Évaluation du Programme de mieux être communautaire Mamowichihitowin : étape 1 description et modèle logique du programme

Sommaire

Le présent projet de recherche constitue la première étape d'une évaluation du Programme de mieux-être communautaire Mamowichihitowin (PMCM) réalisé à Hinton, et Alberta. Élaboré sous les auspices du Hinton Friendship Centre, le PMCM est une réponse holistique et complète à la question de l'agression sexuelle intrafamiliale chez les enfants, orientée de façon précise vers les collectivités autochtones. Le programme adopte une approche multidisciplinaire pour offrir un traitement au délinquant, à la victime, ainsi qu'à la famille immédiate et étendue.

Le PMCM est une initiative et un projet particulier à l'Alberta. Une évaluation externe s'avère nécessaire pour comprendre de façon approfondie le programme et ses répercussions sur les délinquants, les victimes, leurs familles et la collectivité. La connaissance des répercussions d'un tel programme peut permettre de changer et améliorer la façon de réaliser le PMCM, peut aider à déterminer à quel point cette approche parvient efficacement à traiter l'abus sexuel d'enfants, en particulier au sein des collectivités autochtones, et peut renseigner sur les forces et les faiblesses de ce type de programme et la possibilité que d'autres instances gouvernementales le reproduisent.

La première étape de l'évaluation comporte trois volets : la documentation de l'initiative, le l'analyse de l'évaluation et l'établissement d'une stratégie d'évaluation formative. Les activités de recherche suivantes ont été effectuées pour recueillir l'information nécessaire aux trois volets susmentionnés :

Les constatations découlant de la recherche pour l'étape 1 sont présentées dans le rapport dans l'ordre suivant : le contexte, le Programme de mieux-être communautaire Mamowichihitowin, les réussites et les difficultés, l'évaluation, et les conclusions et recommandations. Les faits saillants des constatations sont présentés, par chapitre, ci‑après.

Le contexte

L'abus sexuel d'enfants

Programme de mieux-être communautaire Mamowichihitowin

Relations communautaires

Description du programme

Traitement

Réussites et difficultés

Évaluation

Recommandations et conclusions

Les recommandations suivantes visent à améliorer l'efficacité du programme et à permettre une évaluation dans l'avenir. On devrait en tenir compte lorsque l'on envisagera d'utiliser le modèle du PMCM dans une autre collectivité.

Activités administratives

Relations communautaires

Éducation et sensibilisation

Stratégie d'évaluation

En dépit du fait que le PMCM était assez nouveau, tous ceux qui ont participé à son élaboration et à sa mise en œuvre méritent d'être félicités de leurs réussites jusqu'à maintenant. Il y a beaucoup à apprendre des succès remportés et des difficultés éprouvées par les responsables du programme et de la façon dont ils ont réagi selon les circonstances. À mesure que le programme progresse et donne des résultats, les indicateurs du succès proposés, tels que des milieux familiaux sains, la diminution du taux d'abus sexuel à l'endroit des enfants dans la région et le resserrement des liens entre la collectivité autochtone et la collectivité non autochtone, deviendront plus évidents. Ce sont de telles réussites qui rendent le PMCM si unique et en font un excellent modèle à reprendre ailleurs au Canada.

Remerciements

J'aimerais exprimer ma gratitude à l'égard de l'aide et de la collaboration d'un certain nombre de personnes et d'organismes qui ont permis la réalisation de l'étape 1 de l'étude. Tout d'abord, j'aimerais remercier Mme Lisa Higgerty et Mme Shauna Walker du Programme de mieux-être communautaire Mamowichihitowin (PMCM). Sans elles, l'accès aux personnes et aux renseignements n'aurait pas été possible. Elles ont été très généreuses de leur temps et de leurs connaissances. J'aimerais également remercier M. Tony Martens du temps, des connaissances et des compétences spécialisées qu'il a mis à ma disposition au cours des consultations sur le projet.

J'aimerais exprimer ma gratitude envers Mmes Yvonne Oshanyk, Betty Osmond et Tammy Hayes pour le temps et le soutien qu'elles ont accordés à ce projet. Je remercie le comité consultatif et le comité directeur des conseils qu'ils m'ont donnés sur le processus, de m'avoir autorisée à assister à leurs réunions. Mes remerciements à l'agente de police Marlene Zurevinsky du détachement de la GRC à Hinton, à la Division K de la GRC et aux Services d'aide à l'enfance de la province qui ont aidé à obtenir des données statistiques.

Je suis reconnaissante de l'apport des personnes qui ont participé aux entrevues à titre de sujets clés et aux Aînés, qui ont été rencontrés en groupe. Toutes ces discussions m'ont éclairée grandement sur le PMCM.

J'aimerais exprimer ma gratitude à Joseph Hornick, directeur de l'Institut canadien de la recherche sur le droit de la famille, qui a accepté le rôle de directeur du projet. Mes remerciements à M. Hornick, M. Lorne Bertrand et Mme Joanne Paetsch que j'ai pu consulter relativement au projet et qui ont accepté d'examiner l'ébauche du présent rapport. J'aimerais également remercier Mme Linda Haggett pour son aide à l'édition et au formatage du rapport.

L'étape 1 de l'évaluation a été financée par le Hinton Friendship Centre au moyen de fonds fournis par Sécurité publique et Protection civile Canada. Mille mercis aux agentes de projet, Mmes Kimberly Fever et Corina Hayward, pour leur soutien à ce projet. Les services de Mme Monica Pauls, coordonnatrice des projets de recherche pour l'Alberta ont été financés par l'Alberta Law Foundation. L'Institut canadien de recherche sur le droit de la famille reçoit une subvention de l'Alberta Law Foundation.

Introduction

Les collectivités des Premières nations font face à des difficultés et des conditions uniques en matière de violence familiale et d'abus sexuel. Pour s'attaquer à la question de l'abus sexuel d'enfants d'une façon efficace, holistique et complète, le Hinton Friendship Centre a récemment mis en œuvre le projet appelé « Programme de mieux-être communautaire Mamowichihitowin ». Ce programme adopte une approche multidisciplinaire dans le but d'offrir un traitement aux délinquants et aux victimes, de même qu'aux membres de la famille immédiate et élargie. Le traitement aborde les aspects spirituels, affectifs, mentaux et physiques de la vie des gens, en intégrant une composante culturelle au processus thérapeutique, qui est offerte aux clients qui se sentent à l'aise d'y recourir.

Le Programme de mieux-être communautaire Mamowichihitowin (PMCM) est une initiative et un projet pilote particulier à l'Alberta et, en fait, à l'ensemble du Canada. Une évaluation externe est nécessaire pour permettre de comprendre en profondeur le PMCM et ses effets sur les délinquants, les victimes, leurs familles et la collectivité. Cette connaissance des effets d'un tel programme peut amener des changements et des améliorations à la façon dont le PMCM est réalisé, permettre d'établir le degré d'efficacité de l'approche en matière de traitement de la violence et, notamment, de violence sexuelle à l'endroit des enfants, en particulier dans les collectivités autochtones, et peut renseigner sur les forces et les faiblesses du programme et sur la possibilité de l'exécuter ailleurs, dans d'autres instances gouvernementales.

Raison d'être de l'étude

Le présent rapport renferme les résultats de la première étape d'une évaluation du PMCM réalisée à Hinton, en Alberta. L'étape 1 concerne la documentation de l'initiative, l'analyse de l'évaluabilité et l'établissement d'une stratégie d'évaluation formative.

De façon précise, cette étude visait à réaliser ce qui suit :

Activités de recherche

L'équipe de recherche était composée du directeur du projet, Joseph P. Hornick, de la codirectrice du projet, Monica Pauls, de l'analyste principal des données, Lorne D. Bertrand, et de l'administratrice/attachée de recherche, Joanne J. Paetsch. Le calendrier de l'étape 1 allait de mars à octobre 2004. Les activités de recherche suivantes, sur lesquelles repose le présent rapport, ont été effectuées au cours de cette période :

Structure du rapport

Le chapitre 2.0 du présent rapport renferme la description du contexte dans lequel se situe le PMCM, notamment des renseignements sur les collectivités participantes, la population autochtone et l'abus sexuel d'enfants dans la région. Le chapitre 3.0 présente de l'information documentant l'initiative et une description du PMCM. Il renferme également la description du travail lié aux relations communautaires qui a été fait avant la mise en œuvre du programme. Dans le chapitre 4.0, il est question des réussites et des difficultés rencontrées tout au long de l'élaboration et de la mise en œuvre du programme. Il s'agit d'un élément important du rapport. Lorsque l'on examinera la possibilité d'exécuter le PMCM ailleurs au Canada, on pourra apprendre énormément de ces expériences. Dans le chapitre 5.0, il est question de la possibilité de réaliser une évaluation en ce moment; on y décrit les éléments nécessaires à la conduite d'une telle évaluation. Cette section donne également les grandes lignes d'une stratégie d'évaluation. Le chapitre 6.0 fait état des conclusions tirées et des recommandations formulées. Un modèle de grille d'évaluation du degré de réalisation des objectifs et un diagramme du modèle logique du programme sont fournis à titre d'annexes.

Liste des acronymes

Les acronymes qui suivent sont utilisés dans le présent rapport :

Le contexte

Description de la collectivité

Le Programme de mieux-être communautaire Mamowichihitowin (PMCM) est réalisé dans la ville de Hinton, en Alberta, sa clientèle provient d'une vaste région qui inclut les villes de Jasper, Edson et Grande Cache, ainsi que les peuplements autochtones et les coopératives autochtones environnants.

La ville de Hinton est à 300 km à l'ouest d'Edmonton et à 90 km à l'est du parc national Jasper. Les principales industries dans la région sont la coupe de bois et l'extraction du charbon, du pétrole et du gaz. La nature de cette économie a entraîné une migration régionale; le développement de l'usine de pâte à papier, en particulier, a transformé le village de Hinton en ville. Un grand nombre de personnes ont emménagé dans la région en provenance d'autres provinces, à la recherche d'emplois. La localité a donc un passé marqué par la violence qui a encore une incidence sur les générations aujourd'hui.

Environ 10 000 personnes vivent à Hinton. La ville compte une importante population autochtone (environ 12 % de la population totale) dont la majorité provient de la région. C'est dans la réserve située à l'extérieur de Hinton, à Alexis Cardinal River, que se situe le Small Boys Camp (d'une population d'environ 120 personnes). Bon nombre de ces Autochtones sont des survivants des pensionnats, où ils ont subi de mauvais traitements.

Edson compte environ 7 500 habitants. Comme dans le cas de Hinton, des industries telles que le pétrole et le gaz, le bois et le charbon ont imposé une population de passage, amenant son lot de problèmes sociaux. En ville, il y a environ 1 000 Autochtones, dont la majorité sont des Métis. Marlboro, qui était considéré dans le passé comme un peuplement métis, accueille maintenant des membres des Premières nations et se situe immédiatement à l'ouest d'Edson.

Grande Cache est à 150 km au nord‑ouest de Hinton. L'histoire de cette région nous révèle qu'en 1907, un nombre important d'Autochtones forcés par le gouvernement fédéral de quitter le parc national Jasper se sont installés dans la région. D'autres Autochtones dont le schéma de migration traversait les Prairies et la Colombie‑Britannique ont décidé de s'installer également dans le secteur. Il y avait au sein de cette population un nombre important d'anciennes victimes des abus sexuels subis dans au moins quatre pensionnats (où on l'infliction de mauvais traitements a déjà été documenté). Vers les années 1950, la région a connu une arrivée massive de mineurs et de travailleurs du chemin de fer. Grande Cache est devenue le campement de centaines d'hommes lorsque la mine de charbon s'est développée en 1960. La collectivité a été exposée à l'alcool, et les taux de sévices sexuels ont monté en flèche. Grande Cache est demeurée isolée jusqu'au début des années 1970, moment où l'on a construit une route : la ville a commencé à se développer, et la population, à se transformer.

Au cours de cette période, le gouvernement provincial a conclu des ententes distinctes visant la création de quatre coopératives des Premières nations et de deux entreprises, dans les alentours de Grande Cache. Cependant, les ententes ne constituaient pas un dédommagement, comme l'avaient compris les Autochtones. Les commissaires aux traités n'ont jamais approché les citoyens de ce secteur au sujet du traité; les habitant se sont donc vu refuser deux fois le statut de Premières nations. Le territoire est maintenant divisé en sept coopératives autochtones : Susa Creek, Kamisak Enterprise (Grande Cache Lake), Victor Lake, Muskeg Ceepee (Muskeg), Joachim Enterprise, Wanyandie Flats East et Wanyandie Flats West. Tout comme les peuplements, les coopératives autochtones sont petites, occupant des parcelles de terres isolées le long d'une route de 45 km. Elles sont gérées par de petits conseils, elles doivent verser un impôt de coopérative et elles ont des droits particuliers sur les terres. Les conditions de vie y sont lamentables et on les a comparées à celles du tiers monde. De nombreuses difficultés découlent du manque de compréhension entre les collectivités autochtones et non autochtones. Aujourd'hui encore, le cycle des problèmes sociaux se perpétue dans cette région.

Actuellement, Grande Cache compte environ 3 500 personnes. Une partie de cette population est assez passagère, vu la présence de l'Établissement de Grande Cache non loin; un certain nombre de personnes s'y installent temporairement pour se rapprocher d'un détenu. La majorité des habitants sont membres de la Nation des Aseniwuche Winewak (NAW). La NAW, une société sans but lucratif qui représente les Autochtones locaux, tente d'obtenir plus de services pour la collectivité et un dédommagement pour les épreuves du passé.

La ville de Jasper est quelque peu différente des collectivités environnantes et présente des caractéristiques sociales particulières. Elle est reconnue pour être une ville touristique dont la population de base est composée en grande partie de résidents fortunés qui possèdent le gros de la ville et de travailleurs migrants qui travaillent dans le secteur des services. Les faibles salaires versés à ces travailleurs ne sont pas proportionnés au coût élevé de la vie dans ce secteur, ce qui entraîne de nombreux problèmes sociaux, souvent bien cachés sous les apparences d'une collectivité riche. Environ 6 000 personnes vivent à Jasper, dont très peu d'Autochtones. Les familles autochtones, bien que peu nombreuses, manquent de tout, car elles vivent dans la pauvreté extrême et dépendent très largement des diverses ressources communautaires.

The Aboriginal Population

Une proportion importante de la population dans cette région est autochtone; il s'agit soit de membres des Premières nations, soit de Métis. Bien qu'il n'y ait qu'une seule réserve dans la région, il y a un certain nombre de peuplements et de coopératives autochtones. Enfin, un nombre assez important d'Autochtones habite en ville.

Les membres des Premières nations ont connu par le passé les mauvais traitements et l'exploitation, qui ont mené à des problèmes de violence familiale très répandus aujourd'hui dans les collectivités. La Loi sur les Indiens, l'introduction de l'alcool et les pensionnats ne sont que quelques exemples des injustices qu'ont subies les membres des Premières nations, injustices qui à leur tour, ont créé un climat favorable à la violence et aux mauvais traitements.

Les pensionnats, en particulier, ont eu des répercussions désastreuses sur la vie des Autochtones. Les effets de cette expérience ont été ressentis non seulement par ceux qui l'ont vécue directement, mais également par leurs familles et leurs descendants. Les pensionnats ont été établis bien avant la Confédération et ont été utilisés par le gouvernement fédéral pour s'acquitter de son obligation en vertu de la Loi sur les Indiens d'offrir une éducation aux Autochtones. Afin de « christianiser » les Premières nations, le gouvernement a structuré les pensionnats de façon à ce qu'ils éduquent les Autochtones selon des méthodes et des valeurs non autochtones. Le gouvernement a prétendu que la légitimité de ces écoles était garantie par un droit issu des traités et que ces établissements constituaient une façon de préserver les valeurs et la culture; en réalité, les pensionnats étaient une tentative d'assimilation des membres des Premières nations à la culture dominante.

Les enfants qui ont vécu dans des pensionnats ont connu de nombreuses injustices. Parmi ces injustices mentionnons le placement en établissement, les piètre conditions de vie et la mauvaise alimentation, la séparation des membres d'une même famille (à l'extérieur et à l'intérieur de l'établissement), l'oppression culturelle et la non‑reconnaissance de l'identité culturelle, la violence physique et psychologique répétée et, même, la mort. Chez les survivants, bon nombre ne se rendent pas compte de l'étendue de l'influence que cette expérience a eu sur leurs attitudes, leurs croyances, leurs valeurs et leur identité d'aujourd'hui. Cette expérience a influencé la façon dont ils vivent aujourd'hui ainsi que la façon dont ils traitent et influencent leurs propres familles et dont ils comprennent leur identité culturelle. Même si ces expériences se sont déroulées dans le passé, les problèmes qui en découlent doivent être réglés.

Aujourd'hui, les Autochtones, dans la ville et aux environs, sont souvent tenus à l'écart de la société non autochtone. En ville, il est assez difficile pour les Autochtones de se regrouper en communauté; le Hinton Friendship Centre et l'Edson Friendship Centre ont offert l'occasion aux Autochtones de constituer un noyau qui les réunisse. Pour ceux qui ne sont pas associés à ces centres, l'isolement de la collectivité autochtone et de la collectivité non autochtone risque de s'aggraver. Les Autochtones qui vivent dans les peuplements et les coopératives environnants sont plus en contact étroit les uns avec les autres, mais se trouvent davantage à l'écart de la vie en ville.

Étant donné sa position isolée et ses expériences passées, la collectivité autochtone hésite souvent à faire appel aux services, aux ressources et au soutien offerts par  la collectivité non autochtone. Les fournisseurs de services non autochtones sont souvent incapables de fournir les appuis adaptés sur le plan culturel et adéquats, à une collectivité dont ils ne font pas partie. Les services à l'enfance et la GRC, en particulier, ont du mal à trouver des façons de travailler efficacement avec ces populations. Les membres des Premières nations ont vécu des expériences négatives avec les services gouvernementaux et sociaux dans le passé; les rapports entre une bonne partie des collectivités autochtones et des systèmes tels que les services d'aide à l'enfance et la police sont teintés de méfiance et de crainte. Vu cette situation, lorsque la collectivité autochtone a besoin d'aide pour faire face à des problèmes sociaux, elle a souvent l'impression d'avoir nulle part où s'adresser.

Abus sexuel d'enfants

Pour pouvoir déterminer si le PMCM satisfait ou non aux besoins de la collectivité, on a posé des questions précises au cours d'entrevues menées auprès de sujets clés pour mieux comprendre le contexte entourant les abus sexuels dans la région. Il s'est révélé que les répondants percevaient la question de diverses façons. La plupart des sujets clés se sont dits préoccupés et ont dit que l'abus sexuel d'enfants était une question à laquelle on devait s'attaquer de façon plus efficace. Cependant, cette perception n'était pas étayée de preuves sur le plan des signalements, des enquêtes de la GRC ou des services à l'enfance, ni des cas de poursuite devant les tribunaux.

Des données statistiques sur l'abus sexuel d'enfants ont été recueillies extraites du Système provincial d'information sur les services à l'enfance et du Système de récupération de renseignements judiciaires (SRRJ) de la GRC (voir le Tableau 1). On avait demandé les renseignements suivants : depuis 2000, le nombre d'enquêtes à la suite d'allégations d'abus sexuel d'enfants, y compris les enquêtes sur les cas où l'infraction a été commise il y a plusieurs années, en ce qui concerne les villes de Hinton, d'Edson, de Jasper et de Grande Cache, et la région environnante.

Tableau 1 : Enquêtes sur les cas d'abus sexuel d'enfants par les Services d'aide à l'enfance et la GRC, par année et par lieu, de 2000 à 2004
PROVENANCE DES DONNÉES Services d'aide à l'enfance1 GRC2
ANNÉE 1999-2000 2000
Lieu3
Hinton4 0 1
Edson 3 0
Grande Prairie/Grande Cache5 25 0
Total 28 1
ANNÉE 2000-2001 2001
Hinton 3 0
Edson 1 0
Grande Prairie/Grande Cache 25 0
Total 29 0
ANNÉE 2001-2002 2002
Hinton 0 0
Edson 0 0
Grande Prairie/Grande Cache 19 0
Total 19 0
ANNÉE 2002-2003 2003
Hinton 3 0
Edson 4 13
Grande Prairie/Grande Cache 29 0
Total 36 13
ANNÉE 2003-2004 20046
Hinton 0 0
Edson 2 0
Grande Prairie/Grande Cache 16 0
Total 18 0

*Nota : La GRC n'a terminé aucune enquête à Jasper, de 2000 à 2004.

  1. Les enquêtes menées par les Services d'aide à l'enfance comprennent les cas suivants : abus sexuels commis par le tuteur ou la tutrice, le tuteur ou la tutrice risque de commettre des abus sexuels, incapacité du tuteur ou de la tutrice de protéger l'enfant contre des abus sexuels.
  2. Les enquêtes de la GRC portaient sur des cas d'enfants de sexe masculin et de sexe féminin victimes d'abus sexuels.
  3. Le lieu renvoie à l'instance gouvernementale; inclut la ville et les secteurs environnants.
  4. Les Services d'aide à l'enfance incluent Jasper dans le décompte de Hinton.
  5. Les Services d'aide à l'enfance incluent Grande Cache dans le compte de Grande Prairie. Dans les données de la GRC, Grande Cache est considérée comme un lieu distinct.
  6. Le total n'est pas pour toute l'année (données non disponibles).

Les Services d'aide à l'enfance et la GRC recueillent les données et les présentent de façon différente. Il faut se rappeler ces différences lorsque l'on examine les données; il n'est pas possible de faire des comparaisons directes. Les Services d'aide à l'enfance rendent compte des enquêtes terminées, par exercice. Les enquêtes sont classées par résultats, dont trois résultats concernent l'abus sexuel d'enfants : 1) les abus sexuels commis par le tuteur ou la tutrice, 2) le tuteur ou la tutrice risque de commettre des abus sexuels, et 3) incapacité du tuteur ou de la tutrice de protéger l'enfant contre des abus sexuels. Les données pour cette région sont recueillies par ville et par secteur environnant; cependant, Jasper est inclus dans le compte de Hinton, et Grande Cache est incluse dans le compte de Grande Prairie. Une enquête complète par les Services d'aide à l'enfance signifie que des services de protection ont été demandés, mais non que des accusations au criminel ont été déposées.

En 1999‑2000, les Services d'aide à l'enfance ont terminé 28 enquêtes sur l'abus sexuel d'enfants dans la région; la majorité de ces cas était dans Grande Prairie (Grande Cache est incluse dans le compte). En 2000‑2001, 29 enquêtes ont été terminées, en 2001‑2002, ce nombre s'élevait à 19 (toutes les enquêtes avaient été menées dans Grande Prairie), en 2002‑2003, à 36 et en 2003‑2004, à 18. Le Tableau 2 fait état du pourcentage des cas des Services d'aide à l'enfance (enquêtes terminées) qui avaient trait à des abus sexuels perpétrés contre des enfants, par année et par endroit.

La GRC se sert d'un système de données interne appelé le Système de récupération de renseignements judiciaires (SRRJ) pour recueillir des renseignements sur les demandes de service. Le SRRJ fait état de toutes les demandes de service, par lieu, date et motif de la demande. La police classe ensuite les demandes ayant donné lieu à une enquête, en fonction de codes d'enquête et elle est en mesure de produire des résumés d'enquête pour des périodes données. Les enquêtes sur les cas d'enfants victimes d'abus sexuels visés par le Code criminel sont codées à titre de « infraction contre un enfant - sexuelle, de sexe masculin ou de sexe féminin ». Le terme « de sexe masculin ou de sexe féminin » renvoie à la victime. Les enquêtes sont déclarées par territoire administratif pour les années demandées. Les territoires incluent non seulement la ville, mais également les secteurs environnants. Le détachement d'Edson, par exemple, peut enquêter sur un cas d'abus sexuel d'enfants à Marlboro.

En 2000, la GRC a fait enquête sur un cas d'abus sexuel d'enfants, et le dossier relevait du détachement municipal de Hinton. La de GRC n'a aucunement enquêté dans la région en 2001, ni en 2002. On a fait enquête sur un nombre étonnant de cas en 2003; la GRC fait état de 13 enquêtes cette année. Les enquêtes sont déclarées par victime, de sorte qu'il est possible qu'un délinquant soit responsable d'un certain nombre d'infractions. Par exemple, si un père commet une infraction contre ses quatre enfants, cela peut donner lieu à quatre enquêtes, si les cas sont signalés séparément. Cela peut expliquer le nombre élevé d'enquêtes en 2003, mais ce ne sont là que des spéculations de la part de l'auteure. La GRC n'a terminé aucune enquête sur des cas d'abus sexuel d'enfants à Jasper et ses environs, de 2000 à 2004. Aucune enquête n'a été effectuée non plus à Grande Cache ni dans ses environs.

Tableau 2 : Pourcentage de cas traités par les Services d'aide à l'enfance1 portant sur des enfants victimes d'abus sexuels, par année et par endroit, de 2000 à 2004

Année

Lieu

(ville et municipalité)

Hinton2

Edson

Grande Prairie /
Grande Cache3

1999/2000

0%
(0/144)

1%
(3/204)

3%
(25/925)

2000/2001

2%
(3/184)

.5%
(1/209)

3%
(25/926)

2001/2002

0%
(0/180)

0%
(0/247)

2%
(19/1045)

2002/2003

1%
(3/204)

2%
(4/220)

3%
(29/1092)

2003/2004

0%
(0/165)

1%
(2/164)

2%
(16/804)

1 Enquêtes terminées.
2 Les Services d'aide à l'enfance incluent Jasper dans le compte de Hinton.
3 Les Services d'aide à l'enfance incluent Grande Cache dans le compte de Grande Prairie

Des sujets clés des Services d'aide à l'enfance interrogés ont dit qu'ils reçoivent par année en moyenne 30 signalements relatifs à des allégations d'abus sexuel d'enfants; environ 6 % des dossiers des Services à l'enfance sont liés à des abus sexuels. Parmi ces signalements, les sujets clés du Bureau du procureur de la Couronne interrogés disent que seuls deux ou trois cas donnent lieu à des accusations au criminel ou font l'objet de poursuites devant les tribunaux, car souvent les cas ne correspondent pas aux paramètres liés à un processus judiciaire complet. Actuellement, quatre clients du PMCM sont des délinquants aiguillés par les tribunaux.

L'insuffisance de preuves en provenance des Services d'aide à l'enfance et de la GRC ne signifie pas qu'il n'y ait pas d'abus, mais peut indiquer une rupture à un certain point dans le processus (p. ex., signalement, communication de la preuve, mise en accusation au criminel, verdict de culpabilité des délinquants en cour). Il est important de noter que les statistiques ne reflètent pas nécessairement toutes les questions auxquelles une famille peut être confrontée. À titre d'exemple, si le phénomène des abus sexuels n'est pas une préoccupation immédiate au cours de l'enquête initiale des Services à l'enfance, elle peut ne pas être incluse dans le codage principal d'un cas. Au cours du processus d'enquête, des renseignements peuvent être découverts, mais non enregistrés, parce que le risque n'est pas actuel (p. ex., abus sexuels subis dans le passé). Bien que de tels facteurs puissent avoir une incidence sur une famille, ils n'exigent pas une intervention immédiate de la part des services d'aide à l'enfance. Tous les sujets clés interrogés s'entendent à dire qu'il est probable qu'il y a plus de cas d'abus sexuels dans la collectivité, mais que les cas ne soient pas signalés ou qu'il n'y ait pas suffisamment de preuves pour que des accusations au criminel soient déposées. Ils conviennent également du fait que le phénomène des abus sexuels dans ce secteur est représentatif de la situation des autres régions rurales au Canada.

Les sujets clés interrogés ont exprimé des opinions variées sur la question de savoir si le phénomène des abus sexuels est plus problématique dans les collectivités autochtones que dans les collectivités non autochtones. La plupart des répondants ont dit ne pas avoir l'impression que la proportion de ces infractions dans les collectivités autochtones était plus élevée, mais plutôt que, comme le PMCM se concentrait sur cette population, le problème semblait plus répandu. Les sujets interrogés ont dit que, s'il y a un délinquant sexuel dans une famille autochtone, les actes commis touchent souvent directement un plus grand nombre de personnes dans le système familial, étant donné la structure de familles étendues souvent rencontrée dans les collectivités autochtones.

La plupart des sujets interrogés ont dit que, selon eux, on avait moins prêté attention à la question des abus sexuels dans les collectivités autochtones que dans les collectivités non autochtones, sur le plan des ressources, des appuis et des services permettant de faire face à la question. Les collectivités autochtones sont souvent isolées sur le plan géographique et les gens ont l'impression de ne pas être en mesure de profiter des services venant de l'extérieur de leurs propres systèmes de soutien. Il y a eu peu de signalements et peu de réactions.

Le PMCM existait déjà dans cette région dans les années 1980, et s'appelait le Yellowhead Family Sexual Assault Treatment Program (YFSATP). Le programme avait été créé pour répondre aux besoins de la collectivité à cette époque. Sur le plan de l'abus sexuel d'enfants, cela signifiait l'offre d'une thérapie individuelle et de groupe aux victimes, aux familles et aux délinquants sexuels régressifsNote de bas de page 5 coupables d'inceste et de sévices sexuels. On a demandé aux sujets clés s'ils avaient l'impression que le contexte entourant les abus sexuels avait changé depuis la fin du YFSATP.

Les sujets clés interrogés ont évoqué un certain nombre de différences par rapport au contexte de l'époque. Bien qu'ils conviennent qu'il existait toujours des agresseurs régressifs typiques, ils ont fait valoir que la structure familiale avait changé. Des adultes qui jouent un rôle parental enfreignent encore la loi, mais, étant donné l'augmentation du nombre de familles mixtes, ces adultes ne sont pas nécessairement les parents biologiques (p. ex. beau‑parent, oncle/tante, cousin/cousine). En outre, étant donné la situation des familles étendues, les abus sont vus dans un contexte générationnel. Bon nombre d'incidents de violence se déroulent dans la même famille, où interviennent des combinaisons diverses de délinquants et de victimes. On voit également apparaître le cas d'enfants victimes s'en prenant à d'autres enfants dans la maison; bien que l'enfant ne puisse être classé comme agresseur régressif, son infraction est une réaction à l'abus dont il est lui‑même victime.

Selon les sujets clés, les pratiques de signalement ont également changé. Les mesures d'éducation et de sensibilisation, les améliorations sur le plan des ressources et des services de soutien et le consentement des gens à parler de la question ont eu pour effet d'accroître le nombre de dénonciation des mauvais traitements au cours de ce processus, on a mis au jour un plus grand nombre de cas, dont certaines infractions de longue dateNote de bas de page 6 Ces infractions incluent les sévices subis dans les pensionnats et, bien que ces sévices aient été infligés dans le passé, les victimes ont encore besoin d'un traitement approprié.

Programme de mieux être communautaire Mamowichihitowin

Déclaration des besoins

Il y a peu d'options de traitement pour les cellules familiales où un enfant a été victime d'abus sexuel, particulièrement dans les collectivités autochtones. Une réponse efficace, holistique et complète à ce problème se révèle nécessaire.

Relations communautaires

L'idée selon laquelle il fallait réagir aux abus sexuels d'enfants a émergé au cours d'une discussion entre Lisa Higgerty (coordonnatrice de programme, PMCM), Yvonne Oshanyk (directrice exécutive, Hinton Friendship Centre) et Betty Osmond (directrice des services communautaires, ville de Hinton). Mmes Higgerty et Oshanyk avaient entendu parler de plusieurs cas d'abus sexuels d'enfants autochtones et avaient l'impression que la GRC ne traitait pas ces cas de façon appropriée. Elles avaient l'impression que le nombre d'abus sexuels d'enfants augmentait dangereusement dans la collectivité autochtone et elles voulaient trouver une solution efficace. Elles ont décidé que la première démarche consisterait à effectuer une évaluation des besoins dans la région, afin d'établir si leurs craintes étaient fondées et montrer la voie en vue d'une intervention adaptée.

En septembre 2001, grâce à des fonds provenant de la ville de Hinton, on procéda à une enquête communautaire sur la violence familiale à Hinton, Edson, Grande Cache, Evansburg, Jasper et dans les secteurs environnants. L'enquête ne visait pas particulièrement les collectivités autochtones, mais un nombre important de répondants étaient d'origine autochtone. Le taux de réponse a été de 72 %; 397 des 550 questionnaires ont été remplis et retournés, en grande partie parce qu'ils avaient été remis en main propre et avaient fait l'objet d'un suivi personnel. Le questionnaire abordait tous les types de violence familiale et de mauvais traitements, qu'ils soient physiques ou sexuels, ainsi que de problèmes parentaux touchant les conjoints ou les personnes âgées et de toxicomanie (alcool, drogues et solvants), de même que les services de counselling et les ressources des organismes communautaires. Les répondants étaient interrogés sur les personnes qu'ils savaient victimes de mauvais traitements et non pas sur leurs propres expériences personnelles. Le questionnaire a été conçu par Tony Martens de Martens and Associates, l'entreprise qui avait élaboré le Yellowhead Family Sexual Assault Treatment Program, en 1983.

Les résultats de l'enquête permettent de constater l'ampleur de la violence familiale au fil des ans, dans cette région. Il est important d'établir la différence entre ce type d'enquête et une étude de l'incidence. La prévalence des abus sexuels se dit du pourcentage de la population touchée un jour ou l'autre au cours de son existence; dans ce cas, un fort pourcentage de répondants a été touché par la violence familiale causée par une personne qui leur est connue. Ces cas de mauvais traitements n'ont pas nécessairement été corroborés par des processus officiels (p. ex., accusations au criminel). L'incidence des abus sexuels se dit de la fréquence à laquelle de tels événements se produisent au cours d'une période donnée (habituellement un an). L'enquête n'est pas en mesure de fournir cette information, en raison de sa structure; aucun délai précis n'a été déterminé et il n'y a aucun contrôle relativement aux signalements multiples. Par exemple, si cinq répondants connaissent la même victime et que chacun dit connaître quelqu'un ayant subi des mauvais traitements, il est possible d'interpréter cela comme s'agissant de cinq victimes différentes. De la même façon qu'un répondant peut dire qu'il connaît une personne qui a été victime de violence il y a plusieurs années; cela ne ferait pas partie du taux d'incidence des mauvais traitements de l'année en cours.

Les conclusions de l'enquête ont été présentées au Conseil d'administration du HFC, pour examen et recommandation. L'incidence des abus sexuels d'enfants dans la région, au fil des années, montrait au groupe qu'il s'agissait d'une question prioritaire dont il fallait s'occuper, en particulier dans la communauté autochtone. Mmes Higgerty et Osmond ont commencé à examiner divers modèles de programmes possibles. Elles connaissaient le Yellowhead Family Sexual Assault Treatment Program et ses réussites. Elles se rendirent à Surrey, en Colombie‑Britannique, pour en apprendre davantage sur le modèle auprès de Tony Martens et décidèrent d'adopter une version modifiée du programme, en fonction de leur recherche sur les pratiques dominantes. Le modèle thérapeutique mis en œuvre reposait sur les principes suivants :

  1. la sécurité de la famille passe avant tout;
  2. il est possible de modifier le comportement des délinquants admis au programme;
  3. ultimement, il s'agit de mettre fin au cycle de violence au sein des familles.

Pour que cette initiative soit un succès, trois composantes fondamentales sont nécessaires :

  1. un bon coordonnateur en mesure d'obtenir les fonds pour la mise en œuvre et la réalisation du programme, d'établir des partenariats communautaires et d'amener le public à donner son soutien;
  2. un modèle de traitement pertinent, c'est‑à‑dire adapté au contexte actuel, qui tienne compte des besoins culturels et qui intègre l'éducation de la collectivité et sa formation;
  3. un thérapeute compétent capable de mettre le modèle en œuvre efficacement.

Il y a fallu plus de deux années de travail de travail lié aux relations communautaires pour en arriver à ce scénario. Le HFC s'est chargé de l'initiative, sous les ordres de la directrice exécutive. Lisa Higgerty a joué le rôle de la coordonnatrice de programme, travaillant à titre de bénévole au cours des neuf premiers mois. Elle a donc présenté l'initiative dans la collectivité et s'est occupé des propositions et des demandes de financement. On s'est inspiré des résultats de l'évaluation des besoins découlant de l'enquête pour élaborer des propositions. Lisa Higgerty a ensuite présenté plusieurs demande de financement; la Fondation autochtone de guérison a été le premier organisme à accepter d'accorder du financement au projet.

Les conclusions de l'enquête ont été également présentées à l'occasion de réunions dans chacune des localités. L'information du public a permis de sensibiliser la population aux problèmes et favoriser l'acceptation du programme et le soutien qui lui a été accordé. La collaboration entre les organismes a mené aux partenariats communautaires qui étaient essentiels à la mise en œuvre du programme. Le Hinton Friendship Centre, l'Edson Friendship Centre et la ville de Hinton (par l'intermédiaire des services communautaires) ont été les partenaires fondateurs du PMCM. Le soutien de la ville a accru la crédibilité du programme. Un autre partenaire initial du PMCM a été la Nation des Aseniwuche Winewak (NAW), qui a fait un énorme travail de préparation auprès de la collectivité de Grande Cache. Le fait de compter la NAW, le HFC et l'Edson Friendship Centre parmi les partenaires a permis aux Autochtones d'avoir voix au chapitre au cours du processus.

À titre de modèle de programme de déjudiciarisation, le PMCM permet d'imposer une autre peine que l'emprisonnement. En conséquence, on a demandé l'appui du ministère de la Justice de l'Alberta. La proposition de programme a été examinée à tous les échelons du ministère de la Justice de l'Alberta et un représentant de ce ministère est informé de façon continuelle de l'évolution du programme. Le ministère de la Justice de l'Alberta estime que cette relation est importante; le ministère tient à être informé, afin de pouvoir répondre aux critiques et aux préoccupations du public au sujet de  ce type de programmes. L'appui qu'accorde le ministère au PMCM témoigne de sa volonté de soutenir les mesures de déjudiciarisation.

La priorité du PMCM est de favoriser la guérison des membres de la collectivité autochtone, et le programme s'y emploie par bon nombre de façons. En premier lieu, le HFC, un organisme autochtone sans but lucratif résolu à favoriser des collectivités autochtones fortes, est le principal soutien du programme. En deuxième lieu, une forte proportion des fonds consacrés au PMCM est affectée expressément aux programmes pour les Autochtones, et ces derniers représentent la majorité des clients du programme. En troisième lieu, une partie importante du modèle de traitement tient compte de l'ascendance et de la culture autochtones des clients.

Il était donc essentiel, pour que le programme soit couronné de succès, d'établir avec la collectivité autochtone une relation de confiance et d'acceptation. Ce type de relation n'existait pas entre les Autochtones et les services sociaux ou gouvernementaux, de sorte qu'on ne répondait pas de façon satisfaisante aux besoins de la collectivité. Mme Higgerty, qui est Autochtone et qui avait déjà des rapports étroits avec la collectivité autochtone, a travaillé avec les Aînés de la région, dès le début du programme.

La coordonnatrice a d'abord abordé les Aînés pour les informer de l'initiative et leur demander de bien vouloir participer au programme. Comme c'est le cas pour toutes les activités de programme, la coordonnatrice a suivi les protocoles traditionnels des rencontres avec les Aînés. Sa connaissance et ses rapports personnels à l'égard de la culture et de la collectivité autochtones se sont révélés extrêmement précieux dans l'élaboration du programme. Les Aînés ont participé à un atelier de trois jours animé par Tony Martens pour en savoir davantage sur le PMCM. Les Aînés ont donné leur approbation au programme et se sont engagés à informer la collectivité autochtone au sujet du programme. L'approbation et la participation des Aînés étaient extrêmement importantes, et le programme n'aurait pu être réalisé sans ces deux éléments.

Ce sont les Aînés eux-mêmes qui ont décidé de nommer le programme. Les Aînés ont choisi le nom traditionnel cri « Mamowichihitowin » (travaillons tous ensemble). Comme les diverses communautés autochtones parlent des dialectes différents, les Aînés ont également choisi le mot « Nanatowihkamik » (lieu de guérison) pour décrire le programme. Les Aînés étaient disposés à accepter une approche thérapeutique occidentale pour la guérison, jumelée aux valeurs autochtones traditionnelles. Ils ont reconnu la valeur du rapprochement entre les perspectives culturelles sur le mieux‑être et un modèle clinique de traitement. Le nom Mamowichihitowin rend compte de ce jumelage.

À l'automne 2002, le PMCM achevait de placer ses pions sur l'échiquier. Le programme pouvait compter sur une coordonnatrice qui avait réussi à établir des partenariats, s'était gagné l'appui de la collectivité et avait obtenu des fonds. Les responsables du programme étaient en communication avec la collectivité autochtone, la culture autochtone a constitué une composante importante dans l'élaboration du programme, et il allait continuer d'en être ainsi au cours du processus de prise de décisions. Les responsables disposaient d'un modèle de traitement holistique, qui tenait compte des aspects historiques, culturels et spirituels de la vie personnelle des clients et qui combinait les valeurs traditionnelles des Premières nations et les méthodes thérapeutiques occidentales. Ils ont informé la collectivité à l'aide d'ateliers de formation visant à sensibiliser les gens au phénomène des abus sexuels d'enfants, à aborder certains problèmes propres aux communautés autochtones, à informer la collectivité au sujet du programme et à enseigner comment réagir après qu'un cas d'abus sexuel a été déclaré, suivant une stratégie adaptée et efficace (voir la section 3.3, Formation). Tout ce dont ils avaient besoin ensuite, c'était d'un thérapeute.

La recherche d'un professionnel approprié pour jouer ce rôle s'est révélée plus difficile que prévu. Bien qu'on eût préféré avoir un thérapeute autochtone, il fallait principalement que la personne soit en santé, soit capable d'animer une thérapie et qu'elle adhère à la philosophie du modèle. Après avoir examiné plus de 50 postulants de partout au Canada, les responsables du PMCM ont trouvé la personne qu'il fallait pour le poste et ont embauché Shauna Walker en février 2003. Mme Walker a commencé à voir des clients en mai 2003. Le Programme de mieux‑être communautaire Mamowichihitowin était alors lancé.

Formation

Des ateliers de formation ont été donnés dans la région par le PMCM, par l'intermédiaire de Tony Martens and Associates. Les ateliers ont été offerts aux travailleurs de première ligne, au personnel des organismes de service, aux policiers et au grand public, comme on l'a déjà mentionné.

Formation des travailleurs communautaires de soutien (6 semaines)

Le stage de formation des travailleurs communautaires de soutien repose sur un modèle intitulé [Traduction] « Comprendre la violence familiale ». Les documents ont été élaborés par Tony Martens, de Martens and Associates. La formation vise les résidents des collectivités des Premières nations, dans l'espoir que les participants seront en mesure d'offrir un soutien à leurs concitoyens.

Au moment de la rédaction de ce rapport, un atelier de six semaines avait été donné. La publicité des ateliers de formation a été distribuée partout dans la région, pour inviter les gens soucieux de leur qualité de vie communautaire à participer. Le groupe de participants était assez imposant au début de l'atelier, mais seules 15 personnes sont restées jusqu'à la fin. Même si tous étaient bienvenus, bon nombre des participants étaient rattachés à un organisme s'occupant de près ou de loin de la question des abus sexuels. Un processus de sélection est initié après la formation; cependant les participants n'ont fait l'objet d'aucune sélection préliminaire avant le stage de formation.

À la fin de l'atelier, les participants comprennent clairement ce que l'on attend d'eux et comment se servir de l'information qu'ils ont reçue. On explique clairement aux participants que la formation ne les qualifie pas à titre de thérapeutes et qu'ils ne peuvent assumer ce rôle; le participant qui suit toute la formation est en mesure de soutenir les victimes après avoir révélé un cas d'abus sexuels et leur indiquer des ressources possibles. Cinq participants se sont dits désireux de faire partie du programme d'extension des services par les bénévoles. Les responsables du PMCM discuteront avec eux du rôle qu'ils aimeraient jouer dans leur collectivité (p. ex., travailleurs de soutien dans le cadre des fonctions liées à leur poste, bénévoles à l'intervention d'urgence, travailleurs offrant des services de relève, etc.).

Formation des agents de police (2 semaines)

Un atelier de formation distinct a été offert aux agents de la GRC dans la région. Cet atelier, intitulé [Traduction] « Formation à l'intention des enquêteurs en matière de violence familiale », a été donné pendant deux semaines (automne 2002). La formation visait à fournir de l'information sur la nature, le développement et les ramifications de la violence familiale, en particulier dans les collectivités des Premières nations. Parmi les sujets, il a été question de l'agresseur régressif, des enquêtes et des entrevues. La GRC n'offre pas de formation sur cette question au cours de son propre programme de formation des recrues. Un travailleur social a également participé à cet atelier.

Ateliers sur la violence familiale (1 semaine)

Quatre ateliers sur la violence familiale ont été donnés aux travailleurs de première ligne et au personnel des organismes de service. Les ateliers donnent un aperçu du PMCM et traitent des questions liées à la violence familiale, notamment en milieu autochtone. Un autre atelier sur la sélection et le recrutement a également été donné. Cet atelier a permis de donner de l'information à environ 25 membres de la collectivité.

Mission du programme

La mission du programme est d'offrir un traitement communautaire holistique destiné à atténuer le phénomène des agressions sexuelles dans les familles. Ce programme doit être complet et responsable, il doit intégrer la culture autochtone et répondre aux besoins de la collectivité, au moyen d'une thérapie à long terme s'adressant aux délinquants, aux victimes et aux autres membres de la familles.

Justification

Étant donné la relation de confiance entre la collectivité autochtone et le Hinton Friendship Centre (HFC), ce centre a observé un nombre croissant de révélations de cas d'abus sexuels d'enfants dans la collectivité autochtone depuis plusieurs années déjà. Bien que l'augmentation du nombre de signalements n'ait pas été démontrée par la GRC ou par les Services à l'enfance, les résultats de l'enquête d'évaluation des besoins justifient que l'on amorce des interventions pour s'attaquer à la question.

Les Autochtones qui se sont confiés au HFC ont dit qu'ils ne faisaient pas confiance au système conventionnel pour traiter de leurs problèmes d'une façon convenable, et qu'en conséquence, ils avaient choisi de ne pas le signaler aux autorités.

Le HFC est résolu à encourager l'établissement d'une communauté autochtone forte. Les Autochtones ont connu par le passé, des expériences qui leur ont été préjudiciable et qui expliquent aujourd'hui la structure communautaire unique, les graves problèmes sociaux et les besoins différents de la société non autochtone. Le HFC croit que la guérison des collectivités autochtones est une priorité. C'est pourquoi il convient de se concentrer sur la communauté autochtone et de répondre aux besoins des survivants des pensionnats où régnait la violence, et de leurs descendants.

La guérison des Autochtones exige une approche différente et à long terme. Il faut donc mettre en place un programme holistique qui aborde l'être humain et la cellule familiale sous toutes ses coutures et qui tienne compte des éléments historiques, culturels et spirituels caractéristiques d'une vie. Ce type de programme s'avère la seule façon de répondre aux besoins de la collectivité autochtone : c'est la façon la plus efficace d'interrompre le cycle de l'abus sexuel des enfants dans les familles et c'est ce qui a justifié le choix du modèle de traitement.

Les organisations, les organismes et les personnes qui travaillent dans un domaine touchant à la violence familiale savent que l'emprisonnement n'est pas une solution permettant de guérir les délinquants, les enfants victimes d'abus sexuels ou les membres de leur famille. La réadaptation est possible, en particulier dans le cas des agresseurs régressifs, si l'on applique le traitement approprié. On observe alors des personnes et des milieux familiaux sains qui, à leur tour, favorisent des collectivités saines. En outre, le fait que le traitement soit imposé à certains délinquants par les tribunaux, à titre de peine, donne du poids au programme. Les individus sont tenus de participer activement au programme; s'ils ne le font pas, il leur reste la prison. Le pouvoir de persuasion du système juridique permet d'avoir plus de succès dans les familles. C'est ce qui justifie le fait que le programme constitue à une mesure de déjudiciarisation.

Buts et objectifs

But

Le but général du PMCM est de rendre les participants sains sur le plan émotif, mental, physique et spirituel, permettant ainsi des cellules familiales saines et des collectivités saines.

Objectifs

Pour atteindre ce but, le PMCM s'efforce d'offrir  un programme de traitement communautaire holistique visant à s'attaquer au phénomène des agressions sexuelles dans les familles, c'est‑à‑dire un programme dont les responsables sont tenus de rendre des comptes, qui soitcomplet, qui respecte les particularités de la culture autochtone et des besoins de la collectivité, et qui offre une thérapie à long terme aux délinquants, aux victimes et aux autres membres de la famille. On a énoncé les objectifs de programme et les objectifs thérapeutiques suivants.

Objectifs de programme

Objectifs d'ordre thérapeutique

Bien que l'on fixe pour chaque client des objectifs différents, les objectifs fondamentaux qui suivent s'appliquent à tous :

Caractéristiques du programme

Le PMCM constitue solution de rechange à l'incarcération et il a été établi pour traiter les délinquants, les enfants victimes d'abus sexuels et leurs familles; il est orienté tout particulièrement vers la collectivité autochtone, incluant les anciennes victimes de la violence subie dans les pensionnats, et leurs descendants. Le programme est offert dans les villes de Hinton, Edson, Grande Cache et Jasper, de même que dans la région environnante. Au moment de la rédaction du présent rapport, 44 clients suivaient activement le traitement.

L'agresseur régressif

Une partie du programme vise à traiter les « agresseurs régressifs ». Un agresseur agressif se définit comme une personne qui est attirée sur le plan sexuel par des personnes du même âge qu'elle, mais qui commet des infractions sur des enfants pour répondre à des besoins affectifs. Le délinquant refuse mentalement de tenir compte de l'âge de la victime et se représente l'enfant comme une personne pouvant répondre à ses besoins. L'abus sexuel est perpétré contre des membres de la famille, mais non nécessairement contre les enfants biologiques du délinquant; il peut s'agir de rapports dans une structure familiale reconstituée, dans une famille étendue, etc.Note de bas de page 7

Point de mire sur les Autochtones

Une des priorités du PMCM est de répondre aux besoins de la collectivité autochtone, notamment des anciennes victimes de la violence subie dans les pensionnats, et de leurs descendants. D'énormes efforts ont été consacrés à l'établissement de liens avec la collectivité autochtone et de rapports de confiance. Des membres de la collectivité ont alors accepté de révéler des cas d'abus sexuel et la majorité des clients du programme est autochtone. Les organismes fondateurs (HFC) ainsi que bon nombre d'organismes partenaires, sont autochtones. Une composante importante du modèle de traitement a trait à l'ascendance et à l'identité culturelle autochtones des clients.

La composante culturelle est déterminée par les Aînés et mise en œuvre par eux. Reconnaissant le fait que tous ne sont pas à l'aise avec leur culture ou l'intégration de cette culture à leur vie, les responsables du programme n'imposent pas la composante culturelle aux clients qui suivent le traitement. Elle est cependant offerte à ceux qui désirent en bénéficier.

Dans la région où le traitement est offert, on trouve des autochtones d'origines variées; les Cris et les Saulteux prédominent, mais d'autres groupes autochtones y sont aussi représentés. Cela peut faire en sorte qu'il soit difficile de trouver des Aînés, ainsi que les remèdes nécessaires pour assister les clients dans leur périple vers la guérison. C'est une difficulté à laquelle le programme continue de faire face. Cependant, comme il n'y a pas d'autres traitements adaptés sur le plan culturel, cela rend le programme ouvert et accueillant à l'égard des autres collectivités autochtones, de sorte que des familles se retrouvent maintenant sur des listes d'attente de traitement.

En conformité avec la philosophie autochtone, ce modèle de traitement aborde tous les aspects de la condition humaine (mental, physique, affectif et spirituel). Cela diffère de la majorité des modèles de traitement conventionnels qui n'ont trait qu'à un ou deux de ces aspects.

Mesures de déjudiciarisation

Le PMCM est un programme destiné à accueillir les condamnés renvoyés par les tribunaux, dont la participation peut représenter solution de rechange à l'incarcération. Le délinquant accusé au criminel d'abus sexuel doit plaider coupable. Sous la direction du tribunal, une évaluation de deux à trois mois s'amorce, pour déterminer si l'individu est un agresseur régressif (cette évaluation est faite à l'externe). La thérapeute du programme détermine ensuite si le délinquant a le profil d'un client et, le cas échéant, le délinquant doit accepter de participer au processus de traitement. Sous réserve de l'accord de l'ensemble de la famille, le délinquant peut entreprendre le programme, plutôt que de purger une peine de prison. Le délinquant est malgré tout tenu de se rapporter à un agent de probation deux fois par mois. L'agent de probation et la thérapeute produisent ensemble des comptes rendus mensuels, destinés au tribunal. Ce processus a été décrit dans un protocole temporaire convenu avec l'avocat de la Couronne.

Admissibilité et aiguillage des clients

L'aiguillage par les tribunaux et l'engagement du HFC à soutenir les collectivités autochtones, y compris les victimes de la violence subie dans les pensionnats, et leurs descendants, déterminent les priorités en ce qui concerne le PMCM. Le programme accepte également les familles non autochtones, s'il reste des places. En outre, le programme accepte les cas d'abus sexuel de longue date, même si le délinquant n'est plus dans la famille (p. ex., disparu, décédé). Dans ces cas, le traitement s'adresse aux victimes et à la famille étendue. Si les cas ne constituent pas des renvois des tribunaux, les renvois sont faits par l'intermédiaire des Services à l'enfance, de la GRC, des services sociaux et des organismes communautaires; des citoyens peuvent aussi demander eux-mêmes à participer, sans recommandation. Des accusations au criminel ou d'autres formes de procédures officielles ne sont pas nécessaires pour qu'il y ait admission. Comme dans les cas d'aiguillage par des tribunaux, un processus d'évaluation s'engage pour déterminer l'admissibilité, les types de services dont la famille a besoin et les méthodes suivant lesquelles ces services seront donnés. L'évaluation est effectuée par la thérapeute du programme; cette évaluation doit être complète et acceptée par l'ensemble de la famille. La décision finale d'accepter qu'une famille suive le programme incombe à la thérapeute.

Structure du programme

Le PMCM fonctionne sous la direction du HFC et fait partie de tout un ensemble de programmes offerts sous l'égide du HFC; parmi les autres programmes, mentionnons le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones, le groupe Hinton Native Youth, le programme de soutien à la famille et le Centre polyvalent pour les jeunes Autochtones en milieu urbain. L'ensemble du personnel du PMCM est relié au HFC. Par l'intermédiaire de son conseil d'administration, le HFC supervise l'ensemble des questions financières concernant le PMCM; cela inclut l'autorisation des dépenses, l'examen et la présentation de propositions de financement et l'affectation courante des fonds par l'intermédiaire de la coordonnatrice du programme. Le Conseil d'administration du HFC a le dernier mot sur les décisions concernant le programme.

La structure interne du PMCM, au moment de la rédaction du présent rapport, consistait en la thérapeute du programme, la coordonnatrice du programme et une préposée au soutien administratif. Les activités courantes, telles que l'administration, le financement, les relations publiques, l'établissement des rapports avec les organismes et le maintien des liens avec le HFC relèvent de la coordonnatrice. La coordonnatrice conserve également un lien étroit avec la collectivité autochtone. La prestation des soins cliniques, une quelconque participation aux ateliers de formation, les consultations auprès de la GRC et des Services à l'enfance, ainsi qu'une certaine contribution aux relations communautaires incombent à la thérapeute. En octobre 2004, la thérapeute était supervisée sur le plan clinique par Tony Martens. 

Le PMCM est dirigé par un comité consultatif et un comité directeur (non officiellement appelés ainsi). Le comité consultatif est, en fait, un conseil sur la conduite à suivre, composé de représentants des organismes partenaires et de soutien (voir la liste des partenaires à la section 3.9). Les membres du comité se réunissent tous les trois mois pour faire le point sur le programme et ils prennent part aux décisions à un niveau macroscopique.

Le comité directeur est un groupe central qui dirige les activités et prend les grandes décisions de programme. Ce comité est composé du directeur du HFC, du directeur des services communautaires pour la ville de Hinton, du directeur de la NAW, du directeur de l'Edson Friendship Centre et du directeur des services de liaison communautaire de Jasper. Le groupe s'occupe des décisions et des activités particulières au programme, des conflits internes, des questions liées à la dotation et à l'embauche et des questions préoccupant l'ensemble de la collectivité.

Une dernière composante de la structure du PMCM est le Programme d'expansion des services par les bénévoles. Le programme sera réalisé par les membres de la collectivité qui ont suivi le cours de formation de six semaines à l'intention des travailleurs de soutien. Au moment de la rédaction du présent rapport, 15 personnes environ avaient suivi le cours et on entreprenait des démarches pour organiser le programme de liaison. Les travailleurs d'approche (voir la section 3.3, Formation), apporteront un soutien aux membres de la collectivité qui avouent avoir été victimes d'abus sexuels durant leur enfance.

Les responsables du PMCM adoptent une approche multidisciplinaire face aux abus sexuels et croient que ce sont les membres de la collectivité qui, ensemble, doivent prendre des mesures pour lutter contre le problème. Cela suppose une collaboration avec tous ceux qui interviennent dans le domaine de la violence familiale : les services sociaux, la police, les tribunaux et le système de justice. Le PMCM a pris des mesures pour travailler en partenariat avec ces organismes à l'élaboration et à la mise en œuvre du programme.

Traitement

Le modèle thérapeutique de traitement utilisé par le PMCM adopte une approche de la guérison systémique et holistique. Bien que le traitement s'adresse à l'ensemble de la famille, la première étape vise à répondre aux besoins individuels des personnes (victime, délinquant ou membre de la famille qui n'a pas enfreint la loi). La famille est vue comme un système où chacun essaie de maintenir un certain équilibre. Tout changement dans ce système a des incidences sur tous les autres membres. Le système peut inclure la famille immédiate, la famille élargie et, dans certains cas, la collectivité dans son ensemble, selon le contexte.
Comme on l'a mentionné (voir Mesures de déjudiciarisation), si un cas d'abus sexuel est signalée à la police et que l'accusé est reconnu coupable de délinquance sexuelle, le délinquant sera expulsé du domicile par une ordonnance de cautionnement. Cette mesure a pour but la sécurité de tous et de veiller à ce que la victime soit le moins possible perturbée. Pour pouvoir participer au PMCM, le délinquant doit plaider coupable aux chefs d'accusation.

Avant que ne commence le traitement, le délinquant est évalué pour déterminer si la thérapie pourrait avoir un effet bénéfique sur lui. Ce ne sont pas tous les délinquants sexuels qui changent de comportement à la suite de l'intervention thérapeutique. Si le délinquant est évalué comme « traitable » (c.‑à‑d. un agresseur régressif), le psychologue sur place effectuera également une évaluation qui inclura l'ensemble des membres de la famille touchés par l'infraction. Il se peut que l'on fasse intervenir des personnes qui ne sont pas nécessairement visées par le processus thérapeutique.

L'établissement d'un plan de traitement pour la famille exige de deux à trois mois et inclut des plans individuels de traitement, ainsi qu'un plan de traitement pour la famille.

Le traitement individuel se concentre sur les quatre principaux aspects d'une personne : psychologique, physique, affectif et spirituel. Des buts sont établis pour obtenir une guérison dans ces domaines. Les séances de thérapie commencent par des séances individuelles, où les clients rencontrent seuls la thérapeute.

Simultanément, la thérapie de groupe commence, c'est‑à‑dire, une thérapie intensive en groupeNote de bas de page 8. Dans le passé, certains délinquants ont préféré la prison à ce processus exigeant en temps et troublant sur le plan personnel. Les personnes se joignent à des groupes composés de membres qui vivent la même situation (p. ex., une victime se joint à un groupe de victimes, un délinquant se joint à un groupe de délinquants, etc.). Les groupes se rencontrent une fois par semaine, de trois à six heures.

Après quelques séances de thérapie individuelle, les séances en dyade commencent, c'est‑à‑dire dans le cas de la victime, la victime et un autre membre de la famille (pas le délinquant, pour le moment). Dans le cas du délinquant, il s'agit de séances en dyade auxquelles participent les frères et sœurs de la victime et son conjoint ou sa conjointe. Lorsque la victime est prête, commenceront également des séances en dyade avec le délinquant. Toutes les séances de thérapie sont continues.

Le processus de traitement est conçu pour traiter l'ensemble de la famille et il est important que tous les membres profitent de la thérapie, afin que la famille puisse se rétablir complètement du traumatisme causé par l'abus sexuel. Cependant, si en raison de circonstances indépendantes de la volonté de quelqu'un, tous les membres de la famille ne sont pas en mesure de participer, il est possible d'aller de l'avant avec quelques‑uns seulement ou même un seul des membres de la famille. Il est important de reconnaître que les principaux bénéfices du traitement se limiteront aux personnes qui auront participé. Chaque membre de la famille qui participera à une thérapie (individuelle, en dyade et en groupe) sera en thérapie de 20 à 25 heures par mois.

Si tous les membres de la famille consentent à ce que le délinquant revienne à la maison le temps de visites, la reconstruction de la famille commence par de brèves visites (habituellement 11 mois après le début du traitement). Chacun des membres de la famille discute ensuite (individuellement) avec la thérapeute de la visite.

Le délinquant continuera de faire des visites de jour jusqu'à ce que l'ensemble de la famille soit prêt à passer à l'étape suivante. Le délinquant fera ensuite des visites de soirée, de 18 h à 22 h. Viendront ensuite des visites qui dureront jusqu'au lendemain. À chacune des étapes de ce continuum de la reconstruction, la thérapeute parlera aux membres de la famille individuellement et collectivement. La thérapie familiale commence également à ce moment. C'est la première fois que l'ensemble de la famille se réunit pour parler ouvertement dans un contexte thérapeutique, depuis que la dénonciation de l'abus sexuel.

Si tout se déroule bien au cours des visites qui durent jusqu'au lendemain, le délinquant commencera à vivre à la maison de façon continue (habituellement au cours du 12e ou 13e mois de la thérapie). Les membres de la famille poursuivront la thérapie pendant cette période.

La cessation graduelle des services est nécessaire pour la famille. Le programme prend une telle place dans la famille qu'il est impossible que la thérapeute coupe de façon abrupte ses services et son soutien. En conséquence, on commence à mettre fin aux services liés au programme au bout de 16 ou 17 mois. Les services ralentissent sur une période de plusieurs mois, jusqu'à la fin du programme (habituellement, du 18e au 20e mois).

Un suivi de cinq ans est prévu, pour veiller à ce que tout se déroule bien au sein de la famille. Le processus thérapeutique tient compte des aspects historiques, culturels et spirituels de la vie des clients. Le respect des différences culturelles est intégré au modèle thérapeutique, peu importe la culture du client. Le thérapeute investit temps, efforts et énergie pour comprendre le passé du client. Ensemble, ils examinent comment le client se sent par rapport à sa culture, la mesure à laquelle il la développe et s'il a l'intention de l'explorer davantage à l'avenir. Dans le cas des clients autochtones, cela inclut le fait de comprendre les pratiques et les croyances et d'examiner comment les événements du passé ont influencé leur culture. Si les clients autochtones le désirent, ils peuvent avoir des contacts avec un Aîné pour examiner cet aspect de leur vie. Il est prévu dans le programme de laisser aux Aînés le soin de déterminer en quoi la composante culturelle consistera, pour chaque client.

Pour bon nombre de personnes, la culture contribue à définir l'identité. Il est donc important que le traitement vise la guérison dans une perspective culturelle. Le PMCM croit que ce modèle est la seule façon de s'attaquer au phénomène des abus sexuels d'enfants, en particulier dans les collectivités autochtones. C'est une méthode qui combine les valeurs traditionnelles des Premières nations et les modèles thérapeutiques occidentaux. La méthode peut être adaptée de façon à traiter les enfants abusés sexuellement, dans n'importe quel contexte.

Apports

Personnel

Au moment de la rédaction du présent rapport, les personnes qui suivent faisaient partie du personnel du PMCM :

Coûts et financement

Le programme affecte les fonds aux domaines suivants :

Vu les particularités du programme, son financement provient de sources variées, dont divers organismes et ministères. Les fonds ont été obtenus des sources suivantes :

Le programme s'adresse actuellement à Santé Canada, Patrimoine/Statut de la femme, Justice Canada, le ministère de la Justice de l'Alberta  et Alberta Health and Wellness, dans le but d'obtenir un financement ultérieur.

Partenaires

Le PMCM bénéficie du soutien d'un certain nombre d'organismes dans la région. Les partenaires qui suivent siègent au Comité consultatif :

Résultats

Au moment de mettre en œuvre le PMCM, on prévoyait des résultats précis. Ces chiffres varient en fonction des ressources disponibles et de l'utilisation qui est faite du programme. Sous réserve de l'embauche de deux thérapeutes, on avait estimé que le programme traiterait environ 72 clients par année, soit 12 familles comptant en moyenne six membres chacune. On prévoyait que la clientèle de délinquants serait principalement composée de condamnés aiguillés par les tribunaux et des agresseurs régressifs et leurs familles. On s'attendait également à ce que la majorité des clients soient d'origine autochtone, et qu'il y ait des victimes de la violence subie dans les pensionnats de même que leurs descendants.

Au moment de la rédaction du présent rapport, il y avait 44 dossiers de client ouverts appartenant à 14 familles. Parmi ces clients 29 étaient autochtones et 15 étaient non autochtones. Il y avait 23 victimes et 11 délinquants. Quatre des délinquants avaient été renvoyés par la Cour. Il est important de souligner que bon nombre des clients du programme sont à la fois victimes et délinquants. Dans cinq cas, les victimes d'abus sexuels à l'enfance étaient maintenant des adultes, et cinq familles étaient traitées sans la participation du délinquant en cause. Neuf familles figuraient sur la liste d'attente du programme (voir le Tableau 3).

Tableau 3 : Données démographiques sur les clients du PMCM (octobre 2004)
Caractéristiques des clients Dossiers de client actifs Dossiers de client inactifs Total
Clientèle totale

44

19

63

Adultes

20

14

34

De sexe masculin

7

3

10

De sexe féminin

13

11

24

Enfants (moins de 18 ans)

24

5

29

De sexe masculin

12

3

15

De sexe féminin

12

2

14

Autochtones1

29

18

47

Non-Autochtones

15

1

16

Lieu

 

 

 

Hinton

7

12

19

Edson

19

0

19

Grande Cache

12

6

18

Jasper

6

1

7

Total des familles

14

   

Victimes2

23

8

31

Délinquants3

11

4

15

Délinquants renvoyés par les tribunaux

4

1

5

Cas où les victimes sont maintenant adultes

5

n/a

5

Familles sans le délinquant

5

n/a

5

Liste d'attente des clients (familles)4

n/a

n/a

9

1 Inclut les Premières nations dans les réserves, les Premières nations hors réserves, les Métis et les Indiens non inscrits.
2 Certains clients sont à la fois victimes et délinquants, et ils sont comptés dans chaque catégorie.
3 Dix de ces délinquants étaient des enfants ou des adolescents, ou l'étaient au moment de l'infraction (dans la mesure où l'infraction a été datée).
4 Une famille moyenne compte sept membres.

Indicateurs de succès

Au moment de la rédaction du présent rapport, aucun des clients du PMCM n'avait terminé le processus de traitement. En conséquence, on a demandé aux sujets clés interrogés comment ils définiraient ce qui constitue pour eux un programme fructueux. Les répondants ont dit que les résultats suivants seraient des indices de succès :

Réussites et difficultés

Le PMCM a connu un certain nombre de réussites et de difficultés au cours de son élaboration et de sa mise en œuvre. L'examen de ces aspects permettra aux responsables de programme de mieux comprendre ce qui fonctionne et les points dont il faut s'occuper. La reconnaissance des forces et des faiblesses au cours de cette étape permettra la recommandation de changements et sera garante de la réussite à venir. Cette information sera également particulièrement utile à ceux qui désirent établir des programmes similaires dans d'autres administrations.

Réaction de la collectivité

Les responsables du PMCM sont tout à fait conscients de la crainte qui entretenue dans les collectivités au sujet du phénomène de l'abus sexuel d'enfants. Les délinquants sexuels sont souvent vus comme des prédateurs, et l'impression générale du public est qu'ils doivent être enfermés à double tour. Les responsables du programme croient que cette crainte est attribuable à un manque d'information; les gens sont mal informés de la question sur le plan des types de délinquants, des options de traitement et des autres facteurs qui interviennent dans les cas de d'abus sexuel d'enfants. Étant donné cette méconnaissance, les responsables du programme ont fait de grands efforts pour éduquer la collectivité. Les séances de sensibilisation et d'information ont été données avant la mise en œuvre du programme, pour expliquer la raison d'être du traitement, le type de clients et l'approche adoptée pour le traitement. On a souligné le fait que les responsables du programme accepteraient uniquement les agresseurs régressifs et que l'on n'adopterait pas la même approche pour les pédophiles ou d'autres types de délinquants sexuels.

La réponse de la collectivité au PMCM a constitué à la fois un défi et une réussite. Les responsables du programme ont été comblés, et quelque peu surpris, par le soutien qu'ils ont reçu. Le public a reconnu que le phénomène des enfants abusés sexuellement était un problème dont il fallait s'occuper. Les gens ont admis qu'il était nécessaire d'intervenir de façon adaptée dans la collectivité autochtone et ils ont accordé leur soutien à l'approche proposée par le PMCM.

Cependant, le programme a rencontré une certaine opposition au cours de sa mise en œuvre. L'emplacement physique du programme a soulevé le mécontentement de divers groupes communautaires de Hinton. Au départ, le programme se donnait dans un immeuble non loin d'une école primaire et d'un club d'activités pour les jeunes. Les membres de la collectivité ont dit craindre que le programme représente une menace pour les enfants du secteur. Un comité d'action communautaire a été formé pour protester contre le choix de l'endroit. Le député local a rencontré les dirigeants de tous les groupes; il n'appuyait pas le programme et il a exercé des pressions à la fois sur le bailleur de fonds et sur le HFC, pour que l'on déménage. Bien que les responsables du PMCM ont estimé que les craintes du public n'étaient pas fondées, ils ont également compris que ces craintes s'expliquaient par le manque d'information et ils ont accepté de s'installer ailleurs.

Le PMCM a également rencontré de la résistance dans ses activités d'éducation et de sensibilisation des enfants dans les écoles au sujet des abus sexuels. Un des objectifs du PMCM est de donner des ateliers et de l'information sur « les belles caresses et celles qui ne le sont pas » aux élèves de la maternelle à la 9e année. Les responsables du programme espéraient intervenir dans 32 écoles dans la région, mais ils se sont heurtés à une certaine résistance de la part du système d'éducation. Il est probable que le système scolaire craint qu'une telle information entraîne un plus grand nombre de problèmes, notamment de fausses allégations. Les responsables du PMCM croient qu'il est très important et nécessaire d'éduquer les enfants sur cette question. La coordonnatrice continuera de tenter de mettre en œuvre ces ateliers, en collaborant avec le système d'éducation pour obtenir son appui à cet égard.

Le PMCM se rend compte que sa réussite dépend de l'appui de l'ensemble de la collectivité. Les familles traitées font partie de la collectivité et elles continuent de vivre et de fonctionner au sein de cette collectivité tout au long du programme. Des liens forts et positifs avec la collectivité encouragent les clients à participer et créent un climat propice à la guérison. La peur et le manque d'information sont des facteurs puissants dont il faut tenir compte. Par la reconnaissance de cet état de fait et une action appropriée, les responsables du programme ont réussi à surmonter cet obstacle et à gagner un appui public solide.

Mesures de déjudiciarisation

Le PMCM peut être offert comme solution de rechange à l'incarcération, si le tribunal le juge approprié. La composante de ce programme qui est liée à la justice a été fortement appuyée par l'ensemble des répondants au cours des entrevues auprès des sujets clés. Tous ont convenu qu'une peine d'emprisonnement ne permettait en rien de réadapter un agresseur régressif. Non seulement un processus de thérapie est‑il plus approprié pour guérir l'ensemble de la famille, mais le fait que le tribunal puisse recommander le programme lui confère plus de crédibilité. En outre, il est possible que le fait que le programme représente solution de rechange à l'incarcération amène un plus grand nombre de victimes à faire un signalement, et de délinquants à admettre leur culpabilité.

Les sujets clés interrogés chez la GRC ont avoué que certains s'opposent aux mesures de déjudiciarisation au sein de leur organisation. Ils ont dit que la GRC conserve les mêmes vieilles attitudes, et que bon nombre d'agents estiment que leur rôle consiste à envoyer les délinquants en prison. Cependant, il y a de plus en plus de penseurs progressistes au sein de la GRC qui se rendent compte que la prison n'est pas toujours la solution qui convient. Les répondants ont dit croire que, si la question était mieux comprise dans l'ensemble de la GRC, en ce qui a trait à la façon de définir un agresseur régressif et à la possibilité d'une réadaptation, les mesures de déjudiciarisation comme le PMCM seraient davantage appuyées.

Le ministère de la Justice de l'Alberta appuie énormément les mesures de déjudiciarisation. De façon générale, au sein de ce ministère, on croit que, si le programme convient au délinquant, il permet l'imposition d'une peine plus pertinente, ce que tente actuellement de réaliser le système de justice. Si le ministère de la Justice de l'Alberta ne tenait pas aux mesures de déjudiciarisation, le PMCM n'existerait pas en tant que programme faisant partie du système de justice. La possibilité d'offrir le PMCM comme mesure de déjudiciarisation a contribué à la crédibilité du programme et à la réadaptation des délinquants.

Sentiment d'être partie prenante et participation des Autochtones

Une des plus grandes réussites du PMCM est la connexion qui a été établie avec la collectivité autochtone. Le « mariage » entre les valeurs autochtones et la pratique thérapeutique occidentale a fait en sorte que le PMCM soit unique et soit respecté comme modèle à suivre en matière de traitement. Le modèle permet une thérapie clinique et, simultanément, la prise en compte des questions culturelles et des valeurs autochtones.

Non seulement les responsables du programme ont‑ils réussi à gagner la confiance de la collectivité autochtone, mais les Premières nations ont également participé à l'élaboration du programme depuis son début. Les Aînés ont été abordés dès le début et, n'eut été leur approbation et leur soutien, on n'aurait pu mettre en œuvre le programme.

Une rencontre avec quelques Aînés de la collectivité autochtone a souligné leur participation au processus d'élaboration et leur soutien au programme. Toutes les activités au cours du processus d'élaboration ont été réalisées d'une façon qui inclut et respecte la culture autochtone. Les protocoles et les rituels traditionnels ont été suivis; cela a aidé à créer des rapports de confiance avec la collectivité autochtone. La cérémonie au cours de laquelle on a nommé le programme a donné aux Aînés autochtones le sentiment d'être partie prenante, sentiment reflété par le temps qu'ils ont consacré au programme et leur consentement à en parler dans leurs collectivités. Le nom en soi, Mamowichihitowin, rend compte de leur espoir de combler le fossé entre la communauté autochtone et les non‑Autochtones.

Le fait de gagner la confiance des collectivités autochtones est une tâche difficile et les responsables du PMCM doivent en être félicités. Non seulement le programme a‑t‑il encouragé la participation des membres de la collectivité qui avaient besoin d'aide, mais il a également favorisé la participation des Autochtones à son élaboration et il continue de tenir compte de leur culture. Au cours de la rencontre, les Aînés ont dit hésiter à prendre part à un programme conventionnel de « Blancs »; ils ne se sentent pas à l'aise ou ils ne font pas confiance aux programmes qui n'ont aucun lien avec la collectivité autochtone. Pour eux, le fait que le HFC soit l'organisme fondateur, qu'il y ait des voix autochtones au sein du personnel du programme et que l'on fasse les choses « à la façon autochtone » a créé un rapport de bonne intelligence. En l'absence de l'une ou l'autre de ces composantes, cette relation pourrait ne pas exister non plus. C'est une difficulté à laquelle font face bon nombre d'initiatives qui tentent de s'occuper des problèmes des collectivités autochtones. Le PMCM peut être vu comme un exemple de réussite.

Processus et protocoles

Le PMCM a eu maille à partir avec la question du processus et des protocoles. L'absence de processus officiels et de protocoles dûment décrits a entraîné certains problèmes de collaboration avec les autres organismes et au sein même du programme. Le personnel du programme ne savait pas clairement quels étaient les attentes, les rôles et les responsabilités du projet; cela a entraîné des conflits internes. Les responsables du programme ont découvert à leurs dépens que les rôles et les responsabilités devaient être définis et documentés clairement, pour éviter toute confusion sur les attentes.

Les responsables du PMCM élaborent actuellement des documents permettant d'officialiser les partenariats, les protocoles et les descriptions de travail. Il n'y a actuellement aucun mandat d'établi pour le comité consultatif et le comité directeur, et aucun protocole officiel n'a été adopté relativement à l'admissibilité ou au renvoi des clients. On examine actuellement les descriptions de travail officielles. Avant le présent rapport, il n'y avait aucune description complète du programme; cela a donc compliqué la tâche d'expliquer le programme à la collectivité. L'information transmise n'était pas uniforme, en raison de l'absence de documents uniformisés. Cela a entraîné des perceptions différentes au sein de la collectivité et des organismes partenaires (p. ex., GRC, Services à l'enfance) au sujet du programme, de sa clientèle, de son fonctionnement et des attentes à l'égard des partenaires. La rédaction d'une documentation officielle pour le programme permettra d'éviter les malentendus et la mauvaise communication, car la constitue un élément essentiel à la viabilité du programme.

Le Hinton Friendship Centre

Comme on l'a déjà expliqué, le HFC assume la responsabilité du PMCM. Pour le programme, cette relation est essentielle et, en grande partie, à l'origine de sa réussite. Bien que le HFC soit relativement jeune (10 ans environ), dans l'ensemble du Canada, les centres d'amitié autochtones existent depuis environ 50 ans. Le HFC offre au programme des assises, une participation et un soutien solides. De plus, le HFC maintient un lien positif avec la collectivité autochtone et se fait le porte-parole des Autochtones dans l'exécution du programme.

Le HFC a été félicité pour avoir soutenu cette initiative. Cependant, on l'a également accusé d'avoir influencé le programme de façon tendancieuse. Divers membres de la collectivité qui ont des rapports avec le HFC voient le PMCM sous le même angle; si ces rapports sont mus par des considérations politiques ou sont négatifs, il semble que cela ait une incidence sur la collaboration et les rapports avec le PMCM. Les Services à l'enfance, par exemple, disent avoir des rapports prudents avec le HFC; cela a transpiré au cours des entrevues avec les représentants des Services à l'enfance. Bien que le PMCM soit reconnaissant du soutien qu'il reçoit du HFC, le programme tente également de maintenir son indépendance. Le personnel espère que les autres verront et respecteront le programme à titre d'initiative indépendante.

On a aussi mentionné que les liens de parenté pouvaient représenter un problème. De façon plus précise, le fait que le directeur du HFC soit parent avec la coordonnatrice du PMCM a été évoqué. Cependant, tous sont au courant de la situation et des efforts sont faits pour que les rapports restent professionnels en invitant d'autres personnes à prendre part à la prise de décisions. Le Conseil d'administration du HFC conserve le pouvoir ultime en matière de décision et joue un rôle actif dans toute situation de conflit d'intérêts possible. Les deux parties en cause voient leurs positions avec professionnalisme et examinent les répercussions de leurs actions sur le HFC et sur le programme. De façon traditionnelle, dans les collectivités autochtones, les familles fortes sont censées restituer une partie de ce qu'elles ont reçu à la collectivité dans son ensemble. Les familles ayant des « dons » ou de nombreux talents sont censées utiliser ces dons au profit de tous. En outre, il faut souligner que dans les collectivités rurales comme Hinton, où il y a peu de ressources professionnelles et où la population est petite, les liens de parenté en affaires et dans les services professionnels sont assez courants.

Des sujets interrogés ont également évoqué le fait qu'il pouvait régner une certaine confusion sur la clientèle à laquelle le PMCM s'adresse, en raison de la connexion entre le programme avec le HFC. Comme le HFC est une organisation autochtone, certains ont l'impression que le PMCM sert exclusivement les familles autochtones. Cependant, bien que la priorité du programme soit de guérir la collectivité autochtone, les clients non autochtones sont aussi acceptés. La confusion qui entoure cette question devrait être dissipée par une meilleure communication avec la collectivité.

Structure interne et dotation en personnel

Le PMCM a rencontré certaines difficultés en matière de dotation en personnel. Comme on l'a déjà dit, il était essentiel que le programme trouve un thérapeute ayant les compétences demandées pour mettre en œuvre le modèle efficacement. C'était la composante manquante pour permettre la mise en œuvre et la réalisation du programme. Il était important pour le programme que l'on tente de trouver un thérapeute autochtone; cependant, le critère le plus important était que cette personne soit qualifiée et en santé. Cela s'est avéré plus difficile que prévu. Les responsables du programme n'ont pu trouver de thérapeute autochtone et, en fait, ont eu beaucoup de difficulté à trouver un thérapeute, quel qu'il soit.

Après avoir examiné plus de 50 curriculum vitae de partout au Canada, ils ont trouvé en la personne de Shauna Walker une thérapeute capable, qualifiée et en santé. Bien qu'elle ne soit pas autochtone, Mme Walker soutient totalement le modèle de traitement et a manifesté la volonté et la capacité de tenir compte des questions culturelles dans sa façon de traiter. Sa pratique clinique se révèle toujours sensible à la culture autochtone. Mme Walker a été embauchée en février 2003 et a commencé à accueillir des clients en mai de la même année.

La structure interne du PMCM a changé depuis la mise en œuvre du programme. Les responsabilités de chaque employé avaient été discutées au début du programme. La coordonnatrice de programme devait contrôler l'ensemble des opérations du programme et la thérapeute de programme devait contrôler toutes les activités cliniques. Certaines difficultés sont apparues lorsque la thérapeute a été tenue de rendre des comptes à la coordonnatrice en raison de la hiérarchie établie. Le Comité directeur est intervenu et on a admis que les deux postes devraient fonctionner de façon parallèle, compte tenu des responsabilités diverses de chaque titulaire. Bien que les composantes cliniques et opérationnelles du programme soient séparées, la coordonnatrice et la thérapeute collaborent et communiquent ouvertement au sujet des besoins généraux et des préoccupations liées au programme.

Le PMCM tente maintenant de doter un autre poste, celui d'aide-thérapeute. Le programme a atteint sa pleine capacité de clients et la thérapeute y consacre de longues heures. La charge de travail est trop lourde pour une seule personne et le PMCM ne peut s'engager à accueillir d'autres clients sans doter un poste d'adjoint. Cependant, tout comme lorsqu'il s'est agi de trouver la thérapeute, le PMCM a de la difficulté à trouver la personne idéale. Il est à noter que ce genre de difficulté n'est pas unique au programme, mais est plutôt lié au manque de personnel qualifié en milieu rural.

Les responsables du programme mettent en œuvre un processus de sélection préliminaire intense pour l'embauche du personnel. Ce processus dure plusieurs mois et met au jour énormément de renseignements sur les postulants. Bon nombre de personnes se sont retirées avant que ne soit terminée la sélection préliminaire. Bien que les responsables du programme aient l'impression qu'il est nécessaire d'examiner les postulants de façon approfondie, un délai plus court et un processus moins indiscret pourrait encourager les postulants à se soumettre à toutes les exigences de la présélection. En septembre 2004, les responsables du programme ont doté le poste d'adjoint, mais la nouvelle recrue a remis sa démission presque immédiatement. Le travail n'est pas facile; les responsables du programme ont besoin d'une personne qui leur convienne, mais il faut également que la personne soit convaincue d'avoir les capacités voulues pour le travail. Les démarches se poursuivront jusqu'à la dotation du poste.

Contexte changeant

Le PMCM existait dans les années 1980 sous le nom de Yellowhead Family Sexual Assault Treatment Program (YFSATP). Le YFSATP reposait sur un modèle de traitement qui offrait une thérapie individuelle et de groupe aux victimes, aux familles et aux délinquants sexuels régressifs coupables d'inceste et d'abus sexuel d'enfants. Les clients du programme à l'époque étaient principalement des délinquants de race blanche pouvant clairement être étiquetés d'agresseurs régressifs qui s'en prenaient aux membres de leur famille de la façon habituelle (c.‑à‑d. des adultes occupant des rôles parentaux qui abusent sexuellement des enfants).

Le YFSATP a été restructuré pour donner le PMCM, mais on s'interroge toujours sur la pertinence et l'efficacité du modèle dans le contexte actuel. La majorité des familles qui participent au programme sont maintenant des familles autochtones. Les types de clients sont très divers; certains délinquants sont toujours du type régressif au sens habituel, mais, en raison des structures étendues et mêlées des familles actuelles, on a affaire à d'autres types de délinquants et de victimes. L'abus sexuel d'une génération à l'autre engendre des situations où une victime est aussi un délinquant et on voit maintenant bon nombre d'enfants et d'adolescents devenir des délinquants sexuels. Comme il se fait de plus en plus d'éducation et de sensibilisation, les cas d'abus sexuels perpétré il y a des années sont maintenant signalés; souvent, il est trop tard pour que le délinquant participe au traitement avec la victime et les autres membres de la famille.

Pour ce qui est de la capacité de répondre aux besoins de la collectivité aujourd'hui, les sujets clés interrogés entretenaient des opinions diverses sur le programme. Certains avaient l'impression que, bien que le programme ne puisse régler toutes les questions qui se posent dans la collectivité, il atteint néanmoins ses objectifs fondamentaux. Le modèle employé permet parfaitement de traiter les agresseurs régressifs; cela a été démontré par le succès du YFSATP. Ceux qui travaillent dans le cadre du programme croient que le modèle peut également être adapté pour permettre de traiter d'autres types de délinquants, de victimes et de familles, dans des contextes différents.

D'autres sujets clés interrogés en revanche n'étaient pas convaincus que le programme répondait aux besoins de la collectivité. Selon eux, les priorités du programme et les exigences d'admissibilité des clients faisaient en sorte que le programme était trop spécialisé et ne répondait qu'à certains besoins bien précis. Cependant, est‑il raisonnable de s'attendre à ce qu'un seul programme réponde à tous les besoins d'une collectivité?

Reformulons encore mieux la question :

Le programme réalise‑t‑il ses objectifs fondamentaux

Attentes et évolution du programme

On a demandé aux sujets clés s'ils croyaient que le PMCM fonctionnait comme prévu. Bien qu'ils aient reconnu que le programme avait permis franchi avec succès certaines étapes dans un bref laps de temps, les répondants ne pensaient pas nécessairement qu'il fonctionnait comme prévu. Le programme a dû changer et évoluer en fonction des familles servies. Il y a différents types de clients,  et le programme accueille les cas qui lui sont référés. À cet égard, le programme répond aux besoins de la collectivité d'aujourd'hui.

Les responsables du programme s'attendaient à ce qu'il y ait plus de renvois de la part des tribunaux; c'est une composante importante du PMCM. La croyance selon laquelle les gens ont plus de chance de réussir le traitement s'ils sont obligés par la Cour d'y participer appuie les mesures de déjudiciarisation et justifie le financement du PMCM comme programme faisant partie du système de justice. Cependant, il est possible qu'il faille prévoir un nombre moindre de cas renvoyés par les tribunaux. Souvent les cas d'abus sexuels d'enfants ne sont pas étayés de suffisamment de preuves pour mener à des poursuites et, lorsqu'on peut le faire, le processus est très long. Si le programme ne s'en tenait qu'aux renvois des tribunaux, il ne viserait pas à traiter toutes les familles de la communauté qui ont besoin de guérison.

La présence du PMCM était censée correspondre à un accroissement des dénonciations et à un accès accru des familles au traitement et au soutien. Le fait que la charge de travail soit à son maximum prouve que c'est ce qui se produit. Lorsque les gens découvrent qu'il y a une option aux poursuites en justice et à l'incarcération, ils commencent à voir d'un meilleur œil la possibilité de faire une dénonciation. Les responsables du programme croient que cette tendance se maintiendra, en particulier au sein de la communauté autochtone. Chez les Autochtones, on attend et observe; lorsque l'on pense pouvoir faire confiance, on s'ouvre.

Certains sujets clés ont dit s'attendre à  ce qu'il y ait davantage de renvois de la part des tribunaux et à ce que les organismes collaborent davantage au traitement des cas. Des communications déficientes et un manque de protocoles officialisés se sont répercutés sur la participation au programme. Certains étaient surpris du soutien de la collectivité au programme, alors que d'autres étaient surpris des critiques et de la résistance du public. La continuation des démarches pour établir des rapports positifs et des partenariats, ainsi que l'amélioration de la communication encourageront les collaborations.

Il est difficile de prévoir avec exactitude ce qu'il adviendra d'une initiative aussi nouvelle. Étant donné que le programme ne fonctionne que depuis mai 2003, bon nombre de personnes avaient l'impression qu'il était trop tôt pour évaluer si les choses fonctionnaient ou non. Comme on peut s'y attendre, lorsqu'un programme en est à ses débuts, il se présente de nombreux obstacles imprévus. C'est le moment de déterminer ce qui fonctionne le mieux et de constater de façon réaliste ce qu'il est possible d'accomplir. Le fait que le programme ne fonctionne pas exactement comme prévu n'est pas nécessairement une mauvaise chose en soi; c'est une étape normale du processus de développement. Il est important de se demander pourquoi les attentes ont été réalisées ou non, afin de prendre les décisions qui s'imposent pour l'avenir.

Certains, au cours des entrevues de sujets clés, ont dit que le programme était trop ambitieux. Les employés travaillent à diverses initiatives qui reposent sur le PMCM (p. ex., mise sur pied d'une équipe d'évaluation du syndrome d'alcoolisation fœtale), alors que les fondements du programme ne sont pas parfaitement établis. Certains sujets clés ont souligné le fait qu'il était nécessaire de se concentrer sur le programme en soi; la consultation, les conseils et l'établissement de nouvelles initiatives sont importants, mais ils ne devraient se faire que lorsque le programme et ses processus seront fructueux.

En revanche, les employés du programme croient qu'il est important de repérer ces besoins dès qu'ils se manifestent. Le besoin d'une équipe d'évaluation du syndrome d'alcoolisation fœtale a été reconnu lorsqu'on s'est rendu compte que le programme traitait de plus en plus de clients non diagnostiqués. Les responsables du PMCM ne veulent pas nécessairement prendre les devants et mener ces initiatives, mais ils cherchent plutôt à trouver des ressources dans la collectivité qui permettront d'améliorer la prestation du programme. Cet aspect devrait être mieux expliqué.

Financement

Comme c'est le cas de bon nombre de programmes de services sociaux et communautaires, le financement du PMCM est toujours une préoccupation. Les fonds ne sont pas assurés d'une année à l'autre et l'existence du programme dépend de l'obtention de fonds de diverses organisations. Les démarches pour demander de fonds exigent beaucoup de temps et d'efforts et sont parfois infructueuses. Certaines personnes s'occupent des démarches de collecte de fonds pour le PMCM et si elles devaient partir, le programme  risque d'en souffrir.

Il n'y a pas de solution immédiate et facile à cette question. Une grande partie du financement du PMCM dépend de la capacité des responsables du programme de maintenir les critères d'admissibilité et de se concentrer sur les collectivités autochtones, et il en sera ainsi aussi longtemps que les priorités demeureront les mêmes et que le besoin sera présent (c.‑à‑d., tant que le programme conserve ce type de clientèle). Étant donné que la période de financement tire à sa fin, le programme doit trouver de nouvelles sources. En réalité, le financement est un élément déterminant de la viabilité du programme : sans argent, le programme ne peut survivre longtemps.

Rapports et partenariats avec la collectivité

Les responsables du PMCM ont fait d'immenses efforts, avant le programme, pour informer la collectivité au sujet du programme et pour établir des rapports positifs avec les organismes de services sociaux. Certains liens ont été forts dès le début et le demeurent toujours; la NAW et la GRC semblent avoir avec le PMCM des rapports fondés sur la collaboration et le soutien. D'autres liens ont été plus difficiles à établir et à conserver; le lien le plus fragile semble être celui reliant le programme aux Services à l'enfance.

La coordonnatrice du PMCM a rencontré les représentants régionaux des Services à l'enfance au cours des premières étapes de l'élaboration du programme. Le mot d'ordre était que l'ensemble de la collectivité des services sociaux unirait ses efforts pour s'attaquer à la question de l'abus sexuel d'enfants. Les personnes des Services à l'enfance que l'on a interviewées n'ont pas l'impression que c'est ce qui s'est produit. Un manque de communication de la part du PMCM et une mauvaise compréhension du côté des Services à l'enfance ont donné lieu à des relations tendues entre ces deux parties.

Les Services à l'enfance ont peu participé au programme et au processus de renvoi. La rupture de communication est importante et s'observe à la confusion qui entoure la question de l'admissibilité des clients et au manque de cohérence du processus de renvoi et d'admission. Selon les Services à l'enfance, le PMCM a indiqué que les cas devaient d'abord passer par les tribunaux. En outre, les Services à l'enfance semblaient avoir compris que la grande priorité du programme était de servir la collectivité autochtone. Cependant, au moment de la rédaction du présent rapport, les Services à l'enfance avaient aiguillé deux cas; ni l'un ni l'autre des cas n'avait fait l'objet de poursuites judiciaires et une seule des deux familles était autochtone. Le premier cas a été accepté, mais le deuxième a d'abord été refusé. Le PMCM a communiqué de nouveau avec les Services à l'enfance par la suite et a consenti à réexaminer le cas; les motifs de cette décision n'étaient pas clairs. De telles situations mettent en lumière la nécessité d'établir des protocoles fixes et officiels en matière d'admissibilité des clients.

Les Services à l'enfance n'ont pas participé à l'atelier de formation donné à l'intention du personnel des organismes et des travailleurs de première ligne. Bien que l'invitation ait été lancée, la direction n'a pas jugé qu'elle pouvait se priver de son personnel pendant une période de deux semaines, en particulier lorsque les Services à l'enfance offrent leur propre formation aux nouveaux travailleurs. La direction a fait des démarches pour travailler avec le PMCM afin d'adapter le matériel et de faire en sorte qu'une gamme étendue de sujets soient couverts, en conformité avec les questions dont les travailleurs des services s'occupent. Cependant, les Services à l'enfance n'ont pas eu l'impression d'avoir suffisamment d'information pour pouvoir évaluer efficacement la formation et ne pouvaient justifier la présence de leurs employés.

Les responsables du PMCM ont également reconnu avoir de la difficulté à travailler avec les Services à l'enfance. Ils ont dit avoir fait face à de la résistance lorsqu'ils ont tenté de collaborer sur certains cas et ils croient que cela est attribuable à la dynamique de territorialité qui existe dans le domaine. Le PMCM doit aussi affronter les rapports difficiles qui existent déjà avec les Services à l'enfance, indépendamment du programme. À titre d'exemple, il y a un sérieux manque de confiance et de bonne entente entre la collectivité autochtone et les Services à l'enfance. Le PMCM tente de combler ce fossé en entretenant lui-même de bons rapports avec la collectivité autochtone.

Par ailleurs, certains éléments suscitent bien des questions. Le programme peut accepter un nombre important de cas où les abus ont été commis il y a longtemps et où les victimes ne sont plus des enfants à risque. Les demandes d'admission peuvent être présentés par des membres de la communauté autochtone, où l'on hésite à informer les Services à l'enfance ou la GRC. Il règne une certaine confusion autour des activités du programme et de la clientèle visée par le programme; même les répondants qui ont dit entretenir un rapport positif avec le PMCM n'étaient pas sûrs de bien comprendre les diverses composantes, les processus et les critères du programme. Bien que ces organismes appuient le PMCM, ils interviennent peu, en fait, dans le programme; le manque d'information n'est pas un grave problème dans de ce cas. En revanche, lorsque les principaux fournisseurs de services connaissent mal le programme censé s'attaquer au phénomène des abus sexuels d'enfants et que, simultanément, ils sont censés travailler en collaboration pendant tout le processus de traitement, la mauvaise communication devient un sérieux problème.

En dépit des efforts déployés sur le plan des relations communautaires, le PMCM doit consacrer plus de temps et d'énergie au renforcement et au maintien de tous ses rapports avec le public. L'information sur le programme doit être communiquée de façon claire et uniforme; les personnes qui fournissent l'information doivent être ouvertes aux questions, aux critiques et à la possibilité d'une collaboration. Les enjeux politiques, l'histoire et les rapports personnels ont, bien naturellement, des incidences sur les liens entre les organismes. Le PMCM doit apprendre à composer avec ces influences de façon judicieuse et professionnelle afin d'améliorer les rapports qui se sont détériorés et de favoriser de nouveaux rapports positifs. La thérapeute du PMCM a récemment organisé plusieurs rencontres avec les Services à l'enfance pour tenter d'améliorer la situation. Ses tentatives de collaboration avec le personnel et de maintien d'une communication ouverte ont créé des rapports plus positifs et favorables à la collaboration.

En fait, les bonnes relations demandent des efforts continus : une fois que les rapports ont été établis, il faut que les deux parties donnent suite aux idées convenues. Les attentes doivent être signifiées clairement et donner lieu à des accords; si les attentes changent, il faut aussi le communiquer à l'autre partie. Il est possible que cela exige un supplément de travail de la part du PMCM, mais ces efforts seront grandement appréciés. Les partenariats solides sont garants de la réussite et de la viabilité du programme. L'entreprise sera couronnée de succès si l'information peut être mise en commun et si les organismes peuvent travailler ensemble vers un même but.

Aiguillage et admissibilité des clients

La plus grande difficulté, et également le point le plus ambigu, est l'admissibilité des clients. Le PMCM repose sur un modèle conçu pour traiter les agresseurs régressifs; cela était particulièrement pertinent dans le contexte des années 1980. Or, le contexte a changé depuis, et le groupe de clients s'est diversifié. La définition de la clientèle a dû être modifiée pour s'adapter aux besoins de la population actuelle.

Les diverses sources de financement ont chacune leurs propres exigences. Le PMCM tente de répondre à ces conditions, mais, simultanément, d'équilibrer ces critères avec les besoins de la collectivité. Les bailleurs de fonds sont conscients du fait que les responsables du programme décideront des clients à accepter dans le programme en fonction de la meilleure correspondance avec les critères. Étant donné que le programme en est encore à l'étape de son développement, le personnel du programme s'est montré plus indulgent et, dans certains cas, a accepté des clients pour atteindre la pleine capacité du programme. Cela a en revanche engendré une certaine confusion parmi les organismes partenaires au sujet du mandat du programme et de l'admissibilité des clients.

La question qui se pose véritablement relativement à l'admissibilité des clients et aux renvois est que les organismes n'obtiennent pas une information uniforme de la part des responsables du programme. Certains organismes ont l'impression que le PMCM a plutôt tendance à être restrictif et ils ne référeront donc pas certaines personnes, les croyant inadmissibles, alors que dans les faits, elles pourraient être acceptées. D'autres organismes ont l'impression qu'il y a de la souplesse dans le processus d'admission. Certains répondants ont dit qu'ils ne tenaient même pas compte des critères d'admissibilité; comme ils ont des rapports positifs avec le personnel du programme, il leur suffit d'appeler, pour que leurs clients soient pris en considération. Enfin, d'autres organismes ne comprennent tout simplement pas les critères d'admissibilité.

D'après le PMCM, tous les clients satisfont aux critères du programme, sinon ils ne seraient pas acceptés. Cela doit être communiqué à la collectivité au moyen d'exigences d'admissibilité clairement établies et documentées et de processus de renvoi officiels. Il faut que les responsables du programme suivent ces normes et ces protocoles de façon uniforme. Si l'on dit à un organisme que le programme est complet, il faut que le même message parvienne aux autres organismes. Peut‑être conviendrait‑il de communiquer la raison pour laquelle un client est accepté plutôt qu'un autre, aux organismes responsables des renvois, pour éviter les malentendus. La communication entre les organismes, sans porter toutefois atteinte à la confiance ou au caractère confidentiel des renseignements, devrait être améliorée pour que tous soient informés des problèmes qui se présentent.

Formation, éducation et sensibilisation

Un des objectifs du PMCM est de sensibiliser davantage la collectivité à la question des enfants victimes d'abus sexuels. Le programme y est très bien parvenu par la sensibilisation des participants au cours d'ateliers de formation. Les responsables ont pu non seulement offrir des ateliers aux professionnels du domaine des services sociaux, mais également aux membres de la collectivité désireux d'aider leur prochain.

Grâce à une information et une sensibilisation accrue, les membres du public sont maintenant mieux informés de la question des enfants sexuellement abusés, de l'existence de ce problème dans leur milieu et des options pertinentes de traitement. Le nombre de dénonciations a augmenté, car les gens se sentent plus à l'aise d'en parler et se rendent compte qu'ils peuvent obtenir un traitement culturellement adapté pour l'ensemble de la famille. Le PMCM se propose d'offrir d'autres ateliers de formation publics, et il mérite des éloges pour son engagement à sensibiliser le public à ce problème.

Viabilité

La viabilité est un problème commun à toutes les initiatives financées publiquement. La permanence du financement - qui est essentielle à la poursuite des activités de tout programme -  semble être le facteur le plus déterminant de survie. Mais, un certain nombre d'aspects autres ont également une incidence sur la viabilité des programmes. Dans le cas du PMCM, il s'agit du roulement du personnel, des rapports avec la collectivité autochtone et de la législation concernant les infractions sexuelles contre des enfants.

Le PMCM peut actuellement compter sur des personnes solides, compétentes et efficaces, qui occupent les postes prévus en son sein. On a cependant dit craindre que, si ce personnel devait partir, certains volets du programme en souffriraient. Il est important que le programme soit organisé de façon à ne pas dépendre de la présence de personnes précises. On peut y arriver en documentant bien le programme, en mettant en œuvre des processus et des protocoles officiels que l'on respectera et en établissant de bons rapports avec la collectivité. Une fois que le programme sera bien rodé, les nouveaux venus possédant des capacités équivalentes devraient être en mesure de remplacer le personnel actuel, si besoin est.

Le PMCM a réussi à établir une relation de confiance avec la collectivité autochtone. Le fait de travailler avec les Aînés autochtones à l'élaboration du programme a conduit au soutien de la collectivité et à l'acceptation du traitement. La présence d'une personne autochtone au sein du personnel a grandement contribué à cette relation. Lorsque les responsables du programme ont rencontré les Aînés, ces derniers leur ont dit qu'ils ne participeraient pas à l'expérience s'il n'y avait pas d'Autochtones parmi les employés du programme. Si les Aînés retiraient leur appui, cela aurait une influence sur l'ensemble de la collectivité et nuirait au programme. Compte tenu du fait que la priorité du PMCM est d'aider à la guérison des familles autochtones où il y a eu abus sexuel d'enfants, il est essentiel que le programme demeure en contact avec la collectivité autochtone et que les gens aient l'impression d'avoir accès à un soutien adapté sur le plan culturel.

À l'échelon national, la législation fédérale entourant la question de l'abus sexuel d'enfants et les définitions des termes utilisés peuvent avoir de sérieuses incidences pour le PMCM. Les paradigmes ont quelque peu changé dans ce domaine, et cela a une incidence sur les termes utilisés. Le terme « agresseur agressif », tel que défini dans le présent rapport, n'est pas reconnu ni admis par tous les intervenants du domaine. Cela peut avoir des incidences sur l'appui et le financement de programmes de traitement comme le PMCM, dont les responsables croient que la réadaptation des agresseurs régressifs est possible. Le ministère de la Justice du Canada songe à adopter un registre des délinquants et à imposer une peine uniformisée. Ces types de changements dans la législation peuvent éliminer le recours possible à des mesures de déjudiciarisation. Bien que le traitement sera toujours nécessaire, il sera plus difficile de surmonter cet obstacle. L'éducation et la sensibilisation du public, de même que les réussites indubitables dans le traitement des familles permettront peut‑être un changement de façon de penser et de perception dans ce domaine.

Évaluation

À la fin de l'étape 1, on a déterminé qu'une évaluation des résultats du PMCM n'était pas possible pour le moment. Le programme en est toujours en développement, et c'est le moment d'examiner ce qui fonctionne le mieux et de soupeser de façon réaliste ce qui est possible. Les clients ne sont en traitement que depuis mai 2003 et certaines composantes du modèle n'étaient pas encore fonctionnelles au moment de la rédaction du présent rapport. Par conséquent, il n'y a pas suffisamment de données sur les clients à l'heure actuelle pour bien évaluer les effets du programme.

Cependant, il sera toujours possible d'effectuer l'évaluation plus tard dans l'avenir. En élaborant une stratégie maintenant, on pourra procéder à l' évaluation par la suite. Pour le moment, il s'agit d'utiliser les outils, de recueillir des données et de suivre les activités du programme.

Trois éléments sont nécessaires pour pouvoir effectuer une évaluation des résultats. Tout d'abord, il faut un nombre opportun de clients. Il faut qu'un nombre important de clients suivent le traitement et aient terminé le gros, sinon la totalité, du processus thérapeutique. Cela veut dire que l'évaluation doit être tenue d'ici une période de temps suffisante. Comme le PMCM a commencé à accepter des clients en mai 2003, il est raisonnable de s'attendre à ce qu'une partie des premiers clients aient terminé le programme d'ici mai 2005. Si l'évaluation est réalisée à l'aide d'une d'étude de cas, elle pourrait peut‑être avoir lieu au début de novembre 2005. On disposerait alors d'un échantillon assez important pour évaluer les effets du programme sur les clients qui auront terminé la majeure partie du processus de traitement.

Le deuxième élément essentiel est la détermination des résultats. La mesure des résultats est la façon qui permettra d'évaluer l'efficacité du programme. Il faut cerner et définir les résultats qui se révéleront conviendront au client. À l'étape 1, on a demandé aux sujets clés d'identifier les résultats de programme prévus (section  3.11). Bien que ces derniers soient importants, la plupart constituent des résultats de programme à long terme que l'on pourra observer au niveau communautaire ou de la société. Il faut également évaluer les résultats à l'échelon de la personne, particulièrement en tenant compte des besoins très variés de la clientèle du PMCM et de l'importance d'évaluer l'approche thérapeutique.

Vu la gamme variée des besoins des clients, la thérapeute du PMCM, en collaboration avec l'équipe de recherche de la présente étude, a décidé d'adopter une grille d'évaluation du degré de réalisation des objectifs, comme méthode systématique de mesure des résultats individualisés. Un modèle de grille d'évaluation du degré de réalisation des objectifs a été élaboré pour définir, surveiller et mesurer les buts des clients. La grille comporte cinq points. La thérapeute définit le but et une gamme de résultats possibles, puis fixe un objectif pour le client à divers intervalles et évalue ensuite où se situe le client sur la grille par rapport à la cible. Un pointage numérique peut être lié à chaque résultat possible. Les progrès du client peuvent être suivis dans le temps; des mesures peuvent être prises entre le moment où la cible est déterminée et celui où le pointage est attribué, ou entre les évaluations uniquement (voir le modèle de grille d'évaluation du degré de réalisation des objectifs, à l'annexe A). La grille doit être retravaillée de façon à obtenir un modèle qui soit utilisable par les clients.

Le troisième élément nécessaire à l'évaluation des résultats est une base de données permettant de suivre les progrès des clients. Le PMCM utilise actuellement un système d'information efficace appelé le logiciel MAXIMIZER. Ce système permet la collecte de données démographiques sur les clients. Il permet en outre de produire rapidement et facilement des résumés et des rapports sur ces données, à condition qu'elles aient été saisies dans le programme d'abord. C'est une tâche qui exige beaucoup de temps, mais qui doit être faite pour que l'on puisse utiliser efficacement la base de données.

L'intégration de la grille d'évaluation du degré de réalisation des objectifs dans le logiciel MAXIMIZER serait idéale. Une fois que le modèle générique est rempli et inséré dans le système, le suivi des progrès du client relativement aux buts définis devrait être facile et efficace. Cet instrument de mesure peut être utilisé tout au long du processus thérapeutique et à des fins d'évaluation.

Une évaluation du PMCM serait bénéfique non seulement pour le programme, mais également pour quiconque souhaiterait reproduire l'initiative. L'utilité de réaliser une évaluation n'est plus à démontrer, et il faut plutôt établir à quel moment l'évaluation devrait être réalisée. La tenue de l'évaluation est fonction d'un échéancier adéquat et de la réalisation des trois éléments susmentionnés.

Conclusions et recommandations

Bien que le PMCM existe depuis peu de temps, tous ceux qui ont participé à son élaboration et à sa mise en œuvre devraient être félicités des succès remportés jusqu'à maintenant. Le programme a permis d'offrir un traitement clinique holistique aux délinquants, aux victimes et aux familles des victimes d'abus sexuels; le modèle tient compte des besoins de chaque individu et de la famille dans son ensemble. Le programme demeure sensible aux aspects historiques, culturels et spirituels qui marquent la vie des clients. En plus d'offrir un traitement clinique, le programme est parvenu à sensibiliser et à éduquer la collectivité sur les questions concernant les abus sexuels d'enfants et à établir des partenariats communautaires solides. Le PMCM peut être présenter une solution de rechange à l'incarcération et peut mener à la réadaptation des agresseurs régressifs.

Le PMCM a notamment comme priorité de favoriser la guérison des Autochtones. Les responsables du programme ont établi des rapports de confiance avec la collectivité autochtone, ont invité les Aînés autochtones à participer à l'élaboration du programme et à la prise des décisions, ont une clientèle composée principalement d'Autochtones, ont créé des partenariats avec les organismes et les organisations autochtones et ont prévu des activités de programme respectueuses de la culture et des valeurs autochtones.

Ces points de réussite rendent le PMCM unique et en font un excellent modèle pouvant être repris ailleurs au Canada. Il est difficile de répondre aux besoins des collectivités autochtones en appliquant la pensée et des stratégies « occidentales », et cette façon de faire mène souvent à des échecs. Il y a beaucoup à apprendre des mesures qu'ont prises les responsables du PMCM et des victoires ainsi remportées. Il en va de même des défis qui ont dû être relevés. Comme pour toute nouvelle initiative, le PMCM a rencontré divers obstacles au cours de sa mise en œuvre et de sa réalisation. Les responsables du programme ont pu surmonter certains de ces défis, mais ils devront s'occuper des problèmes qui demeurent non résolus.

Les recommandations qui suivent reposent sur l'information mise au jour dans la présente étude. Ces recommandations visent à améliorer l'efficacité du programme et à permettre une évaluation par la suite. On devrait tenir compte de ces recommandations si l'on envisage de reprendre le modèle du PMCM.

Activités administratives

Relations communautaire

Éducation et sensibilisation

Stratégie d'évaluation

Annexe A:
Modèle de grille d'évaluation du degré de réalisation des objectifs

On déterminera des buts pour les domaines touchant les quatre aspects d'une personne abordés dans le traitement (psychologique, physique, émotif et spirituel), et un modèle sera créé pour chaque domaine. Le modèle utilisé constitue une grille en cinq points des résultats possibles pour un but de domaine précis. La grille est une description générique qui va du pire scénario au meilleur. La thérapeute du programme déterminera les buts associés aux domaines et créera les modèles connexes. Une fois créées, ces grilles peuvent s'appliquer à tout client dont le profil correspond à ces buts. La thérapeute fixera également des cibles pour le client à divers intervalles et évaluera à quel endroit le client se situe sur la grille relativement à ces cibles.

Nota : Aux fins de l'exemple, l'auteure a créé des modèles génériques pour trois buts de domaines (perception de soi, dépression et engagement à l'égard de la thérapie), sous l'aspect psychologique de la personne. Ces grilles ne sont pas utilisées à des fins cliniques et ont été élaborées pour donner au lecteur un aperçu de la grille d'évaluation du degré de réalisation des objectifs. Cet exemple ne doit pas être utilisé au cours d'un traitement clinique ou pour mesurer les progrès d'un client. Dans son exemple, l'auteure a utilisé des intervalles de six mois, mais ces intervalles peuvent changer pour répondre aux besoins du client et du programme.

Guide de réalisation des objectifs psychologiques - perception de soi

Domaine associé au but

Éval. Cible Éval. Cible Éval. Cible Éval. Cible Éval.
Perception de soi Admission 6 mois 6 mois 1 an 1 an 18 mois 18 mois Final Final

La perception de soi du client ne s'est pas améliorée. Auto‑condamnation et pensées toujours négatives sur lui-même.

 

X

   

X

           

Le client peut se reconnaître quelques qualités, mais, globalement, se voit de façon négative.

   

X

   

X

 

X

       
La perception de soi du client s'est améliorée. Se perçoit un peu mieux. A encore quelques pensées négatives.            

X

 

X

   

X

Le client s'accepte et s'aime. Est critique à l'occasion, mais entend faire des efforts à cet égard.

               

X

 
Pas de pensées négatives sur lui-même. S'aime et s'accepte. Tente de s'améliorer.                  

Cible = résultat prévu à la prochaine évaluation
Mesurer les gains ou les pertes entre la cible et l'évaluation (cible atteinte = 0)
Mesurer les gains ou les pertes entre les évaluations (+ ou -)

Guide de réalisation des objectifs psychologiques - dépression
Domaine associé au but Éval. Cible Éval. Cible Éval. Cible Éval. Cible Éval.
Dépression Admission 6 mois 6
mois
1 an 1 an 18 mois 18 mois Final Final
Obtient moins de 30 au test de Beck pour la dépression

 

 

 

           
Scores under 50 on Beck's test for Depression  

 

 

 

 

       
Obtient moins de 30 au test de Beck pour la dépression          

X

 

 

 

 

Obtient entre 50 et 75 au test de Beck pour la dépression

 

X

X

X

X

 

X

X

X

X

Obtient plus de 75 au test de Beck pour la dépression                  

Cible = résultat prévu à la prochaine évaluation
Mesurer les gains ou les pertes entre la cible et l'évaluation (cible atteinte = 0)
Mesurer les gains ou les pertes entre les évaluations (+ ou -)

Psychologique Guide de réalisation des objectifs - engagement
Domaine associé au but Éval. Cible Éval. Cible Éval. Cible Éval. Cible Éval.
Engagement Admission 6 mois 6
mois
1 an 1 an 18 mois 18 mois Final Final
Taux de présence aux des séances de thérapie : 50 % du temps. Aucune raison valable fournie pour justifier ses absences. Termine rarement ses travaux individuels.

 

   

X

           
Attends all therapy sessions unless valid reason. Taux de présence aux  séances de thérapie : entre 50 % et 75 % du temps; doutes sur la validité des motifs invoqués. Termine 50 % de ses travaux individuels.  

 

   

X

 

X

   

X

   
Taux de présence aux  séances de thérapie : entre 50 % et 75 % du temps; doutes sur la validité des motifs invoqués. Termine 50 % de ses travaux individuels.

 

N/A

 

X

       

X

 

 

X

 

X

Assiste à toutes les séances de thérapie, à moins d'avoir des raisons valables de s'absenter. Termine 90 % de ses travaux individuels.                  
Assiste à toutes les séances de thérapie, à moins d'avoir des motifs valables de s'absenter. Termine toujours ses travaux individuels.                  

Cible = résultat prévu à la prochaine évaluation
Mesurer les gains ou les pertes entre la cible et l'évaluation (cible atteinte = 0)
Mesurer les gains ou les pertes entre les évaluations (+ ou -)

Annexe B:
Diagramme du modèle logique du programme

Programme de mieux-être communautaire Mamowichihitowin Modèle logique du programme

Déclaration des besoin

Il n'y a pas suffisamment d'options de traitement pour les familles où il y a eu abus sexuel d'enfants, en particulier dans les collectivités autochtones. Une intervention efficace, holistique et complète est nécessaire à cet égard.

Mission du programm

La mission du PMCM est d'offrir un programme de traitement communautaire holistique visant à s'attaquer au phénomène des agressions sexuelles dans les familles, c'est‑à‑dire un programme dont les responsables sont tenus de rendre des comptes, qui soit complet, qui respecte les particularités de la culture autochtone et des besoins de la collectivité, et qui offre une thérapie à long terme aux délinquants, aux victimes et aux autres membres de la famille.

Justification

On observe depuis plusieurs années une augmentation du nombre de dénonciations à l'égard des abus sexuels dans la collectivité autochtone, et en parallèle, une intervention inefficace et inadaptée des organismes de services sociaux. Aider à la guérison des Autochtones est une priorité, car historiquement, ils ont vécu des expériences préjudiciable, qui ont mené à une structure communautaire unique, à de sérieux problèmes sociaux et à des besoins qui sont différents de ceux dans la société non autochtone. Un programme complet, qui aborde toutes les composantes d'une personne et d'une famille et qui tient compte des aspects historiques, culturels et spirituels de la vie de ses clients s'avère donc nécessaire et constitue la seule façon de répondre aux besoins de la collectivité autochtone. L'offre de ce programme à titre de mesure de déjudiciarisation peut entraîner une augmentation des dénonciations, accroître la participation des familles et, en bout de ligne, permettre la réadaptation d'agresseurs régressifs.

But

Le but global du PMCM est de contribuer au développement des individus sains sur le plan affectif, ce qui favorisera des familles et des collectivités saines.

Objectifs

Programme

Thérapie

Programme de mieux-être communautaire Mamowichihitowin

Plan relatif aux résultats et d'évaluation

Intrant

Activités

Extrants
(octobre 2004)

Résultats
prévus

Indicateurs
du succès

Outils
d'évaluation

  • Personnel : coordonnatrice du programme, thérapeute du programme, soutien administratif
  • Locaux
  • Financement
  • Ateliers de formation
  • Honoraires des Aînés
  • Éducation et sensibilisation de la collectivité
  • Aiguillage
  • Évaluation
  • Traitement individuel et familial
  • Séances de thérapie individuelles, en dyade et familiales (inclut la prise en compte de l'identité culturelle)
  • Séances de groupe
  • Reconstruction de la famille
  • Ateliers de formation
  • Programme d'expansion des services par les bénévoles
  • Activités d'éducation et de sensibilisation
  • 44 dossiers de client actifs
  • 11 délinquants au total
  • 4 délinquants aiguillés par les tribunaux
  • 5 cas comptant des infractions de longue date
  • 5 familles où le délinquant ne participe pas au traitement
  • 29 clients autochtones
  • Milieux familiaux sains
  • Il n'y a plus aucune forme d'abus au sein de la famille
  • Les clients affichent les caractéristiques suivantes : capacité de fonctionner dans la vie de tous les jours, interactions saines avec les autres, compétences de communication, rapports positifs, capacité de régler les conflits de façon judicieuse, expression opportune des émotions, rapports intimes appropriés entre les membres de la famille.
  • Les clients terminent le traitement
  • Les familles sont de nouveau unies
  • Les clients atteignent les buts
  • Les notes des clients témoignent d'une personne saine
  • Diminution des taux d'infractions sexuelles dans la région OU augmentation des taux de dénonciation des cas d'abus sexuels, de signalement et de recours aux appuis
  • Le PMCM fonctionne à plein régime
  • Grille
    d'évaluation
    du
    degré de
    réalisation
    des objectifs
  • Notes du
    client
  • MAXIMIZER
    (base de
    données
    du
    programme)
  • Taux d'abus
    sexuel, de
    signale-
    ment/
    dénonciation
    des cas
    d'abus
    et de
    récidive
    dans la
    région
    (SISE et SRRJ)
  • Rétroaction subséquente aux ateliers de formation
  • Composante
    qualitative
    (entrevues
    auprès
    des clients,
    des organismes
    partenaires,
    des membres
    de la
    collectivité,
    etc.)?

Annexe C:
Protocole d'entrevue des sujets clés

Programme de mieux-être communautaire Mamowichihitowin

(Nota : Ces questions NE PRÉSENTERONT PAS toutes la même pertinence aux entrevues et ne seront pas toutes posées à chacune des personnes interviewées.)

1.0 Introduction

Le Programme de mieux‑être communautaire a été lancé en réponse à la nécessité de s'attaquer au problème des abus sexuels perpétrés dans des familles au sein des collectivités des Premières nations. Le programme adopte une approche multidisciplinaire pour offrir un traitement à l'intention du délinquant et de la victime, ainsi qu'à la famille immédiate et étendue. Le traitement aborde les aspects spirituels, émotifs, mentaux et physiques de l'être humain et intègre une composante culturelle optionnelle au processus thérapeutique.

Le programme est considéré comme un projet pilote pour le reste du Canada. Une évaluation est nécessaire pour faire connaître les forces et les faiblesses du programme et pour déterminer s'il peut être relancer dans d'autres localités. La connaissance des répercussions peut amener des modifications et des améliorations à la façon dont le programme est réalisé.

Cependant, le Programme de mieux‑être communautaire existe depuis relativement peu de temps. Nous aimerions mieux comprendre le contexte entourant les abus sexuels dans votre collectivité (c.‑à‑d., quels types d'infractions sont perpétrées? Quels types de clients ont recours à ce programme? Est‑ce que l'on répond aux besoins de la collectivité?) Avant d'entreprendre une évaluation, il est important de s'assurer d'avoir une description détaillée et complète du programme et d'évaluer si l'on détient suffisamment d'information mesurable sur les activités et les résultats du programme. Nous espérons réaliser ce qui suit au cours de l'étape 1 de l'étude : documenter l'initiative et l'analyse de l'évaluation ainsi que choisir des outils pour mesurer les réussites à venir.

À cette fin, nous avons besoin de parler à certaines personnes pour mieux comprendre le programme et la collectivité. On vous a recommandé parce que vous avez pris part d'une façon ou d'une autre au programme. J'aimerais savoir quelle a été votre participation dans le programme et quelles ont été vos expériences relativement au programme.

J'espère que la discussion se déroulera de façon détendue et ouverte. J'ai certaines questions à poser, mais n'hésitez pas à faire tout commentaire ou à donner toute opinion, que vous jugez importants. Certaines questions peuvent ne pas s'appliquer à vous. Si c'est le cas, dites‑le‑moi et nous passerons à la prochaine question.

Je vous explique la façon de procéder. Ayez l'assurance de la plus complète confidentialité; aucun nom ne sera utilisé dans le rapport, et les commentaires demeureront anonymes. J'aimerais que, au cours de l'entrevue, vous soyez honnête et sérieux; je souhaite connaître autant les commentaires positifs que négatifs, car ils me permettront de tracer le tableau le plus exact possible du programme. J'aimerais également vous donner l'assurance que ce qui sera dit au cours de la présente séance ne déterminera pas l'avenir du programme, dans un sens ou dans l'autre, car ce n'est pas la raison d'être de l'évaluation. L'ICRDF représente une partie neutre responsable de donner une description exacte du programme et de ses effets.

L'entrevue durera environ 40 minutes. Est‑ce que vous avez des questions avant que nous commencions? Depuis quand habitez‑vous dans la collectivité et que faites‑vous comme travail?

2.0 La collectivité (toutes les personnes interrogées)

2.1 Décrivez votre collectivité.

2.2 Décrivez le contexte entourant les abus sexuels dans cette région.

2.3 Ce programme se concentre sur les services à offrir aux « délinquants régressifs » et les membres des collectivités des Premières nations. Ce type de programme de traitement de la délinquance sexuelle est il nécessaire dans votre collectivité?

2.4 Ce programme constitue-t il une mesure de rechange à l'incarcération qui donne des résultats?

3.0 Participation au programme (toutes les personnes interrogées)

3.1 De quelle façon participez-vous au Programme de mieux être communautaire?

3.2 Avez-vous participé d'une façon ou d'une autre au travail précédant le programme ou au travail sur le plan des relations communautaires réalisé avant la mise en œuvre du programme?

4.0 Description du programme (personnel du programme, comités consultatif/directeur)

4.1 Description du programme (personnel du programme, comités consultatif/directeur)

4.2 Quelle est la structure du programme?

4.3 Quels types de poste les employés du programme occupent-t-ils?

4.4 Quel est le coût du programme?

4.5 TOUTES LES PERSONNES INTERROGÉES : Pouvez‑vous donner une description générale du programme et de son fonctionnement? Quelles sont les activités du programme?

4.6 Le programme fonctionne‑t‑il comme prévu?

4.7 Pouvez-vous décrire les clients actuels du programme?

5.0 Retombées, résultats, succès et viabilité (toutes les personnes interrogées)

5.1 Comment définissez‑vous le succès dans ce programme?

5.2 Comment ce succès peut il être mesuré?

5.3 D'après vous, quelles retombées le programme aura-t-il sur les  participants?

5.4 Dans la région, le programme a-t-il eu une incidence sur le phénomène des enfants victimes d'abus sexuels par un membre de leur famille? De quelle façon est-ce constatable? OU À quelle incidence vous attendez‑vous?

5.5 Personnel du programme, comités consultatif/directeur : Quels sont les résultats prévus pour le programme?

5.6 Personnel du programme, comités consultatif/directeur : Nommez quelques‑uns des extrants prévus pour le programme.

Notes

  1. 1

    Le modèle doit être perfectionné, pour pouvoir être utilisé par les clients. Cela sera fait par la thérapeute du programme, à qui l'on aura accordé le temps nécessaire à l'accomplissement de cette tâche.

  2. 2

    On compte parmi les clients des victimes, des délinquants et d'autres membres de la famille.

  3. 3

    Dix de ces délinquants étaient des enfants ou des adolescents au moment de l'infraction (c.‑à‑d., les infractions qui remontent à loin).

  4. 4

    Le modèle doit être perfectionné pour pouvoir être utilisé pour les clients. La mise au point doit être réalisée par la thérapeute du programme, à qui l'on doit accorder le temps nécessaire à l'accomplissement de cette tâche.

  5. 5

    Le délinquant régressif est défini comme une personne qui est attirée sur le plan sexuel par des personnes du même âge, mais qui commet une infraction pour répondre à des besoins affectifs. Le délinquant refuse de tenir compte de l'âge de la victime et se représente l'enfant comme une personne pouvant répondre à ses besoins. L'abus sexuel a lieu au sein de la famille, sans qu'il y ait nécessairement de rapport biologique (lien engendré par le mariage, frères et sœurs, membres de la famille, etc.).

  6. 6

     Ces infractions de longue date se définissent comme tout acte de délinquance sexuelle commis contre un enfant, et que la victime devenu adulte définit comme faisant partie de son expérience personnelle. Il est probable que rien n'a été fait pour venir en aide à la victime au moment où les événements se sont produits.

  7. 7

    Il y a diverses opinions sur ce profil. Le terme « agresseur régressif » n'est pas mentionné dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'American Psychiatric Association, et certains organismes le considèrent comme archaïque. Bien que l'utilisation de ce terme soit controversée, le personnel du PMCM croit que la définition ci‑dessus est utile et applicable aux clients qu'il traite.

  8. 8

    Au moment de la rédaction de ce rapport, aucun groupe n'était constitué.

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