité de l’offre de passer du temps en dehors de la cellule?
Moins de 50 % 50 % à 75 % 75 % à 90 % 90 % à 99 % 100 % des jours Total
De 1 à 5
Atlantique 15 1 0 0 0 16
93,8 % 6,3 % 0,0 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %
Québec 51 3 0 0 0 54
94,4 % 5,6 % 0,0 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %
Ontario 15 2 0 0 0 17
88,2 % 11,8 % 0,0 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %
Prairies 20 9 6 1 5 41
48,8 % 22,0 % 14,6 % 2,4 % 12,2 % 100,0 %
Pacifique 18 0 0 0 2 20
90,0 % 0,0 % 0,0 % 0,0 % 10,0 % 100,0 %
Total 119 15 6 1 7 148
80,4 % 10,1 % 4,1 % 0,7 % 4,7 % 100,0 %
De 16 à 98
Atlantique 18 0 3 0 0 21
85,7 % 0,0 % 14,3 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %
Québec 37 1 0 0 0 38
97,4 % 2,6 % 0,0 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %
Ontario 19 3 0 1 0 23
82,6 % 13,0 % 0,0 % 4,3 % 0,0 % 100,0 %
Prairies 23 12 18 21 4 78
29,5 % 15,4 % 23,1 % 26,9 % 5,1 % 100,0 %
Pacifique 29 2 0 0 0 31
93,5 % 6,5 % 0,0 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %
Total 126 18 21 22 4 191
66,0 % 9,4 % 11,0 % 11,5 % 2,1 % 100,0 %
Total
Atlantique 33 1 3 0 0 37
89,2 % 2,7 % 8,1 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %
Québec 88 4 0 0 0 92
95,7 % 4,3 % 0,0 % 0,0 % 0,0 % 100,0 %
Ontario 34 5 0 1 0 40
85,0 % 12,5 % 0,0 % 2,5 % 0,0 % 100,0 %
Prairies 43 21 24 22 9 119
36,1 % 17,6 % 20,2 % 18,5 % 7,6 % 100,0 %
Pacifique 47 2 0 0 2 51
92,2 % 3,9 % 0,0 % 0,0 % 3,9 % 100,0 %
Total 245 33 27 23 11 339
72,3 % 9,7 % 8,0 % 6,8 % 3,2 % 100,0 %

En examinant la moyenne d’heures passées à l’extérieur de la cellule, il ressort dans le tableau B7 que la plupart des prisonniers sont loin d’atteindre le minimum requis de quatre heures.

Tableau B7 : Moyenne des heures passées à l’extérieur de la cellule
  Fréquence Pourcentage Pourcentage cumulatif
0 à une demi-heure 56 16,3 16,3
plus d’une demi-heure à 1 heure 54 15,7 32,0
plus de 1 heure à 2 heures 118 34,3 66,3
plus de 2 heures à 3 heures 79 23,0 89,2
Plus de 3 heures à 3,75 heures 21 6,1 95,3
Quatre heures obtenues en totalité 16 4,7 100,0
Total 344 100,0  

L’une des principales raisons ayant motivé le passage du modèle de l’isolement au modèle de l’UIS était de veiller à ce que les détenus ne soient pas isolés dans leur cellule. Dans ce sens, il n’est pas pertinent de déterminer si le détenu est isolé dans sa cellule parce qu’on ne lui a pas offert de passer du temps en dehors de la cellule ou tout simplement parce qu’il a refusé cette offre. Il incombe donc au SCC de veiller à ce que les détenus ne subissent pas les effets d’un isolement prolongé dans leur cellule.

La formulation actuelle de la législation laisse penser que les détenus passent au moins quatre heures par jour hors de leur cellule. Sur la base de ces nouvelles mesures, le tableau B8 examine l’expérience réelle des détenus, ventilée en fonction de la durée (au 13 février 2022) de leur séjour à l’UIS. Un bilan similaire en ressort : la plupart des détenus ne bénéficient pas de ce que la législation prévoit pour eux. Il s’agit, bien entendu, des séjours qui ont débuté à partir du 1er novembre 2021. Comme le montre le tableau B8, environ deux tiers des détenus obtiennent la moitié ou moins de la moitié de ce qui est « promis » par la loi.

Tableau B8 : Nombre total de jours en UIS, y compris ceux qui sont encore dans la cellule, et moyenne des heures passées en dehors de la cellule
Nombre total de jours passés dans une UIS, y compris ceux qui y sont encore – en utilisant la nouvelle mesure du nombre total de jours disponibles Moyenne des heures passées à l’extérieur de la cellule
0 à une demi-heure plus d’une demi-heure à 1 heure plus de 1 heure à 2 heures plus de 2 heures à 3 heures Plus de 3 heures à 3,75 heures Quatre heures obtenues en totalité Total
De 1 à 5 39 25 40 26 11 7 148
26,4 % 16,9 % 27,0 % 17,6 % 7,4 % 4,7 % 100,0 %
De 16 à 98 17 29 78 53 10 4 191
8,9 % 15,2 % 40,8 % 27,7 % 5,2 % 2,1 % 100,0 %
Total 56 54 118 79 21 11 339
16,5 % 15,9 % 34,8 % 23,3 % 6,2 % 3,2 % 100,0 %

Les nouvelles mesures améliorées qui ont été appliquées aux données disponibles les plus récentes démontrent que les UIS continuent de faire face à des défis similaires à ceux rencontrés lors de l’utilisation de l’ancien régime de ségrégation.

Annexe C – Objectifs opérationnels et mesures de rendement du SCC

Dans un document daté de mai 2022 présenté au Comité lors d’une réunion avec le SCC, ce dernier a présenté 11 indicateurs de rendement qu’il a mis en place pour mesurer le rendement, dans le cadre de son engagement envers le Conseil du Trésor. Notre première préoccupation quant à ces mesures provient de la note de bas de page indiquant que le Service correctionnel du Canada (SCC) a « l’objectif de les réviser d’ici mars 2023 ». Le fait d’indiquer à l’avance que les mesures seront révisées trois ans et demi après le début du régime des unités d’intervention structurée (UIS) pourrait facilement impliquer que nous ne disposerons pas de mesures comparables pour juger de la performance des UIS au fil du temps.

Le problème qui se pose dans l’immédiat est toutefois différent. Il s’agit de savoir si ces mesures permettront de déterminer à quel point le SCC répond aux objectifs de la nouvelle loi, qui vise à ce que les UIS remplacent équitablement et efficacement le recours à l’isolement. Ainsi, les mesures du rendement pourraient être considérées comme un moyen d’évaluer à quel point le SCC répond aux objectifs de la loi et à la transformation qu’il préconise.

Le site Web du SCCNote de bas de page 46 dresse la liste des aspirations et des objectifs des UIS :

  1. Le SCC devrait respecter le plan correctionnel établi pour le détenu. Les détenus doivent avoir accès à des interventions et à des services de santé ciblés « qui répondent à leurs besoins et aux risques qu’ils posent ».
  2. Le détenu peut interagir avec le personnel.
  3. Le détenu peut avoir accès à des visiteurs, des conseillers juridiques, des aînés, etc.
  4. Les détenus doivent avoir accès à des services de santé, y compris aux services de santé mentale.
  5. Les détenus peuvent faire de l’exercice à l’intérieur et à l’extérieur (chaque jour).
  6. Les détenus peuvent passer au moins 4 heures à l’extérieur de leur cellule.
  7. Ces quatre heures comprennent deux heures de contacts humains réels.
  8. Les détenus ont droit à de multiples offres de temps hors de cellule.

À cela s’ajoutent, bien sûr, les aspirations législatives que :

Cadre de mesure du rendement de l’UIS

En date du 30 novembre 2019, le SCC a mis en place 11 indicateurs de rendement :

  1. Taux de transferts vers les UIS pour 1 000 délinquants sous garde fédérale.
  2. Taux de transferts en dehors des UIS pour 1 000 délinquants sous garde fédérale
  3. Nombre médian de jours passés dans les UIS
  4. Pourcentage de transferts réussis en dehors des UIS (réussis si le détenu demeure dans la population générale pendant une période de 120 jours)
  5. Nombre de transferts ultérieurs vers les UIS au cours des 12 mois passés.
  6. Pourcentage de jours où les délinquants placés dans les UIS ont été offerts de passer du temps à l’extérieur de la cellule.
  7. Pourcentage de jours où les délinquants placés dans les UIS ont pu passer du temps à l’extérieur de la cellule.
  8. Pourcentage de jours où les délinquants placés dans les UIS ont été offerts un temps d’interaction.
  9. Pourcentage de jours où les délinquants placés dans les UIS ont utilisé le temps d’interaction qui leur a été offert.
  10. Pourcentage des offres d’intervention acceptées dans les UIS.
  11. Nombre médian de jours entre la décision de transférer un délinquant hors de l’UIS et le transfert effectif.

Après examen, nous avons relevé de sérieuses inquiétudes concernant ces indicateurs de rendement. Elles se présentent en particulier comme suit :

  1. Il n’existe pas de mesure adéquate pour évaluer si le SCC réussit à faire en sorte que le temps passé dans l’UIS soit le plus court possible. Il est à noter que les transferts à l’intérieur et à l’extérieur des UIS (indicateurs de rendement 1 et 2) ne permettent pas de mesurer cet aspect, bien qu’ils donnent une idée de la fréquence de leur utilisation.
  2. On pourrait faire valoir que l’indicateur de rendement 3 rend compte de la durée du séjour, mais on ne dispose d’aucune norme en fonction de laquelle on pourrait mesurer le rendement du SCC. Les Règles Mandela prévoient une norme de 15 jours. Nous estimons que cette mesure – le nombre médian de jours – cache bien plus qu’elle ne révèle. Prenons l’exemple d’une conclusion issue d’une partie antérieure de ce rapport sur la durée de séjour dans une UIS, telle que reproduite dans le tableau qui suit :
Table C1 : Nombre total de jours dans l’UIS, y compris ceux qui sont encore en service
  Fréquence Pourcentage Pourcentage cumulatif
De 1 à 5 752 20,1 20,1
De 6 à 15 874 23,4 43,5
De 16 à 31 606 16,2 59,8
De 32 à 61 636 17,0 76,8
De 62 à 552 866 23,2 100,0
Total 3 734 100,0  
  1. Bien qu’il soit utile, l’indicateur de rendement 4 dépend aussi, du moins en partie, du recours total à l’UIS. Si, dans une région donnée, les placements en UIS sont très fréquents et touchent un grand nombre de délinquants qui ne posent pas de grandes difficultés, le pourcentage de placements répétés sera probablement faible. Par contre, si les placements en UIS sont réservés aux détenus très difficiles ou complexes, il est probable qu’ils soient placés à nouveau en UIS.
  2. Nous avons eu du mal à comprendre la signification de l’indicateur de rendement 5 (c.-à-d. le lien entre « ultérieur » et « passés »). Mais à l’instar de l’indicateur 4 (discuté plus haut), il semblerait qu’il soit lié au moins autant à la composition des détenus transférés en UIS. Est-il possible de déterminer si les UIS, en comptant le transfert d’un grand nombre de prisonniers « faciles », répondent aux aspirations politiques?
  3. Les indicateurs de performance 6 à 9 se distinguent par les éléments qu’ils ne prennent pas en compte. Comme nous l’avons souligné précédemment, le facteur critique qui distingue le temps passé à l’UIS de l’isolement et de l’isolement prolongé (définis comme des actes de torture par les Règles Mandela) est le temps que le prisonnier passe hors de sa cellule (et le temps consacré aux contacts humains significatifs). Ces indicateurs ne font même pas mention de la durée.
  4. Le taux d’interventions acceptées est quelque peu vide de sens si l’on ne dispose pas de deux informations : (i) les interventions proposées, et (ii) les mesures prises pour rendre l’intervention attrayante (ou non) pour le prisonnier.
  5. L’indicateur de performance 11 est assez intéressant. Il est évident que le SCC est conscient qu’il s’agit là d’un problème. Preuve en est qu’à la mi-2020, une note de service d’un employé supérieur du Service correctionnel du Canada (SCC) avait indiqué que 79 décisions de transférer le détenu hors de l’unité d’intervention structurée (UIS) n’ont pas été exécutées.Note de bas de page 47

Il convient de noter que cette mesure de rendement – le temps entre la prise d’une décision juridique et la mise en œuvre de cette décision – a été élaborée pour souligner l’importance capitale du respect des décisions des décideurs externes indépendants (DEI). Toutefois, l’utilisation de la mesure de la durée « médiane » pourrait être considérée comme une tentative consciente d’occulter ce problème. Dans une analyse antérieure (rapportée dans les sections sur les DEI), nous avons noté que parmi les personnes dont la libération avait été ordonnée par les DEI, 35,3 % n’avaient pas été libérées dans les deux mois suivant le renvoi aux DEI. Cela se traduit, à notre sens, par le fait que 35,3 % des personnes dont les DEI ont ordonné la sortie de l’UIS étaient restés dans l’unité un mois après que les DEI aient ordonné le transfert. Si la valeur « médiane » était communiquée (estimée à environ 10-15 jours après la décision des DEI), on aurait l’impression qu’elle reflète assez bien les données. Or, ce n’est pas le cas.

Annexe D – Biographies des membres du CCMO UIS

Président

Howard Sapers

M. Sapers, expert éminent de gestion des services correctionnels efficaces et humains, a agi à titre d’enquêteur correctionnel du Canada et de conseiller auprès du gouvernement de l’Ontario sur les questions correctionnelles. Il a aussi été vice-président pour la région des Prairies de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, directeur du Fonds d’investissement dans la prévention du crime au Centre national de prévention du crime et directeur général de la Société John‑Howard de l’Alberta. En plus d’avoir été l’ancien président de l’Association canadienne de justice pénale, et membre du conseil d’administration du Forum canadien des ombudsmans, il a été un représentant régional d’Amérique du Nord à l’Institut international de l’ombudsman de 2012 à 2016. Il siège actuellement au conseil des administrateurs du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CTSM). Il est professeur associé au Département de criminologie de l’Université d’Ottawa, professeur adjoint de l’École de criminologie de l’Université Simon Fraser et titulaire d’un doctorat honorifique en droit de l’Université d’Ottawa.

Membres

Ed Buller

M. Buller est membre de la Première Nation Mistawasis (en Saskatchewan). Antérieurement, il était le directeur général de l’Association nationale des centres d’amitié et le Centre canadien des Premières Nations de Toronto. Il a aussi été le président du Pedahbun Lodge, un centre de toxicomanie autochtone à Toronto.

Durant sa carrière au ministère fédéral du Solliciteur général, M. Buller était responsable de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation de l’initiative des services correctionnels pour les Autochtones (1991-1996) et l’initiative des services correctionnels communautaires pour les Autochtones (1996-2001), deux programmes qui faisaient partie de la stratégie gouvernementale pour la justice autochtone. De plus, M. Buller a été le directeur des politiques autochtones au ministère de la Sécurité publique.

Actuellement, il est membre du conseil d’administration de Prévention du crime Ottawa et du Club du quart du siècle. Il est aussi aîné et conseillé pour l’Institut canadien d’information sur la santé et l’Hôpital royal d’Ottawa. M. Buller est ancien membre du Groupe de référence canadien auprès de la Commission des déterminants sociaux de la santé de l’Organisation mondiale de la santé.

Anthony Doob

Dr Doob est professeur émérite de criminologie et directeur du Centre de criminologie de l’Université de Toronto de longue date. Pendant plus de 40 ans, il a défendu le rôle de données empiriques dans l’élaboration de politiques, notamment comme membre de la Commission canadienne sur la détermination de la peine, collaborateur aux programmes de l’Institut national de la magistrature et fondateur et codirecteur de la revue Criminological Highlights de l’Université de Toronto (une publication qui rend accessible des recherches récentes de pointe). Dr Doob est membre de l’Académie des sciences sociales de la Société royale du Canada depuis 2009. En 2011, il a reçu le Prix Carolyn Tuohy de l’Université de Toronto pour son impact sur les politiques publiques. En 2014, il a été décoré de l’Ordre du Canada pour sa recherche dans le domaine de la criminologie et son rôle dans l’élaboration de politiques canadiennes de justice pénale.

Ed McIsaac

M. McIsaac travaille activement dans le système de justice pénale canadien depuis plus de 40 ans, tant dans le domaine gouvernemental que non gouvernemental. Sa passion : promouvoir les droits de la personne des détenus dans les établissements correctionnels.

Lorsqu’il était le directeur général du Bureau de l’enquêteur correctionnel, il a mené de nombreux examens des pratiques d’isolement dans les pénitenciers fédéraux partout au pays. Il a rédigé maintes recommandations réclamant l’amélioration du traitement des détenus de la part des Services correctionnels du Canada.

En 2009, M. McIsaac était lauréat du Prix d’excellence de la fonction publique pour sa carrière remarquable illustrant les valeurs, les priorités et l’éthique de la fonction publique fédérale. Après sa retraite, le Bureau de l’enquêteur correctionnel a créé un prix en son nom pour reconnaître chaque année les fonctionnaires qui ont démontré un engagement, pendant toute leur vie, à améliorer le système correctionnel canadien et à protéger les droits fondamentaux des détenus.

M. McIsaac détient un baccalauréat de l’Université Queen’s et une maîtrise en criminologie de l’Université d’Ottawa.

Farhat Rehman

Mme Rehman est cofondatrice de Mothers Offering Mutual Support (Mères qui offrent du soutien les unes pour les autres [sigle=M.O.M.S en anglais]). Depuis 2010, ce groupe aide les femmes, comme elle, qui ont un enfant ou proche détenu dans le système correctionnel. Dans son travail, elle dénonce les souffrances de son fils qui doit subir des difficultés en santé mentale en prison. À titre de représentante de MOMS, Mme Rehman siège à la Coalition de réformes correctionnelles de l’Ontario, un groupe de plus de 20 agences qui réclament des réformes au système de justice pénale en Ontario. Entre 1995 et 2020, elle était la présidente de la section locale d’Ottawa pour le Conseil canadien des femmes musulmanes, un organisme qui milite l’égalité des genres, la justice sociale, la participation citoyenne et la justice des genres.

Mme Rehman a reçu plusieurs prix pour son travail communautaire, dont le prix Les femmes qui inspirent en 2016 du Conseil canadien des femmes du Canada, les décorations pour service méritoire en 2017 du Gouverneur général et le Prix pour service communautaire de l’Organisation des femmes musulmanes d’Ottawa en 2019.

Janet Taylor

Mme Taylor a commencé sa carrière de 27 ans au Service correctionnel Canada (SCC) en 1988 avant de prendre sa retraite en 2015. Au cours de cette période, elle a occupé divers postes qui lui ont permis de mieux comprendre le mandat et les activités de l’organisme. Ayant un vif intérêt à travailler directement avec la population carcérale, Mme Taylor est devenue agente de libération conditionnelle et, par la suite, gestionnaire de l’évaluation et des interventions (GEI). Comme GEI, elle a présidé et coordonné les activités hebdomadaires de la Commission d’intervention correctionnelle et a assuré la liaison entre la Commission des libérations conditionnelles du Canada et l’Établissement de l’Atlantique, où elle a supervisé les activités des agents de liaison autochtones et les Aînés et a travaillé en étroite collaboration avec eux et l’administration régionale du SCC sur la mise en œuvre des activités liées aux initiatives autochtones. 

Mme Taylor a présidé le Comité de réexamen des cas d’isolement en établissement et est devenue une ressource précieuse et hautement respectée pour les directeurs de l’Établissement de l’Atlantique sur les questions liées à l’isolement et aux initiatives visant à élaborer des plans pour réduire la population en isolement. Au cours de ses dernières années à l’Établissement de l’Atlantique, elle a occupé le poste de directrice adjointe des interventions par intérim pendant diverses périodes, tout en poursuivant ses efforts pour aider à réduire le nombre de cas d’isolement.

Mme Taylor est titulaire d’un baccalauréat en sociologie avec mineure en psychologie de l’Université St Thomas à Fredericton, au Nouveau-Brunswick. 

Johanne Vallée

Mme Vallée possède une expérience diversifiée acquise au sein du secteur communautaire en justice pénale et de la fonction publique. Pendant plus de 20 ans, elle a dirigé l’Association des services de réhabilitation sociale du Québec. Elle a été vice-présidente du Conseil national de prévention du crime du Canada, sous-ministre associée de la Direction générale des services correctionnels du Québec, sous commissaire responsable du secteur des femmes délinquantes, et sous commissaire pour la région du Québec au sein du Service correctionnel du Canada. Présentement, elle est présidente du Comité paritaire conjoint entre les agents de la paix en services correctionnels et le ministère de la Sécurité publique du Québec et vice-présidente du Centre de pédiatrie sociale Laval.

Mme Vallée est diplômée de l’Université d’Ottawa en sociologie et possède une maîtrise en criminologie de l’Université de Montréal. En 2005, elle a reçu la médaille de la Faculté des Arts et des Sciences de l’Université de Montréal pour l’ensemble de sa carrière. En 2012, elle a reçu la médaille du jubilé de diamant de la Reine Elizabeth II. En 2019, la Société de criminologie du Québec lui a décerné le Prix Hommage pour l’ensemble de sa carrière.

Margo C. Watt

Dre Watt est professeure titulaire de psychologie et coordonnatrice du programme de psychologie judiciaire appliquée à l’Université St. Francis Xavier (StFX, Antigonish, Nouvelle-Écosse). Dre Watt est professeure auxiliaire à l’Université Dalhousie (Halifax, Nouvelle-Écosse) et associée de recherche honoraire à l’Université du Nouveau-Brunswick. En tant que psychologue clinicienne agréée, Dre Watt a offert des services professionnels au Service correctionnel du Canada au cours des 25 dernières années, dont des services de gestion des risques judiciaires, des services spécialisés en santé mentale et des évaluations de cas complexes.

Elle a reçu le Prix de recherche du président en 2009, le Prix d’excellence en enseignement en 2013 et la Chaire de recherche Jules-Léger (2017-2019) de l’Université St Francis Xavier. Ses publications en psychologie judiciaire comprennent Explorations in Forensic Psychology : Cases in Abnormal and Criminal Behaviour (2014) et Case Studies in Clinical Forensic Psychology (hiver 2023).

Robert Seymour Wright

M. Wright est un travailleur social afro-néo-écossais dont la carrière s’étend sur plus de 30 ans dans les domaines de l’éducation, de la protection de l’enfance, de la santé mentale dans le contexte judiciaire, des traumatismes, de la violence sexuelle et de la compétence culturelle.

Comme « clinicien, universitaire et administrateur », il a toujours intégré son travail de services cliniques directs aux clients à l’enseignement et à la supervision de stagiaires, ainsi qu’à la promotion d’un changement systémique durable pas son militantisme pour des politiques sociales. Il est expert d’un large éventail de questions cliniques, de politique sociale et de justice sociale. Il enseigne, consulte, forme, discute et commente. Il a occupé des postes supérieurs dans l’administration de la protection de l’enfance et comme fonctionnaire en Nouvelle-Écosse. Il a été chargé de cours à temps partiel en études sur l’enfance et la jeunesse, en éducation, en counseling, en travail social et en criminologie dans diverses universités.

Son travail bénévole considérable a donné naissance à The Peoples' Counselling Clinic, une clinique de santé mentale sans but lucratif. Il est le pionnier des évaluations de l’incidence de la race et de la culture (connues sous le nom de rapports présentenciels améliorés en Ontario) et dirige un projet visant à recruter et à former des évaluateurs à l’échelle nationale.

Références

Législation

Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, adoptée comme annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11(R.-U.).

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (L.C. 1992, ch. 20).

Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (DORS/92-620).

Jurisprudence

Association canadienne des libertés civiles c. Canada (Procureur général), 2019 ONCA 243.

Brazeau c. Procureur général (Canada), 2019 ONSC 188.

British Columbia Civil Liberties Association c. Canada (Procureur général), 2019 BCCA 228.

British Columbia Civil Liberties Association c. Canada (Procureur général), 2018 BCSC 62, 43 C.R. (7th) 1 (C.S.C.-B.) [BCCLA, jugement de première instance].

Autres

Addo, M. (2020). Segregation in Canada and Other Western Democracies, Association canadienne de justice pénale. Extrait de : https://www.ccja-acjp.ca/pub/en/briefs-articles/segregation-in-canada-and-other-western-democracies-mark-addo/.

Beaudette, J.N., Power, J., et Stewart, L. A. (2015). La prévalence nationale des troubles mentaux chez les délinquants de sexe masculin sous responsabilité fédérale nouvellement admis (Rapport de recherche, R-357). Ottawa (Ontario) : Service correctionnel du Canada.

Brown, G., J. Barker, K. McMillan, R. Norman, D. Derkzen et L. Stewart. (2018). Prévalence nationale des troubles mentaux chez les délinquantes sous responsabilité fédérale : échantillon de la population carcérale (R-406). Ottawa (Ontario) : Service correctionnel du Canada.

Bureau de l’enquêteur correctionnel (28 mai 2015) Isolement administratif dans les services correctionnels fédéraux Tendances sur 10 ans. Extrait de : https://www.oci-bec.gc.ca/cnt/rpt/oth-aut/oth-aut20150528-fra.aspx?texthighlight=segregation

Canada, Comité consultatif sur la mise en œuvre des unités d’intervention structurée, Observations préliminaires sur l’exploitation des unités d’intervention structurée de Service correctionnel Canada (26 octobre 2021). Extrait de : https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/2022-siu-iap/index-fr.aspx.

Canada, Commission d’enquête sur certains événements survenus à la Prison des femmes de Kingston (1995). Extrait de : https://www.publications.gc.ca/site/fra/9.831723/publication.html

Canada, Parlement, Chambre des communes, Comité permanent de la sécurité publique et nationale, Procès-verbaux et témoignages, 43e législature, 2e session. Document soumis le 23 juillet 2021, partie 1, b. Extrait de : https://www.ourcommons.ca/content/Committee/432/SECU/WebDoc/WD11469999/11469999/CorrectionalServiceCanada-2021-07-23-Part1-b.pdf.

Centre de toxicomanie et de santé mentale (2022). Mental Illness and Addiction: Facts and Statistics. Extrait de : https://www.camh.ca/en/driving-change/the-crisis-is-real/mental-health-statistics.

Cloward, R. (1960). Social Control in the Prison tel que cité au Canada, Report of the Study Group on Dissociation (1975). Extrait de : https://www.publicsafety.gc.ca/lbrr/archives/hv%209506%20g7%201975-eng.pdf.

Commission de la santé mentale du Canada (CCMC, 2017). Les besoins en matière de santé mentale des personnes ayant des démêlés avec la justice Brève revue exploratoire de la littérature

Doob, A & Sprott, J. (2020). Understanding the Operation of Correctional Service Canada’s Structured Intervention Units: Some Preliminary Findings. Extrait de : https://www.crimsl.utoronto.ca/news/reports-canada%E2%80%99s-structured-intervention-units.

Haney, Craig : « The Psychological Effects of Solitary Confinement: À Systematic Critique ». Crime and Justice : A Review of Research (Michael Tonry, rédacteur en chef). Volume 47. The University of Chicago Press, 2018.

Kerr, L. “The Chronic Failure to Control Prisoner Isolation in US and Canadian Law” (2015A) Queen’s Law Journal, Vol. 40, No. 2, 483–530.

Kerr, L. “The Origins of Unlawful Prison Policies” (2015B) Canadian Journal of Human Rights, Vol. 4, No. 1, 91–119.

Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela). Extrait de : https://www.unodc.org/documents/justice-and-prison-reform/Nelson_Mandela_Rules-F-ebook.pdf.

Service correctionnel Canada (2021). Caractéristiques des délinquants sous responsabilité fédérale dans des unités d’intervention structurée, dans la population carcérale régulière et en isolement préventif. Recherche en bref no RIB-21-13. Extrait de : https://www.csc-scc.gc.ca/research/005008-rib-21-13-fr.shtml.

Service correctionnel Canada (2022). CSC Structured intervention Units – Construction Project Completion – Executive Dashboard Last updated:2022-05-10, document déposé au CCMO le 24 mai 2022.

Service correctionnel Canada. (2016). Rapport d’étape sur l’isolement préventif. Consulté sur https://www.csc-scc.gc.ca/publications/005007-2540-fra.shtml.

Service correctionnel Canada. (2017). Troubles mentaux concomitants : prévalence et incidence sur les résultats en établissement (Document no R-379) [Résumé de recherche]. https://www.csc-scc.gc.ca/005/008/092/r-379-fra.pdf.

Service correctionnel Canada. (2022). Rapport d’étape sur l’isolement préventif. Extrait de : https://www.csc-scc.gc.ca/publications/005007-2540-fra.shtml.

Service correctionnel Canada. Unités d’intervention structurée. Extrait de : https://www.csc-scc.gc.ca/publications/005007-2540-fra.shtml.

Service correctionnel Canada. Vue d’ensemble des unités d’intervention structurée. Extrait de : https://www.csc-scc.gc.ca/acts-and-regulations/005006-3002-fr.shtml.

Service correctionnel du Canada, DC-702, Délinquants autochtones. Extrait de : https://www.csc-scc.gc.ca/lois-et-reglements/702-cd-fra.shtml.

Service correctionnel du Canada, DC-711, Unités d’intervention structurée. Extrait de : https://www.csc-scc.gc.ca/politiques-et-lois/711-cd-fr.shtml.

Sommaire de l’évaluation – Services de santé du SCC (2015) https://www.csc-scc.gc.ca/publications/005007-2018-fra.shtml.

Sprott, J. & Doob, A. (2020). Is there clear evidence that the problems that have been identified with the operation of Correctional Service Canada’s “Structured Intervention Units” were caused by the COVID-19 Outbreak? An examination of data from Correctional Service Canada. Extrait de : https://www.crimsl.utoronto.ca/news/reports-canada%E2%80%99s-structured-intervention-units.

Sprott, J. et Doob, A. (2021). Solitary Confinement, Torture, and Canada’s Structured Intervention Units. https://www.crimsl.utoronto.ca/news/reports-canada%E2%80%99s-structured-intervention-units Extrait de : https://www.crimsl.utoronto.ca/news/reports-canada%E2%80%99s-structured-intervention-units.

Sprott, J., Doob, A., Iftene, A. (2021). Do Independent External Decision Makers Ensure that “An Inmate’s Confinement in a Structured Intervention Unit Is to End as Soon as Possible”? Extrait de : https://www.crimsl.utoronto.ca/news/reports-canada%E2%80%99s-structured-intervention-units.

Stewart, M. J., et Watt, M. C.(2014). Substance use and mental health problems among Canadian women offenders. Magazine de la Société canadienne de psychologie (SCP), Psynopsis, édition spéciale : Justice pénale et santé mentale, 36(1), 14-16

Wang, J. et coll. (2017). Public Expenditures for Mental Health Services in Canadian Provinces: Dépenses publiques pour les services de santé mentale dans les provinces canadiennes. La Revue canadienne de psychiatrie, 63, 250-256.

Webster, C. (2015). Comment causer délibérément des troubles mentaux. Voir https://www.csc-scc.gc.ca/research/forum/e023/e023j-fra.shtml.

Date de modification :