Expulsion, migration circulaire et crime organisé : Jamaïque

Expulsion, migration circulaire et crime organisé : Jamaïque Version PDF (243 Ko)

Depuis les années 90, les Jamaïcains constituent le groupe de ressortissants des Caraïbes comptant le plus grand nombre d’expulsions des États‑Unis, du Royaume‑Uni et du Canada.

Contexte

Le rapport aborde l’incidence des expulsions forcées, pour des motifs criminels ou autres, sur la sécurité publique et le crime organisé au Canada et en Jamaïque, l’accent étant mis sur les liens transnationaux entre les personnes expulsées, le crime organisé et le Canada. Des opérations d’application de la loi menées récemment au Canada ont révélé des liens de longue date entre les groupes criminels organisés des deux pays. Le rapport examine les constatations de deux opérations d’application de la loi d’envergure, les projets Fusion et Corral, qui ont révélé que le Shower Posse, un groupe criminel organisé jamaïcain notoire, était fortement impliqué dans le commerce de la drogue à Toronto grâce à ses liens avec les gangs locaux.

Du point de vue canadien, le renvoi d’étrangers ayant commis des crimes graves au Canada entraîne un certain nombre de répercussions importantes sur la protection de la sécurité. Le renvoi physique d’anciens délinquants diminue grandement la probabilité qu’ils récidivent au Canada. Quand il est question de crime organisé, le renvoi peut également présenter l’avantage de perturber les réseaux criminels en en retirant des acteurs clés. L’effet des expulsions pour des motifs non criminels sur la sécurité canadienne est moins clair, et l’expulsion est devenue une question symbolique très politisée pour la communauté canado-jamaïcaine, dont les membres ont fait l’objet d’expulsions forcées en particulièrement grands nombres.

Partout dans les Caraïbes, une croyance répandue laisse entendre que les criminels expulsés des États‑Unis, du Canada et du Royaume‑Uni sont responsables de la montée des drogues, du crime organisé et des meurtres dans cette région. En effet, peu de sujets dans le domaine de la justice pénale et de la sécurité dans les Caraïbes sont plus litigieux que la question des expulsions de criminels. Cette croyance a entraîné un cheminement difficile – caractérisé par la stigmatisation et le rejet – pour tous les ressortissants expulsés cherchant la rédemption et la réintégration dans leur société d’origine, même ceux qui ont été expulsés pour des motifs non criminels.

Méthode

Les constatations du rapport se fondent sur une revue exhaustive de la littérature portant sur l’incidence de l’exportation sur la criminalité en Jamaïque et dans les Caraïbes, l’expérience et les possibilités de réintégration limitées des personnes expulsées en Jamaïque, les liens entre les groupes criminels organisés en Jamaïque et au Canada, de même que les coûts sociaux et économiques que doivent assumer les familles des personnes expulsées. Cette revue de la littérature a été rehaussée de données transmises par l’Agence des services frontaliers du Canada concernant l’ampleur de l’expulsion du Canada vers la Jamaïque, les motifs de renvoi et le nombre d’expulsions liées au crime organisé. Les auteurs ont également mené 11 entrevues auprès de chercheurs, d’universitaires, d’employés de programmes de réintégration, de décideurs et de représentants de l’application de la loi au Canada et en Jamaïque.

Constatations

Les projets Fusion et Corral ont révélé une relation complexe entre les groupes du Shower Posse au Canada, aux États‑Unis et en Jamaïque, dans le cadre de laquelle les gangs locaux sont approvisionnés en drogues et en armes. Dans une étude réalisée en 2014, Leuprecht et Aulthouse ont constaté que les armes en provenance des États‑Unis franchissaient la frontière pour être introduits au Canada, puis étaient fournies à des gangs affiliés ou renvoyées en Jamaïque à titre de paiement partiel pour les expéditions de stupéfiants. Toutefois, on ne croit pas que l’expulsion de ressortissants jamaïcains du Canada ait contribué à l’établissement de ces liens transnationaux du crime organisé, qui existent depuis les années 70.

Toute évaluation des effets de l’expulsion sur la sécurité publique au Canada doit commencer par une détermination de l’incidence sur la communauté jamaïcaine du Canada, au sein de laquelle les expulsions peuvent engendrer des sentiments d’aliénation de la société canadienne, et ultimement favoriser la délinquance et la criminalité. Le Toronto Deportation Pilot Project (projet pilote sur l’expulsion), dans le cadre duquel 107 entrevues ont été réalisées auprès des familles de criminels expulsés, a souligné les coûts psychologiques, sociaux et financiers de l’expulsion. Soixante‑dix pour cent des répondants ayant pris part à l’étude ont affirmé que l’expulsion de l’être cher avait rompu leur lien avec la société canadienne ou réduit leur engagement envers celle-ci. Quand la grande criminalité n’est pas la cause de l’expulsion, ces difficultés peuvent éliminer l’effet prévu de protection que sont censés entraîner les renvois pour la sécurité publique canadienne.

Les expulsions du Canada, des États‑Unis et du Royaume‑Uni pour des motifs criminels ont été lourdes de conséquences pour la sécurité publique en Jamaïque. L’arrivée de personnes expulsées a été si vaste et dure depuis si longtemps que ces personnes représentent jusqu’à 2 % de la population actuelle de l’île. Des preuves portent à croire que ces expulsions vers la Jamaïque pour des motifs criminels et non criminels exigent le recours aux rares ressources du pays s’attachant aux questions sociales et à l’application de la loi, et qu’elles ont contribué à la détérioration de la situation criminelle au pays. Une étude réalisée par Barnes, Chevannes et McCalla (2006) a révélé que 53 % des délinquants criminels expulsés qui ont été interviewés avaient admis avoir été plus impliqués dans des activités criminelles après leur retour en Jamaïque. Une autre étude, celle-ci de Madjd‑Sadjadi et Alleyne (2007), a révélé que 5 % des meurtres et des viols en Jamaïque pouvaient être directement attribués aux criminels expulsés. Même les personnes expulsées pour des motifs non criminels, qui font face à des difficultés sur le plan de leur réintégration, en sont venues à être associées aux crimes mineurs contre les biens, à la dépendance aux drogues et à l’itinérance.

Le gouvernement jamaïcain et les organisations non gouvernementales travaillant dans le domaine ont de la difficulté à offrir des services de réintégration efficaces aux milliers de personnes expulsées arrivant chaque année. Les experts du Canada et de la Jamaïque étaient catégoriques : la capacité des personnes expulsées de trouver un emploi et un logement, de faire des études et d’avoir accès à des soins de santé était le facteur clé pour leur réintégration réussie, et déterminait donc en grande partie si elles continueraient à être impliquées dans des activités criminelles à leur retour en Jamaïque.

Répercussions

Le rapport propose plusieurs options stratégiques potentielles que le gouvernement canadien pourrait examiner, notamment :

Source

Burt, Geoff, Sedra, Mark, Headley, Bernard, Hernandez-Ramdwar, Camille, Seepersad, Randy et Wortley, Scot. Expulsion, migration circulaire et crime organisé : Étude de cas sur la Jamaïque. Sécurité publique Canada.

Sources Additionnelles

Pour obtenir davantage de renseignements sur la recherche effectuée au Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime de Sécurité publique Canada, pour obtenir une copie du rapport de recherche complet, ou pour être inscrit à notre liste de distribution, veuillez communiquer avec :

Division de la recherche, Sécurité publique Canada
340, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0P8
PS.CPBResearch-RechercheSPC.SP@ps-sp.gc.ca

Les sommaires de recherche sont produits pour le Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime, Sécurité publique Canada. Les opinions exprimées dans le présent sommaire sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de Sécurité publique Canada.

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