L'incidence de l'emprisonnement sur la récidive

L'incidence de l'emprisonnement sur la récidive Version PDF (418 Ko)
Table des matières

1999 - 3

par
Paul Gendreau Claire Goggin
Centre d'études sur la justice pénale
Université du Nouveau-Brunswick
et
Francis T. Cullen
Département de la justice pénale
Université de Cincinnati

Les opinions exprimées n'engagement que les auteurs et ne sont pas nécessairement celles du ministère du Solliciteur général du Canada. Ce document est disponible en anglais. This report is available in English under the title: The Effects of Prison Sentences on Recidivism. Le présent rapport se trouve également sur le site Internet de Solliciteur général Canada : www.securitepublique.gc.ca.

Veuillez adresser la correspondance concernant cette étude à J. Bonta, Ph.D., Recherche correctionnelle, ministère du Solliciteur général du Canada, 340, av. Laurier Ouest, Ottawa (Ontario) Canada K1A 0P8. Courriel: bontaj@ps-sp.gc.ca.

Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
No de cat. : JS42-87/1999F
ISBN : 0-662-84222-7

Résumé

La fréquence du recours à l'emprisonnement pour contrer le crime s'est accrue au cours de la dernière décennie. Récemment, les politiques d'imposition de peines minimales obligatoires ont considérablement gagné en popularité dans l'ensemble des États-Unis, ce qui limite sérieusement le pouvoir discrétionnaire des juges en matière de détermination de la peine. Si on favorise ainsi l'imposition de peines minimales obligatoires, c'est avant tout parce qu'on croit que la durée de la peine d'incarcération exerce un effet dissuasif sur le délinquant qui serait tenté de récidiver.

Il y a à cet égard trois principales écoles de pensée. Selon la première, l'emprisonnement réprime indéniablement le comportement criminel. Les désagréments de la vie carcérale et l'étiquette sociale péjorative associée au fait d'avoir été détenu devraient normalement décourager la récidive. Selon la deuxième théorie, celle voulant que les prisons soient de véritables « écoles du crime », l'incarcération aurait exactement l'effet contraire, en ce sens qu'elle contribuerait à accroître la criminalité. Vu dans cette perspective, le caractère stérile, inhumain et psychologiquement destructeur de l'emprisonnement rendrait le délinquant plus susceptible de récidiver une fois remis en liberté. Les tenants de la troisième école de pensée, dont nous qualifierions la position comme étant celle « de l'incidence minime et de l'interaction », soutiennent que l'emprisonnement n'a généralement qu'une influence fort limitée sur le comportement du délinquant. Selon eux, les prisons seraient essentiellement des « congélateurs psychologiques », en ce sens que les attitudes et les comportements antisociaux qu'auraient les délinquants au moment de leur incarcération n'évolueraient pratiquement pas au cours de leur détention. Les défenseurs de cette thèse pensent également que l'imposition de peines de plus longue durée est peut-être encore plus lourde de conséquences pour les délinquants à faible risque, étant donné qu'elle les amène à vivre plus longtemps dans un milieu où l'ambiance est généralement dictée par des pairs plus endurcis et à risque plus élevé.

Cinquante études effectuées depuis 1958 et ayant porté sur 336 052 délinquants ont établi 325 corrélations entre la récidive et (a) la durée du séjour en prison, ou (b) le fait de purger une peine d'emprisonnement vs une peine communautaire. Nous avons analysé ces données à l'aide de méthodes quantitatives (méta-analyses) pour déterminer si l'emprisonnement permettait vraiment de refréner le comportement criminel ou la récidive.

Nous avons été à même de constater que, dans les deux hypothèses énoncées ci-dessus, l'incarcération avait eu pour effet d'accroître légèrement la récidive et avait eu une incidence généralement plus négative chez les délinquants à faible risque.

Voici les principales conclusions qui se sont dégagées de notre étude :

  1. Il serait illusoire d'imposer des peines d'emprisonnement dans l'espoir de réduire la criminalité.
  2. Le recours excessif à l'incarcération entraîne des coûts énormes.
  3. Pour qu'on puisse établir sur quels types de délinquants l'emprisonnement risque d'avoir un effet négatif, il incombe aux autorités carcérales d'effectuer régulièrement une évaluation complète des attitudes des délinquants, de leurs valeurs et de leur comportement pendant leur détention.
  4. La principale justification de l'emprisonnement devrait être la nécessité de neutraliser certains délinquants (notamment ceux qui présentent un risque chronique élevé) pour des périodes raisonnables et de les punir pour leur crime.

Introduction

L'imposition de sanctions par le système judiciaire est au premier plan des efforts que déploie la société dans sa lutte contre le crime. Ces dernières années, on a eu tendance, notamment aux États-Unis, à privilégier à cette fin l'imposition de peines d'emprisonnement, particulièrement de peines dites minimales obligatoires. Les peines minimales obligatoires sont attribuées en fonction d'une sorte de grille de prescriptions pénales visant à infliger un « châtiment » proportionnel au crime commis. Le pouvoir discrétionnaire des juges de tenir compte de la situation particulière du délinquant dans la détermination de la peine s'en trouve sérieusement limité. L'État fédéral et presque tous les États américains ont, à des degrés divers, adopté des lois prévoyant l'imposition de peines obligatoires, principalement pour les crimes liés à la drogue.

Sur ce plan, la Californie a donné le ton en se dotant d'une des politiques les plus poussées et les plus sévères qui soient en matière de peines minimales obligatoires, politique généralement appelée la « loi de la troisième faute » (Stolzenberg et D'Alessio, 1997) qu'elle applique d'ailleurs on ne peut plus rigoureusement. Cette loi prévoit en effet l'imposition d'une peine minimale obligatoire de 25 ans de prison, pouvant aller jusqu'à perpétuité, pour une troisième infraction, sans égard à la nature des crimes commis. Pour illustrer à quel point ces peines obligatoires peuvent être sévères, on n'a qu'à songer au cas de Greg Taylor (Bellisle, 1999) dont les deux premiers crimes (ou fautes) étaient d'avoir volé 10 $ et un laissez-passer d'autobus, puis, d'avoir dévalisé un passant dans la rue. Quatorze ans plus tard, il a été pris à tenter d'entrer par effraction dans une église pour y voler de la nourriture (sa troisième faute). Il s'est alors vu imposer une peine minimale de 25 ans, pouvant aller jusqu'à perpétuité. Même pour une première infraction, la sanction peut être lourde, comme en témoigne le cas d'une dénommée Renée Bojé qui n'a pas de casier judiciaire. Si jamais cette dame, qui vit actuellement à Vancouver, remettait les pieds aux États-Unis, elle y serait passible d'une peine minimale de 10 ans d'emprisonnement pour avoir arrosé un plant de marijuana sur un balcon en Californie (Anderssen, 1999).

Pour justifier l'imposition de peines carcérales obligatoires, on s'appuie largement sur l'argument selon lequel ces peines enseigneraient au délinquant que le châtiment est automatique et sévère et que, par conséquent, le « crime ne paie pas »Footnote 2. En d'autres termes, cette politique repose en grande partie sur la présomption que la durée de certaines peines d'incarcération a effectivement sur la délinquance l'effet dissuasif recherché. Le présent document vise à vérifier empiriquement la valeur de cette présomption. Notre examen portera principalement sur la catégorie des délinquants dont les antécédents criminels ou le type de crime commis sont suffisamment graves pour justifier l'emprisonnement. Nous allons tour à tour faire état des points de vue respectifs des diverses écoles de pensée concernant la justesse de l'hypothèse de l'effet dissuasif particulier de l'emprisonnement, pour ensuite exposer de nouveaux faits qui nous permettront de vérifier directement le bien-fondé de la croyance en l'efficacité de la prison comme punition ou en sa vertu dissuasive au regard de la récidive.

Avant d'aller plus loin, il est important de clarifier ce qu'on entend par « châtiment ». Alors que les termes « dissuasion » et « châtiment » sont souvent employés l'un pour l'autre, notre préférence va à la définition behavioriste de « châtiment », la sanction étant alors vue comme visant, au moyen de traitements susceptibles de faire réagir positivement le sujet, à amener celui-ci à abandonner un comportement indésirable (Blackman, 1995). On notera que cette définition est purement fonctionnelle. Elle s'éloigne des interprétations de sens commun de ce qui constitue un châtiment, interprétations qui ont souvent un caractère viscéral ou moraliste et qui, partant, peuvent être trompeusesFootnote 3 (Matson et DiLorenzo, 1984).

L'incidence de l'emprisonnement : trois écoles de pensée

Il existe trois écoles de pensée en ce qui a trait à l'efficacité de l'emprisonnement comme châtiment. Les adeptes de la première estiment que la détention contribue indéniablement à enrayer le comportement criminel. D'après la deuxième théorie, où la prison est considérée comme une « école du crime », elle aurait exactement l'effet contraire, en ce sens qu'elle contribuerait invariablement à faire augmenter la criminalité. La troisième école, que nous qualifierions « de l'incidence minime et de l'interaction », soutient que la prison n'a généralement que peu d'influence sur le comportement du délinquant.

Dans le présent document, nous allons, pour chacune de ces écoles, d'abord examiner les postulats de base sur lesquels repose sa position, puis exposer les meilleurs arguments sur lesquels elle appuie cette position et en faire une brève critique.

L'emprisonnement comme châtiment

La croyance voulant que l'expérience même de la vie carcérale ait un effet dissuasif trouve son origine dans la théorie élémentaire de l'effet dissuasif particulier (Andenaes, 1968), thèse selon laquelle un délinquant qui se voit condamné à purger une peine plus rigoureuse s'en trouvera probablement amené à réduire d'autant ses activités criminelles. Les économistes ont été les premiers à souscrire à cette thèse (voir von Hirsch, Bottoms, Burney et Wikström, 1999). Selon eux, l'incarcération a des conséquences directes et indirectes coûteuses pour le délinquant (perte de revenu, stigmatisation, etc.) (Nagin, 1998; Orsagh et Chen, 1988; Pyle, 1995; Wood et Grasmick, 1999). Ainsi, devant la perspective d'aller en prison ou après avoir fait l'expérience de la vie carcérale, une personne sensée devrait normalement être amenée à renoncer à toute activité criminelle. Toujours à propos du « coût » dissuasif de la prison, cette école fait valoir un autre argument – qu'utilisent à l'inverse les tenants de « l'école du crime » (voir la section suivante) –, à savoir que, si la vie carcérale est une expérience dégradante et déshumanisante, elle doit certes être vue par le délinquant comme comportant pour lui un coût « psychologique » supplémentaire.

Des sondages indiquent que tant le public que les délinquants considèrent la prison comme la façon la plus sévère et la plus efficace de réprimer le comportement criminel (Doob, Sprott, Marinos et Varma, 1998; Spelman, 1995; van Voorhis, Browning, Simon et Gordon, 1997)Footnote 4. Les responsables de l'élaboration des politiques tiennent souvent pour acquis que la prison est le châtiment le plus rigoureux que nous puissions appliquer (Wood et Grasmick, 1999). DeJong (1997) fait remarquer que le public et les décideurs s'attendent à ce que l'incarcération ait de puissants effets dissuasifs.

Sur quels types de données se fonde-t-on pour favoriser l'emprisonnement comme moyen de sévir contre le crime? Les éléments de preuve les plus convaincants à l'appui de cette option viennent d'études réalisées dans le domaine de l'écologie humaine dont les résultats sont fondés sur des taux ou des moyennes (données d'ensemble). On trouve dans une étude de Fabelo (1995) un exemple de résultats on ne peut plus positifs obtenus de cette façon. Cette étude soulignait qu'une augmentation de 30 % du taux d'incarcération dans cinquante États américains s'était traduite par une réduction de 5 % du taux de criminalité sur une période de cinq ansFootnote 5. Les données de Fabelo ont été interprétées comme étant une preuve éloquente de l'efficacité des peines carcérales (Reynolds, 1996).

Il convient ici d'exprimer des réserves sur ce chapitre. Ce ne sont pas tous les chercheurs qui trouvent aussi convaincants les résultats issus des études en écologie humaine sur la valeur de l'emprisonnement (Gendreau et Ross, 1981; von Hirsch et coll., 1999). Il faut bien comprendre que les études réalisées dans le domaine de l'écologie humaine, fondées qu'elles sont sur des données d'ensemble, peuvent très bien ne tenir nullement compte du comportement individuel (Andrews et Bonta, 1994; Menzel, 1950; Robinson, 1950). Qui plus est, les effets dont il est fait état dans de telles études, et qui sont exprimés en termes corrélationnels, sont presque invariablement considérablement exagérésFootnote 6 en regard des résultats obtenus sur la base de données relatives aux comportements individuels (Freedman, Pisani, Purves et Adhikari, 1991; Robinson, 1950; Zajonc, 1962; Zajonc et Mullaly, 1997). Il est du reste présomptueux de conclure à une telle relation de cause à effet, car il y a une foule d'autres facteurs sous-jacents (situations économique et démographique, politiques de neutralisation, etc.) – Henshel (1978) en énumère 15 – qui peuvent influer sur le rapport peines carcérales vs taux de criminalité (voir également Gendreau et Ross, 1981; von Hirsch et coll., 1999).

Par ailleurs, Nagin (1998), qui trouve en général convaincantes les études qui concluent aux vertus dissuasives de l'emprisonnement, craint fort que, si le taux d'emprisonnement continue à grimper, la prison n'en vienne à être perçue comme moins stigmatisante, ce qui aurait pour conséquence d'en neutraliser le pouvoir dissuasif. D'autres soutiennent que ce pouvoir dissuasif de la prison ne peut agir que sur certaines catégories de délinquants, par exemple sur ceux qui ont davantage gardé un sentiment d'appartenance à la société (les délinquants à faible risque) (voir DeJong, 1997). Orsagh et Chen (1988) avancent, à propos des traitements punitifs, une théorie de seuil en U, théorie selon laquelle un recours « modéré » à l'emprisonnement serait l'option optimale. Enfin, il y a l'opinion courante voulant que la prison moderne soit trop confortable, que seule la détention dans une prison « sans superflu »Footnote 7 constitue un moyen suffisamment punitif pour avoir un effet vraiment dissuasif (Corcoran, 1993; Johnson, Bennett et Flanagan, 1997). Selon eux, les prisons devraient, comme jadis, être des endroits où l'on ne peut jouir que du strict minimum, où l'on vit dans la crainte (par exemple, où les corrections ont leur place) (Nossiter, 1994).

La prison : une école du crime

La croyance voulant que les prisons soient des « écoles du crime » est également très répandue. Dans leurs plus récents écrits sur la délinquance, des spécialistes comme Bentham, De Beaumont et de Tocqueville, ainsi que Lombroso et Shaw ont fait valoir que les prisons sont des terrains fertiles pour le crime (voir Lilly, Cullen et Ball, 1995). Jaman, Dickover et Bennett (1972) ont exprimé succinctement leur pensée sur la question en affirmant que « le détenu qui séjourne un bon moment en prison, du fait qu'il s'imprègne de la culture qui y a cours, voit ses penchants criminels renforcés et, partant, est plus susceptible de récidiver que le détenu qui a purgé une peine de moins longue durée » (p. 7). Ce point de vue est de nos jours largement partagé par bon nombre de spécialistes en matière de justice pénale et de responsables de l'élaboration des politiques dans ce domaine (voir Cayley, 1998; Latessa et Allen, 1999; J. Miller, 1998; Schlosser, 1998; Walker, 1987), par certains membres de la classe politique (voir par exemple Clark, 1970; Rangel, 1999, qui a dit que la prison décernait des doctorats en criminalité) et par des segments entiers de la population (Cullen, Fisher et Applegate, à paraître). Certains véhicules de notre culture populaire (par exemple le cinéma) viennent également raffermir la croyance voulant que les prisons constituent des milieux où règne la brutalité et qui contribuent probablement à faire augmenter la criminalité (Mason, 1998).

Comment la prison peut-elle favoriser le crime? Il existe une imposante documentation à caractère principalement anecdotique, qualitatif et phénoménologique pour soutenir que la vie carcérale détruit l'équilibre psychologique et émotionnel des détenus (voir Bonta et Gendreau, 1990; Cohen et Taylor, 1972). À l'opposé de ceux qui perçoivent l'emprisonnement comme un moyen efficace de sévir, les défenseurs de la théorie de « l'école du crime » voient le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. D'après ce raisonnement, si la prison est psychologiquement dévastatrice pour les détenus, elle ne peut que compromettre le succès de leur réinsertion sociale une fois remis en liberté et, partant, accroître le risque qu'ils retombent dans le crime.

Les analystes du comportement y vont d'une caractérisation plus précise des mécanismes en cause. Plutôt que de s'attarder aux particularités de la vie carcérale qu'on présume destructrices sur le plan psychologique, ces chercheurs s'efforcent simplement d'établir quelles croyances et quels comportements s'en trouvent renforcés ou réprimés. Dans leur classique examen de la documentation concernant les effets de l'emprisonnement, Bukstel et Kilmann (1980) ont résumé plusieurs études (par exemple celle de Buehler, Patterson et Furniss, 1966) où l'on avait eu recours à des techniques behavioristes pour répertorier et analyser en détail les possibilités offertes aux détenus dans diverses prisons pour favoriser leur apprentissage social. Selon Bukstel et Kilmann (1980, p. 472), ces études ont invariablement permis d'observer qu'en milieu carcéral, les pairs exercent les uns sur les autres une « influence manifestement déterminante » qui se traduit par un renforcement de différents comportements antisociaux, à telle enseigne que même la manière dont le personnel interagit avec les détenus contribue à faire régner un climat propice au crime. Comme on l'a fait à partir de l'examen de la documentation de type phénoménologique, on en déduit ici que la prison ne peut que faire progresser la criminalitéFootnote 8.

Bien que la documentation à cet égard soit plutôt clairsemée, il existe des études qui ont traité de la corrélation entre le changement de mentalité qui s'opère chez le délinquant pendant son séjour en prison et le risque qu'il récidive une fois remis en liberté. Il importe de noter que les conclusions de ce type de recherche ne corroborent pas la position des tenants de l'hypothèse de « l'école du crime » (voir Gendreau, Grant et Leipciger, 1979; Wormith, 1984; Zamble et Porporino, 1990). Dans une large mesure, les réactions ou les changements psychologiques observés chez les détenus ne semblent pas mener à la récidive, et ce n'est que dans de rares cas qu'on a noté à cet égard une incidence sur la récidive.

L'école de l'incidence minime et de l'interaction

Diverses sources documentaires militent en faveur de cette vision. Les trois principales s'accordent admirablement pour démontrer de façon convaincante pourquoi l'emprisonnement ne saurait être considéré comme ayant une incidence sensible sur la récidive. Il y a d'abord, d'une part, la documentation relative à l'apprentissage empirique et à la modification du comportement chez les humains et les animaux (voir Gendreau, 1996) et, d'autre part, le tronc de connaissances sur la psychologie sociale de la persuasion. Couplés, ces deux blocs documentaires fournissent déjà amplement de preuves permettant de réfuter la thèse voulant que le comportement des délinquants puisse facilement être modifié par la coercition. Puis, il y a les ouvrages traitant de la personnalité du délinquant, qui viennent confirmer que le tempérament de celui-ci est un facteur qui complique les choses. Nous allons examiner un à un chacun de ces paramètres.

Premièrement, un nombre impressionnant de recherches ont été effectuées pour établir quels types de traitements punitifs sont les plus susceptibles d'entraîner l'abandon d'un comportement. (Matson et DiLorenzo, 1984). On n'a pas retenu l'emprisonnement comme en faisant partie. En outre, plusieurs autres conditions doivent absolument être remplies pour que le châtiment ait un effet optimal (Schwartz et Robbins, 1995). Il y a notamment le fait que les stimuli punitifs doivent être immédiats, aussi intenses que possible et prévisibles, et que l'exécution du châtiment doit amener le sujet à comprendre qu'il n'aurait pas avantage à persister dans la voie qui lui a valu d'être puni. Un chercheur a exprimé l'avis que, compte tenu du caractère contraignant de ce processus, « il est virtuellement impossible de remplir ces conditions dans le milieu où évoluent les délinquants, à moins qu'on ne parvienne à créer un environnement incroyablement efficace de type orwellien » (Gendreau, 1996, p. 129) qui ait l'allure d'une gigantesque cage de Skinner. D'autres chercheurs qui se sont penchés sur cette question en sont arrivés à la même conclusion (par exemple Clark, 1995; J. McGuire, 1995; Moffitt, 1983). De plus, et c'est là un élément capital, le châtiment ne peut enseigner à une personne que ce qu'elle ne doit pas faire. Si on punit un comportement, par quoi le remplace-t-on? Dans le cas des délinquants à risque élevé, on le remplace simplement par d'autres dispositions antisociales! Voilà pourquoi certains spécialistes de la question des sanctions estiment que la façon la plus efficace d'amener un sujet à modifier son comportement n'est pas de faire pression sur lui pour qu'il renonce à son « mauvais » comportement, mais de l'aider à en adopter un « bon » (par exemple Blackman, 1995).

Il y a aussi que le passage de la perpétration d'un crime à l'incarcération est loin d'être automatique, compte tenu que seule une « minuscule fraction » des actes criminels comportant victimisation aboutissent à l'imposition d'une peine d'emprisonnement et, le plus souvent, seulement après des mois (Bennett, DiIulio et Walters, 1996, p. 49). D'ailleurs, la connaissance qu'ont les délinquants des sanctions, même de celles dont on parle le plus dans les médias, est loin d'être précise (voir, par exemple, Bennett et coll., 1996; Jaffe, Leschied et Farthing, 1987).

Deuxièmement, la documentation sociopsychologique portant sur la persuasion et les processus de résistance démontre éloquemment comment un châtiment comme celui de l'emprisonnement, ou à tout le moins la menace d'un tel châtiment, pose incontestablement problème. Les ouvrages sur la question sont complexes et mériteraient une analyse plus poussée; contentons-nous ici de mentionner que, pour qu'il y ait persuasion, le principe de réciprocité positive doit s'appliquer (c'est-à-dire qu'il faut que le sujet perçoive un éventuel changement de son comportement comme pouvant lui procurer quelque chose d'agréable). La source du message doit être crédible, attrayante et autorisée (mais non autoritaire), et l'intérêt du message doit être tel qu'il suscite l'adhésion du sujet (Cialdini, 1993; W. J. McGuire, 1995). Une fois cette adhésion obtenue, d'autres conditions doivent être remplies pour que le sujet soit amené à modifier effectivement son comportement (Fishbein, 1995)Footnote 9. Par exemple, on note que les intervenants qui sont réputés être passés maîtres dans l'art de briser la résistance au changement font preuve d'empathie à l'endroit du sujet, évitent d'argumenter avec lui, l'aident à se prendre en main et prennent soin de ne pas trop l'affronter ou le menacer (Miller et Rollnick, 1991). Des menaces à répétition déclencheraient le processus bien documenté d'inoculation psychologique qui amène le sujet à s'inventer des motifs de résister au changement (voir Eagly et Chaiken, 1993). Nous avons le sentiment que les délinquants sont des champions de ce genre de comportement. Dans une étude sur la punition dans les forces armées, Hart (1978) illustre bien l'application de ce principe d'inoculation.

Troisièmement, on doit se demander qui le système de justice pénale désire punir. De par leurs croyances et attitudes prédominantes, qu'on voudrait tant modifier, les délinquants à risque élevé sont réfractaires à l'éducation, à l'emploi et aux relations d'aide interpersonnelles. Ces délinquants ont parfois une personnalité égocentrique, manipulatrice et impulsive. Souvent, ils fondent leurs décisions sur de fausses prémisses qui les amènent à surestimer les avantages des comportements antisociaux en regard du prix à payer pour de tels comportements (voir Andrews et Bonta, 1998; Carroll, 1978; Gendreau, Little et Goggin, 1996, Gendreau et Ross, 1981; Hare, 1996)Footnote 10. Comme il leur arrive fréquemment d'agir sous l'influence de drogues, leur perception de la réalité s'en trouve d'autant plus déformée. D'après certains chercheurs, les délinquants de cette catégorie peuvent, par tempérament, aller jusqu'à se montrer rebelles à tout châtiment, même s'ils devaient le subir dans les meilleures conditions (voir Andrews et Bonta, 1998, p. 171-173; Gendreau et Suboski, 1971).

Dans l'ensemble, ces trois sources documentaires autorisent à penser que l'incidence de la prison sur la récidive est probablement minime. Selon une opinion très proche de celle-là, cette incidence de la détention serait généralement minime, mais il y aurait des exceptions à cette règle. Les chercheurs qui partagent cet avis avaient au départ amorcé leur recherche en s'attendant à voir confirmée leur perception de la prison comme « école du crime » pour en venir plus tard à conclure essentiellement, à la lumière des résultats de leurs travaux et des témoignages qu'ils avaient recueillis, que la prison n'était tout au plus qu'un « congélateur psychologique » (Zamble et Porporino, 1988), qu'en réalité, le détenu affichait en prison un comportement pratiquement similaire à celui qu'il avait avant son incarcération. Des études transversales et longitudinales sur les incidences de la durée de l'incarcération et des différences de conditions de vie en prison ont permis de constater que la détention avait peu d'effet négatif sur l'état psychologique des délinquants (Bonta et Gendreau, 1990; Gendreau et Bonta, 1984); en fait, on a même observé le contraire dans certaines situations (voir Zamble, 1992, et le numéro spécial d'octobre 1984, vol. 26 de la Revue canadienne de criminologie sur l'incidence de l'incarcération). On a du reste constaté que, généralement, les délinquants qui se sont montrés les plus antisociaux en prison et les plus susceptibles de récidiver après leur remise en liberté étaient déjà à haut risque avant leur emprisonnement (Gendreau, Goggin et Law, 1997).

Malgré l'observation de cette tendance générale, ces chercheurs ont tenu à ne pas exclure la possibilité qu'il y ait une certaine interaction (par exemple Bonta et Gendreau, 1990; Paulus et Dzindolet, 1993; Wright, 1991), ce qui les a conduits à se demander sur quels types de délinquants les conditions de la vie carcérale pouvaient exercer une influence négative (Bonta et Gendreau, 1990, p. 366). Par exemple, Zamble et Porporino (1990) ont été amenés à conclure que ce sont les détenus à risque élevé qui s'adaptent le moins bien à la vie en prison, et qui, selon eux, seraient les plus susceptibles de récidiver. Il existe toutefois une opinion fort répandue selon laquelle ce serait au contraire pour les délinquants à faible risque que la prison aurait le plus de conséquences négatives. Leschied et Gendreau (1994) ont fait valoir, en se fondant sur les tendances d'ensemble observées au Canada au regard de la récidive et sur un modèle d'apprentissage social du comportement criminel (Andrews et Bonta, 1998), qu'il serait normal de s'attendre à ce que les détenus à faible risque soient négativement influencés par les séduisantes valeurs antisociales de leurs pairs à risque élevé (voir également Feldman, Caplinger et Modarsky, 1983, Leschied, Jaffe et Austin, 1988). Quant à ces derniers, il semble bien qu'un séjour en prison ne peut influer que faiblement sur leur comportement.

En résumé, les partisans de chacune de ces trois écoles de pensée ont des opinions différentes à propos de l'incidence de l'emprisonnement sur la récidive :

  1. Ceux qui voient dans l'incarcération un moyen efficace de réprimer le crime estiment que la prison a effectivement pour effet de réduire la récidive. Ils précisent toutefois que divers facteurs individuels et circonstanciels peuvent venir atténuer cet effet, que les délinquants à faible risque sont peut-être plus faciles à dissuader de retomber dans le crime, que des prisons « sans superflu » (d'après des études qui ont été effectuées il y a plusieurs décennies) pourraient se révéler de meilleurs outils de dissuasion en ce sens, et que la durée de la peine peut également influer sur le résultat.
  2. Pour ceux qui estiment que les prisons sont des écoles du crime, l'incarcération a pour effet d'accroître le risque de récidive chez tous les détenus.
  3. Quant aux adeptes de la position de l'incidence minime et de l'interaction, ils croient qu'au mieux, la prison peut influer légèrement sur le risque de récidive, mais qu'elle peut accroître ce risque chez certains délinquants (à faible risque ou à risque élevé).

Comme nous l'avons déjà fait remarquer, les études sur lesquelles s'appuie chacune de ces écoles de pensée ne peuvent être considérées comme concluantes, car elles ne sauraient remplacer une analyse de l'incidence de l'emprisonnement sur la récidive à partir de l'observation directe de ce qu'il en est chez les délinquants pris individuellement. Il existe heureusement des sources documentaires, dont on a fait trop peu de cas jusqu'ici, qui se penchent directement sur les hypothèses mentionnées ci-dessus (Bonta et Gendreau, 1992; Levin, 1971; Song et Lieb, 1993). Ces auteurs présentent un examen narratif d'études où l'on compare les taux de récidive selon diverses durées de peine carcérale, d'une part, et selon que les délinquants ont été condamnés à une peine carcérale vs communautaire, d'autre part. Ce n'est que sous toute réserve qu'on en est venu à des conclusions, étant donné le petit nombre d'études évaluées (≈ une dizaine)Footnote 11.

Le problème que posent les examens narratifs, c'est leur manque de précision. Leurs conclusions sont souvent exprimées sous forme de jugements qualitatifs imprécis (par exemple « plus » vs « moins »). Ils sont subjectifs et parfois empreints de partialité, les éléments de preuve y étant souvent utilisés de manière sélective pour favoriser une thèse ou une idéologie particulière (voir Rosenthal, 1991). Au cours de la dernière décennie, les méthodes méta-analytiques ont supplanté les traditionnels examens narratifs comme étalon or pour évaluer de manière plus précise et plus objective les résultats d'études effectuées dans les domaines de la médecine et des sciences sociales (Hunt, 1997).

La méta-analyse permet de faire une synthèse quantitative d'un ensemble d'études. Autrement dit, les conclusions respectives de diverses études sont mises en commun et analysées statistiquement. À partir d'un ensemble documentaire donné, on obtient, à l'issue de l'exercice, une synthèse précise et quantitative de l'ampleur de l'effet. De plus, la méta-analyse permet de déterminer dans quelle mesure les caractéristiques propres à des ensembles d'études (p. ex. la qualité du plan de recherche et la nature des sujets) sont liées à l'ampleur de l'effet.

Les auteurs de la présente étude se proposent donc, en se servant d'examens narratifs antérieurs, d'enrichir la recherche documentaireFootnote 12 dans ce domaine et de recourir à des techniques méta-analytiques pour déterminer l'incidence précise de l'emprisonnement sur la récidive.

MéthodeFootnote 13

Échantillon d'études

Une recherche documentaire visant à recenser les études portant sur l'examen de l'incidence de l'emprisonnement sur la récidive a été menée au moyen de la démarche par filiation et après consultation des services de résumés analytiques de bibliothèques. Pour être retenues, les études devaient répondre aux critères suivants : il fallait que les données sur les délinquants aient été recueillies avant l'enregistrement des résultats sur le plan de la récidive, qu'on ait effectué un suivi pendant au moins six mois, et que l'étude présente suffisamment de données pour permettre le calcul d'une corrélation entre la nature du « traitement » (par exemple incarcération vs non-incarcération) et la récidive. Cette corrélation est désignée ici comme étant l'ampleur de l'effet et est représentée par le coefficient phi (φ).

Codage des études

On a recueilli l'information suivante sur chaque échantillon pour lequel on a calculé l'ampleur de l'effet : l'endroit où a été menée l'étude; la décennie au cours de laquelle l'étude a été publiée; l'âge, le sexe, la race et le degré de risque du délinquant; la méthode d'évaluation du risque; la taille de l'échantillon; la qualité du plan de recherche; le type de peine; le type de résultat obtenu et la durée de la période de suivi.

Calcul de l'ampleur de l'effet

Pour chaque étude comportant des données numériques à propos de la récidive, on a produit des coefficients phi (φ) pour toutes les comparaisons effectuées entre les deux groupes de référence. Voici un exemple de la façon dont on a établi la valeur φ : dans le cas d'une étude où les taux de récidive observés chez deux groupes de délinquants, dont l'un avait été incarcéré durant cinq ans et l'autre pendant trois ans, avaient été respectivement de 30 % et 25 %, on a attribué une valeur φ de 0,05, pour représenter exactement l'écart entre les taux de récidive respectifs des deux groupes de référence. Le lecteur notera que la valeur φ constitue un indice de l'ampleur de l'effet très pratique et facile à interpréter. À moins d'être en présence d'un écart considérable entre les taux de base des groupes de référence ou entre la taille des échantillons respectifs, la valeur φ représente l'écart précis (à un ou deux points de pourcentage près) entre les taux de récidive de deux groupes de référence (Cullen et Gendreau, à paraître).

Dans les cas où l'on n'a pas observé de liens significatifs entre le prédicteur et le résultat obtenu, où une valeur p supérieure à 0,05 était la seule donnée statistique indiquée, on a attribué une valeur φ de 0,00.

Puis, les corrélations obtenues ont été transformées en valeur φ pondérée (z±) qui tient compte de la taille de chaque échantillon pour lequel on a calculé l'ampleur de l'effet ainsi que du nombre d'échantillons pour chaque sanction (Hedges et Olkin, 1985). On a effectué cette pondération parce que, selon certains, l'ampleur de l'effet est plus significative lorsqu'elle est calculée à partir d'un gros échantillon. Le lecteur notera que le résultat a été enregistré de manière à ce qu'un φ ou un z± positifs indiquent la présence d'un résultat défavorable (plus la peine est sévère, ou plus le séjour en prison est long, plus le taux de récidive est élevé).

Ampleur moyenne de l'effet

L'évaluation de l'ampleur globale de l'effet des diverses sanctions sur la récidive a été effectuée en établissant les valeurs moyennes de φ et de z± et leurs intervalles de confiance (IC) respectifs. L'IC indique qu'il y a une probabilité de 95 % que l'intervalle contienne la valeur de la population. Si L'IC n'inclut pas 0, on peut en déduire que l'ampleur moyenne de l'effet est significativement différente de 0 (c'est-à-dire qu'elle ne tient pas qu'au seul hasard). S'il n'y pas chevauchement des IC, les situations faisant l'objet de la comparaison sont alors considérées comme statistiquement différentes l'une de l'autre à hauteur de 0,05.

Résultats

Description des études

Séjour plus vs moins long en prison

Vingt-trois études portant sur l'effet de la durée du temps passé en prison ont satisfait aux critères et pouvaient donc être retenues. Dans le cadre de ces études, on a formé 222 échantillons pour lesquels on a calculé l'ampleur de l'effet et enregistré l'issue de la remise en libertéFootnote 14.

Toutes les études constituant l'échantillon avaient été publiées sous forme d'articles, de documents ou de rapports gouvernementaux. Plus de 90 % des échantillons pour lesquels on a calculé l'ampleur de l'effet provenaient d'études américaines, dont la majorité avaient été effectuées dans le courant des années 70 (86 %). Le nombre d'échantillons pour lesquels on a calculé l'ampleur de l'effet (n = 1 - 79) ainsi que la taille de ces échantillons (n = 19 - 1 608) variaient beaucoup d'une étude à l'autre.

Quatre-vingt-dix-huit pour cent des échantillons pour lesquels on a calculé l'ampleur de l'effet étaient composés d'adultes, de sexe masculin pour la plupart (90 %). La race du délinquant n'était pas précisée dans la majorité des cas (75 %). La proportion d'échantillons composés de délinquants présentant un faible risque de récidive était égale (49 %) à celle des échantillons composés de délinquants à risque élevé (49 %). La détermination du degré de risque s'était généralement faite non pas au moyen de techniques psychométriques courantes éprouvées (16 %), mais plutôt en fonction soit du nombre d'infractions commises antérieurement par les délinquants d'un même échantillon (47 %), soit du pourcentage de cas de récidive déclarés chez le groupe de référence au moment de l'achèvement de l'étude (36 %).

L'évaluation de la qualité de la méthode de recherche utilisée a permis de constater que tout juste un peu plus de la moitié des échantillons sur lesquels on a calculé l'ampleur de l'effet à propos de la durée plus vs moins longue de la peine provenaient d'études qui avaient été jugées de très bonne qualité (55 %). Dans ces études, les deux groupes de référence affichaient des résultats similaires sur au moins cinq facteurs de risque. Pour près des deux tiers (64 %) des échantillons en question, la période de suivi allait de six mois à un an. Le type de résultat qui avait été le plus souvent observé dans cette catégorie était le bris des conditions de la libération conditionnelle (77 %).

Peine carcérale vs communautaire

Au total, 27 études portant sur l'incidence respective de la peine carcérale vs communautaire répondaient aux critères et ont pu être retenues. L'ampleur de l'effet associé à la récidive y a été relevé à propos de 103 échantillons. Les délinquants ayant purgé une peine communautaire étaient assujettis à diverses conditions de probation ou de libération conditionnelle.

Comme dans le cas de l'examen des données relatives à la variable durée plus vs moins longue de l'emprisonnement, toutes les études retenues ici avaient été publiées, et la plupart des échantillons pour lesquels on avait mesuré l'ampleur de l'effet (68 %) provenaient d'études américaines, contre seulement 22 % d'études effectuées au Royaume-Uni. Il s'agissait en général d'études relativement récentes (96 % publiées après 1980). Tandis que le nombre d'échantillons par étude variait peu (n = 1 - 12), leur taille variait considérablement (n = 24 - 54 633).

Soixante-huit pour cent des échantillons en question étaient constitués d'adultes, contre 23 %, de jeunes délinquants. Dans tous les groupes d'âge, la majorité de ces échantillons étaient composées de délinquants de sexe masculin (62 %). La race n'était pas précisée dans la moitié des cas (50 %). Près des deux tiers des échantillons étaient formés de délinquants présentant un risque élevé de récidive (59 %). La catégorisation du risque avait le plus souvent (61 %) été déterminée en fonction du nombre d'infractions commises antérieurement par les membres du groupe. Dans le cas d'une minorité d'échantillons, le risque avait été calculé au moyen d'une technique psychométrique normalisée et éprouvée (23 %).

Dans le cas des études portant sur les incidences respectives de la peine carcérale vs communautaire, la méthode de recherche utilisée a été jugé de faible qualité pour la majorité des échantillons sur lesquels on a mesuré l'ampleur de l'effet (62 %). La durée du suivi pour près des deux tiers des échantillons en question (65 %) allait de un an à trois ans. Les résultats étaient répartis assez également selon le type d'événements liés à la récidive, les arrestations représentant 22 % de l'ensemble des cas, contre 32 % pour les condamnations et 30 % pour les incarcérations.

Effets sur la récidive

Le fait d'avoir passé plus vs moins de temps en prison ou d'avoir purgé une peine carcérale vs communautaire était associé à un taux légèrement supérieur de récidive dans les trois quarts des cas. Ces résultats sont exposés en détail dans le tableau 1, qui peut être interprété de la manière suivante. Sur la première ligne, on peut voir qu'on a comparé 222 échantillons de délinquants ayant été emprisonnés pendant des périodes plus vs moins longues. Dans le cas de 190 de ces 222 échantillons, on mentionnait le nombre approximatif de mois passés en prison. La durée moyenne d'incarcération était de 30,0 mois pour les délinquants ayant purgé une peine de plus longue durée, contre 12,9 mois pour ceux dont la peine était de plus courte durée (voir note a, tableau 1)Footnote 15. Le nombre total de délinquants sur lequel on a fondé ces comparaisons est de 68 248. L'ampleur moyenne de l'effet non pondérée était de φ = 0,03, c'est-à-dire que le taux de récidive était de 3 % supérieur (29 % contre 26 %) chez les délinquants qui avaient purgé une peine de plus longue durée. L'intervalle de confiance (IC) était de 0,03 à 0,05. Lorsqu'on pondérait l'ampleur de l'effet selon la taille des échantillons, le z± demeurait inchangé (0,03) et son IC se situait entre 0,02 et 0,04.

Dans le cas de la comparaison entre l'incidence des peines carcérale et l'incidence des peines communautaires, l'observation des données nous a permis de constater un écart de 7 % entre les taux de récidive respectifs des deux groupes (49 % vs 42 %)Footnote 16, pour un φ = 0,07 chez les délinquants qui avaient été incarcérés. Après pondération, l'ampleur de l'effet était de 0,00. Le chiffre auquel nous sommes arrivés concernant la durée moyenne de l'incarcération (≈ 10,5 mois) n'est pas nécessairement fiable, car on n'a tenu compte de ce paramètre que dans 19 des 103 comparaisons établies.

En combinant, dans le tableau 1, les résultats observés pour ces deux types de peines, on a obtenu un φ moyen de 0,04 (IC = 0,03 à 0,06) et un z± de 0,02 (IC = 0,02 à 0,02).

Corrélation entre la durée d'emprisonnement et la récidive, selon le degré de risque

Les résultats relatifs à la variable peine plus longue vs moins longue présentés dans le tableau 1 ont été ventilés par degré de risqueFootnote 17. Des comparaisons établies entre les peines plus longues vs moins longues, 139 portaient sur des délinquants à risque élevé et 78 sur des délinquants à faible risque. Les groupes de délinquants à faible risque affichaient généralement un plus haut taux de récidive.

Dans le groupe des délinquants à risque élevé, les sujets qui avaient passé plus de temps en détention avaient un taux de récidive supérieur de 3 % à celui de leurs pairs qui avaient passé moins de temps en prison (φ = 0,03, IC = 0,01 à 0,05). Après pondération, le z± est devenu de 0,02, pour un IC = 0,01 à 0,03.

Chez le groupe des délinquants à risque faible, ceux qui avaient passé plus de temps en détention avaient un taux de récidive de 4 % supérieur à celui de leurs pairs qui avaient purgé une peine de moins longue durée (φ = 0,04, IC = 0,01 à 0,06). Après pondération, le z± est devenu de 0,05, pour un IC = 0,04 à 0,06.

Pour ce qui est des comparaisons entre les peines carcérales vs communautaires, 69 portaient sur des délinquants à risque élevée et 25 sur des délinquants à risque faible. Les écarts entre les taux de récidive étaient pratiquement identiques, qu'ils aient été mesurés en fonction de φ ou de z±, tout comme ils l'étaient chez les divers groupes au sein d'une même catégorie de risque ou entre les catégories à risque élevé et à risque faible.

Corrélation entre la différence de durée d'incarcération et la récidive, selon le degré de risque

Nous avons procédé à un autre type d'analyse de l'incidence de la variable degré de risque au moyen du protocole suivant : nous avons d'abord dressé un tableau montrant la différence dans le nombre de mois passés en prison entre les groupes ayant purgé des peines plus vs moins longues. Des 190 échantillons à propos desquels on a mesuré l'ampleur de l'effet, l24 l'ont été chez des délinquants à risque élevé et 66 chez des délinquants à risque faible. Nous avons ensuite calculé, pour chacun des groupes à risque élevé et à risque faible, la corrélation entre la durée de la peine purgée, exprimée en mois, et la récidive.

Le tableau 2 montre l'existence d'une corrélation positive supérieure (φ) entre une peine de plus longue durée et le taux de récidive chez le groupe des délinquants à risque élevé (r = 0,22) comparé au groupe des délinquants à risque faible (r = 0,15). Il y a toutefois chevauchement des IC des deux groupes. Après pondération en fonction de la taille des échantillons, on note toutefois que cette corrélation positive entre la durée de la peine purgée et la récidive (z±) est plus marquée chez le groupe des délinquants à risque faible (r = 0,29) que chez le groupe des délinquants à risque élevé (r = 0,17). Ici encore, il y a chevauchement des IC.

Autres comparaisons

Les peines d'emprisonnement ont été classées en trois groupes en fonction de leur durée : a) groupe 1 : moins d'un an; b) groupe 2 : plus d'un an mais moins de deux; et c) groupe 3 : plus de deux ans. Aucune évidence de relation en U n'a été observée entre les trois catégories de durée et la récidive (pourcentage de récidive du groupe 1 = 28,2, IC = 24,5 à 31,8; groupe 2 : pourcentage de récidive = 26,8, IC = 24,8 à 28.8; et groupe 3 : pourcentage de récidive = 24,1, IC = 21,2 à 26,9). Il est à noter qu'il y a énormément de chevauchements entre les IC des trois catégories.

On a par ailleurs vérifié quel lien il pouvait y avoir entre certaines caractéristiques choisies des études en questionFootnote 18 et φ pour chacune des variables peine plus longue vs moins longue et peine carcérale vs communautaire. Dans le cas de la première variable, aucune de ces caractéristiques n'a semblé avoir d'incidence mesurable sur la récidive.

Dans le cas de la seconde variable, quatre comparaisons ont permis de noter des écarts significatifs. L'ampleur moyenne de l'effet était sensiblement plus importante dans le cas des études dont la méthode de recherche avait été jugée de haute qualité (φ = 0,11, IC = 0,09 à 0,14) vs de qualité médiocre (φ = 04, IC = 0, 01 à 0,08), et on a constaté un taux plus élevé de récidive chez les délinquants visées par les études de meilleure qualité. Par ailleurs, dans le cas des études où le risque que présentait le délinquant avait été déterminé à l'aide de techniques psychométriques éprouvées (φ = 0,14, IC = 0,10 à 0,18) ou par déduction sur la base du taux de récidive du groupe de référence (φ = 0.12, IC = 0,05 à 0,18), l'ampleur moyenne de l'effet était, ici encore, plus élevée que chez les délinquants dont le degré de risque avait été établi sur la base de la présence ou non d'antécédents criminels (φ = 0,03, IC = 0,00 à 0,06).

Toujours dans le cas de la seconde variable, l'ampleur moyenne de l'effet différait également selon la durée du suivi : là où le suivi des délinquants avait duré de 1 à 3 ans, elle était plus importante (φ = 0,10, IC = 0,08 à 0,13) que dans les cas où il avait duré moins d'un an (φ = -0,01, CI = -0,05 à 0,03) ou plus de 3 ans (φ = 0,03, IC = -0,03 à 0,08). La valeur moyenne de φ différait également selon le type d'événement découlant de la récidive : tant la réincarcération (φ = 0,13, IC = 0,09 à 0,16) que le fait d'avoir été traduit devant un tribunal (φ = 0,17, IC = 0,03 à 0,31) étaient associés à une ampleur moyenne de l'effet sensiblement plus grande que celle qu'on a notée dans le cas de l'arrestation (φ = 0,01, IC = -0,02 à 0,04).

Discussion

Cette méta-analyse est la seule évaluation quantitative à avoir été effectuée à propos du lien entre le temps passé en prison et la récidive. La base de données utilisée comportait 325 comparaisons d'échantillons comprenant au total 336 052 délinquants. À partir des faits constatés, nous sommes en mesure de tirer une conclusion passablement solide : aucune des analyses effectuées n'a démontré à l'évidence que les peines d'emprisonnement permettent de réduire la récidive. En réalité, en combinant les résultats de l'analyse de la variable relative à l'incarcération plus vs moins longue et de celle relative à la peine carcérale vs communautaire, on a obtenu des taux de récidive supérieurs de l'ordre de φ = 4 % et de z± = 2 %.

En outre, les résultats obtenus ne permettent pas de retenir trois autres postulats avancés par certains. Il a été impossible d'établir l'existence d'une relation en U entre les taux de récidive et la durée de la peine. L'idée que l'incarcération n'aurait un effet dissuasif que sur les délinquants à faible risque n'a également pu être confirmée. En fait, le groupe des délinquants jugés à faible risque et ayant passé plus de temps en détention affichait des taux de récidive plus élevés que celui des délinquants à risque élevé.

L'hypothèse voulant que la détention dans des prisons « sans superflu » constitue une forme de châtiment qui découragerait davantage le comportement criminel a été vérifiée indirectement. C'est dans le cas des groupes de délinquants ayant purgé des peines plus vs moins longues qu'on a obtenu les résultats les plus invariablement négatifs, bien qu'il soit bon de noter que, dans la majorité des cas, l'ampleur de l'effet observée l'a été à partir d'études effectuées il y a une trentaine d'années, à une époque où les prisons étaient réputées être des lieux improductifs et inhumains (φ = 0,03; z± = 0,03, les IC n'incluant 0 dans aucun des deux cas).

Compte tenu de la nature de la base de données, il y a lieu d'aborder avec beaucoup de prudence certains autres résultats obtenus à partir de cette recherche. Les études examinées contenaient fort peu de renseignements sur des facteurs pourtant essentiels. Les échantillons de délinquants n'étaient généralement décrits que sommairement et sans recherche d'uniformité (concernant, par exemple, la détermination du degré de risque). Comme c'est d'ailleurs souvent le cas des études concernant les prisons (voir, par exemple, Gendreau et coll., 1997), celles-ci ne disaient à peu près rien des prisons elles-mêmes (c'est-à-dire de la façon dont elles étaient gérées, de l'existence ou non de programmes de traitement, etc.). Dans une large mesure, les résultats obtenus concernant la durée des peines l'avaient été à partir d'études portant sur des échantillons de détenus des années 50 à 70 – une époque où les prisons étaient moins équipées – et ne touchant qu'un petit nombre d'États d'un seul pays, les États-Unis. Il serait important qu'on effectue, de toute urgence, de nouvelles études qui soient représentatives, celles-là, de la présente décennie et de la situation qui existe dans d'autres pays que les États-UnisFootnote 19. C'est d'ailleurs à défaut de telles études qu'il faut, pour l'instant, considérer avec réserve l'opinion de plus en plus répandue voulant que les prisons soient, ne serait-ce qu'un tant soit peu, des écoles du crime (des résultats très légèrement plus négatifs ayant été obtenus à cet égard, dans le cas de trois ou quatre variables, chez les délinquants à faible risque).

Avant d'aborder la question de l'incidence que pourrait avoir la présente étude sur le plan des politiques, qu'il nous soit permis de formuler ici certaines observations à propos de l'équivalence des groupes de référence. On présume souvent que lorsqu'une étude n'applique pas de véritable méthode expérimentale (c'est-à-dire, qui ne comporte pas de processus aléatoire), l'intégrité des résultats peut s'en trouver diminuée. Autrement dit, l'utilisation d'échantillons non aléatoires semblerait donner des résultats fortement exagérés. Or, des méta-analyses récentes portant sur une dizaine de milliers d'études visant à vérifier l'efficacité de traitements – dont celles menées auprès de délinquants – ont permis de constater que l'amplitude des résultats des études aléatoires était pratiquement identique à celle des études comportant une comparaison avec des groupes témoins; ce n'est que dans le cas d'un type particulier d'études – les études avant-après – que les résultats sont exagérés (Andrews, Dowden et Gendreau, 1999; Andrews, Zinger, Hoge, Bonta, Gendreau et Cullen, 1990; Gendreau et coll. à paraître; Lipsey et Wilson, 1993).

Pour la présente recherche, nous avons exclu les modèles avant-après. Nous n'avons retenu que les protocoles utilisant des groupes de référence, après avoir classé ces protocoles en deux catégories selon que nous les jugions de haute ou de médiocre qualité. Les comparaisons établies sur la base d'études jugées de haute qualité nous ont semblé fiables, étant donné que les groupes expérimentaux et les groupes témoins comparés ne différaient pas sur au moins cinq facteurs de risque importants (antécédents criminels, toxicomanie, etc.) et qu'en plus, ces comparaisons avaient, pour une bonne part, été faites à l'aide de méthodes éprouvées d'évaluation du risque. Lorsque les études faisaient état de différences démographiques entre les groupes, nous avons effectué les rajustements statistiques voulus pour en tenir compte. Fait intéressant à noter, dans le cas des comparaisons portant sur l'incidence des peines carcérales vs communautaires, les études jugées de haute qualité montraient des taux de récidive plus élevés pour le groupe des délinquants qui avaient été incarcérés! Dans le cas des comparaisons portant sur l'incidence de la durée des peines, l'ampleur de l'effet observée selon la qualité de l'étude était similaire pour les deux échantillons. Enfin, deux résultats relatifs à l'ampleur de l'effet ont été obtenus à partir d'échantillons aléatoires, à savoir des taux de récidive supérieurs de 5 % et de 9 % respectivement chez le groupe des délinquants ayant purgé une peine carcérale.

Quelles conséquences pourrait avoir la prise en considération des résultats de cette étude dans l'élaboration des politique en matière pénale? À cet égard, deux recommandations nous semblent s'imposer. Les prisons ne devraient pas être utilisées dans l'espoir de réduire la criminalité. Si d'autres recherches viennent confirmer le bien-fondé des conclusions qui se dégagent de la présente étude, à savoir que le fait pour un délinquant d'avoir à purger une peine carcérale a généralement pour effet d'accroître, même dans une « infime » proportion, le risque qu'il récidive, les coûts qu'entraîneraient un recours excessif à l'incarcération pourraient être énormes. On n'a qu'à songer que, dans les secteurs de la santé et des services sociaux, par exemple, de simples augmentations de l'ordre de 5 % au titre des besoins se sont traduites par un accroissement considérable des coûts (Hunt, 1997). Dans le domaine de la justice pénale, on estime à environ un million de dollars le « coût » de la carrière criminelle d'un seul délinquant à risque élevé (voir Cohen, 1997). On peut donc soutenir qu'il serait irresponsable, sur le plan de la gestion des deniers publics, de permettre que la récidive augmente, ne serait-ce que dans une infime proportion, surtout compte tenu des taux déjà extrêmement élevés du recours à l'incarcération en Amérique du Nord. Gardons-nous d'oublier que même les plus chauds partisans de l'imposition de sanctions non seulement se montrent plutôt sceptiques à propos de l'imposition de peines carcérales, mais affirment sans ambages que, dans son ensemble, la documentation concernant leur effet dissuasif ne saurait être très éclairante pour ceux qui ont à formuler des politiques en matière de lutte contre le crime (Nagin, 1998)Footnote 20.

C'est donc surtout la volonté de neutraliser les criminels et d'exiger d'eux une réparation proportionnelle à leur crime – deux options qui ont un « prix » si les prisons ne sont pas utilisées judicieusement – qui justifie le recours à l'incarcération. Il ne s'agit pas ici de remettre en question l'à-propos de mettre sous les verrous pour une période raisonnable des criminels d'habitude présentant un risque élevé; personne, à notre connaissance, ne conteste cette politique. Mais pour pouvoir mettre sous les verrous un assez grand nombre de délinquants pour parvenir à réduire de quelques points de pourcentage les taux de criminalité (voir Gendreau et Ross, 1981) et à « rentabiliser » les prisons (DiIulio et Piehl, 1991), d'autres services gouvernementaux devront consentir de grand « sacrifices ». À moins que les gouvernements ne parviennent à trouver une source inépuisable de fonds, ils devront, entre autres, réduire leurs dépenses au titre de l'éducation et de la santé. Pour bien illustrer la situation, contentons-nous de nous rappeler que les montants que consacrent les États à l'incarcération ont grimpé récemment de 30 %, pendant que les budgets de l'enseignement supérieur chutaient de 19 %, et songeons qu'il en coûte quatre fois moins cher pour maintenir un enfant à l'école que pour garder un délinquant en prison (Dobbin, 1999).

Pour ce qui est de la justice punitive, c'est une notion qui peut paraître simple à comprendre, mais qui est en fait très complexe. Walker (1991) a étudié très en détail les motifs qu'on invoque pour justifier l'application d'une justice punitive et en a conclu que, dans bien des cas, les raisonnements qu'on utilise pour préconiser ce genre de justice sont supplantés par des objectifs utilitaires ou vont à l'encontre des principes morauxFootnote 21.

Notre deuxième recommandation témoigne de la triste réalité que représente le fait que nous soyons si peu renseignés sur ce qui se passe à l'intérieur de la « boîte noire » des prisons et sur le lien que pourrait avoir avec la récidive ce qu'on y trouverait (Bonta et Gendreau, 1990). Tout au plus une poignée d'études ont tenté de se pencher sur cette question (Gendreau et coll., 1979; Zamble et Porporino, 1990). Par analogie, pourrait-on imaginer, dans le domaine des services médicaux ou sociaux, que des chercheurs examinent aussi superficiellement une institution si omniprésente et si coûteuse?

Si on veut être un jour en mesure d'établir plus précisément l'incidence qu'a le temps passé en détention sur la récidive, il incombera aux autorités carcérales de faire d'abord ce qui suit. Premièrement, elles devront régulièrement évaluer les facteurs situationnels qui peuvent influer sur le climat des établissements (notamment le renouvellement de la population carcérale; voir à ce sujet Gendreau et coll., 1997), compromettre les chances de réadaptation des délinquants et, au bout du compte, avoir une incidence sur la récidive. Il existe des mesures appropriées pour atteindre ce but (voir, par exemple, Wright, 1985).

Deuxièmement, il faudra procéder, à l'aide de protocoles éprouvés d'appréciation du risque, à l'évaluation périodique (peut-être tous les six mois, ou au moins annuellement) d'un grand nombre de facteurs de risque dynamiquesFootnote 22 chez les détenus. En attendant corroboration des conclusions de la présente étude, il serait particulièrement important qu'on suive de près l'évolution des délinquants à faible risque pendant leur détention. Ce type d'information clinique nous fournira une estimation beaucoup plus poussée et précise des incidences du temps passé en détention que celle que pouvaient nous offrir les données dont nous disposions pour réaliser la présente étude. Ce n'est qu'alors que la direction des établissements carcéraux sera en mesure de déterminer empiriquement quels délinquants sont le plus susceptibles de récidiver une fois libérés. Avec de tels renseignements en main, on pourra prendre des mesures vraiment constructives (par ex. : traitement, surveillance) pour réduire le plus possible la menace que représentent les délinquants pour la société.

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Tableau 1 Phi moyen (φ) et phi moyen pondéré (z±), selon la durée de la peine et selon qu'il s'est agi d'une peine carcérale vs communautaire
Type de peine (k) N Mφ(SD) ICφ z± IC 

Note k = nombre d'échantillons par type de peine pour lesquels on a calculé l'ampleur de l'effet; N = nombre total de délinquants faisant partie des échantillons, par type de peine; Mφ(ET) = phi moyen et écart-type, par type de peine; ICφ = intervalle de confiance relatif à Mφ ; z± = estimation pondérée de φ, par type de peine; IC = intervalle de confiance relatif à z±.

a Peine plus vs moins longue - durée moyenne de la peine exprimée en nombre de mois (k = 190) : peine plus longue = 30,0 mois; peine moins longue = 12,9 mois; écart-type = 17,2 mois.

b Peine carcérale vs communautaire - durée moyenne de la peine exprimée en nombre de mois (k = 19) : 10,5 mois.

1. Plus vs moins longue durée (222)a 68 248 0,03(0,11) 0,02 à 0,05 0,03 0,02 à 0,04
2. Carcérale vs communautaire (103)b 267 804 0,07(0,12) 0,05 à 0,09 0,00 0,00 à 0,00
3. Total (325) 336 052 0,04(0,12) 0,03 à 0,06 0,02 0,02 à 0,02
Tableau 2 Corrélation entre la durée d'emprisonnement et l'ampleur de l'effet, selon le degré de risque
(k) N Écart r1 IC1 r2 IC2

Note : Écart = écart moyen, exprimé en nombre de mois, entre les peines longues par rapport aux peines courtes purgées par les délinquants; r1 = corrélation entre la différence moyenne de durée d'emprisonnement et φ; IC1 = intervalle de confiance relatif à r1 ; r2 = corrélation entre la différence moyenne de durée d'incarcération et z±; IC2 = intervalle de confiance relatif à r2.

Peine d'emprisonnement : plus vs moins longue
1. Risque élevé (124) 44 415 17,3 0,22 0,05 à 0,39 0,17 0,00 à 0,34
2. Faible risque (66) 20 919 16,9 0,15 -0,09 à 0,39 0,29 0,07 à 0,51
3. Total (190) 68 248 17,2 0,20 0,06 à 0,34 0,21 0,07 à 0,35

Notes

  1. 1

    Les opinions exprimées dans la présente étude n'engagent que ses auteurs. Ce rapport a été préparé en vertu du contrat no 9914-GE/587 conclu avec le Solliciteur général du Canada. Nous remercions Mike Bradley, Murray Goddard et Travis Pitt de leur contribution à la préparation de ce document.

  2. 2

    Les témoignages récents à propos des conséquences pour le système de justice de l'imposition de peines obligatoires sont alarmants (voir Caulkins, Rydell, Schwabe et Chiesa, 1997; Crutchfield, Bridges et Pitchford, 1994; Dobbin, 1999; Greider, 1998; Tonry, 1998; Wooldredge, 1996). La population carcérale a triplé dans l'ensemble du pays ces vingt dernières années et s'est multipliée par cinq dans les seules prisons fédérales. Le budget du département américain de la Justice est passé de 4 à 21 milliards de dollars en 12 ans. Les tribunaux sont débordés, les prévenus étant davantage enclins à réclamer la tenue d'un procès. Selon des analyses économétriques effectuées par des chercheurs de Rand, l'affectation d'un million de dollars à l'exécution de peines obligatoires ne réduirait que de 13 kg la consommation de drogues (cocaïne), contre 100 kg si on consacrait le même montant au traitement de la toxicomanie. Le pouvoir discrétionnaire est passé des mains des juges à celles des procureurs de la poursuite, qui n'ont pas forcément autant de comptes à rendre. Dans 90 instances fédérales qui sont chargées d'appliquer des politiques d'imposition de peines obligatoires, les écarts observés en ce qui touche la durée des peines d'emprisonnement infligées pour des infractions comparables variaient dans une proportion de 10 à 1.

    Entre autres facteurs pouvant influer sur la façon dont on applique dans diverses localités ces politiques d'imposition de peines obligatoires, il y a la race, la crainte de la criminalité dans la population, l'influence des médias, le type de drogue en cause, les valeurs culturelles, le nombre de causes en suspens, le recours à des informateurs, et les interprétations personnelles des règles de droit en matière pénale. D'aucuns estiment que ces iniquités sapent la confiance du public à l'égard des lois, d'autant plus que l'hypocrisie gagne du terrain, certains procureurs et juges n'hésitant pas à « faire une entorse aux règles » pour prévenir de présumées injustices criantes. Enfin, les recherches menées jusqu'ici indiquent que l'imposition de peines obligatoires a peu d'effet sur l'ensemble des taux de criminalité (Stolzenberg et D'Alessio, 1997).

  3. 3

    Les définitions de sens commun se rapportant à ces questions posent souvent problème, car elles présument inconsidérément du caractère pénible de la sanction. En réalité, certains types de traitement, bien que ne suscitant pas forcément de prime abord l'aversion, peuvent se révéler d'efficaces châtiments, et vice versa. En voici une illustration intéressante à partir d'un « fait vécu » : en se fondant sur le gros bon sens, certaines autorités carcérales du Royaume-Uni ont pensé avoir conçu un régime vraiment « punitif », pour constater qu'en définitive, les détenus trouvaient que certaines des activités qui leur étaient offertes les confortaient dans leur attitude (Thornton, Curran, Grayson et Holloway, 1984)!

  4. 4

    Il peut arriver que les données d'une enquête soient complexes. L'étude de Doob et coll. (1998) a permis de constater que le grand public manquait parfois de suite dans les idées. C'est que, tout en souscrivant à la thèse voulant que l'incarcération soit un moyen dissuasif efficace, plus de 70 % des gens se disaient d'avis qu'on devrait dépenser de l'argent non pas pour des prisons, mais pour des mesures autres que l'emprisonnement (par exemple pour la prévention du crime et la réadaptation des délinquants). Cullen, Fisher et Applegate (à paraître) ont constaté que la réadaptation jouissait d'un appui considérable même dans les milieux conservateurs des États-Unis. Spelman (1995) ainsi que Wood et Grasmick (1999) signalent que certains délinquants (≈ 30 %) préféreraient une courte période d'incarcération (un an ou moins) à une grosse peine communautaire.

  5. 5

    À partir des données de Fabelo (1995), on peut établir une corrélation simple entre les taux d'incarcération et les taux de criminalité. Elle est de r = -0,41.

  6. 6

    Un exemple illustrant la façon dont l'analyse de données d'ensemble aboutit généralement à des résultats amplifiés dans le domaine de la justice pénale, c'est qu'alors que Hsieh et Pugh (1993) faisaient état d'une corrélation de r = 0,44 entre l'indice de la classe sociale et celui du crime violent, une analyse de données individuelles débouchait sur une corrélation beaucoup moins marquée, soit de r = 0,07 (Gendreau, Little et Goggin, 1996).

  7. 7

    Par « prison sans superflu », on entend un établissement où il y a absence de café gratuit et de permission aux visiteurs d'apporter de la nourriture; des restrictions concernant l'usage du tabac; limitation du nombre de repas chauds et d'activités récréatives, de l'accès à la télévision et au téléphone et du droit d'avoir des effets personnels dans sa cellule; et obligation de porter des vêtements portant l'inscription « prisonnier » (Finn, 1996).

  8. 8

    Bukstel et Kilmann ne voulaient pas donner à entendre qu'on fonctionne forcément de la sorte dans toutes les prisons, pas plus que nous d'ailleurs (voir également Andrews et Bonta, 1998). On peut toutefois raisonnablement affirmer que, dans de nombreuses prisons, la plupart des membres du personnel ne sont pas choisis, formés, supervisés et récompensés principalement en fonction de leur aptitude à promouvoir chez les détenus l'adoption d'attitudes et de comportements prosociaux dans le but ultime de réduire la récidive. D'ailleurs, un nombre infime d'établissements carcéraux peuvent se vanter de s'être acquittés avec succès du volet de leur mission relatif à la réadaptation des délinquants (voir Gendreau, 1996, à propos des établissements qui ont réussi sur ce plan).

  9. 9

    Selon Fishbein (1995), ces conditions sont : premièrement, que le milieu dans lequel vit le délinquant ne risque pas de renforcer le comportement qu'on veut voir modifié; deuxièmement, que le délinquant ait une attitude positive face à l'adoption d'un nouveau comportement, qu'il croie que les avantages de ce changement l'emporteront sur ses coûts, et que le nouveau comportement n'aille pas en contradiction avec la perception qu'il a de lui-même; enfin, troisièmement, que le délinquant non seulement croie qu'il peut adopter le comportement en question dans différentes situations, mais qu'il soit vraiment en mesure d'y parvenir.

  10. 10

    On observe toutes sortes de contradictions intéressantes chez les délinquants en ce qui touche les réflexions qu'ils font à propos du risque de se faire arrêter, ce qui n'a rien d'étonnant compte tenu des caractéristiques de leur personnalité. Par exemple, la majorité des délinquants interrogés lors d'une enquête se sont dits d'avis que la prison avait un effet dissuasif, tout en soutenant qu'ils ne méritaient pas d'être punis et que leur incarcération n'était absolument pas un gage de sécurité accrue pour la société (Van Voorhis et coll., 1997). Le risque d'être appréhendé s'appliquait davantage aux autres qu'à eux-mêmes ou était carrément écarté (Claster, 1967; Wright et Decker, 1994). Les délinquants les plus susceptibles de commettre de nouveaux crimes étaient plus sensibles au risque de se faire prendre (Horney et Marshall, 1992). Alors que 75 % des jeunes délinquants ne savaient pas quelles peines pouvaient s'appliquer dans leur cas, 90 % d'entre eux avaient le sentiment d'être bien informés et se disaient de toute façon en désaccord avec la loi (Jaffe et coll., 1984).

  11. 11

    Il y avait en outre un petit nombre d'études qui comportaient tellement de comparaisons (par exemple Gottfredson, Gottfredson et Garofalo, 1977) qu'en l'absence d'évaluation quantitative, les auteurs n'ont pas été en mesure de déterminer précisément le sens et l'amplitude des résultats.

  12. 12

    La présente recherche n'inclut pas l'examen d'études portant sur les camps de réadaptation qui offrent une forme de « traitement » de type militaire spécialisé (Gendreau, Goggin et Fulton, à paraître).

  13. 13

    Pour une description complète des méthodes et des statistiques utilisées ainsi qu'une liste des études ayant servi de base à cette méta-analyse, le lecteur est prié de communiquer avec l'auteur principal du présent document, soit par courriel à gendreau@unbsj.ca, soit par télécopieur au numéro 506-648-5780.

  14. 14

    Dans le cas de certaines études où on a effectué des comparaisons dont la variable était la durée de la peine, on a obtenu plusieurs résultats relatifs à l'ampleur de l'effet. Par exemple, une étude pouvait comparer les taux de récidive de délinquants ayant purgé respectivement une peine de 1, 3 ou 5 ans, ce qui permettait de comparer toutes les combinaisons possibles de durée de peine, pour un total de trois résultats relatifs à l'ampleur de l'effet (c'est-à-dire 3 vs 1, 1 vs 5, 3 vs 5.).

  15. 15

    Ces chiffres sont approximatifs. Ils sous-estiment la catégorie des peines de durée « plus longue », étant donné que dans certaines études on s'arrêtait à des peines de 24 mois et plus, sans préciser de limite. Pour ce qui est des peines de moindre durée, certaines études tenaient compte de la durée des peines en les regroupant par tranches (par exemple de 6 à 12 mois), auquel cas nous avons indiqué une durée se situant à mi-chemin entre la limite inférieure et la limite supérieure.

  16. 16

    Si les taux de récidive sont relativement élevés dans le cas cette catégorie, c'est que les périodes de suivi mentionnées dans les études en question étaient plus longues que celles mentionnées dans la plupart des études ayant servi à mesurer l'ampleur de l'effet selon la durée de la peine, périodes de suivi qui n'étaient, dans ce dernier cas, que de 6 mois à un an.

  17. 17

    Le degré de risque du délinquant a été déterminé sur la base des études qui avaient fait état d'antécédents criminels chez les délinquants de l'échantillon, le degré faible de risque étant alors attribué aux groupes dont les membres n'avaient pas d'antécédents criminels. En l'absence de mention d'antécédents criminels dans les études initiales, les auteurs ont appliqué l'un ou l'autre des deux critères suivants pour établir le degré de risque, à savoir soit les résultats obtenus à partir d'une méthode valable d'évaluation du risque comme expliqué dans l'étude, soit les taux de récidive du groupe de référence où l'on associait risque faible à un taux de récidive de 15 % pour un suivi d'un an ou de 30 % pour un suivi de deux ans ou plus.

  18. 18

    On a choisi pour analyse plus poussée les caractéristiques de ces études dont les distributions de fréquences n'étaient pas biaisées (c'est-à-dire qui ne comportaient pas de valeur > 60 % de la distribution). Entre autres caractéristiques, on a retenu pour examen la décennie au cours de laquelle l'étude avait été effectuée, l'âge et le degré de risque du délinquant, la méthode d'évaluation du risque, la qualité du plan de recherche, le type de groupe de référence, la durée de la période de suivi et le type de résultat.

  19. 19

    On comprend mal qu'il s'effectue actuellement aussi peu d'études visant à établir dans quelle mesure il y a corrélation entre la durée de l'incarcération et la récidive chez des délinquants jugés de même degré de risque. Il doit y avoir une précieuse mine de données à ce sujet dans nos prisons modernes.

  20. 20

    Supposons un instant que des recherches futures permettent de constater que le fait de devoir purger une peine carcérale plus longue ou de devoir faire un court séjour en prison peut avoir un effet dissuasif chez certains délinquants. D'après les théories psychologiques, il s'agirait des délinquants les plus introvertis, les moins psychopathes, etc., en d'autres termes, des délinquants à faible risque (Andrews et Bonta, 1998, p. 171-173). Peut-on imaginer un système de justice, fonctionnant dans le respect des principes d'équité, qui, au nom de l'utilitarisme, infligerait à des délinquants à faible risque des peines plus sévères qu'à leurs pairs à risque plus élevé même pour des crimes de nature et de gravité similaires?

  21. 21

    Walker (1991) soutient (p. 139) que l'argument le plus logiquement défendable en faveur de la justice punitive est le droit d'éprouver des sentiments de vengeance.

  22. 22

    Pour une liste de quelques-unes des méthodes les plus utiles d'évaluation du risque, voir Gendreau, Goggin et Paparozzi (1996). Il est reconnu qu'un changement de degré de risque chez un délinquant se traduit généralement par un changement considérable sur le plan du risque de récidive qu'il présente, c'est-à-dire ≈ 30-40 %. (Gendreau et coll., 1996, p. 586).

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