Trajectoires criminelles de deux sous-échantillons de jeunes de l'Ontario qui ont fait l'objet d'une décision judiciaire

Trajectoires criminelles de deux sous-échantillons de jeunes de l'Ontario qui ont fait l'objet d'une décision judiciaire Version PDF (1500 Ko)

ISBN : 978-1-100-98237-3

Table des matières

Remerciements

Nous tenons à remercier Ngodup Fnu et Gustavo Miranda, qui ont participé au codage des données criminelles et psychiatriques. La recherche décrite dans le présent rapport a été financée par le Centre national de prévention du crime (CNPC), le ministère des Services à l'enfance et à la jeunesse, les Services de justice pour la jeunesse, le Centre Hincks-Dellcrest, l'Université Ryerson, le Samuel Rogers Memorial Trust et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG). Les opinions exprimées dans le présent rapport sont celles des auteurs et ne correspondent pas nécessairement à celles des bailleurs de fonds.

Sommaire

Ce rapport présente les résulats de trois études réalisées à partir de deux sous-échantillons de jeunes Ontariens qui ont fait l'objet d'une décision judiciaire. L'objectif des études était double : (1) examiner les trajectoires criminelles des deux sous-échantillons sur plusieurs périodes de suivi; et (2) cerner les variables prédictives durant l'enfance et les corrélats à l'adolescence chez les membres des différents groupes de trajectoires.

La présente recherche est fondée sur un certain nombre de percées théoriques, empiriques et statistiques réalisées au cours des 15 dernières années qui ont contribué à une compréhension plus pointue et complète de l'apparition, de la poursuite et de l'abandon des comportements criminels durant le parcours de vie. Parmi ces percées, mentionnons la publication de l'ouvrage charnière en deux volumes sur les carrières criminelles de Blumstein, Cohen, Roth et Visher (1986); l'émergence de nouveaux modèles théoriques du comportement antisocial et criminel qui s'inscrivent dans une approche fondée sur le développement et le parcours de vie (DPV) (Farrington, 2003 et 2005); l'accumulation des conclusions découlant de recherches liées aux facteurs de risque (Farrington, 2007); et la réalisation d'analyses en fonction de groupes de trajectoires pour examiner les données longitudinales (Nagin, 2005).

Aujourd'hui, on comprend mieux le rôle et les répercussions de facteurs de risque clés dans l'apparition chez les individus de comportements antisociaux et criminels. Ces facteurs de risque, classés selon cinq domaines de la vie (personnel, familial, lié aux pairs, scolaire et communautaire), incluent l'apparition précoce de comportements antisociaux, de problèmes de l'attention et de toxicomanie, ainsi que la violence envers les enfants, les familles désunies et les transitions familiales, la criminalité des parents, le mauvais rendement scolaire et la fréquentation de pairs délinquants. En outre, de nouvelles approches théoriques, y compris les modèles en cascade (Masten et Cicchetti, 2010) qui s'appuient sur l'approche fondée sur le développement et le parcours de vie, ont postulé des hypothèses vérifiables au sujet des transactions et des interactions complexes entre les facteurs de risque à de multiples niveaux et dans différents systèmes, chez la personne elle-même et dans son environnement. Cependant, il faut réaliser d'autres recherches pour élaborer davantage ces modèles et les mettre à l'essai. Il faut également procéder à d'autres recherches pour comprendre le rôle et les répercussions des facteurs de protection et de promotion dans le développement de comportements adaptés ou mésadaptés (Loeber, Farrington, Stouthamer-Loeber et White, 2008; Löesel et Bender, 2003).

Deux sous-échantillons de jeunes qui ont fait l'objet d'une décision judiciaire

Ensemble, les deux sous-échantillons contiennent l'ensemble des 764 délinquants de sexe masculin qui ont purgé une peine du 1er janvier 1986 au 30 décembre 1997 dans l'un des deux établissements de garde en milieu ouvert (des foyers de groupe) de la phase II (jeunes de 16 et 17 ans) de Toronto (Ontario), gérés par un centre de santé mentale pour enfants.

Échantillon A : Suivi initial. Dans le cadre de la première étude, nous avons cerné un échantillon aléatoire de 378 jeunes que nous avons appelé « échantillon A ». Les membres de cet échantillon avaient, en moyenne, 17,6 ans au moment de leur admission en établissement, et la durée moyenne de leur peine était de 124,6 jours. Nous avons effectué un suivi de leurs activités criminelles pendant en moyenne 12,1 ans (de 5,8 à 22,8 ans), de leur première comparution consignée devant un tribunal jusqu'au 17 mars 2001. Les membres de l'échantillon avaient 15,5 ans, en moyenne, au moment de leur première comparution devant un tribunal.

Échantillon A : Suivi prolongé. Dans le cadre de la deuxième étude, la durée du suivi a été prolongée, en moyenne, à 18,7 ans (de 12,3 à 29,3 ans), soit jusqu'au 26 septembre 2007. L'âge moyen des membres de l'échantillon à la fin de la période de suivi en 2007 était de 34,1 ans. Environ 88 % des délinquants de l'échantillon ont été suivis pendant 16 ans ou plus.

Échantillon B : Suivi. Les 386 autres délinquants constituaient le deuxième sous-échantillon, appelé « échantillon B ». Les membres de ce groupe avaient, en moyenne, 17,7 ans au moment de leur admission en établissement, et la durée moyenne de leur peine était de 122,6 jours. Nous avons effectué un suivi de leurs activités criminelles pendant, en moyenne, 16,4 ans (de 9,8 à 28,7 ans), de leur première comparution consignée devant un tribunal jusqu'au 26 septembre 2007. Au moment de leur première comparution devant un tribunal, ils avaient en moyenne 15,6 ans, et l'âge moyen à la fin de la période de suivi était de 32 ans. Une des forces de ces études est que les périodes de suivi vont de la fin de l'enfance (pour les infractions commises aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants [LJC]) ou du début de l'adolescence jusqu'à l'âge adulte. Cette période est d'une longueur considérable pour étudier les trajectoires criminelles sous l'angle du parcours de vie.

Les données criminelles

Les données criminelles utilisées dans le cadre de la première étude sur l'échantillon A proviennent de quatre sources : (1) le ministère des Services sociaux et communautaires de l'Ontario (MSSC); (2) le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l'Ontario (MSCSC); (3) le Centre d'information de la police canadienne (CIPC); et (4) les rapports prédécisionnels (RP) conservés par le centre de santé mentale pour les jeunes. Les données criminelles utilisées dans le cadre des activités de suivi prolongées de l'échantillon A et pour l'échantillon B proviennent de trois sources : (1) le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l'Ontario (MSCSC); (2) le Centre d'information de la police canadienne (CIPC); et (3) les rapports prédécisionnels (RP) conservés par le centre de santé mentale pour enfants. Dans le cadre des présentes études, la mesure de l'activité criminelle a été faite en fonction du nombre, par tranche d'âge, de comparutions devant un tribunal découlant de nouvelles accusations, selon les dossiers officiels. Nous avons rajusté les données sur les activités criminelles en fonction de deux facteurs : l'intervalle d'exposition au risque et une estimation de l'âge du délinquant au moment de l'infraction, et non pas de la décision judiciaire (ces renseignements sont tirés du casier judiciaire ou, plus précisément, des rapports d'arrestation et de poursuite).

Analyse des données

Pour chaque étude, nous avons procédé à deux ensembles d'analyses statistiques. Dans un premier temps, nous avons réalisé une analyse des trajectoires pour définir un petit nombre de groupes de délinquants qui suivaient des trajectoires criminelles semblables sur le plan statistique tout au long de la période de suivi. Ensuite, nous avons procédé à une analyse de régression multinomiale pour cerner les facteurs de risque durant l'enfance et l'adolescence qu'affichaient les membres de chaque groupe. Un des objectifs des études était d'isoler les facteurs associés aux groupes de délinquants présentant des taux élevés d'infractions et des comportements chroniques.

Nous avons réalisé l'analyse des trajectoires à partir des données initiales de l'échantillon A à l'aide de la macro Proc Traj (Jones, Nagin et Roeder, 2001) du SAS, un logiciel statistique vendu sur le marché. Nous avons procédé aux analyses des trajectoires des données de l'échantillon A prolongé et de l'échantillon B à l'aide de crimCV, un logiciel développé par Jason D. Nielsen (2010). Nous développons actuellement un progiciel R pour le logiciel crimCV; il sera accessible au public sur le Comprehensive R Archive Network (CRAN), à l'adresse http://cran.r-project.org/.

En ce qui a trait aux analyses de régression, nous avons préparé un schéma de codage exhaustif et détaillé pour consigner les variables clés de l'enfance (de 0 à 12 ans) et de l'adolescence (de 13 à 18 ans) tirées des dossiers des clients conservés par le centre de santé mentale pour enfants qui administrait les deux foyers de groupe. Nous avons élaboré des schémas de codage différents pour les facteurs liés à l'enfance et ceux liés à l'adolescence, même s'il y avait beaucoup de chevauchements entre les deux. Nous avons conçu les schémas pour tirer le plus de renseignements pertinents possible des dossiers, à la lumière d'un examen exhaustif de la littérature. Les schémas incluaient des facteurs de risque et des facteurs de protection. Cependant, en raison de la faible fréquence des facteurs de protection, nous n'avons pas tenu compte de ces variables dans le cadre des analyses et, par conséquent, nous n'en parlerons pas dans le présent rapport. Le codage des facteurs de risque était dichotomique, c'est-à-dire que 0 = absent/inconnu et 1 = présent/soupçonné. Les facteurs de risque étaient les suivants :

Domaine personnel
Domaine familial
Domaine lié aux pairs
Domaine scolaire

Les quatre variables suivantes ont été ajoutées au schéma de codage des analyses des trajectoires de l'échantillon A prolongé et de l'échantillon B :

Étude 1 : Échantillon A – suivi jusqu'en mars 2001

N = 378; la durée du suivi est de 12,1 ans en moyenne (de 5,8 à 22,8 ans) à partir de la première comparution consignée devant un tribunal, du 1er juin 1978 au 17 mars 2001.

On a cerné quatre groupes de trajectoires (voir la figure 1) :

Les facteurs de risque importants durant l'enfance étaient les suivants :

Les facteurs de risque importants durant l'adolescence étaient les suivants :

Étude 2 : Échantillon A – suivi jusqu'en septembre 2007

N = 378; la durée du suivi est de 18,7 ans (en moyenne) à partir de la première comparution consignée devant un tribunal, du 1er juin 1978 au 26 septembre 2007.

On a cerné huit groupes de trajectoires (voir la figure 2) :

Les facteurs de risque importants durant l'enfance étaient les suivants :

Les facteurs de risque importants durant l'adolescence étaient les suivants :

Étude 3 : Échantillon B – suivi jusqu'en septembre 2007

N = 386; la durée du suivi est de 16,4 ans (en moyenne), du 29 juin 1978 jusqu'au 26 septembre 2007.

On a cerné sept groupes de trajectoires (voir la figure 1) :

Les facteurs de risque importants durant l'enfance étaient les suivants :

Les facteurs de risque importants durant l'adolescence étaient les suivants :

Conclusions et sommaire

On peut tirer plusieurs conclusions à la lumière des trois analyses des trajectoires :

On peut tirer plusieurs conclusions à la lumière des trois analyses de régression multinomiale :

En somme, les résultats donnent à penser que les délinquants de nos études forment un groupe hétérogène. On peut le constater en observant les variations des taux d'activités criminelles au fil du temps, les types de trajectoires et la durée de leurs carrières criminelles. Au moment d'imposer des sanctions, le système de justice pénale devrait tenir compte de cette diversité pour choisir des mesures appropriées. En outre, la plupart des jeunes contrevenants qui ont eu des démêlés avec le système de justice pour les jeunes affichent un faible taux d'infractions (près de zéro), certains abandonnant leur carrière criminelle quelques années après leur première comparution devant un tribunal. Il serait important de se demander, dans le cadre d'une étude ultérieure, quels sont les facteurs qui différencient ceux qui abandonnent leur carrière criminelle de ceux qui la poursuivent. Par ailleurs, un nombre important de délinquants dans les deux souséchantillons affichent des taux d'infractions modérés, quoique dans certains cas, ils le font sur une longue période. Des chercheurs (Ward, Day, Bevc, Sun, Rosenthal et Duchesne, 2010) ont avancé que les délinquants qui affichent des taux d'infractions modérés à long terme sont peut-être un excellent groupe à cibler par des interventions de traitement et des programmes de réadaptation mis en place par le système de justice pour s'attaquer aux facteurs psychosociaux qui peuvent les maintenir, bien que de façon modérée, dans un mode de vie criminel.

De plus, conformément aux constatations issues de la littérature, les analyses des trajectoires permettent de cerner des groupes de délinquants qui commettent un nombre disproportionné de crimes. Dans les trois ensembles d'analyses présentés ici, il s'agit des groupes suivants : (1) taux élevé – pointe à l'âge adulte (TEPADU); (2) taux modéré – augmentation (TMA); et (3) taux modéré – chroniques (TMC-I). Par ailleurs, on peut relever des variables prédictives durant l'enfance et les corrélats à l'adolescence des délinquants qui présentent des taux élevés d'infractions et des comportements chroniques. Ces facteurs incluent des variables dans le domaine personnel (p. ex. apparition précoce de comportements antisociaux et problèmes d'hyperactivité-d'impulsivité-d'attention) et le domaine familial (famille désunie/transitions familiales, criminalité de membres de la famille et prise en charge par des tiers). Grâce à la connaissance de ces facteurs de risque, on pourra créer des interventions et des programmes de prévention précoces ciblés et efficaces. Ajoutons également que, même s'il n'a pas été possible de se pencher sur la question dans le cadre de la présente étude, il faut examiner l'impact des facteurs de protection et de promotion en plus de celui des facteurs de risque. Tous ces ensembles de facteurs contribuent à notre compréhension des causes de la criminalité, ce qui favorise l'élaboration d'initiatives de prévention et d'interventions précoces les ciblant. Enfin, on ne peut généraliser les résultats présentés dans le présent rapport que de façon limitée, et il faut les confirmer en utilisant d'autres échantillons canadiens. Il est à noter que les résultats prennent tout leur sens à la lumière de la littérature de plus en plus importante sur les trajectoires criminelles et leurs corrélats, ainsi qu'à la lumière des théories et modèles qui subsistent sur le développement des comportements antisociaux et criminels.

Trajectoires criminelles de deux sous-échantillons de jeunes de l'Ontario qui ont fait l'objet d'une décision judiciaire

1.0 Contexte de l'étude

Les comportements antisociaux et criminels sont le produit du développement humain, c'est-à-dire que l'apparition et le maintien de ces comportements résultent de l'interaction complexe, au fil du temps, d'une multitude de processus liés au développement et associés à divers domaines de la vie (personnel, familial, lié aux pairs, scolaire et communautaire). Ces processus liés au développement peuvent être proximaux (dans un passé récent) ou distaux (dans un passé lointain) par rapport à l'événement (le geste antisocial). Ils peuvent avoir des répercussions directes et indirectes sur les résultats. Par exemple, des antécédents de mauvais traitements durant l'enfance (facteur de risque distal) peuvent pousser un jeune dans un cheminement de développement qui l'amènera à extérioriser ses problèmes plus tard. On croit que l'exposition précoce à des traumatismes nuit aux processus de développement normatifs et au fonctionnement neurochimique, ce qui peut déclencher une suite d'événements négatifs qui mènent à l'apparition de problèmes de santé mentale, à l'adoption de comportements antisociaux et, potentiellement, à l'incarcération (Coleman et Stewart, 2010). À l'adolescence, la fréquentation d'un groupe de pairs déviants (un facteur de risque proximal), dont les activités et les valeurs sont renforcées par un processus d'« entraînement à la déviance » (Dishion, 2000; Dishion et Piehler, 2007), peut mener à la perpétration d'infractions contre les biens (comme le vol à l'étalage ou l'introduction par effraction) et d'infractions en matière de drogue (comme la possession ou le trafic), de même qu'à l'utilisation d'armes, à la violence, à la participation à des activités de gang et à d'autres comportements délinquants.

Les facteurs de risque proximaux peuvent aussi être liés à des transitions ou à des points tournants durant le développement, comme le passage de l'école primaire à l'école secondaire. Ces transitions sont des occasions ou des moments de vulnérabilité pour certaines personnes. D'une façon ou d'une autre, les transitions peuvent miner l'amour de soi, l'estime de soi et la confiance en soi, et susciter des sentiments accrus d'incompétence et de vulnérabilité (Stewart, 1982). De tels sentiments négatifs peuvent persister jusqu'à ce que la personne soit en mesure d'assumer ses nouveaux rôles, de répondre aux nouvelles attentes et d'acquérir une nouvelle résilience. En outre, tant que la personne n'a pas retrouvé une image stable d'elle-même, elle peut adopter de mauvais comportements d'adaptation et être particulièrement sensible aux influences sociales négatives. Enfin, on croit que les interactions entre les variables distales et les variables proximales sont gouvernées par des effets de médiation, de telle sorte que l'impact d'une variable distale sur un résultat est non pas tant la répercussion lointaine d'un événement passé (Sampson, 2001, p. vi) que l'effet d'influences proximales.

Récemment, on a vu apparaître un certain nombre de modèles théoriques qui s'inscrivent dans une approche fondée sur le développement et le parcours de vie (DPV) (Farrington, 2003 et 2005) pour décrire de quelle façon les processus liés au développement mènent à la criminalité. Parmi ces théories, mentionnons la taxonomie du développement de Moffitt (1993), la théorie interactionnelle de Thornberry (2005; Thornberry et Krohn, 2005), le modèle de développement social (MDS) de Catalano et Hawkins (1996) et la théorie du potentiel antisocial cognitif intégré (PACI) de Farrington (2003). En outre, de récentes études portant sur la notion de « cascades du développement » (Masten et Cicchetti, 2010) ont révélé que ce cadre théorique est utile pour expliquer l'apparition et le maintien de comportements antisociaux et criminels (p. ex. Dishion, Véronneau et Myers, 2010). Même si chaque théorie a son objet propre, elles intègrent toutes des facteurs biologiques (p. ex. neurologiques et génétiques), psychologiques (p. ex. impulsivité et intelligence) et sociaux (p. ex. famille et pairs) dans un modèle biopsychosocial, méthode qui est devenue particulièrement importante dans le domaine de la psychopathologie du développement (Mash et Wolfe, 2010).

L'apparition récente de ces théories du développement n'est pas une coïncidence et suit de près la parution d'un certain nombre d'enquêtes longitudinales majeures sur les activités criminelles, réalisées au cours des 20 dernières années. Parmi ces études, mentionnons la Pittsburgh Youth Study (Loeber, Farrington, Stouthamer-Loeber et van Kammen, 1998) et l'Étude expérimentale de type longitudinal effectuée à Montréal (Nagin et Tremblay, 1999; Tremblay, 2001). Ces études ont mis en lumière le rôle des facteurs intrapersonnels, interpersonnels, environnementaux et biologiques sur l'apparition, le maintien et l'abandon des comportements criminels dans le contexte du développement. En outre, les percées liées aux méthodes et aux techniques statistiques des 15 dernières années, plus précisément les modèles de mélange semiparamétriques (MMS), ont permis d'examiner de façon détaillée les tendances en matière de changement et de continuité associées aux comportements criminels durant le parcours de vie (Nagin, 2005). L'objectif de ces outils analytiques est de découvrir des différences cachées ou latentes dans les échantillons et de cerner un nombre restreint de groupes de personnes qui affichent des trajectoires de délinquance semblables sur le plan statistique.

Ces nouveaux modèles théoriques, combinés à un outil statistique de pointe qui permet d'analyser les données longitudinales, ont permis de comprendre de façon plus approfondie et plus détaillée les processus qui poussent une personne à adopter (ou non) une trajectoire de développement qui la mènera à la criminalité. Un des objectifs de la présente recherche est de cerner les personnes qui suivent une trajectoire criminelle à long terme caractérisée par des taux élevés d'infractions et un nombre disproportionné d'actes criminels et, quand les données sont disponibles, de déceler les facteurs de risque précoces associés à ces individus. La détermination de ces facteurs de risque pourrait appuyer l'élaboration d'interventions et de programmes de prévention précoces visant à renforcer les facteurs de protection et de promotion, et à réduire les répercussions des facteurs de risque chez les enfants et les jeunes à risque élevé.

Les trois études décrites dans le présent document bénéficient pleinement de cette technique statistique sophistiquée. L'objectif des études est de mettre en lumière : (1) le cheminement criminel à long terme de deux sous-échantillons de délinquants de l'Ontario et (2) les facteurs de risque durant l'enfance et l'adolescence associés à l'appartenance à ce groupe de trajectoire. Afin de mettre les constatations de l'étude en contexte, nous avons réalisé une brève analyse documentaire des trajectoires criminelles et des éléments qui permettent de prédire l'appartenance aux groupes de trajectoires. Cette analyse est suivie d'une autre analyse documentaire sur la prévalence des problèmes de santé mentale et psychosociaux chez les délinquants juvéniles, une préoccupation grandissante concernant cette population.

2.0 Analyse documentaire sur les trajectoires criminelles et les facteurs qui permettent de prédire l'appartenance à un groupe de trajectoire

Apparues il y a environ 15 ans, les analyses des groupes de trajectoires ont, depuis, beaucoup été utilisées par les intervenants du domaine de la criminologie. Dans une importante analyse de la littérature, Piquero (2008) a cerné plus de 80 études qui ont utilisé ces types de techniques statistiques. Trois constatations importantes ont découlé de l'examen de ce corpus. Premièrement, comme Piquero (2008) l'a noté, l'avancement des méthodes et des techniques statistiques a maintenant « rattrapé » les données longitudinales, ce qui offre une occasion unique d'étudier, de documenter et de comprendre les trajectoires liées au développement et aux activités criminelles (p. 23). Deuxièmement, ces ouvrages ont souligné le caractère fondamentalement hétérogène des populations criminalisées en ce qui a trait à la durée, au type, au moment et à la gravité des carrières criminelles des délinquants. Troisièmement, ils ont permis d'établir des liens solides entre le cheminement criminel et le développement. Par exemple, dans le cadre d'un certain nombre d'études, on a examiné le lien entre la délinquance durant l'adolescence et la délinquance à l'âge adulte (Day, Bevc, Duchesne, Rosenthal, Rossman et Theodor, 2007; Paternoster, Brame et Farrington, 2001; Piquero, Brame et Moffitt, 2005; Piquero et Buka, 2002). Cela a permis de beaucoup mieux comprendre la nature et les tendances des activités criminelles au cours d'importantes périodes de développement. Le fait de réaliser les analyses sous l'angle du développement a élargi les fondements théoriques de l'étude des comportements criminels et provoqué une nouvelle vague de recherches dans un cadre plus interdisciplinaire (Thornberry, 2005). Cependant, il faut pousser davantage les travaux pour élaborer et mettre à l'essai de façon systématique les prédictions de ces nouvelles théories au sujet des causes et des répercussions des processus du développement sur les résultats criminels.

Ensemble, ces recherches ont permis de poser d'importantes questions au sujet de la nature et des tendances des comportements criminels au fil du temps, ainsi qu'au sujet des processus dynamiques liés à la stabilisation ou à la modification de ces comportements. Le fait de comprendre les trajectoires liées au développement et les mécanismes causaux sous-jacents à la nature des différentes trajectoires criminelles et à leur cheminement pourrait faciliter l'élaboration de politiques et de programmes de justice pénale plus efficaces en matière d'incarcération, de traitement et de réadaptation.

2.1 Examen des études publiées jusqu'en 2005 : de Piquero (2008)

Piquero (2008) a réalisé une analyse exhaustive et minutieuse de la littérature sur les trajectoires criminelles et les prédicteurs de l'appartenance à des groupes de trajectoires pour la période allant de 1993 à 2005. Voici un résumé des principaux points qu'il a soulevés. Nous avons mis un accent particulier sur les résultats criminels des adolescents et des adultes. Un examen des études publiées entre 2006 et 2010 figure à la section 2.2.

Piquero (2008) a divisé son analyse en deux sections : (1) les études réalisées à partir d'échantillons de délinquants connus et (2) des études contenant des échantillons de la population générale, y compris des cohortes de naissances et des échantillons à risque élevé. Les deux types d'enquêtes examinées utilisaient des échantillons de personnes de plusieurs pays différents, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l'Allemagne et les Pays-Bas. Cependant, les résultats révèlent des similitudes frappantes quant aux types et au nombre de groupes de trajectoires relevés. Cela peut découler de la méthode commune utilisée ou des similitudes inhérentes des tendances liées aux activités criminelles affichées par les délinquants partout sur la planète.

2.1.1 Échantillons de délinquants

Nous avons examiné neuf études qui portaient sur des échantillons de délinquants tirées de quatre ensembles de données. En général, les données criminelles recueillies au cours de la période de suivi s'étendaient de l'adolescence jusqu'au milieu ou à la fin de la vingtaine ou de la trentaine. Dans le cadre de deux études, on a effectué un suivi auprès de délinquants heptagénaires (Blokland, Nagin et Nieuwbeerta, 2005; Sampson et Laub, 2003). Dans toutes les études, il y avait de quatre à six groupes de trajectoires, et il y avait plus de groupes lorsque la période de suivi était plus longue et lorsque les échantillons étaient plus gros. Ces groupes avaient tendance à inclure des délinquants chroniques affichant des trajectoires criminelles plutôt longues et représentant en général de 3 à 5 % de l'échantillon de l'étude, et des personnes qui renonçaient au mode de vie criminel et qui, au fil du temps, finissaient par ne plus commettre d'infractions, ou presque. Les six groupes de trajectoires de l'étude de Sampson et Laub (2003) sont représentatifs des constatations générales : (1) taux élevé – chroniques (3,2 %); (2) taux modéré – renonciateurs (26,1 %); (3) renonciateurs classiques (19,9 %); (4) taux modéré – chroniques (18,4 %); (5) taux faible – chroniques I (24,4 %); et (6) taux faible – chroniques II (8,0 %).

Il n'est pas surprenant que, quels que soient les groupes de trajectoires, les trajectoires criminelles avaient tendance à présenter la même courbe « âge-crime », c'est-à-dire qu'il y avait une augmentation marquée au début de l'adolescence, une pointe au milieu de l'adolescence, jusqu'à la fin de l'adolescence ou au début de l'âge adulte, puis un déclin graduel ou marqué. En effet, Piquero a souligné qu'il arrivait souvent que tous les groupes affichent des diminutions importantes du nombre d'infractions avant le milieu de la trentaine. Fait intéressant, les délinquants dont le taux d'infractions était faible avaient tendance à atteindre leur pointe plus jeunes, tandis que les délinquants chroniques dont le taux d'infractions était élevé avaient tendance à l'atteindre plus tard, voire même à la mi-trentaine. L'examen des études a révélé peu de variables prédictives de la renonciation, mais celles trouvées incluent un bon mariage à l'âge adulte (Sampson et Laub, 2003). Enfin, dans la seule étude qui a examiné les prédicteurs, durant l'enfance et l'adolescence, de l'appartenance aux groupes de trajectoires, on a observé des tendances irrégulières, quoique non significatives, lorsqu'on tentait de prédire les trajectoires en fonction du nombre total d'infractions commises ou du type d'infraction (contre les biens, avec violence, liée à l'alcool ou liée à la toxicomanie), ou encore en fonction de la persistance par rapport à la fréquence des infractions. Cependant, de façon générale, les délinquants chroniques qui perpétraient beaucoup d'infractions affichaient le niveau de risque le plus élevé sur un indice combiné de facteurs de risque comprenant des comportements antisociaux précoces, un faible QI verbal et des accès de colère (Sampson et Laub, 2003).

2.1.2 Échantillons de la population générale

Piquero (2008) a souligné qu'un examen de toutes les études portant sur des échantillons de la population générale dépassait la portée de sa recherche. Par conséquent, il s'est penché sur des constatations choisies dans cinq des études les plus révélatrices, notamment la nature et le nombre de groupes de trajectoires et de variables prédictives de l'appartenance aux groupes de trajectoires. Il a cependant fourni une liste de toutes les études examinées contenant des renseignements pertinents au sujet de chaque élément (âge, race, sexe et nombre de groupes de trajectoires) dans une annexe du chapitre en question. Un examen sommaire de ces renseignements a révélé que les périodes de suivi variaient du début ou du milieu de l'adolescence au début de l'âge adulte, et qu'il y avait entre quatre et sept groupes de trajectoires dans chaque étude. Les études qui se penchaient sur des données autodéclarées et des périodes de suivi plus longues comptaient le plus grand nombre de groupes.

Même si on a décelé des groupes de trajectoires semblables dans les échantillons de la population générale et dans les échantillons de délinquants, on a observé deux différences. Premièrement, les études qui portaient sur des échantillons de la population générale avaient tendance à cerner des groupes de non-délinquants, qui représentaient souvent un important pourcentage de l'échantillon. Par exemple, la Cambridge Study in Delinquent Development (CSDD), qui a fait un suivi auprès de 411 hommes à risque élevé jusqu'à 40 ans, a révélé que les non-délinquants représentaient environ 64 % de l'échantillon (voir aussi D'Unger, Land, McCall et Nagin, 1998; Piquero, Farrington et Blumstein, 2007). Deuxièmement, certaines études cernaient un groupe de trajectoire de délinquants chroniques tardifs qui n'ont commencé à perpétrer des infractions qu'au milieu de l'adolescence. Leur cheminement criminel affichait un taux élevé d'infractions qui se poursuivait à l'âge adulte (p. ex. Chung, Hill, Hawkins, Gilchrist et Nagin, 2002; D'Unger et coll., 1998; voir aussi Farrington, Ttofi et Coid, 2009; Natsuaki, Ge et Wenk, 2008; Zara et Farrington, 2009).

Dans le cadre d'un certain nombre d'études, les chercheurs ont cerné des prédicteurs de l'appartenance aux groupes de trajectoires. Cependant, il est difficile de comparer les constatations de ces études en raison des différences importantes entre celles-ci (caractéristiques de l'échantillon, durée du suivi, type de données utilisées et type de prédicteurs utilisés dans les analyses). Voici un résumé des résultats de cinq études représentatives de l'ensemble.

Fergusson, Horwood et Nagin (2000) ont fait le suivi d'un échantillon de 936 jeunes hommes et jeunes femmes de la Nouvelle-Zélande, âgés de 12 à 18 ans. L'analyse des trajectoires a permis de distinguer quatre groupes : (1) les non-délinquants (61,6 %); (2) les délinquants modérés (26,2 %); (3) les délinquants qui ont commencé à l'adolescence (6,3 %) et (4) les délinquants chroniques (5,9 %). Ils ont constaté que le groupe des délinquants chroniques avait le pire profil de facteurs psychosociaux (p. ex. désavantage social, famille monoparentale, dysfonction familiale, criminalité et toxicomanie chez les parents, problèmes de comportement ou d'attention précoces, fonctionnement cognitif faible) et que les non-délinquants avaient le meilleur. Wiesner et Silbereisen (2003) ont fait un suivi de la perpétration d'infractions sur une période de quatre ans d'un échantillon de 318 jeunes allemands. Les analyses des trajectoires ont permis de cerner quatre groupes : (1) délinquance rare (52,5 %); (2) délinquance faible (20,1 %); (3) délinquance moyenne (13,2 %) et (4) délinquance élevée et chronique (14,2 %). En raison de la courte période de suivi, les chercheurs n'ont pas relevé de groupe de renonciateurs. Les membres du groupe de délinquance moyenne étaient caractérisés comme ayant bénéficié de peu d'empathie de leurs parents. Les délinquants du quatrième groupe étaient plus âgés au moment de la première évaluation; il s'agissait d'hommes qui fréquentaient des pairs déviants et qui avaient bénéficié d'un faible niveau d'empathie et de surveillance de la part de leurs parents. Les membres de la catégorie de délinquance faible étaient associés à un mauvais rendement scolaire et à une empathie parentale déficiente.

Chung et coll. (2002) ont fait un suivi des infractions commises par 808 hommes et femmes âgés de 12 à 21 ans et ont distingué cinq groupes de trajectoires : (1) les non-délinquants (24 %); (2) les délinquants qui ont commencé tardivement à commettre des infractions (14,4 %); (3) les renonciateurs (35,3 %); (4) ceux dont la trajectoire criminelle était ascendante (19,3 %); et (5) les délinquants chroniques (7 %). Les résultats de l'analyse de régression indiquent que, parmi les jeunes qui étaient des délinquants actifs à l'âge de 13 ans, la fréquentation de pairs antisociaux, un faible attachement envers l'école et le fait de vivre dans des quartiers hautement criminalisés étaient associés à une trajectoire criminelle ascendante, comparativement au groupe des renonciateurs. Parmi les non-délinquants à 13 ans, un comportement agressif ainsi que l'anxiété et la dépression étaient associés à une apparition tardive de la délinquance. Dans le cadre d'un suivi effectué après deux ans auprès de 1 218 hommes et femmes âgés de 15 à 17 ans, Wiesner et Windle (2004) ont constaté qu'un mauvais rendement scolaire, un faible soutien dans le milieu familial, des événements stressants et la toxicomanie différenciaient les délinquants chroniques à un niveau élevé des délinquants dont le niveau de délinquance était plus faible. Enfin, dans une étude que n'a pas examinée Piquero (2008), Davis, Banks, Fisher et Grudzinkas (2004) se sont penchés sur les trajectoires criminelles de 131 hommes et femmes nés entre 1968 et 1973 et hospitalisés pour des raisons de santé mentale au Massachusetts entre 1988 et 1994. On a fait un suivi des données relatives aux infractions sur une période de 19 ans, de 8 à 25 ans. Les analyses des trajectoires ont permis de distinguer trois groupes : (1) un groupe dont le niveau de délinquance était modéré (56 %); (2) un groupe dont le niveau de délinquance était faible (32 %) et (3) un groupe qui affichait un taux de délinquance élevé (12 %). Ce dernier groupe était responsable de 48 % de toutes les accusations consignées. La toxicomanie et la dépendance étaient plus courantes parmi les membres du groupe dont le niveau de délinquance était élevé, alors que les diagnostics de trouble de la personnalité étaient plus courants parmi le groupe dont le niveau de délinquance était faible. C'est aussi dans ce dernier groupe qu'il y avait le plus de femmes.

On peut conclure de ces études que, malgré la diversité des méthodes utilisées, il est évident que, en comparaison aux non-délinquants et aux délinquants dont le niveau de délinquance est faible, les délinquants chroniques qui affichaient un niveau élevé de délinquance et qui représentaient de 3 à 10 % des échantillons venaient, pour la plupart, de milieux défavorisés et affichaient le plus de facteurs de risque durant l'enfance et l'adolescence.

2.2 Examen des études publiées entre 2005 et 2010

Dans les deux prochaines sections, nous examinons les constatations d'études pertinentes réalisées de 2006, là où Piquero (2008) s'est arrêté, à 2010. Comme dans le cadre de l'examen de Piquero, nous avons divisé les études selon qu'elles utilisaient des échantillons de délinquants (N = 9 études) ou qu'elles utilisaient des membres de la collectivité générale et des personnes à risque élevé (N = 3 études). Dans le cadre de toutes les études, les chercheurs ont analysé les trajectoires pour cerner de façon prospective des groupes de personnes empruntant des trajectoires de délinquance semblables sur le plan statistique, pour lesquels on a examiné les corrélats et les variables prédictives de l'appartenance à ces groupes. Comme c'est le cas des articles abordés dans le chapitre de Piquero, nous ne décrivons ici que les études qui examinent les résultats criminels des adolescents et des adultes, plutôt que les études qui portent sur les comportements antisociaux des plus jeunes ou sur des comportements qui n'ont pas mené à des accusations criminelles (p. ex. violence, toxicomanie ou délinquance générale).

2.2.1 Échantillons de délinquants

MacDonald, Haviland et Morral (2009) ont étudié les trajectoires de délinquance avec et sans violence et leurs liens avec les facteurs de risque à l'adolescence. Pour ce faire, ils ont utilisé un échantillon d'environ 450 adolescents délinquants de l'Adolescent Outcomes Project (AOP) de RAND. Les chercheurs ont cerné trois groupes de trajectoires semblables pour les délinquants violents et non violents : taux faible, taux faible avec renonciation et taux élevé chronique. Les délinquants affichant un taux de délinquance faible représentaient respectivement 42 % et 27 % des délinquants violents et non violents. MacDonald et ses collègues (2009) ont découvert que l'association avec des pairs délinquants permettait de prédire l'appartenance aux deux groupes de délinquants chroniques affichant des taux élevés de délinquance (c.-à-d. les délinquants violents et les délinquants non violents), tandis que la toxicomanie permettait aussi de prédire l'appartenance au groupe des délinquants non violents chroniques affichant des taux élevés d'infractions.

Monahan, Cauffman, Steinberg et Mulvey (2009) ont examiné les carrières criminelles d'un échantillon de 1 170 jeunes contrevenants au lourd dossier de la Pathways to Desistance Study (Mulvey et coll., 2004). Leur analyse a permis d'établir un modèle à cinq trajectoires de délinquance : comportement faiblement antisocial (37,3 %), comportement modérément antisocial (18,7 %), pointe au milieu de l'adolescence (14,6 %), abandon graduel (23,7 %) et délinquance persistante (5,7 %). Les jeunes qui maintenaient des comportements antisociaux affichaient une détérioration de leur capacité de maîtriser leur colère et leurs impulsions au fil du temps, tandis que ceux qui renonçaient affichaient plus de stabilité ou renforçaient leurs compétences dans ces domaines au fil du temps.

En utilisant aussi comme échantillon les jeunes inscrits dans la Pathways to Desistance Study (Mulvey et coll., 2004), Monahan et Piquero (2009) ont examiné deux dimensions de la délinquance, soit la fréquence et la diversité des comportements criminels, dans un échantillon de 1 345 jeunes contrevenants. Ils ont établi un modèle décrivant la diversité des comportements criminels en cinq groupes : trajectoire faible (37,3 %), trajectoire modérée (18,7 %), trajectoire caractérisée par une pointe à l'adolescence (14,6 %), trajectoire de renonciation (23,7 %) et groupe persistant (5,7 %). En ce qui a trait à la fréquence des infractions, ils ont établi un modèle comportant six groupes de trajectoires : un groupe à niveau faible (54,5 %), un groupe dont le taux diminuait (12,4 %), un groupe dont le taux augmentait (7 %), un groupe de trajectoire modérée (7,1 %), un groupe qui affichait une pointe précoce (10,3 %) et un groupe dont la pointe arrivait plus tard (8,6 %). Une analyse conjointe des trajectoires a révélé un lien étroit entre la fréquence des infractions et leur diversité. Par exemple, les délinquants du groupe de trajectoire affichant une faible diversité d'infractions étaient les plus susceptibles d'être membres du groupe de délinquants qui perpétraient peu d'infractions. On a obtenu des résultats semblables en examinant les délinquants qui perpétraient un grand nombre et une grande diversité d'infractions. Les adolescents qui étaient membres des groupes de trajectoires affichant à la fois peu de diversité et une fréquence d'infractions limitée avaient tendance à fréquenter moins de pairs antisociaux, et leurs parents avaient tendance à en savoir davantage au sujet de leurs activités, comparativement aux jeunes qui étaient à la fois membres des groupes de délinquance persistante et dont la diversité était modérée. En outre, les personnes qui résistaient le mieux à l'influence de pairs négatifs appartenaient aux groupes de trajectoires des renonciateurs/affichant une pointe précoce et, dans une moindre mesure, au groupe des renonciateurs/dont le taux diminuait.

Van der Geest, Blokland et Bijleveld (2009) ont examiné les cheminements criminels d'un échantillon de 270 hommes des Pays-Bas qui avaient suivi un traitement en résidence pour régler leurs problèmes de délinquance et de comportement. Les groupes de trajectoires cernés étaient les suivants : délinquants chez qui la perpétration d'infractions graves se limite à l'adolescence (35,6 %), les renonciateurs affichant une fréquence faible (37,4 %), les délinquants tardifs (5,9 %), les renonciateurs affichant une fréquence élevée (15,2 %) et les délinquants chroniques affichant une fréquence élevée (5,9 %). L'appartenance aux deux premiers groupes de délinquants était liée à des complications à la naissance, à un trouble d'hyperactivité avec déficit de l'attention (THADA; sous-type hyperactif/impulsif), à des parents atteints de psychopathologies, à de bonnes compétences sociales, à de bonnes interactions avec les pairs, à un développement normal de la conscience et au fait de ne pas consommer de drogues et de ne pas avoir de problèmes avec l'autorité. L'appartenance au groupe des délinquants tardifs était associée à un THADA (sous-type de l'inattention), à quoi s'ajoutaient la psychopathologie, de piètres compétences sociales, un comportement très téméraire et la consommation précoce et excessive d'alcool. On pouvait prédire l'appartenance aux deux groupes de jeunes affichant des taux de délinquance élevés par la présence d'un milieu social criminalisé, comme des interactions avec de la parenté criminelle et des pairs délinquants. Les tentatives de suicide étaient aussi une variable prédictive de l'appartenance au groupe des délinquants chroniques affichant une fréquence élevée.

Van Domburgh, Vermeiren, Blokland et Doreleijers (2009) ont étudié les trajectoires sur une période de cinq ans de 287 garçons dont la première arrestation remontait à avant leur 12e anniversaire de naissance. Les trajectoires étaient établies en fonction de la fréquence et de la gravité des infractions. On a pu tirer trois modèles des données sur la fréquence et sur la fréquence/gravité. Nous reproduirons ici uniquement les données liées à la fréquence. Les trois groupes de trajectoires cernés étaient les suivants : taux faible (68,3 %), taux en augmentation (24,7 %) et taux élevé (7 %). Les différences entre les groupes ont permis de constater que, contrairement aux attentes, les jeunes qui perpétraient peu d'infractions commençaient plus tôt et étaient plus susceptibles de compter des criminels parmi les membres de leur famille que les jeunes dont le taux d'infractions augmentait ou était élevé. Cependant, les membres du groupe qui perpétrait peu d'infractions étaient aussi plus susceptibles de venir de familles ayant un statut socioéconomique favorable. Malgré ces résultats ambivalents, comparativement aux deux autres groupes, les jeunes qui perpétraient beaucoup d'infractions étaient plus susceptibles d'avoir des contacts subséquents avec un service de protection de l'enfance après avoir été victimes de violence à la maison, ce qui donne à penser qu'ils étaient à risque d'avoir d'autres résultats négatifs.

Dans une reproduction et un prolongement de l'étude de Sampson et Laub (2003), Bersani, Nieuwbeerta et Laub (2009) ont examiné les trajectoires de condamnations d'une cohorte de 4 615 délinquants et délinquantes hollandais dans le cadre de la Criminal Career and Life-Course Study (CCLS). L'analyse des trajectoires a permis de cerner quatre groupes : les délinquants sporadiques (70 %), les délinquants à taux faible (15 %), les renonciateurs classiques (11 %) et les délinquants chroniques (4 %). L'analyse a révélé que les renonciateurs classiques et les délinquants chroniques avaient plus souvent commencé à adopter un comportement criminel à un jeune âge. Cependant, les personnes qui affichaient des facteurs associés à l'apparition précoce d'une trajectoire de délinquance chronique (c.-à-d. des personnes moins intelligentes ou instables sur le plan psychologique, ou les deux) ne se retrouvaient pas toutes dans le même groupe de trajectoire. Elles étaient plutôt réparties parmi tous les groupes. Cette constatation révèle qu'il n'y a pas un assortiment uniforme de facteurs de risque qui distingue les délinquants chroniques des membres des autres groupes de trajectoires.

Peu d'études ont été consacrées aux trajectoires de délinquance de membres de différents groupes ethniques. Marshall (2006) a étudié les taux de condamnation criminelle d'une cohorte de naissance de 3 344 personnes d'Australie méridionale. Il a cerné six groupes de délinquants distincts : les renonciateurs affichant un taux très faible (63 %), les persistants affichant un taux très faible (21,2 %), les délinquants précoces affichant un taux modéré (6,6 %), les délinquants tardifs affichant un taux modéré (6,4 %), les délinquants affichant un taux élevé (2 %) et les délinquants affichant un taux très élevé (0,7 %). C'est dans le groupe des délinquants affichant des taux très élevés qu'il y avait le plus d'indigènes (48 %). Livingston, Stewart, Allard et Ogilvie (2008) ont examiné les trajectoires d'une cohorte de délinquants et de délinquantes d'Australie (N = 4 470), sur une période de six ans. Leur analyse a permis de cerner trois groupes : les délinquants précoces affichant un taux modéré (21 %), les délinquants tardifs affichant un taux modéré (68 %) et les délinquants chroniques (33 %). Livingston et coll. (2008) ont observé que les délinquants indigènes ou de sexe masculin étaient plus susceptibles d'appartenir au groupe des délinquants chroniques que les non-indigènes et les délinquantes.

Enfin, Yessine et Bonta (2009) ont examiné les trajectoires criminelles et les prédicteurs de l'appartenance à des groupes de trajectoires d'un échantillon de 439 délinquants juvéniles autochtones et non autochtones du Manitoba (Canada). L'analyse des trajectoires a permis de cerner deux groupes : stable-faible (86,6 %) et chronique-élevé (13,4 %). Le groupe de trajectoire des délinquants chroniques affichant des taux élevés était différent de l'autre groupe en ce qui a trait à des facteurs comme la fréquentation de pairs négatifs, un environnement familial instable et la toxicomanie. En ce qui a trait au groupe des non-Autochtones, seul le facteur du logement permettait de distinguer les membres des deux groupes. Il convient de signaler que, en général, les jeunes autochtones avaient plus des problèmes de dysfonction familiale, bénéficiaient d'un niveau de supervision parentale inférieur et consommaient plus de drogue que les non-Autochtones.

2.2.2 Échantillons tirés de la population générale

Hoeve, Blokland, Semon Dubas, Gerris et van der Laan (2008) ont examiné les trajectoires de délinquance d'un échantillon de 503 jeunes fréquentant un établissement d'enseignement public tiré de la plus jeune cohorte de la Pittsburgh Youth Study (PYS) (Loeber et coll., 1998). Les auteurs ont cerné cinq groupes de trajectoires : non-délinquants (27,2 %), persistants-faible (27,6 %), renonciateurs-modéré (6,8 %), persistants-grave (24,2 %) et renonciateurs-grave (14,3 %). En ce qui a trait aux prédicteurs de l'appartenance aux groupes de trajectoires, les renonciateurs-modéré, les persistants-grave et les renonciateurs-grave étaient plus souvent victimes de négligence parentale. En outre, les délinquants du groupe des persistants–grave venaient plus souvent de familles autoritaires que les non-délinquants.

Park, Lee, Sun, Vazsonyi et Bolland (2010) ont examiné les trajectoires des comportements antisociaux (pas les comportements criminels) d'une cohorte de 566 jeunes afro-américains de quartiers défavorisés. Ils ont cerné trois groupes de trajectoires de comportements antisociaux : faible-stable (77 %), augmentation progressive (15 %) et élevé-initial (8 %). Ils ont prédit l'appartenance aux deux derniers groupes grâce à des facteurs comme les suspensions à l'école, le tabagisme et la consommation d'alcool ou de drogues à 11 ans. Une surveillance déficiente du comportement par les parents et des sentiments accrus de désespoir permettaient aussi de prédire l'appartenance au groupe élevé-initial.

Dans une étude unique durant laquelle on a tenu compte du contexte culturel, Maldonado-Molina, Piquero, Jennings, Bird et Canino (2009) ont examiné les trajectoires de délinquance de deux échantillons de jeunes portoricains tirés de la Boricua Youth Study (BYS), de South Bronx, New York (N = 1 138), et de San Juan et Caguas, Puerto Rico (N =1 353). L'analyse des trajectoires a permis de définir un modèle comptant cinq groupes pour l'échantillon du Bronx et un modèle comptant quatre groupes pour l'échantillon de San Juan. Les groupes de trajectoires du Bronx étaient les suivants : le groupe 1 (49,1 % de l'échantillon), dont les membres n'étaient pas délinquants; le groupe 2 (37,4 %), qui affichait un taux d'infractions initial faible qui disparaissait par la suite; le groupe 3 (8,1 %), qui représentait des délinquants qui affichaient un taux d'infractions faible au départ, mais qui augmentait par la suite; le groupe 4 (4,2 %), caractérisé par des délinquants qui affichaient un taux d'infractions initial élevé qui reculait par la suite pour presque disparaître; et le groupe 5 (1,3 %), dont les membres commettaient de plus en plus d'infractions au fil du temps. La recherche de sensations fortes distinguait le groupe 5 (taux élevé) du groupe 1 (aucune délinquance). Le groupe 4 affichait un taux d'acculturation plus élevé, mais moins de soutien social que le groupe des non-délinquants.

Les quatre groupes de trajectoires de l'échantillon de San Juan étaient les suivants : le groupe 1 (59,3 % de l'échantillon), qui contenait les non-délinquants; le groupe 2 (34,9 % de l'échantillon), qui affichait un taux très faible de délinquance; le groupe 3 (4,2 %), qui affichait un taux d'infractions stable et légèrement plus élevé que le groupe 2; et le groupe 4 (1,6 %), dont le taux de délinquance montait en flèche au milieu de l'adolescence pour ensuite diminuer rapidement. Fait intéressant, aucun groupe de trajectoire chronique à taux élevé n'a été décelé dans l'échantillon de San Juan. Comme c'était le cas pour l'échantillon du Bronx, tous les groupes de délinquants étaient associés à la recherche de sensations fortes et à une plus grande exposition à la violence, comparativement au groupe des non-délinquants. Une autre différence dans l'échantillon de San Juan est le fait que les groupes de délinquants étaient associés à une discipline parentale coercitive, contrairement au groupe des non-délinquants.

2.2.3 Conclusions

On peut tirer trois conclusions de cette analyse documentaire. Premièrement, le nombre de groupes de trajectoires cernés dans les recherches variait, allant de deux groupes (Yessine et Bonta, 2009), trois groupes (Livingston et coll., 2008; MacDonald et coll., 2009; Park et coll., 2010), quatre groupes (Bersani et coll., 2009; Maldonado-Molina et coll., 2009), cinq groupes (Hoeve et coll., 2008; Maldonado-Molina et coll., 2009; Monahan et coll., 2009; Monahan et Piquero, 2009; van der Geest et coll., 2009) à six groupes (Marshall, 2006; Monahan et Piquero, 2009). Le nombre différent de groupes de trajectoires pourrait s'expliquer par les caractéristiques des échantillons, les méthodologies, les procédures statistiques utilisées pour traiter les données et les définitions des variables de résultats.

Deuxièmement, dans les échantillons des membres de la population générale et des délinquants, les membres des groupes qui affichaient des taux élevés de comportements chroniques avaient tendance à commencer leur carrière criminelle plus tôt et à adopter de façon précoce des comportements perturbateurs et violents. Les personnes qui suivaient une trajectoire associée à un taux d'infractions modéré fréquentaient des pairs négatifs, avaient un mauvais rendement scolaire et un faible attachement envers l'école, avaient des problèmes de toxicomanie, avaient fait l'objet de pratiques parentales dures ou dysfonctionnelles et comptaient des criminels dans leur famille. Pour leur part, les trajectoires criminelles liées à un faible taux d'infractions semblent être associées à ces mêmes facteurs, mais dans une moindre mesure ou à un niveau d'exposition moindre (p. ex. exposition moindre ou moins fréquente à des pairs antisociaux, à des styles parentaux dysfonctionnels quoique caractérisés par une surveillance étroite, etc.). Ils affichaient également davantage de facteurs de protection. La renonciation à la criminalité était liée à la résistance aux pairs négatifs et à de meilleures compétences sociales, à de plus grandes réalisations scolaires, à une meilleure stabilité dans la maîtrise des impulsions et de la colère, et à une plus grande participation de la famille. Enfin, les recherches confirment que les délinquants et les délinquantes chroniques affichent aussi bien des facteurs de risque communs que des facteurs qui leurs sont propres dans leurs trajectoires criminelles. Dans la prochaine section, nous examinons brièvement la littérature sur les facteurs liés à la santé mentale et psychosociaux qu'affichent les délinquants juvéniles.

3.0 Problèmes de santé mentale et psychosociaux chez les délinquants juvéniles

3.1 Taux de prévalence des troubles

Des études ont révélé qu'entre 50 et 85 % des délinquants juvéniles seraient atteints d'un trouble psychiatrique. Par exemple, Wasserman, McReynolds, Schwalbe, Keating et Jones (2010) ont déclaré que 51,1 % d'un important échantillon de 9 819 jeunes en détention et incarcérés dans 18 États américains répondaient aux critères d'un ou de plusieurs troubles psychiatriques. Les troubles psychiatriques courants étaient le trouble lié à l'alcoolisme et à la toxicomanie (34,3 %), le trouble lié au comportement perturbateur (27,1 %) et le trouble anxieux (20,4 %). Mitchell et Varley (1990) ont déclaré que 76 % des jeunes incarcérés ont autant de troubles émotionnels que les adolescents admis dans des établissements de soins psychiatriques publics. Nicol, Stretch, Whitney, Jones, Garfield, Turner et Stanion (2000) ont découvert que 75 % de leur échantillon d'adolescents (N = 116), qui comptait à la fois des délinquants incarcérés et non incarcérés, avaient au moins un type quelconque de problème psychiatrique clinique important (p. 251), les troubles des conduites, l'hyperactivité et la toxicomanie étant les plus courants. Dans une récente étude menée auprès de 245 jeunes détenus en Belgique (Colins, Vermeiren, Schuyten et Broekaert, 2009), on a découvert que 83,5 % de ceux-ci répondaient aux critères d'au moins un trouble psychiatrique (prévalence dans la dernière année), selon le Diagnostic Interview Schedule for Children-IV (DISC-IV), un outil largement utilisé (Shaffer, Fisher, Lucas, Dulcan et Schwab-Stone, 2000).

En étudiant un échantillon canadien de 49 délinquants incarcérés et de 49 jeunes non délinquants de la région de Toronto, Ulzen et Hamilton (1998) ont découvert que 85,7 % des jeunes incarcérés et 30,6 % des jeunes non délinquants respectaient les critères d'au moins un trouble psychiatrique, selon le Diagnostic Interview for Children and Adolescents (DICA-R). Parmi les jeunes incarcérés, 22,4 % affichaient un trouble et 63,3 % en affichaient deux ou plus, ce qui reflète un niveau élevé de comorbidité. Les troubles courants chez les membres du groupe des délinquants incarcérés étaient le trouble oppositionnel avec provocation (44,9 %), l'alcoolisme (38,8 %), le trouble des conduites (30,6 %) et la dépression (39,6 %). À la lumière de la prévalence élevée des troubles parmi l'échantillon, Ulzen et Hamilton ont conclu que des diagnostics psychiatriques précis et des interventions appropriées pour les adolescents incarcérés ne pouvaient qu'avoir un effet positif sur les finances et l'efficacité des services offerts à cette population (p. 7) et que les établissements résidentiels pour jeunes contrevenants manquaient de ressources en termes d'expertise clinique pour répondre à tous les besoins liés à la santé mentale des jeunes incarcérés (p. 7).

Colins et coll. (2009) ont affirmé que 83,5 % de leur échantillon de 245 jeunes contrevenants de sexe masculin étaient considérés comme ayant un trouble (65,7 % répondaient aux critères du trouble lié au comportement perturbateur, 73,5 % répondaient aux critères de la toxicomanie et 72,6 % répondaient aux critères de plus d'un trouble). Dans un même ordre d'idées, dans une étude réalisée auprès de 378 jeunes délinquants de l'Ontario, Day et coll. (2008) ont déclaré que le taux de problèmes de santé mentale dans leur échantillon était de 81,8 %. Les troubles courants étaient la toxicomanie (33,9 %), les troubles de la personnalité (22,2 %), les troubles des conduites (20,2 %), les troubles d'adaptation (13,7 %), les troubles du contrôle des impulsions (12,9 %), les troubles d'ordre sexuel ou de l'identité sexuelle (11,7 %) et les troubles de l'humeur (10,9 %). Dans le cadre d'un examen de 75 études, Wierson, Forehand et Frame (1992) ont découvert que les troubles psychiatriques les plus courants parmi les délinquants juvéniles étaient les troubles des conduites, les troubles de la personnalité, les troubles affectifs, les troubles d'hyperactivité avec déficit de l'attention, les troubles liés à la toxicomanie ou à l'alcoolisme et la débilité mentale. Beaucoup d'études ont aussi révélé que les délinquants juvéniles étaient beaucoup plus susceptibles d'afficher plusieurs troubles psychiatriques plutôt qu'un seul (Teplin et coll., 2002).

Ces chiffres sont beaucoup plus élevés que les 15 à 21 % d'enfants et de jeunes au sein de la population générale qui répondent aux critères d'un trouble psychiatrique (Mash et Wolfe, 2010). Dans le cadre d'un examen de 25 études publiées portant sur 16 750 jeunes de sept pays, Fazel, Doll et Långström (2008) ont confirmé que la prévalence des troubles mentaux est beaucoup plus élevée chez les adolescents incarcérés que chez des personnes du même âge dans la population générale (p. 1016), ce qui confirme que ce phénomène est observé partout sur la planète; ce n'est pas seulement un phénomène nord-américain. Les plus importantes augmentations du risque étaient liées au trouble des conduites (de cinq à 20 fois plus élevé), à la psychose (10 fois plus élevé), au trouble de l'hyperactivité avec déficit de l'attention (de deux à quatre fois plus élevé) et au trouble dépressif majeur (de deux à cinq fois plus élevé). Les auteurs ont conclu que l'augmentation du niveau de risque peut être associée à la prévalence plus élevée d'adversité socioéconomique, de violence envers les enfants et de conflits familiaux graves chez les jeunes incarcérés.

Les jeunes qui ont des démêlés avec la justice affichent aussi des taux élevés d'autres problèmes psychosociaux comme la maîtrise de la colère et les problèmes interpersonnels, une mauvaise maîtrise des émotions et des pensées suicidaires (Day, 2002). Une étude (Morris, Harrison, Knox, Harrison, Knox, Tromanhauser, Marquis et Watts, 1995) a révélé que, même si les échantillons au sein de la collectivité et les jeunes incarcérés affichaient les mêmes taux d'idées suicidaires, les jeunes incarcérés étaient beaucoup plus susceptibles d'avoir fait des tentatives de suicide et d'avoir subi des blessures à la suite d'une telle tentative. En outre, la plupart des jeunes incarcérés utilisaient des moyens violents (p. ex. se poignarder), tandis que la plupart des jeunes dans la collectivité essayaient de se suicider par surdose.

Enfin, dans le cadre d'une étude sur le lien entre les troubles psychiatriques et le risque de récidive réalisée à l'aide d'un échantillon de 991 jeunes délinquants des deux sexes, McReynolds, Schwalbe et Wasserman (2010) ont découvert que la cooccurrence du trouble de comportement perturbateur et du trouble lié à la toxicomanie doublait approximativement le risque de récidive, après avoir procédé à un rajustement tenant compte des caractéristiques démographiques (p. ex. sexe, race) et des caractéristiques des infractions (p. ex. interpersonnelles ou non). En outre, pris seuls, les troubles anxieux n'étaient pas associés à la récidive. Cependant, s'ils étaient combinés au trouble de comportement perturbateur, les troubles anxieux augmentaient le risque de récidive.

3.2 Troubles psychiatriques et types de délinquants

3.2.1 Délinquants polyvalents et délinquants spécialistes

La littérature donne à penser que différents problèmes de santé mentale semblent être liés à différents types de délinquants. Dans une étude portant sur 245 adolescents détenus de sexe masculin, Colins et coll. (2009) ont découvert que les délinquants perpétrant des infractions contre les biens avaient, de façon générale, des taux de troubles psychiatriques plus élevés que l'ensemble de l'échantillon. Ces délinquants affichaient aussi des taux plus élevés (apparus à l'adolescence) de troubles des conduites, de troubles dépressifs et de consommation de marijuana comparativement aux délinquants polyvalents (ceux qui commettent aussi bien des infractions contre les biens que des infractions avec violence). Les délinquants polyvalents n'étaient pas différents des délinquants violents en ce qui a trait aux types de troubles affichés, à l'exception d'un taux de consommation de marijuana plus élevé.

3.2.2 Appartenance aux groupes de trajectoires

On a aussi découvert que les jeunes contrevenants affichaient des profils liés à la santé mentale différents selon leur trajectoire criminelle. Dans une étude portant sur 131 jeunes des deux sexes qui se sont retrouvés dans le système de soins de santé mentale au Massachusetts et dont on avait fait le suivi des activités criminelles au fil du temps, Davis, Banks, Fisher et Grudzinskas (2004) ont découvert que 66,7 % des jeunes du groupe de trajectoire des jeunes criminalisés qui affichaient des taux élevés d'infractions avaient un problème de toxicomanie. En outre, 83,3 % de ces jeunes avaient des troubles de comportement perturbateur. À l'opposé, aucun des jeunes appartenant au groupe de trajectoire des jeunes criminalisés affichant un taux d'infractions faible n'avait de problèmes de toxicomanie, et seulement 23,5 % affichaient des troubles de comportement perturbateur. De plus, 47,1 % des membres de ce groupe avaient un trouble de la personnalité, comparativement à 16,7 % du groupe affichant un taux d'infractions élevé.

3.3 Sexe

Teplin, Abram, McClelland, Dulcan et Mericle (2002) ont déclaré que, dans un échantillon de 1 829 détenus, près de 66 % des garçons et de 75 % des filles vivant dans un centre de détention juvénile répondaient aux critères d'au moins un trouble psychiatrique. Plus précisément, 50 % avaient un trouble lié à la toxicomanie, 40 % avaient un trouble de comportement perturbateur et 20 % des filles avaient un trouble dépressif majeur. Certaines études ont révélé que les filles ont plus de problèmes psychiatriques et que leurs problèmes sont plus graves. Dans un rapport sur un échantillon de 50 jeunes du Syl Apps Secure Custody Centre (SAYC) d'Oakville, Ontario (Day, 2002), on a constaté que les notes des filles sur l'échelle du trouble des conduites étaient plus élevées que celles des garçons (83,3 % chez les filles comparativement à 44,4 % chez les garçons). C'était aussi le cas sur l'échelle des problèmes d'agressivité (75 % comparativement à 38,9 %), l'échelle des troubles d'extériorisation (83,3 % comparativement à 36,1 %), l'échelle de la personnalité limite (50 % comparativement à 16,7 %) et l'échelle des problèmes psychosociaux liés au suicide (33,3 % comparativement à 5,6 %) de l'Adolescent Psychopathology Scale (APS; Reynolds, 1998), un outil d'autoévaluation de la santé mentale et des problèmes psychosociaux.

Dans un deuxième rapport sur un autre échantillon de 35 jeunes du SAYC, Day et Belfon (2009) ont découvert que les filles étaient beaucoup plus susceptibles de répondre au critère lié au trouble des conduites que les garçons (63,2 % comparativement à 7,1 %, respectivement). À l'inverse, Russo et Beidel (1994) ont constaté que les garçons de la population générale étaient environ quatre fois plus susceptibles que les filles d'afficher un trouble des conduites. Cette statistique renforce la notion selon laquelle les symptômes liés au trouble des conduites sont plus marqués chez les délinquantes que chez les délinquants. Par ailleurs, les filles ont déclaré avoir plus de problèmes dans leurs relations sociales et une plus grande difficulté d'adaptation personnelle que les garçons. Dans une étude de Lederman, Dakof, Larrea et Li (2004), il est dit que 84 % des filles en détention ont subi des traumatismes importants dans leur famille et ont vécu, en moyenne, trois événements traumatisants au cours de leur vie. Environ la moitié des filles avaient repensé à ces traumatismes dans la dernière année. Enfin, Wasserman et coll. (2010) ont découvert que les délinquantes en détention ou incarcérées étaient deux fois plus susceptibles que les délinquants en détention ou incarcérés de répondre aux critères d'un trouble d'intériorisation (trouble anxieux et dépression) et qu'elles affichaient des taux plus élevés de trouble oppositionnel avec provocation.

3.4 Conclusion

Il ressort clairement de cette analyse documentaire que : (1) la grande majorité des jeunes contrevenants répondent aux critères d'un trouble psychiatrique; (2) la plupart des jeunes délinquants affichent plus d'un trouble; (3) différents types de délinquants ont des problèmes de santé mentale différents et d'une gravité variable; (4) certaines études révèlent que les femmes ont plus de problèmes psychiatriques et des problèmes plus graves que les hommes. En fait de répercussions sur les politiques et la pratique, ces constatations soulignent le besoin d'offrir un niveau de services accru aux jeunes incarcérés, puisque les jeunes qui ont des troubles de santé mentale sont plus à risque de récidiver. Trupin, Turner, Stewart et Wood (2004) ont découvert que la planification de la transition, notamment la prestation de services communautaires, facilitait le processus de réinsertion sociale des jeunes délinquants et était associée à des taux inférieurs de récidive durant la première année suivant la libération. Compte tenu des résultats, il serait bon pour les jeunes délinquants et la collectivité en général que les gouvernements fédéral et provinciaux affectent suffisamment de ressources à la prestation de services de counseling par des professionnels de la santé mentale dûment formés pour s'attaquer à l'éventail des troubles psychiatriques et des besoins psychosociaux des jeunes contrevenants. La prochaine section porte sur les constatations issues des analyses des trajectoires et de régression réalisées à partir de l'échantillon des jeunes Ontariens qui ont fait l'objet d'une décision judiciaire.

4.0 Les trois analyses des trajectoires des échantillons A et B

Les quatre prochaines sections porteront sur les constatations découlant de notre programme de recherche. Il s'agit d'une enquête sur les trajectoires criminelles de deux sous-échantillons de jeunes Ontariens qui ont fait l'objet d'une décision judiciaire. Nous présentons trois ensembles de constatations : (1) celles qui sont issues de notre première étude de l'« échantillon A » (N = 378), dont les membres ont fait l'objet d'un suivi au cours d'une période commençant aussi tôt que le 1er juin 1978 et se terminant le 17 mars 2001 (voir Day, Bevc, Theodor, Rosenthal et Duchesne, 2008; Ward, Day, Bevc, Sun, Rosenthal et Duchesne, 2010); (2) du suivi prolongé de l'échantillon A, dont les membres ont fait l'objet d'un suivi au cours d'une période commençant aussi tôt que le 1er juin 1978 et se terminant le 26 septembre 2007; et (3) de notre réplique de l'étude avec l'échantillon B (N = 386), dont les membres ont fait l'objet d'un suivi au cours d'une période commençant aussi tôt que le 29 juin 1978 et se terminant le 26 septembre 2007 (voir Day, Nielsen, Ward, Sun, Rosenthal, Duchesne, Bevc et Rossman, 2011). Dans chacune de ces analyses, nous avons tenté de relever les groupes de délinquants affichant des taux d'infractions élevés et chroniques qui sont responsables d'un nombre disproportionné d'infractions, puis de cerner les facteurs de risque à l'enfance et à l'adolescence associés à ces groupes de trajectoires.

4.1 Deux sous-échantillons de jeunes Ontariens qui ont fait l'objet d'une décision judiciaire

Tous les jeunes visés par les études ont purgé une peine entre le 1er janvier 1986 et le 30 décembre 1997 dans l'un de deux établissements de garde en milieu ouvert (des foyers de groupe) de la phase II (jeunes de 16 et 17 ans) de Toronto (Ontario) gérés par un centre de santé mentale pour jeunes. Durant cette période, 764 délinquants de sexe masculin ont purgé une peine dans l'un des deux établissements. Par conséquent, notre recherche porte sur tous les jeunes qui ont séjourné dans ces établissements durant la période visée. Des renseignements au sujet des échantillons A et B figurent dans le tableau 1.

Tableau 1. Caractéristiques moyennes (écart-type) des échantillons A et B
Variable Échantillon A (N = 378) Échantillon A (N = 378) Échantillon B (N = 386)
Fin de la période de suivi : 17 mars 2001 26 septembre 2007 26 septembre 2007
Âge à l'admission dans le foyer pour jeunes 17,6 ans (0,85) n.d. 17,7 ans (1,0)
Durée de la peine dans le foyer 124,6 jours (109,8) n.d. 122,6 jours (95,6)
Durée du suivi 12,1 ans (3,0) 18,7 ans (3,0) 16,4 ans (4,1)
Âge au moment de la première comparution 15,5 ans (1,8) n.d. 15,6 ans (1,6)
Âge au moment de la dernière comparution 23,9 ans (3,9) 26,1 ans (5,5) 24,6 ans (5,2)
Âge à la fin de la période de suivi 27,6 ans (2,6) 34,1 ans (2,6) 32,0 ans (4,0)
Durée de la trajectoire 8,4 ans (4,5) 10,7 ans (5,6) 9,5 ans (5,6)

Dans le cadre de la première étude, on a cerné un échantillon aléatoire de 378 jeunes que nous avons appelé « échantillon A ». Les membres de cet échantillon avaient, en moyenne, 17,6 ans au moment de leur admission en établissement, et la durée moyenne de leur peine était de 124,6 jours (valeur médiane = 92 jours). On a effectué un suivi de leurs activités criminelles pendant en moyenne 12,1 ans (de 5,8 à 22,8 ans), de leur première comparution consignée devant un tribunal jusqu'au 17 mars 2001. Les membres de l'échantillon avaient, en moyenne, 15,5 ans (de 8,9 à 21,3 ans) au moment de leur première comparution devant un tribunal. Dans le cadre de la deuxième étude, la durée du suivi a été prolongée à 18,7 ans en moyenne (de 12,3 à 29,3 ans), soit jusqu'au 26 septembre 2007. L'âge moyen des membres de l'échantillon à la fin de la période de suivi, en 2007, était de 34,1 ans (de 28,7 à 40,5 ans). Environ 88 % des délinquants de l'échantillon ont été suivis pendant 16 ans ou plus.

Les 386 autres délinquants constituaient le deuxième sous-échantillon, appelé « échantillon B ». Les membres de ce groupe avaient, en moyenne, 17,7 ans au moment de leur admission en établissement, et la durée moyenne de leur peine était de 122,6 jours (valeur médiane = 93 jours). On a effectué un suivi de leurs activités criminelles pendant, en moyenne, 16,4 ans (de 9,8 à 28,7 ans), de leur première comparution consignée devant un tribunal jusqu'au 26 septembre 2007. Au moment de leur première comparution devant un tribunal, ils avaient en moyenne 15,6 ans (de 9,6 à 19,4 ans), et l'âge moyen à la fin de la période de suivi était de 32 ans (de 26,3 à 40,2 ans). Une des forces de ces études est que les périodes de suivi vont de la fin de l'enfance (pour les infractions commises aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants [LJC]) ou du début de l'adolescence jusqu'à l'âge adulte, bien au-delà de la période difficile qu'est le début de la vingtaine (Arnett, 2000, 2007). Cette période est d'une longueur considérable pour étudier les trajectoires criminelles sous l'angle du parcours de vie.

4.2 Les données criminelles

Les données criminelles utilisées dans le cadre de la première étude sur l'échantillon A proviennent de quatre sources : (1) le ministère des Services sociaux et communautaires de l'Ontario (MSSC); (2) le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l'Ontario (MSCSC); (3) le Centre d'information de la police canadienne (CIPC); et (4) les rapports prédécisionnels (RP) conservés par le centre de la Santé mentale pour enfants. Les données criminelles utilisées dans le cadre des activités de suivi prolongées de l'échantillon A et pour l'échantillon B proviennent de trois sources : (1) le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l'Ontario (MSCSC); (2) le Centre d'information de la police canadienne (CIPC); et (3) les rapports prédécisionnels (RP) conservés par le centre de la santé mentale pour enfants. Nous avons utilisé ces sources de données pour nous assurer que les renseignements étaient les plus complets et les plus exacts possible, ce qui est essentiel dans le cadre de recherches où il faut établir une chronologie précise des activités criminelles (Smith, Smith et Norma, 1984).

Nous avons seulement utilisé trois sources de données pour l'échantillon A et l'échantillon B prolongé, parce que le système du MSSC a été intégré à celui du MSCSC (les deux sources ont été fusionnées). En raison de la nature du processus d'intégration des données et de l'importance du suivi continu des délinquants actifs, les données historiques des délinquants juvéniles de la Phase I (c.-à-d. âgés de 12 à 15 ans) étaient seulement disponibles pour les délinquants qui purgeaient encore activement des peines en tant que jeunes contrevenants au moment de notre enquête. Par conséquent, en raison des limites des données accessibles à ce moment-là, nous avons tiré des rapports prédécisionnels la plupart des données liées à la phase I pour l'échantillon B.

En outre, afin d'améliorer l'exactitude de nos ajustements liés à l'intervalle d'exposition au risque (voir la section 4.3), le MSCSC a fourni des données supplémentaires sur les déplacements contenant les dates de début et de fin pour chaque emplacement. En raison de l'adoption d'un nouveau système de suivi des casiers judiciaires entre les deux périodes de suivi, le Ministère a fourni les données de l'échantillon B par voie électronique, et ces données étaient plus détaillées que celles reçues sur papier pour la période initiale de suivi de l'échantillon A. Comme avant, nous pouvions cerner les accusations et les dates de condamnation. Cependant, il était aussi possible de consulter des données sur les déplacements associés à chaque accusation, ce qui a permis de déterminer avec plus d'exactitude la durée des peines purgées par date de condamnation. Par conséquent, nous avons décidé de ne pas rassembler les données des échantillons A et B en un seul ensemble de données aux fins des analyses.

4.3 Survol de la méthode

Notre programme de recherche compte deux objectifs : (1) examiner les trajectoires criminelles de deux sous-échantillons sur plusieurs périodes de suivi; et (2) cerner les variables prédictives durant l'enfance et les corrélats à l'adolescence chez les membres des différents groupes de trajectoires. Globalement, ce paradigme de recherche, que l'on appelle l'approche de classification/analyse (Piquero, 2008; Roeder, Lynch et Nagin, 1999), consiste à classifier les individus dans des groupes de trajectoires distincts, puis à établir les facteurs de risque et de protection précoces (c.-à-d. durant l'enfance et l'adolescence) les plus étroitement associés à ces groupes de trajectoires. Ce type de recherche est important pour cerner les facteurs communs et les facteurs propres à chacun des groupes de trajectoires (p. ex. les caractéristiques de la trajectoire des délinquants dont la carrière est d'une durée limitée et dont le taux d'infractions est faible par rapport à celle des délinquants chroniques qui affichent un taux d'infractions élevé), de façon à découvrir les processus causaux uniques qui produisent différentes trajectoires de délinquance au cours de la vie. En d'autres mots, les différents groupes de trajectoires découlent possiblement de différents cheminements étiologiques qu'il serait possible de cerner avec précision grâce à la méthode de classification/analyse (Osgood, 2005; van der Geest et coll., 2009). Ce cadre de recherche pourrait aussi avoir d'importantes répercussions sur l'élaboration des politiques et des programmes au sein du système judiciaire pour les jeunes, ainsi que sur l'élaboration de stratégies de prévention et d'intervention précoces à l'extérieur du système pénal.

Comme nous l'avons déjà dit, la méthode en deux étapes sous-jacente à l'approche de classification/ analyse exige, dans un premier temps, que l'on procède à l'analyse de données criminelles longitudinales de façon chronologique. Ces données criminelles incluent habituellement le nombre de condamnations (ou d'arrestations, d'accusations, d'infractions, de comparutions devant un tribunal, etc.) accumulées par une personne durant une période donnée (p. ex. par année ou deux fois par année). Ces données peuvent être tirées de leurs casiers judiciaires officiels ou de renseignements autodéclarés. Dans le cadre de la présente étude, nous avons utilisé la mesure de l'activité criminelle suivante : le nombre, selon l'âge, de comparutions devant un tribunal découlant de nouvelles accusations, d'après les dossiers officiels. Nous avons compté comme une comparution devant un tribunal celles qui ont entraîné une condamnation et une décision (p. ex. garde en milieu fermé ou ouvert, ou amende), y compris une condamnation avec sursis; celles qui ont entraîné une déclaration de culpabilité sans condamnation (p. ex. absolution inconditionnelle ou conditionnelle); et celles où il y a eu retrait des accusations, suspension d'instance ou décision qu'une personne n'était pas apte à subir son procès (p. ex. en raison de ses compétences cognitives). Dans le cadre de l'étude initiale de l'échantillon A, ces derniers types de comparutions devant un tribunal, qui ne sont associés ni à une déclaration de culpabilité ni à une condamnation, représentaient seulement 5,7 % du nombre total de comparutions devant un tribunal. En outre, dans 9,7 % des comparutions devant un tribunal, le statut final dans le dossier officiel est « détention provisoire », sans résultat précis disponible. En ce qui a trait à l'échantillon B, les derniers types de comparutions devant un tribunal représentaient seulement 6,5 % du nombre total de comparutions, et 8 % des comparutions se sont soldées par un statut de « détention provisoire ».

Nous avons ensuite ajusté les données criminelles sur le nombre de comparutions en fonction de deux facteurs de correction, l'intervalle d'exposition au risque et une estimation de l'âge du délinquant au moment de l'infraction (et non au moment de la décision, quand le tribunal rend sa décision finale au sujet d'un incident criminel pour déterminer, par exemple, la nature et la durée d'une décision ou d'une peine, s'il y a lieu). L'âge au moment de l'infraction est une variable importante lorsqu'on étudie les carrières criminellesFootnote 1 (Farrington, Coid, Harnett, Jolliffe, Soteriou, Turner et West, 2006). L'intervalle d'exposition au risque est la période (p. ex. en jours ou en mois) durant laquelle une personne n'était pas incarcérée, donc à risque de perpétrer une nouvelle infraction. Cet ajustement fournit un indicateur plus précis du taux d'infractions d'une personne. Par exemple, si un délinquant avait été reconnu coupable de six infractions durant sa 15e année et qu'il n'avait jamais été incarcéré durant cette période, son taux de condamnations serait de six. Cependant, s'il avait été condamné à six reprises durant sa 15e année, mais qu'il avait passé six mois incarcéré durant cette année, son taux de condamnations serait ajusté à 12.

Nous avons ajusté l'âge en fonction du délai moyen de 157,6 jours entre la date de l'infraction et la date de la décision d'un échantillon choisi aléatoirement de 479 comparutions devant un tribunal découlant de nouvelles accusations d'infractions commises dans la région du Grand Toronto par 134 individus de notre ensemble de données. La Police de la communauté urbaine de Toronto a fourni les dates des infractions (voir Day et coll., 2007 pour plus de détails techniques sur ces ajustements).

Nous avons ensuite analysé les données longitudinales à l'aide d'une méthode statistique d'analyse des trajectoires de groupe (Nagin, 2005). Ce type d'analyse est une application spécialisée de modèles de mélange finis dont l'objectif est de cerner des différences sous-jacentes (non observées) au sein des trajectoires comportementales individuelles et de les classer dans des sous groupes distincts ou des groupes latents de cheminements communs. De cette façon, l'analyse des trajectoires est semblable à une analyse typologique, mais dans l'optique d'une trajectoire (Maldonado-Molina et coll., 2009, p. 177). Autrement dit, l'analyse en fonction de groupes de trajectoires permet au chercheur de cerner des groupes ou des grappes de personnes qui affichent des taux d'activités criminelles semblables sur le plan statistique au fil du temps. L'avantage de cette technique est qu'elle permet de décrire les différences inhérentes à la nature et aux tendances des infractions criminelles entre différentes personnes en définissant et en consignant le comportement de chacun au fil du temps.

En ce qui a trait à la méthodologie, il convient de signaler que la détermination du nombre de groupes dérivés des analyses de trajectoires découle habituellement d'un certain nombre de critères, notamment le critère d'information de Bayes (CIB) et le critère d'information d'Akaike qui s'y rapporte (D'Unger et coll., 1998; Kass et Raftery, 1995; Raftery, 1995). Cependant, ces critères sont considérés comme problématiques en ce qui a trait au nombre de groupes (Kreuter et Muthen, 2008; Nagin, 2005). Par exemple, Eggleston, Laub et Sampson (2004, p. 4) ont souligné ce qui suit :

Même si d'autres méthodes ont été proposées (p. ex. comparaison des probabilités, autoamorçage, tests du rapport de vraisemblances), aucune n'est totalement satisfaisante. Comme méthode de rechange, nous avons utilisé la contrevalidation (Hélie, 2006; Stone, 1974) ou, plus précisément, la contrevalidation où on ne tient pas compte d'une valeur (« leave-one-out »). Cette méthode offre un moyen juste, objectif et non ambigu d'évaluer le nombre de groupes et ne comporte pas les limites, les ambiguïtés et la subjectivité liées à l'utilisation du CIB (Day et coll., 2007). L'avantage de la contrevalidation est que cette méthode fournit une mesure juste du caractère approprié du nombre de groupes K choisi en fonction des données (c.-à-d. à quel niveau d'exactitude un modèle comptant ce nombre de groupes est en mesure de prédire les données des délinquants). Une importante erreur de contrevalidation (ECV) indique que le modèle comptant K groupes n'est pas un bon modèle statistique pour les données en question. Une faible ECV indique que le modèle comptant K groupes permet de bien prédire les données des délinquants. Le critère de contrevalidation lié au nombre de groupes consiste alors simplement à choisir la valeur de K de façon à réduire au minimum l'ECV. Quel que soit le critère utilisé, une fois les individus classés dans des groupes de trajectoires distincts, on peut utiliser un cadre de régression multinomial (ou une autre approche statistique) pour cerner le meilleur ensemble de variables prédictives du développement (p. ex. les facteurs de risque et de protection) qui permet de différencier les groupes de trajectoires.

Nous avons réalisé l'analyse des trajectoires à partir des données initiales de l'échantillon A à l'aide de la macro Proc Traj (Jones, Nagin et Roeder, 2001) du SAS, un logiciel statistique offert sur le marché. Nous avons procédé aux analyses des trajectoires des données de l'échantillon A prolongé et de l'échantillon B à l'aide de crimCV, un logiciel développé par Jason D. Nielsen (2010). Nous développons actuellement un progiciel R pour le logiciel crimCV; il sera accessible au public sur le Comprehensive R Archive Network (CRAN), à l'adresse http://cran.r-project.org/.

5.0 Étude 1 : Constatations liées à l'échantillon A, période de suivi jusqu'en mars 2001

5.1 Analyse des trajectoires

Une analyse des trajectoires permet de comprendre les éléments suivants : (1) la proportion de personnes dans chaque groupe de trajectoire; (2) la forme de la trajectoire; et (3) la durée ou la longueur de la trajectoire. On peut assortir les groupes de trajectoires de noms descriptifs comme méthode heuristique pour refléter le taux d'infractions lié à chaque trajectoire (p. ex. élevé, moyen ou faible), sa forme (p. ex. linéaire, en forme de cloche, progressive ou régressive) et sa durée (p. ex. renonciateurs ou délinquants chroniques). Cependant, il faut faire attention pour ne pas réifier les groupes générés par une procédure statistique en les traitant comme s'il s'agissait d'entités réelles.

L'analyse initiale des trajectoires de l'échantillon A, qui portait sur une période de suivi de 12,1 ans en moyenne, a donné quatre groupes, appelés, à des fins heuristiques, taux modéré (TM), représentant 21,7 % de l'échantillon; taux faible (TF), représentant 65,1 % de l'échantillon; taux élevé – pointe à l'âge adulte (TEPADU), représentant 7,7 % de l'échantillon; et taux élevé – pointe à l'adolescence (TEPADO), représentant 5,6 % de l'échantillon. Aucun de ces groupes ne comptait moins de 10 personnes, et les coefficients de probabilité moyenne a posteriori étaient plutôt élevés pour les quatre groupes, à plus de 0,94. Les groupes de trajectoires sont représentés dans la figure 1.

Figure 1. Trajectoires criminelles du modèle comptant quatre groupes : échantillon A

Description de l'image

Le graphique ci‑dessus présente les trajectoires criminelles des quatre groupes de l'échantillon A. 

L'axe des Y représente le nombre de comparutions devant un tribunal, de 0 à 14, par tranches de deux.  

L'âge en années est présenté sur l'axe des X. De gauche à droite, les âges vont de 8 à 32 ans, par tranches de deux.   

Résultats

Il y a quatre courbes qui figurent sur le graphique : taux modéré, faible taux, taux élevé (pointe à l'âge adulte) et taux élevé (pointe à l'adolescence). Le point de départ de toutes les courbes se situe à l'âge de 12 ans, où il n'y a eu aucune comparution devant un tribunal.   

La courbe représentant le groupe à taux modéré illustre une augmentation constante du nombre de comparutions, entre 13 et 19 ans, et le sommet de la courbe correspond environ à trois comparutions devant un tribunal et régresse progressivement par la suite pour se situer à zéro à l'âge de 30 ans. 

La courbe à faible taux montre une légère augmentation du nombre de comparutions entre 12 et 17 ans; le sommet de la courbe est à peine inférieur à deux comparutions et la courbe diminue progressivement par la suite et correspond à zéro à l'âge de 26 ans. 

La courbe représentant le groupe à taux élevé (pointe à l'âge adulte) augmente rapidement entre l'âge de 12 et de 20 ans et atteint un sommet d'environ neuf comparutions devant un tribunal. À l'âge de 21 ans, le nombre de comparutions diminue pour se situer à un peu moins de huit. Par la suite, la courbe reprend sa progression et atteint un sommet à l'âge de 23 ans, ce qui représente à peine moins de 12 comparutions, et chute abruptement encore une fois pour se situer à trois comparutions à l'âge de 27 ans. À  l'âge de 28 ans, la courbe augmente abruptement et se situe à quatre comparutions et décline par la suite pour se fixer à zéro comparution, à l'âge de 30 ans.  

La courbe représentant le groupe à taux élevé (pointe à l'adolescence) augmente rapidement entre l'âge de 12 et de 18 ans, où elle atteint un sommet d'environ 10 comparutions devant un tribunal, puis elle décline abruptement pour se situer à environ deux comparutions à l'âge de 21 ans. Par la suite, le nombre de comparutions devant un tribunal diminue graduellement, pour atteindre zéro comparution à l'âge de 27 ans. 

Les comparaisons de variables liées aux infractions des quatre groupes révèlent que les membres du groupe TF ont les carrières criminelles les plus courtes, soit 6,7 ans en moyenne. L'âge moyen des membres du groupe au moment de la première comparution devant un tribunal est de 15,9 ans et, en moyenne, ils avaient 22,5 ans au moment de leur dernière comparution. Les membres des groupes TM et TEPADU ont les carrières criminelles les plus longues, soit, en moyenne, 12 ans et 12,1 ans respectivement. Il n'est pas surprenant que le nombre restreint de délinquants suivant la trajectoire du groupe TEPADU (7,7 %) se soient retrouvés le plus souvent devant un tribunal, après ajustement en fonction de l'intervalle d'exposition au risque, avec une moyenne de 84,7 comparutions (16,1 % des comparutions totales). À l'opposé, les membres du groupe TF, qui représentaient 65,1 % de l'échantillon, avaient eu le moins de comparutions devant un tribunal après ajustement (M = 9,3) et comptaient pour seulement 39 % des comparutions de l'échantillon.

En ce qui a trait à la répartition des individus dans les groupes de trajectoires, près des deux tiers de l'échantillon étaient des délinquants dont le taux d'infractions était faible (TF). Ces délinquants ont perpétré moins d'infractions, et leur carrière criminelle semblait prendre fin environ six ans, en moyenne, après leur première infraction. Ce résultat est très différent de la moyenne de 12 et 12,1 ans des membres des groupes TM et TEPADU, respectivement. Cela signifie que, même dans un échantillon de délinquants connus, la plupart des personnes renonçaient à leur carrière criminelle avant le milieu de la vingtaine. Ces constatations reflètent la durée limitée de la participation à des activités criminelles à laquelle on peut s'attendre de la plupart des personnes qui ont des démêlés avec le système de justice pénale. Les causes de l'abandon, cependant, restent à découvrir dans le cadre d'autres études. Selon certaines recherches, certains événements de la vie, comme le fait de terminer ses études secondaires (Natsuaki et coll., 2009), le mariage avec un partenaire prosocial, l'obtention d'un emploi rémunérateur ou le service militaire (Sampson et Laub, 2005), peuvent être des facteurs contributifs. La participation familiale, les familles de petite taille et les relations avec des pairs positifs peuvent aussi être associées à l'abandon du mode de vie criminel au sein des populations de jeunes contrevenants (van Domburgh et coll., 2009).

À l'autre extrémité du spectre des groupes de trajectoires, les membres du groupe TEPADU, qui représentent environ 8 % de l'échantillon, ont poursuivi leur mode de vie criminel à l'âge adulte et ont perpétré des infractions à un taux très élevé. Ces personnes représentent les délinquants chroniques, comme ceux cernés dans les études de cohorte de naissance de Wolfgang (Wolfgang, Figlio et Sellin, 1972) et dont Moffit (1993) a décrit le cheminement de développement, à titre de délinquants qui persistent dans leur cheminement criminel durant toute leur vie, dans sa théorie de la double taxonomie. Il faut concentrer les principaux efforts sur l'identification précoce des personnes à risque d'adopter une trajectoire criminelle grave et prolongée et sur la prévention de ces comportements.

Par ailleurs, les délinquants du groupe TM, le deuxième groupe en importance de l'échantillon, représentent un sous-groupe intéressant et possiblement difficile pour le système de justice pénale, en grande partie parce qu'ils persistent dans leur cheminement criminel. Même si leur taux d'infractions n'est pas élevé, ces personnes semblent persister fermement dans leur mode de vie criminel. C'est peut-être parce qu'elles sont « prises » dans une situation dont elles ne peuvent pas se sortir facilement en raison de problèmes psychosociaux, comme la consommation ou l'abus d'alcool et de drogues (c'est dans ce groupe qu'il y avait le plus grand nombre moyen d'infractions liées à la drogue), du peu de soutien social sur lequel elles peuvent compter, de leur faibles capacités d'adaptation, etc., plutôt qu'en raison d'un engagement ferme à l'égard d'un mode de vie criminel. Ainsi, les membres de ce groupe peuvent être des cibles de choix pour les programmes de traitement, d'intervention et de réadaptation mis de l'avant par le système de justice. Il faudra cependant se pencher davantage sur cette hypothèse. Enfin, le groupe TEPADO représente un autre groupe intéressant et, d'une certaine façon, unique lorsqu'on le compare aux autres études portant sur des analyses des trajectoires. Les membres de ce groupe affichent des taux d'infractions très élevés durant l'adolescence, mais qui chutent rapidement par la suite, au début de l'âge adulte. Nous croyons que notre suivi continu de ce sous-échantillon nous éclairera davantage sur la tendance à la renonciation observée dans ce groupe.

5.2 Variables prédictives durant l'enfance et corrélats à l'adolescence de l'appartenance aux groupes de trajectoires

Le deuxième objectif de l'approche qui consiste à classer les données puis à les analyser est de cerner les facteurs de risque précoces qui prédisent, seuls ou ensemble, l'appartenance aux divers groupes de trajectoires. Comme nous l'avons déjà mentionné, cet objectif est particulièrement important pour les groupes de délinquants chroniques, dont la trajectoire criminelle commence souvent à un âge précoce et se poursuit à l'âge adulte. On sait que ces personnes entraînent à elles seules un nombre important de comparutions devant un tribunal, qu'elles commettent des infractions graves avec violence et qu'elles sont le plus grand défi du système de justice pénale (Piquero, Farrington et Blumstein, 2003 et 2007).

Nous avons préparé un schéma de codage exhaustif et détaillé pour consigner les variables clés de l'enfance (de 0 à 12 ans) et de l'adolescence (de 13 à 18 ans) tirées des dossiers des clients conservés par le centre de la santé mentale pour enfants qui administrait les deux foyers de groupe. Nous avons élaboré des schémas de codage différents pour les facteurs liés à l'enfance et à l'adolescence, même s'il y avait beaucoup de chevauchements entre les deux. Nous avons conçu les schémas de façon à tirer le plus possible de renseignements pertinents des dossiers. La sélection des variables était fondée sur un examen exhaustif des ouvrages théoriques et empiriques et reflétait quatre domaines de la vie : personnel, familial, lié aux pairs et scolaire (Borum, 2000; Farrington, 2003; Farrington et Welsh, 2007; Hawkins, Herrenkohl, Farrington, Brewer, Catalano et Harachi, 1998; Leschied, Chido, Nowicki et Rodger, 2008; Lipsey et Derzon, 1998; Loeber et Stouthamer-Loeber, 1998; Rutter, Giller et Hagell, 1998; Thornberry, 2005). Les schémas incluaient des facteurs de risque et des facteurs de protection. Cependant, en raison de la faible fréquence des facteurs de protection, nous n'avons pas tenu compte de ces variables dans le cadre des analyses et, par conséquent, nous n'en parlerons pas dans le présent rapport.

Parmi les variables du domaine personnel, mentionnons les suivantes : hyperactivité-impulsivité-inattention, comportement antisocial, consommation d'alcool et/ou de drogue, insensibilité, absence de responsabilisation ou d'imputabilité liée au mauvais comportement, problèmes de santé, faible estime de soi et agressions sexuelles à l'extérieur de la famille. Parmi les variables du domaine familial, mentionnons les suivantes : membres de la famille criminalisés, psychopathologie chez les parents, piètres méthodes d'éducation des enfants, violence familiale, relations difficiles entre les membres de la famille, famille désunie/transitions familiales (p. ex. séparation ou divorce des parents, changement de parent-substitut, déménagements fréquents), prise en charge par des tiers (p. ex. garde en établissement ou en foyer d'accueil, services de protection de l'enfance) et mère biologique âgée de 17 ans ou moins au moment de la naissance. Le domaine lié aux pairs ne comptait qu'une seule variable, soit les piètres relations avec les pairs (c.-à-d. rejet par les pairs et fréquentation de pairs antisociaux). Le domaine scolaire, quant à lui, comptait deux variables : mauvais rendement scolaire et mauvaise opinion de l'école (école buissonnière, expulsions et suspensions). Le codage des facteurs de risque était dichotomique, c'est-à-dire que 0 = absent/inconnu et 1 = présent/ soupçonné.

Un codeur principal qui ne connaissait pas les critères d'appartenance aux différents groupes de trajectoire s'est occupé du codage. Pour évaluer le coefficient d'objectivité, nous avons demandé à deux personnes indépendantes d'évaluer les résultats à deux occasions distinctes en utilisant un échantillon aléatoire de 20 % des dossiers (11 % à la première occasion et 9 % à la deuxième). Nous avons déterminé que le coefficient d'objectivité était de modéré à bon (Landis et Koch, 1977), avec un indice Kappas moyen de 0,79 et 0,64 à la première et à la deuxième occasions respectivement pour les variables liées à l'enfance, et de 0,76 et 0,59 à la première et à la deuxième occasions respectivement pour les variables liées à l'adolescence.

Puisque la variable des résultats (c.-à-d. les groupes de trajectoires) est un classement comptant plus de deux groupes, nous avons réalisé des analyses de régression multinomiale afin de cerner le meilleur ensemble de facteurs de risque pour comparer les groupes TM, TEPADU et TEPADO avec le groupe TF. Les analyses de régression multinomiale permettent d'obtenir des rapports de cotes (RC), qui indiquent à quel point la cote (c.- à-d. la probabilité ou le risque) d'un résultat précis augmente lorsqu'on augmente d'une unité le facteur de risque. Les rapports de cotes permettent au chercheur de dire, par exemple, qu'un délinquant qui compte des criminels parmi les membres de sa famille est 7,6 fois plus susceptible (RC = 7,6) d'appartenir à un groupe de trajectoire qui affiche un taux élevé d'infractions qu'un délinquant pour qui ce n'est pas le cas. Il convient de signaler que les rapports de cotes peuvent être supérieurs à 1, ce qui signifie une augmentation de la probabilité d'un résultat lorsqu'on augmente d'une unité le facteur de risque, ou inférieurs à 1 (p. ex. RC = 0,36), ce qui indique une diminution de la probabilité d'un résultat lorsqu'on augmente d'une unité le facteur de risque. Les rapports de cotes sont seulement des estimations fondées, par exemple, sur la taille de l'échantillon. Par conséquent, les chercheurs indiqueront aussi, avec le rapport de cotes, l'intervalle de confiance (IC) de 95 % pour indiquer le niveau de fiabilité de l'estimation. En général, plus l'IC est petit, plus l'estimation est fiable. Dans le cadre de la présente étude, nous avons procédé à des analyses de régression multinomiale distinctes pour les variables liées à l'enfance et à l'adolescence. Lors de cette analyse, nous avons utilisé le groupe TF comme groupe de référence, puis nous avons comparé les trois autres groupes à celui-ci. Cela nous a permis de cerner les facteurs de risque d'une tendance à commettre des infractions plus graves, en termes de taux d'infractions, par rapport au groupe dont le cheminement criminel était le moins grave.

Selon les résultats, la prise en charge par des tiers durant l'enfance prédit l'appartenance aux groupes de trajectoires TEPADU et TEPADO, comparativement au groupe TF. Plus précisément, la prise en charge par des tiers augmente par un facteur de 3,14 (IC de 95 % [1,33, 7,39], p < 0,05) et de 3,82 (IC de 95 % [1,40, 10,49], p < 0,05) le risque d'appartenir aux groupes TEPADU et TEPADO, respectivement, comparativement au groupe TF. En outre, le fait d'avoir vécu dans une famille désunie/des transitions familiales durant l'enfance prédit l'appartenance au groupe TM, comparativement au groupe TF (RC = 1,82, IC de 95 % [1,03, 3,22], p < 0,05).

Durant l'adolescence, le fait que certains membres de la famille soient criminalisés prédit l'appartenance aux groupes TM, TEPADU et TEPADO, comparativement au groupe TF. Plus précisément, la présence de membres de la famille criminalisés augmente par un facteur de 2,83 (IC de 95 % [1,37, 5,87],p < 0,01), 3,09 (IC de 95 % [1,08, 8,82],p < 0,05) et de 4,51 (IC de 95 % [1,39, 14,62], p < 0,05) le risque d'appartenir aux groupes TM, TEPADU et TEPADO, respectivement, comparativement au groupe TF. En outre, la prise en charge continue par des tiers durant l'adolescence prédit l'appartenance aux groupes TEPADU et TEPADO comparativement au groupe TF (pour simplifier la présentation, les rapports de cotes et les intervalles de confiance ne sont pas fournis pour tous les résultats). Enfin, le fait de vivre de piètres relations avec les pairs, de la violence familiale ou dans une famille désunie/des transitions familiales durant l'adolescence prédit l'appartenance au groupe TF, comparativement aux groupes TM, TEPADU et TEPADO.

Ces constatations illustrent clairement le rôle de la participation des services de protection de l'enfance en tant que facteur de risque important non seulement quant au taux de comparutions devant un tribunal, mais aussi quant au taux élevé d'infractions maintenu durant une longue période. Cela est conforme au fait qu'un nombre disproportionné de jeunes passent du système de protection de la jeunesse au système judiciaire pour les jeunes (Finlay, 2003). Les problèmes cernés dans le système de protection de l'enfance incluent le manque de services de soutien social pour répondre aux besoins complexes de ces jeunes et le manque de stabilité au sein du système. Ce manque de stabilité peut faire en sorte que le jeune changera souvent de travailleur social ou de foyer, ce qui peut augmenter le risque qu'il adopte un comportement délinquant. En effet, comme Finlay l'a souligné, l'expérience des déplacements, des traumatismes et de l'abandon associée à la perte de membres de la famille, de pairs et d'un foyer est omniprésente dans la vie de ces jeunes personnes.

Les constatations révèlent aussi que la présence de membres de la famille criminalisés est associée à la délinquance chronique. La criminalité au sein de la famille, ainsi que l'attitude positive de la famille à l'égard de la criminalité, ont fait l'objet de beaucoup de recherches récemment (p. ex. Bijeveld et Farrington, 2009), et les chercheurs ont constaté que ces facteurs augmentaient le risque de délinquance chez les adolescents (Farrington, 1989). Cette relation s'est révélée particulièrement forte dans le cas des mères et des pères qui ont des contacts fréquents et continus avec leur enfant, mais pas dans le cas des pères qui ont peu de contacts avec leur enfant (Thornberry, Freeman-Gallant et Lovegrove, 2009). Il est possible que les premières expériences familiales des délinquants chroniques soient caractérisées par l'adoption, par leurs parents, de comportements procriminels et d'attitudes positives à l'égard de la criminalité. En outre, les parents criminalisés peuvent avoir des déficits interpersonnels et cognitifs et vivre beaucoup de stress, ce qui peut nuire à leur rôle de parent et entraîner des répercussions négatives indirectes sur le développement de l'enfant, répercussions qui peuvent le pousser à adopter un mode de vie hautement criminalisé et chronique (Henggeler, 1989). En outre, puisque la prise en charge continue par des tiers à l'adolescence est un facteur de risque de l'appartenance aux groupes TEPADU et TEPADO, l'influence des membres de la famille criminalisés peut aussi être associée à l'activité criminelle des frères et soeurs. Il est aussi probable que les enfants de parents procriminels soient plus susceptibles d'être pris en charge par le système de protection de la jeunesse.

5.3 Troubles psychiatriques

Des 248 jeunes qui ont subi une évaluation psychiatrique durant leur séjour au foyer pour jeunes, 82 % (n = 203) répondaient aux critères de diagnostic d'au moins un trouble. Les sept troubles les plus courants étaient le trouble lié à l'alcoolisme et à la toxicomanie (33,9 %), le trouble de la personnalité (à l'exception du trouble de la personnalité antisociale) (22,2 %), le trouble de la personnalité antisociale/ trouble des conduites (20,2 %), le trouble d'adaptation (13,7 %), le trouble du contrôle des impulsions (12,9 %), le trouble de l'identité sexuelle (11,7 %) et le trouble de l'humeur (10,9 %). Le pourcentage élevé de jeunes qui répondent aux critères de diagnostic d'un trouble psychiatrique est conforme aux ouvrages sur les besoins en matière de santé mentale des jeunes qui ont des démêlés avec le système de justice pénale, comme nous l'avons déjà mentionné. En outre, la prévalence de la toxicomanie, des comportements perturbateurs, des troubles du comportement, des troubles d'adaptation et des troubles de l'humeur est conforme aux conclusions de beaucoup d'études sur les jeunes contrevenants.

6.0 Étude 2 : Constatations liées à l'échantillon A, suivi jusqu'en septembre 2007

6.1 Analyse des trajectoires

Nous avons analysé les données de l'échantillon A prolongé sur une période de suivi de 18,7 ans, en moyenne. L'analyse des trajectoires a permis de cerner huit groupes. Nous nous attendions à ce nombre plutôt élevé de groupes, en raison de la période de suivi plus longue (Nagin et Tremblay, 2005; Piquero, 2008). À des fins heuristiques, nous avons nommé les groupes comme suit : taux faible – renonciateurs (TFR), représentant 28 % de l'échantillon; taux faible – chroniques (TFC), représentant 26,2 % de l'échantillon; taux faible – pointe à l'adolescence (TFPADO), représentant 16,4 % de l'échantillon; taux modéré – chroniques II (TMC-II), représentant 11,9 % de l'échantillon; taux modéré – chroniques I (TMC-I), représentant 5,3 % de l'échantillon; taux élevé – pointe à l'adolescence (TEPADO), représentant 4,8 % de l'échantillon; taux modéré – pointe à l'âge adulte (TMPADU), représentant 4,5 % de l'échantillon; et taux modéré – augmentation (TMA), représentant 2,9 % de l'échantillon. Aucun de ces groupes ne comptait moins de 10 personnes, et les coefficients de probabilité moyenne a posteriori étaient très élevés pour les quatre groupes, à plus de 0,88. Les groupes de trajectoires sont représentés dans la figure 2.

Figure 2. Trajectoires criminelles estimées pour le modèle comptant huit groupes : échantillon A prolongé

Description de l'image

Le graphique ci‑dessus présente l'estimation des trajectoires criminelles des huit groupes de l'échantillon A étendu.

L'axe des Y représente l'estimation du nombre de comparutions devant un tribunal; l'échelle va de 0 à 10 et augmente par tranches de deux.

L'axe des X présente l'âge en années; l'échelle va de 0 à 40 (de gauche à droite) et augmente par tranches de cinq.   

Résultats

Le graphique présente huit courbes différentes : taux faible (renonciateurs), taux faible (chroniques), taux faible(pointe à l'adolescence), taux modéré (chroniques II), taux modéré (chroniques I), taux élevé (pointe à l'adolescence), taux modéré (pointe à l'âge adulte) et taux modéré (augmentation). Toutes les courbes commencent à l'âge de 10 ans, ce qui correspond à aucune comparution devant un tribunal.   

La courbe taux faible (renonciateurs) augmente légèrement entre l'âge de 12 et de 17 ans et atteint un sommet à une valeur inférieure à une comparution. La courbe diminue par la suite et tombe à zéro comparution à l'âge de 22 ans. 

 La courbe taux faible (chroniques) augmente progressivement de l'âge de 12  à 20 ans, le sommet étant une comparution. La courbe régresse progressivement par la suite et revient à zéro juste avant l'âge de 35 ans. 

La courbe taux faible (pointe à l'adolescence) augmente entre l'âge de 12  et de 18 ans et atteint un sommet (à peine moins de deux comparutions) et régresse par la suite pour revenir à aucune comparution à l'âge d'environ 27 ans.

La courbe taux modéré (chroniques I) augmente régulièrement entre 12 et 25 ans, pour se fixer à un sommet d'environ quatre comparutions. Par la suite, la courbe s'abaisse et revient à aucune comparution à l'âge de 40 ans. 

La courbe taux modéré(groupe chroniques II) montre une augmentation constante entre l'âge de 12  et de 20 ans et atteint un sommet à une valeur légèrement inférieure à quatre comparutions. Par la suite, la courbe régresse pour revenir à zéro comparution à l'âge de 30 ans.

La courbe taux modéré (pointe à l'âge adulte) montre une augmentation relativement prononcée entre l'âge de 10  et de 23 ans et atteint un sommet à une valeur à peine inférieure à six comparutions. Par la suite, la courbe décline pour revenir à zéro juste avant l'âge de 35 ans.

La courbe taux élevé (pointe à l'adolescence) augmente considérablement entre l'âge de 12  et de 20 ans et culmine à 10 comparutions. Par la suite, la courbe régresse pour revenir à zéro comparution juste avant l'âge de 35 ans.

La courbe taux modéré (augmentation) montre une augmentation abrupte entre l'âge de 12 et de 23 ans, où le nombre de comparutions culmine à cinq. Par la suite, la courbe régresse progressivement et retombe à quatre comparutions à l'âge de 32 ans et remonte rapidement pour s'établir à sept comparutions à l'âge de 40 ans.

En comparant les variables liées aux infractions des sept groupes, nous avons constaté que ce sont les membres du groupe TFR qui étaient les plus âgés au moment de leur première comparution devant un tribunal (M = 15,8 ans), les plus jeunes au moment de leur dernière comparution (M = 20,5 ans), et ceux dont la carrière criminelle était la plus courte, soit 4,2 ans en moyenne. Les membres du groupe TEPADO sont ceux qui étaient les plus jeunes au moment de leur première comparution (M = 13,7 ans). Il n'est pas surprenant que les membres du groupe TMA étaient les plus âgés au moment de leur dernière comparution devant un tribunal (M = 34 ans) et ceux dont la carrière criminelle était la plus longue (19,3 ans en moyenne). Les membres du groupe TMC-I sont en deuxième place en ce qui a trait à la durée de leur carrière criminelle (17,8 ans, en moyenne), suivis des membres du groupe TMC-II (15,9 ans, en moyenne) et des membres du groupe TFC (13,5 ans, en moyenne). Durant leur trajectoire criminelle, les membres du groupe TMA sont ceux qui se sont présentés le plus souvent devant un tribunal (moyennant un ajustement en fonction de l'intervalle d'exposition au risque), avec une moyenne de 110,1 comparutions, suivis des membres du groupe TEPADO, avec une moyenne de 89,5 comparutions, puis des membres du groupe TMPADO, avec 56,4 comparutions en moyenne. À l'opposé, ce sont les membres du groupe TFR qui ont eu le moins de comparutions devant un tribunal, soit 4,6 en moyenne.

En ce qui a trait à la répartition des individus parmi les trajectoires ainsi qu'à la forme et à la durée de ces trajectoires, nous pouvons procéder à des comparaisons avec les résultats de l'échantillon A initial. Dans un premier temps, les données de la période de suivi prolongée ont permis de cerner trois groupes de trajectoires affichant des taux d'infractions faibles : un groupe de délinquants chroniques affichant un taux faible d'infractions (TFC), un groupe de renonciateurs qui affichait un taux faible d'infractions (TFR) et un groupe de personnes qui affichait un taux faible d'infractions et dont la pointe a eu lieu à l'adolescence (TFPADO). Ensemble, ces trois groupes représentaient la grande majorité de l'échantillon (70,6 %). L'apparition d'un groupe de délinquants chroniques affichant un taux faible d'infractions (TFC) est probablement un résultat de la période de suivi plus longue, qui a permis de déterminer que certains des délinquants affichant des taux d'infractions faibles au moment de l'analyse initiale de l'échantillon A ont poursuivi leur carrière criminelle, tandis que d'autres y ont mis fin après quelques années.

Ensuite, le seul groupe de délinquants affichant un taux élevé d'infractions qui est apparu est le groupe des délinquants qui ont vécu leur pointe à l'adolescence (TEPADO). Ce groupe se trouvait également dans l'analyse initiale. Enfin, il y a maintenant quatre groupes de délinquants affichant des taux modérés d'infractions, y compris un groupe de délinquants dont le taux d'infractions modéré augmente (TMA). Les personnes qui adoptent cette trajectoire affichaient une augmentation du taux d'infractions vers la fin de la période de suivi. Ce petit groupe de délinquants représentait seulement 2,9 % de l'échantillon, mais était tout de même responsable de 7,1 % des comparutions devant un tribunal.

Il convient de signaler que l'examen des résultats de l'analyse des trajectoires des échantillons A initial et prolongé a révélé que 62 % des membres du groupe TEPADU de l'analyse initiale se sont retrouvés dans les groupes TMA ou TMPADU (31 % dans chaque groupe) dans l'analyse de la période de suivi prolongée. En d'autres mots, le groupe TEPADU est, en fait, « devenu » les groupes TMA et TMPADU après le traitement des données de la période de suivi additionnelle. Cependant, il faut être prudent dans les conclusions que l'on tire de ces comparaisons, en raison de : a) la taille réduite des échantillons; et b) la relation entre le nombre de comparutions devant un tribunal et les périodes d'incarcération, qui a un impact important sur la forme et la répartition des groupes de trajectoires affichant des taux d'infractions modéré et élevé. C'est-àdire que le fait d'avoir passé plus de temps en prison par rapport au nombre de comparutions devant un tribunal dans une période donnée entraîne une « pointe » dans la trajectoire du groupe affichant un taux élevé d'infractions. À l'opposé, le fait d'avoir passé moins de temps en prison par rapport au nombre de comparutions entraînera probablement le classement de plus de personnes dans le groupe des délinquants affichant un taux d'infractions modéré. L'ajout de données criminelles supplémentaires durant ces périodes peut modifier la forme et la répartition des trajectoires criminelles initiales. En conclusion, même si nous avons observé certaines similitudes entre les analyses des trajectoires des périodes initiale et prolongée, il y a aussi des différences. Pour diverses raisons, il est difficile d'expliquer ces différences; nous ne pouvons qu'émettre des hypothèses.

Enfin, le groupe TMC-I, qui représentait seulement 5,3 % de l'échantillon et dont les membres avaient une longue carrière criminelle, représentait 11,2 % des comparutions devant un tribunal. À l'opposé, le groupe TFR, qui représentait 28 % de l'échantillon, était responsable de seulement 7,9 % des comparutions devant un tribunal. Ensemble, les groupes TMA et TMC-I peuvent être considérés comme composés de délinquants ayant de longues carrières criminelles et ayant commis une quantité disproportionnée d'infractions. Les membres de ces groupes pourraient être ciblés dans les efforts d'intervention précoce.

6.2 Variables prédictives durant l'enfance et corrélats à l'adolescence de l'appartenance aux groupes de trajectoires

On a répété les analyses de régression pour les trajectoires de l'échantillon A prolongé. Les résultats indiquent premièrement que les relations difficiles entre les membres de la famille durant l'enfance augmentent les probabilités d'appartenir au groupe TMPADU (RC = 4,51, IC de 95 % [1,30, 15,67], p < 0,02) et au groupe TEPADO (RC = 7,42, IC de 95 % [2,20, 25,05], p < 0,001), comparativement au groupe TFR. Deuxièmement, le fait de vivre dans une famille désunie ou de vivre des transitions familiales durant l'enfance augmente les probabilités d'appartenir aux groupes TMC-II (RC = 2,22, IC de 95 % [1,02, 4,84], p < 0,05) et TFPADO (RC = 3,21, IC de 95 % [1,56, 6,60], p < 0,01), comparativement au groupe TFR. Enfin, de piètres méthodes d'éducation des enfants faisaient en sorte que les jeunes étaient plus susceptibles d'appartenir au groupe TFR comparativement aux groupes TMC-II (RC = 0,39, IC de 95 % [0,17, 0,87], p < 0,025) et TFPADO (RC = 0,35, IC de 95 % [0,17, 0,74], p < 0,01).

Durant l'adolescence, la prise en charge par des tiers, comme les services de protection de l'enfance, augmentait les probabilités d'appartenir aux groupes TMPADU (RC = 4,81, IC de 95 % [1,52, 15,22], p < 0,01), TMC-I (RC = 7,32, IC de 95 % [2,23, 24,03], p = 0,001) et TFC (RC = 2,36, IC de 95 % [1,31, 4,25], p < 0,05), comparativement au groupe TFR. Enfin, le fait d'afficher des problèmes d'hyperactivité, d'impulsivité et d'attention durant l'adolescence augmentait les probabilités d'appartenir au groupe TMA (RC = 5,21, IC de 95 % [1,29, 21,07], p < 0,05), comparativement au groupe TFR.

Ces résultats donnent à penser que les groupes TFR et TFC peuvent être différenciés en fonction des piètres méthodes d'éducation des parents durant l'enfance, qui étaient associées au groupe des renonciateurs (TFR), et de la prise en charge par des tiers durant l'adolescence, qui était associée au groupe des délinquants chroniques (TFC). La constatation selon laquelle l'exposition à de piètres méthodes d'éducation durant l'enfance était associée à l'appartenance au groupe TFR est surprenante et inattendue. Une explication possible, formulée aussi par d'autres chercheurs (van Domburgh, Loeber et coll., 2009; Ward et coll., 2010), est que ce groupe de délinquants qui affiche un taux faible d'infractions n'est pas protégé contre la présence de facteurs de risque tôt dans leur vie. Ils peuvent toutefois avoir été aussi exposés à plus de facteurs de protection, ce qui expliquerait leur renonciation. Cela reste de pures hypothèses, et il faudra réaliser d'autres recherches pour en juger le bien-fondé. Comme dans le cas des résultats de l'échantillon A initial, la prise en charge par des tiers semble être associée à une trajectoire criminelle chronique. Quatre vingts pour cent des membres du groupe TMC-I (16/20) ont été pris en charge par des tiers (p. ex. services de protection de l'enfance ou foyer d'accueil) durant l'adolescence, comparativement à 34,3 % (34/99) des membres du groupe TFR. Enfin, les problèmes d'hyperactivité, d'impulsivité et d'attention durant l'adolescence étaient associés à l'appartenance au groupe TMA, comparativement au groupe TFR.

7.0 Étude 3 : Constatations liées à l'échantillon B, suivi jusqu'en septembre 2007

7.1 Analyse des trajectoires

Nous avons analysé les données de l'échantillon B sur une période de suivi de 16,4 ans, en moyenne. Comme dans le cas de l'échantillon A prolongé, l'analyse des trajectoires a permis de cerner sept groupes. À des fins heuristiques, nous avons nommé les groupes comme suit : taux modéré – chroniques I (TMC-I), représentant 3,6 % de l'échantillon; taux élevé – pointe à l'âge adulte (TEPADU), représentant 3,9 % de l'échantillon; taux élevé – pointe à l'adolescence (TEPADO), représentant 4,4 % de l'échantillon; taux modéré – pointe à l'adolescence (TMPADO), représentant 11,7 % de l'échantillon; taux modéré – chroniques II (TMC-II), représentant 14,2 % de l'échantillon; taux faible – renonciateurs (TFR), représentant 29,8 % de l'échantillon; et taux faible – chroniques (TFC), représentant 32,4 % de l'échantillon. Aucun de ces groupes ne comptait moins de 10 personnes, et les coefficients de probabilité moyenne a posteriori étaient très élevés pour les quatre groupes, à plus de 0,89. Les groupes de trajectoires sont illustrés dans la figure 3.

Les comparaisons des variables liées aux infractions des sept groupes ont révélé des similitudes intéressantes avec les données de l'échantillon A prolongé. Les membres du groupe TFR étaient les plus âgés au moment de leur première comparution devant un tribunal (M = 16,4 ans), les plus jeunes à leur dernière comparution (M = 19,5 ans), et ceux dont la carrière criminelle était la plus courte, soit 3,1 ans en moyenne (voir la figure 4). À nouveau, ce sont les membres du groupe TEPADO qui étaient les plus jeunes au moment de leur première comparution (M = 14,3 ans). Les membres du groupe TMC-I étaient ceux qui étaient les plus âgés au moment de leur dernière comparution (M = 31,9 ans). Ce sont aussi eux qui affichaient la carrière criminelle la plus longue, soit 16,6 ans en moyenne. Les membres du groupe TMC-II étaient ceux qui arrivaient en deuxième place en ce qui a trait à la durée de leur carrière criminelle (14,8 ans en moyenne). Durant leur carrière criminelle, les membres du groupe TEPADU sont ceux qui se sont présentés le plus souvent devant un tribunal (après ajustement en fonction de l'intervalle d'exposition au risque), avec 78,1 comparutions, suivis des membres du groupe TEPADO (62,7 comparutions en moyenne) et des membres du groupe TEC (52,1 comparutions en moyenne). À l'opposé, ce sont les membres du groupe TFR qui se présentaient le moins souvent devant un tribunal (4,8 comparutions en moyenne).

En ce qui a trait aux formes des trajectoires, les résultats sont parfois semblables à ceux du modèle à huit groupes découlant de l'analyse de l'échantillon A prolongé, mais il y a aussi certaines différences. Premièrement, il y a encore deux groupes de délinquants affichant des taux faibles, les renonciateurs et les délinquants chroniques. Ensemble, ces deux groupes représentent la grande majorité de l'échantillon (62,2 %). Deuxièmement, comme dans le cas des données de l'échantillon A initial, il y a un groupe de délinquants affichant un taux élevé d'infractions qui ont vécu leur pointe à l'adolescence (TEPADO) et un autre qui ont vécu leur pointe à l'âge adulte (TEPADU). Ces groupes, même s'ils sont de taille réduite, sont responsables d'un nombre disproportionné de comparutions devant un tribunal (9,9 % et 6,8 %, respectivement). Troisièmement et dernièrement, l'analyse des trajectoires a permis de cerner trois groupes de délinquants affichant un taux d'infractions modéré (TMC-I, TMC-II et TMPADO). En effet, les membres du groupe TMC-I affichaient la trajectoire de délinquance la plus stable, quoiqu'à un taux d'infractions modéré, et la trajectoire la plus longue. Dans ce modèle, les membres des groupes TMC-I et TEPADU, qui, ensemble, comptaient pour seulement 7,5 % de l'échantillon, étaient des cas particulièrement préoccupants en raison soit de la durée de leur trajectoire criminelle, soit de leur taux d'infractions très élevé.

Figure 3. Trajectoires criminelles estimées du modèle comptant sept groupes : échantillon B

Description de l'image

Le graphique ci‑dessus illustre les trajectoires criminelles estimatives des sept groupes de l'échantillon B.

L'axe des Y représente le nombre estimatif de comparutions devant un tribunal, allant de 0 à 8, par tranches de deux.

L'âge (en années) est présenté sur l'axe des X, allant de 10 à 40 ans, par tranches de cinq.

Résultats

Le graphique présente sept courbes : taux modéré (chroniques I), taux élevé (pointe à l'âge adulte), taux élevé (pointe à l'adolescence), taux modéré (pointe à l'adolescence), taux modéré (chroniques II), taux faible (renonciateurs) et taux faible (chroniques). Le point de départ de toutes les courbes est à l'âge de 10 ans, la majorité se situant à zéro comparution.

La courbe taux faible (renonciateurs) montre une légère augmentation entre l'âge de 14  et de 17 ans et culmine à une comparution. Par la suite, la courbe décline pour revenir à zéro comparution à l'âge de 22 ans.

La courbe taux faible (chroniques) montre une augmentation progressive qui commence à l'âge de 10 ans et culmine à une comparution à l'âge de 19 ans. Par la suite, la courbe décline graduellement pour revenir à zéro comparution à environ 32 ans.

La courbe taux modéré (chroniques I) montre une augmentation stable entre l'âge de 10 ans et de 25 ans et culmine à un peu moins de quatre comparutions. Par la suite, la courbe régresse et retombe à aucune comparution à l'âge de 40 ans.

La courbe taux modéré (chroniques II) montre une augmentation constante entre l'âge de 10  et de 20 ans et culmine à un peu plus de deux comparutions. Par la suite, la courbe décline et retombe à zéro comparution à l'âge de 35 ans.

La courbe taux modéré (pointe à l'adolescence) montre une augmentation abrupte entre l'âge de 10 et de 18 ans et culmine à environ trois comparutions et demie. Par la suite, la courbe régresse pour revenir à zéro comparution à l'âge de 30 ans.

La courbe taux élevé (pointe à l'adolescence) montre une augmentation considérable entre l'âge de 12  et de 20 ans et culmine à environ sept comparutions et demie. Par la suite, la courbe décline abruptement pour revenir à zéro comparution à l'âge d'environ 32 ans.

La courbe taux élevé (pointe à l'âge adulte) montre une augmentation considérable entre l'âge de 10 et de 25 ans et culmine à un peu plus de huit comparutions. Par la suite, la courbe chute considérablement pour revenir à zéro comparution à l'âge de 35 ans.

Figure 4. Durée moyenne de la trajectoire criminelle par groupe de trajectoire de l'échantillon B

Description de l'image

Le graphique à barres verticales ci‑dessus présente la durée moyenne de la trajectoire criminelle de chacun des sept groupes de l'échantillon B.

L'axe des Y représente la durée (en années) de la trajectoire criminelle, allant de 0 à 18 ans, par tranches de deux.

L'axe des X présente, de gauche à droite, les sept groupes : taux modéré (chroniques I), taux élevé (pointe à l'âge adulte), taux élevé (pointe à l'adolescence), taux modéré (pointe à l'adolescence), taux modéré (chroniques II), taux faible (renonciateurs) et taux faible (chroniques).

Résultats

Le groupe taux faible (renonciateurs) présente la carrière criminelle la plus courte (moyenne de 3,1 ans), suivi du groupe taux modéré (pointe à l'adolescence) - à peine plus de 10 ans. La durée de la carrière criminelle du groupe taux élevé (pointe à l'âge adulte) et du groupe taux faible (chroniques) est environ la même - environ 11 ans. La carrière criminelle du groupe taux élevé (pointe à l'adolescence) dure en moyenne un peu moins de 14 ans, alors que ce sont les groupes taux modéré (chroniques I) et taux modéré (chroniques II) qui ont la carrière criminelle la plus longue, soit environ 16,5 ans et 15 ans, respectivement.

7.2 Variables prédictives durant l'enfance et corrélats à l'adolescence de l'appartenance au groupe de trajectoire

Puisque l'objectif de cette étude était de répéter les conclusions découlant de l'analyse de l'échantillon A, nous avons appliqué le même ensemble de variables prédictives durant l'enfance et de corrélats à l'adolescence à l'échantillon B et nous avons ajouté quatre nouveaux facteurs de risque : statut d'immigration (enfants et adolescents), décès d'un soignant (enfants et adolescents), itinérance (adolescents) et tendances suicidaires (adolescents).

Nous avons codé 350 des 386 (90,6 %) dossiers de l'échantillon B, les autres dossiers étant introuvables. Le codeur principal ne connaissait pas les critères d'appartenance aux différents groupes de trajectoires. Le coefficient d'objectivité, évalué à l'aide d'un deuxième codeur, s'est révélé être de modéré à bon (Landis et Koch, 1977). Nous avons procédé à des analyses de régression multinomiale distinctes pour les variables liées à l'enfance et à l'adolescence, et nous avons utilisé le groupe TFR comme groupe de référence, en comparant les six autres groupes à celui-ci. Encore une fois, cela nous a permis de cerner les facteurs de risque d'une tendance à commettre davantage d'infractions par rapport au groupe dont le cheminement criminel était le moins grave.

Les résultats révèlent que l'apparition précoce de comportements antisociaux prédisait l'appartenance aux groupes de trajectoires TEPADU et TMPADO, comparativement au groupe TFR. Plus précisément, la présence précoce de comportements antisociaux augmentait par un facteur de 4,2 (p < 0,05, IC de 95 % [1,16, 15,01]) et de 3,3 (p < 0,05, IC de 95 % [1,49, 7,51]) le risque d'appartenir aux groupes TEPADU et TMPADO, respectivement, comparativement au groupe TFR. En outre, un mauvais rendement scolaire prédisait l'appartenance au groupe TFR, comparativement au groupe TMPADO (RC = 0,36, p < 0,05, IC de 95 % [0,13, 0,97]).

À l'adolescence, le fait d'avoir des relations difficiles avec les membres de la famille était un prédicteur de l'appartenance aux groupes TEPADU, TMPADO et TMC-II, comparativement au groupe TFR. Plus précisément, le fait de vivre des relations difficiles avec des membres de la famille durant l'adolescence augmentait le risque d'appartenir aux groupes TEPADU, TMPADO et TMC-II par un facteur de 4,0 (p < 0,01, IC de 95 % = 1,08, 14,69), de 5,2 (p < 0,01, IC de 95 % = 2,26, 12,14) et de 2,1 (p < 0,01, IC de 95 % = 1,02, 4,21), respectivement. En outre, la prise en charge par des tiers durant l'adolescence prédisait l'appartenance aux groupes TEPADU, TEPADO et TMC-II comparativement au groupe TFR. Enfin, un mauvais rendement scolaire durant l'adolescence prédisait l'appartenance au groupe TFR, comparativement aux groupes TEPADU, TMPADO et TMC-II.

Ces constatations mettent en lumière le rôle de deux facteurs personnels durant l'enfance qui prédisent l'appartenance à certains groupes de trajectoires. En effet, la présence précoce de comportements antisociaux était associée à l'appartenance aux groupes de trajectoires de délinquants affichant des taux d'infractions élevés et modérés, comparativement au groupe TFR, et un mauvais rendement scolaire était associé au groupe TFR, comparativement au groupe TMPADO. De plus, un mauvais rendement scolaire durant l'adolescence était aussi associé au groupe TFR, comparativement aux deux groupes de délinquants affichant des taux d'infractions modérés. Durant l'adolescence, deux facteurs familiaux étaient associés à un taux important d'infractions, comparativement au groupe TFR : la prise en charge par des tiers était associée aux deux groupes de délinquants affichant des taux d'infractions élevés et au groupe TMC-II, et le fait d'avoir des relations difficiles avec des membres de la famille était associé à l'appartenance aux groupes TEPADU, TMPADO et TMC-II.

En ce qui a trait à la constatation selon laquelle les membres du groupe TFR étaient surreprésentés sur le plan du mauvais rendement scolaire, comparativement au groupe TMPADO, Wiesner et Silbereisen (2003) ont aussi constaté qu'un mauvais rendement scolaire était associé à une trajectoire criminelle de faible importance. Il est possible qu'un mauvais rendement scolaire ne soit pas un facteur de risque aussi important pour la criminalité ultérieure que d'autres facteurs (p. ex. des problèmes de comportement précoces), ou que l'absence d'autres facteurs de risque graves puisse réduire le niveau d'activités criminelles. En outre, même si nous n'avons pas pu le vérifier directement dans le cadre de la présente étude, les membres du groupe TFR affichaient peut-être aussi plus de facteurs de protection que les membres des autres groupes.

Le groupe de trajectoire TMPADO est à l'origine d'une constatation surprenante. En effet, ce groupe affiche un profil d'infractions qui était parallèle à celui du groupe TEPADO, mais à un taux beaucoup plus bas. De plus, les membres de ce groupe avaient affiché autant de facteurs de risque durant l'enfance (problèmes de comportements précoces) et durant l'adolescence (relations difficiles entre les membres de la famille et prise en charge par des tiers) que le groupe TEPADU, mais leur taux d'infractions était beaucoup plus bas. En raison de la présence de ces facteurs de risque, on pourrait s'attendre à ce que le taux d'infractions du groupe TMPADO soit aussi élevé que dans le groupe TEPADU. En d'autres mots, on peut se demander quels autres facteurs auraient pu avoir un impact sur ce groupe pour diminuer ainsi son taux d'infractions. Une possibilité est que les membres du groupe TMPADO ont bénéficié de plus de facteurs de protection durant l'enfance et l'adolescence que les membres du groupe TEPADU, ce que nous n'avons pas pu déceler dans la présente étude; il faudra effectuer d'autres études pour confirmer cette hypothèse. Tout ceci permet toutefois de faire ressortir l'importance d'examiner les facteurs de protection en plus des facteurs de risque, un domaine d'enquête auquel les chercheurs se sont beaucoup moins intéressés jusqu'à maintenant (Löesel et Bender, 2003). On étudie souvent les facteurs de protection dans le cadre d'études sur les personnes qui s'abstiennent d'adopter un mode de vie criminel ou qui y renoncent. Cependant, ces facteurs peuvent également réduire le taux global d'infractions ou retarder l'apparition du comportement criminel.

7.3 Troubles psychiatriques

Comme pour les données de l'échantillon A, nous avons consigné les troubles psychiatriques de toutes les personnes vues par un psychiatre d'un des deux foyers lorsqu'un diagnostic (ou un problème psychologique) était indiqué dans les dossiers. Des 386 individus du sous-échantillon, nous avons pu déterminer que 182 avaient consulté un psychiatre (47,2 %). De ce nombre, tous sauf deux (98,9 %) avaient reçu un diagnostic lié à un ou plusieurs troubles (chez deux personnes, nous avons décelé un problème psychosocial plutôt qu'un trouble). Le nombre moyen de troubles était de 2,2. Nous avons décelé un seul trouble chez 13,2 % des délinquants; deux troubles chez 48,4 % des délinquants, et trois troubles chez 37,4 % des délinquants. Les troubles les plus courants étaient le trouble de la personnalité (60,4 %), le trouble lié à la toxicomanie (54,9 %), le trouble du contrôle des impulsions (40,1 %), le trouble d'adaptation (22 %), le trouble d'ordre sexuel ou de l'identité sexuelle (18,1 %) et le trouble de l'humeur (11 %). Une des limites de ces résultats (et des résultats de l'échantillon A) est qu'ils sont fondés sur le diagnostic d'un seul psychiatre. Ils reflètent cependant la prévalence élevée des problèmes de santé mentale parmi les jeunes contrevenants. Ces résultats sont conformes aux constatations des données de l'échantillon A (Day et coll., 2008).

8.0 Conclusions

Nous avons décrit les constatations découlant de trois séries d'analyses de deux sous-échantillons de jeunes contrevenants ontariens. Les analyses avaient deux objectifs : (1) cerner le caractère hétérogène inhérent aux taux de délinquance au fil du temps en mettant un accent sur les trajectoires caractérisées par des taux élevés d'infractions et des niveaux chroniques de délinquance; et (2) cerner les variables prédictives durant l'enfance et les corrélats à l'adolescence associés aux groupes de trajectoires, surtout pour les groupes de délinquants affichant des taux élevés d'infractions et des niveaux chroniques de délinquance. La mission pratique de cette recherche était de faire avancer les connaissances sur les initiatives de prévention de la criminalité fondées sur les théories du développement et d'étayer l'élaboration de programmes d'intervention et de prévention précoces efficaces ciblant principalement les enfants et les jeunes à risque élevé pour les aider à éviter les cheminements développementaux qui les mènent vers une vie criminalisée, ou pour les en éloigner.

Nous pouvons tirer six conclusions à partir de cette recherche. Premièrement, la théorie et les recherches existantes sur lesquelles s'appuie la présente enquête donnent clairement à penser que le comportement antisocial et criminel est un produit des processus de développement. En effet, un ensemble de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux entrent en jeu lorsqu'une personne suit un cheminement de développement qui la conduira à adopter un comportement antisocial et délinquant. Par exemple, même avant la naissance, des facteurs peuvent jouer contre le foetus en développement, le prédisposer à des comportements impulsifs, hyperactifs et agressifs. Le manque de nutriments adéquats durant certaines périodes critiques du développement ou l'exposition avant ou après la naissance à des agents toxiques (p. ex. alcoolisation foetale ou consommation de drogues par la mère) peut entraîner des déficits légers ou graves sur le plan de la cognition et du comportement. Ces déficits peuvent contribuer à un large éventail de problèmes, comme une mauvaise coordination motrice, une intelligence limitée, l'hyperactivité, des troubles du langage, l'impulsivité, des problèmes de maîtrise de soi, une mauvaise tolérance à la frustration, des déficits liés au traitement de l'information sociale et des troubles de l'apprentissage. Ces caractéristiques sont reconnues comme des marqueurs de comportement agressif chez l'enfant.

Deuxièmement, les résultats des analyses des trajectoires présentées dans ce document révèlent que les délinquants criminalisés forment une population hétérogène. Nous pouvons le constater en observant les différences dans les taux d'activités criminelles au fil du temps, les types de trajectoires et la durée des carrières criminelles. Le système de justice pénale devrait tenir compte de cette diversité pour imposer des conséquences appropriées. Troisièmement, la plupart des individus qui ont eu des démêlés avec le système de justice pour les jeunes affichent un faible taux d'infractions (près de zéro), certains abandonnant leur carrière criminelle quelques années après leur première comparution devant un tribunal. Il serait important de se demander, dans le cadre d'une étude ultérieure, quels sont les facteurs qui différencient ceux qui abandonnent leur carrière criminelle de ceux qui la poursuivent (Piquero, Sullivan et Farrington, 2010). En outre, un nombre important de délinquants dans les deux sous-échantillons affichent des taux modérés de perpétration d'infractions, même si, dans certains cas, ils le font sur une longue période. Des chercheurs (Ward et coll., 2010) ont avancé que les délinquants qui affichent des taux d'infractions modérés à long terme pourraient être un excellent groupe à cibler par des interventions de traitement et des programmes de réadaptation mis en place par le système de justice pour s'attaquer aux facteurs psychosociaux qui peuvent les maintenir, bien que de façon modérée, dans un mode de vie criminel.

En ce qui a trait aux décisions en matière de sanctions pénales, il semble avantageux de tenir compte des diverses dimensions de la carrière criminelle des délinquants, dont le taux d'infractions et la durée de la trajectoire, ainsi que la gravité et le type d'infractions commises et le moment de la perpétration. En outre, le fait d'examiner les résultats des instruments d'évaluation du risque parallèlement aux résultats des analyses des trajectoires pourrait contribuer à la prise de meilleures décisions au sein du système de justice pénale au sujet de la gestion du risque des délinquants qui ont adopté des trajectoires de délinquance particulières (Piquero et coll., 2010; Ward et coll., 2010). En d'autres mots, il faut tenir compte des besoins des délinquants, qui diffèrent selon le groupe de trajectoire auquel ils appartiennent et leur niveau de risque. Nous suggérons aussi que les programmes d'intervention et de prévention précoces visent les personnes qui sont les plus à risque d'adopter des trajectoires criminelles à long terme, sans pour autant exclure les enfants et les jeunes qui affichent moins de facteurs de risque et plus de facteurs de protection. Les ressources et les efforts pourraient cibler tous les types de délinquants qui persistent, pas seulement ceux qui font partie des groupes de trajectoires affichant des taux d'infractions élevés. Piquero et coll. (2010) ont aussi soulevé ce point dans une étude portant sur des délinquants qui affichent des taux élevés d'infraction durant de courtes périodes et des délinquants qui affichent de faibles taux d'infractions durant de longues périodes, tirés de la CSDD. Piquero et coll. ont souligné qu'il faudrait essayer de mieux comprendre la nature des « pointes » d'activités criminelles sur de courtes périodes et ce à quoi devrait ressembler une réaction appropriée du système de justice pénale.

Quatrièmement, comme nous l'avons vu dans d'autres études, les analyses des trajectoires permettent de cerner des groupes de délinquants qui commettent un nombre disproportionné de crimes. Dans les trois analyses présentées ici, il s'agit des groupes suivants : (1) taux élevé – pointe à l'âge adulte (TEPADU); (2) taux modéré – augmentation (TMA); et (3) taux modéré – chroniques (TMC-I). Cinquièmement, nous pouvons cerner les variables prédictives durant l'enfance et les corrélats à l'adolescence des délinquants qui présentent des taux élevés d'infractions et des comportements chroniques. Ces facteurs incluent des variables dans le domaine personnel (p. ex. apparition précoce de comportements antisociaux et problèmes d'hyperactivité-d'impulsivité-d'attention) et dans le domaine familial (famille désunie/transitions familiales, criminalité familiale et prise en charge par des tiers). Grâce à la connaissance de ces facteurs de risque, on pourra créer des interventions et des programmes de prévention précoces ciblés et efficaces. Et sixièmement, même s'il n'a pas été possible de se pencher sur cette question dans le cadre de la présente étude, il faut examiner l'impact des facteurs de protection et de promotion en plus de celui des facteurs de risque. Tous ces ensembles de facteurs contribuent à notre compréhension des causes de la criminalité, ce qui favorise l'élaboration d'initiatives de prévention et d'interventions précoces ciblant ces facteurs.

9.0 Limites

Les présentes études ont un certain nombre de limites. Premièrement, les études étaient limitées par les problèmes inhérents à toute étude fondée sur un examen de dossiers d'archives. Les constatations sont fonction de la quantité et de la qualité des renseignements accessibles dans les dossiers des clients. Par exemple, une bonne partie des données liées à l'enfance étaient tirées des comptes rendus rétrospectifs de répondants clés, contenus dans les rapports prédécisionnels, des documents préparés pour les tribunaux. Il est possible que seuls les facteurs les plus évidents figurent dans ces rapports prédécisionnels, et que des facteurs moins manifestes, mais tout aussi importants (pour leur pouvoir explicatif), aient reçu moins d'attention. Deuxièmement, les variables relatives aux facteurs de risque étaient codées « absent/inconnu » ou « présent/soupçonné ». Il n'était pas possible de confirmer si un facteur n'était pas mentionné parce que le jeune n'en avait pas fait l'expérience ou parce qu'il ne figurait pas dans les documents au dossier.

Troisièmement, même si notre schème de codage incluait aussi bien des facteurs de risque que des facteurs de protection, la faible fréquence des facteurs de protection a fait en sorte que nous n'en avons pas tenu compte dans nos analyses. Quatrièmement, nos données criminelles étaient tirées de dossiers officiels et ne rendaient peut-être pas compte de l'ampleur des activités criminelles des participants en omettant certaines infractions moins graves ou parce que les autorités ignoraient certaines infractions. Cinquièmement, les résultats présentés ici peuvent seulement être généralisés de façon limitée et doivent être répétés avec d'autres échantillons canadiens.

En conclusion, les résultats des études exposées dans le présent rapport sont mieux compris dans le contexte du nombre grandissant d'ouvrages sur les trajectoires criminelles et leurs corrélats, ainsi que dans l'optique des théories existantes sur l'apparition de comportements antisociaux et criminels. En outre, il faut faire attention de ne pas tenter trop rapidement de faire quelque chose à propos des personnes qui, selon les prévisions, deviendront des délinquants affichant des taux élevés d'infractions (Piquero, 2008, p. 52). Les facteurs de risque indiquent une probabilité et non une fatalité. Ce sont les interventions et les stratégies de prévention axées sur les risques, fondées sur de solides modèles théoriques et qui s'inscrivent dans une perspective liée au développement et au parcours de vie (Farrington, 2005b), qui sont les plus susceptibles d'être efficaces et qui permettent le plus de mettre à l'essai les modèles causaux du développement, contribuant ainsi à faire avancer le domaine florissant de la prévention (Lochman, 2006).

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Notes

  1. 1

    Il convient de signaler que le casier judiciaire officiel (les rapports d'arrestation et de poursuite) contient la date de la décision et non de l'infraction.

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