Crime organisé - Résumé de recherche 2016-H003

Évaluation de l'impact de l'opération CeaseFire à Boston

La stratégie de dissuasion « à leviers » mise en œuvre à Boston réduit significativement (31 %) la violence armée chez les jeunes membres de gangs.

Dans les années 90, Boston a connu une forte augmentation du taux d'homicides commis par des jeunes en raison de la violence liée aux gangs. Les gangs représentaient moins de 1 % des jeunes âgés de 14 à 24 ans à Boston, mais étaient responsables de 60 % des homicides commis par des jeunes dans la ville. C'est pourquoi Boston a mis en œuvre l'opération Ceasefire afin de réduire les homicides commis par des jeunes membres de gangs.

La stratégie consistait à utiliser tous les leviers, le but étant de cibler non seulement l'auteur du crime, mais le gang en entier par tous les moyens judiciaires à la disposition de la ville, en vue de parvenir aux fins suivantes : « perturber les activités liées à la drogue dans la rue; concentrer l'attention de la police sur les crimes de rue mineurs comme l'intrusion et la consommation d'alcool sur la voie publique; signifier tout mandat non exécuté; cultiver un réseau d'informateurs confidentiels pour les enquêtes à moyen et à long terme sur les activités des gangs; appliquer strictement les conditions de la probation ou de la liberté conditionnelle; saisir les produits de la drogue et autres biens; veiller à ce que les transactions en matière pénale soient plus sévères et qu'une attention plus sérieuse soit prêtée aux poursuites; demander des conditions de cautionnement plus strictes (et les appliquer); et accorder une attention fédérale potentiellement marquée, sur le plan des enquêtes et des poursuites, aux activités des gangs liées à la drogue et aux armes à feu » [Traduction] (115). En parallèle, on a formé un Groupe de travail Ceasefire pour faire clairement comprendre que les actes de violence, comme les représailles contre d'autres gangs, ne seraient pas tolérés. Les actions coordonnées d'intervenants auprès des jeunes, d'agents de probation et de libération conditionnelle, et plus tard de groupes confessionnels et de membres de la collectivité, sont venues compléter les efforts déployés par la police et le système de justice pour envoyer le message de tolérance zéro et ajouter aux mesures d'intervention et de dissuasion ciblant les jeunes membres de gangs.

Ce type de stratégie « à leviers » repose sur la théorie de la dissuasion, qui postule que le crime est découragé lorsque son coût dépasse ses avantages potentiels. Le message clair envoyé à la collectivité, en ce qui concerne la tolérance zéro à l'égard de toute violence, adhère à la théorie de la dissuasion générale dans la société, tandis que la punition de l'individu se conforme à une théorie de dissuasion précise selon laquelle une personne peut s'attendre à une certaine punition en fonction de ses actions particulières. L'opération Ceasefire de Boston incarne ces deux facettes de la dissuasion en orientant les efforts vers la communication communautaire et en intégrant les membres de la collectivité au programme, tout en punissant les actes répréhensibles à l'échelle individuelle.

Par le passé, les efforts déployés pour évaluer le programme Ceasefire de Boston se sont heurtés à du scepticisme, car la présence d'autres facteurs pouvant expliquer la diminution de la violence chez les jeunes soulevait des questions et des enjeux méthodologiques. Pour répondre à ces questions, les auteurs de l'étude ont réalisé une évaluation exhaustive du programme Ceasefire mis en œuvre à Boston. Le programme a été arrêté en 2000 puis rétabli en 2006 en raison d'une augmentation de la violence liée aux gangs. Pour déterminer l'impact du programme, les auteurs ont recueilli les données informatisées du service de police de Boston sur les incidents d'homicides commis à l'aide d'une arme à feu et de voie de fait et batterie au moyen d'une arme meurtrière (arme à feu) survenus entre 2006 et 2010. Ils ont codé et analysé les détails de chaque incident afin de déterminer s'il avait ou non un lien avec les gangs. Les auteurs se sont servis de ces données, ainsi que des renseignements fournis par les intervenants, pour procéder à une analyse comparative entre les gangs touchés par le programme Ceasefire et les gangs n'ayant pas bénéficié du programme à Boston, et ce, grâce au calcul de scores liés à la propension.

Les résultats pour les 16 gangs ayant bénéficié du programme Ceasefire et les 37 gangs témoins appariés montrent d'importants écarts entre les deux groupes. Les gangs expérimentaux affichaient une réduction de 31 % du nombre total de fusillades par rapport aux gangs témoins. Ils affichaient également des taux de fusillade et de victimisation au moyen d'une arme à feu beaucoup plus bas. Ces constatations indiquent que le programme Ceasefire arrive bel et bien à réduire la violence liée aux gangs.

Or, bien que le programme Ceasefire ait donné des résultats positifs pour ce qui est de réduire le comportement violent armé au sein des gangs expérimentaux par rapport aux gangs témoins, les auteurs ont relevé quelques limites et avenues de recherche ultérieure. Par exemple, le programme visait aussi à décourager la violence au sein des gangs qui ne bénéficiaient pas directement du programme, pourtant ce résultat n'a pas été examiné dans l'étude; les auteurs recommandent donc de répondre à cette question afin de vérifier si l'effet de dissuasion créé par le programme se propage jusque dans les gangs témoins. En outre, les auteurs recommandent d'effectuer un examen empirique des comportements criminels adoptés par les membres des gangs expérimentaux. Ce genre d'examen permettrait de comprendre comment les programmes de dissuasion « à leviers » ciblant les gangs peuvent influencer les processus cognitifs individuels au chapitre du processus décisionnel et du comportement criminels. Ces recherches pourraient aider à déterminer si les programmes de dissuasion à leviers comportent un point de bascule où ils atteignent le point d'impact souhaité et influencent non seulement le gang en tant que groupe, mais aussi les membres du gang individuellement. Enfin, les auteurs recommandent de mener des recherches en vue de mieux comprendre comment et pourquoi les programmes d'intervention tels que l'opération Ceasefire fonctionnent.

Braga, Anthony A., Kennedy, David M., Waring, Elin J. et Morrison Piehl, Anne. (2001). Problem-oriented policing, deterrence, and youth violence: An evaluation of Boston's Operation Ceasefire. Journal of Research in Crime and Delinquency, 38(3), 195-225.

Examen des saisies de drogues et des torts qui s'y rattachent en Australie

Les opérations de réduction de l'offre de drogues menées par les responsables de l'application de la loi ont un impact mixte sur les torts causés par la drogue.

La politique australienne en matière de drogues prévoit notamment le recours aux responsables de l'application de la loi pour appliquer des stratégies de contrôle et de réduction de l'offre de drogues, afin « de créer une pénurie de drogues illégales de manière à diminuer la consommation de drogue et les torts causés par la drogue » [Traduction] (1). Ce type de politique prend appui sur la théorie des risques et des prix applicable aux marchés des drogues (Reuter et Kleiman, 1986; Caulkins et Reuter, 1998), qui postule que le risque élevé de production et de culture, de trafic ainsi que de consommation de drogues illicites, peut provoquer une pénurie d'offre qui fait monter les prix de la consommation de drogues illicites, diminuant ainsi les torts causés par la drogue. La recherche empirique appuie la théorie des risques et des prix, indiquant que le coût élevé des drogues illégales entraîne une diminution de la consommation de drogue et des torts qui s'y rattachent (comme les vols qualifiés et les vols liés à la drogue).

Bien que la hausse des prix de la drogue puisse réduire les torts causés par la drogue, peu de données probantes montrent que les stratégies employées par les responsables de l'application de la loi pour réduire l'offre de drogues et arrêter les fournisseurs de drogues se traduisent par une diminution des torts causés par la drogue. L'étude avait pour objet de pallier ce manque d'information en déterminant la relation entre les saisies de drogues et les arrestations de fournisseurs par les responsables de l'application de la loi, de même que l'influence de ces mesures sur les visites à l'urgence pour consommation ou possession de drogue, les arrestations pour consommation et possession, de même que la perpétration d'infractions connexes (vol qualifié, vols et voies de fait) par les consommateurs de drogue.

L'État de la Nouvelle-Galles du Sud (NGS) était au cœur de l'étude parce qu'il est aux prises avec l'un des plus vastes marchés des drogues en Australie pour les trois types de drogues illicites sur lesquels portait l'étude. Les auteurs ont choisi l'héroïne, la cocaïne et les stimulants de type amphétamine (STA) en raison de leur prévalence et de leur fréquence dans les marchés des drogues illicites, et en raison des arrestations liées à ces drogues en Australie. Ils ont obtenu les données sur les saisies de drogues et les arrestations mensuelles entre juillet 2001 et juin 2011 à partir du système National Illicit Drug Reporting Format, tenu par la Australian Crime Commission. Pour ce qui est des données relatives aux arrestations mensuelles en NGS pour consommation ou possession de drogue, vol, vol qualifié et voies de fait, les auteurs ont puisé dans la base de données de la police de la NGS. Ils ont recueilli les données sur les visites à l'urgence concernant l'héroïne, la cocaïne et les STA auprès du ministère de la Santé de la NGS. Enfin, les auteurs ont réalisé une analyse des séries chronologiques en fonction de trois opérations policières de saisie de drogues et d'arrestation de fournisseurs, afin d'examiner l'impact de ces opérations sur les visites à l'urgence, les arrestations pour consommation ou possession, de même que les infractions liées à la drogue.

D'après les constatations, la mise en œuvre d'une opération de saisie de drogues et d'arrestation de fournisseurs est lourde de conséquences graves. Plus précisément, l'augmentation des saisies de cocaïne a entraîné une hausse considérable des arrestations pour consommation ou possession de cocaïne au cours du même mois. Les arrestations de fournisseurs de cocaïne ont provoqué une hausse significative des visites à l'urgence liées à la cocaïne deux mois plus tard. Des résultats semblables ont été observés pour les saisies de STA et les arrestations de fournisseurs de STA, qui ont engendré des hausses importantes des arrestations pour consommation ou possession de STA. Ces constatations donnent à penser que l'augmentation des saisies de cocaïne et de STA, ainsi que des arrestations de fournisseurs, se traduit par une augmentation de l'offre de drogues au lieu d'une diminution, comme l'indique la hausse des arrestations pour consommation ou possession.

Les résultats étaient mixtes en ce qui a trait aux saisies d'héroïne et aux arrestations de fournisseurs d'héroïne. Au chapitre du poids, les saisies d'héroïne affichaient une relation négative avec le nombre d'arrestations pour consommation ou possession au cours du même mois (lorsque le poids des drogues saisies augmente, le nombre d'arrestations pour consommation ou possession diminue). De plus, l'auteur a établi que lorsque le nombre d'arrestations de fournisseurs d'héroïne augmente, le nombre de visites à l'urgence liées à l'héroïne diminue deux mois plus tard. Malgré la relation inverse, des résultats contradictoires ont été constatés. Par exemple, l'augmentation des saisies d'héroïne, si l'on n'examine pas seulement le poids, a provoqué une hausse globale des arrestations pour consommation ou possession au cours du même mois, et l'augmentation des arrestations de fournisseurs d'héroïne a entraîné une hausse des visites à l'urgence liées à l'héroïne au cours du même mois. Compte tenu de ces constatations mixtes, on ne sait pas trop si les opérations de réduction de l'offre se traduisent par une augmentation ou une diminution de l'offre d'héroïne. Aucune relation significative n'a été observée entre les mesures de réduction de l'offre de drogues illicites mises en œuvre par les responsables de l'application de la loi, et les tendances en matière d'infractions liées à la drogue (vol qualifié, vols et voies de fait).

D'après les résultats généraux, les opérations de réduction de l'offre ne produisent peut-être pas l'effet de réduction des torts escompté. Les auteurs recommandent cependant d'interpréter ces résultats avec prudence, car il se pourrait que la méthodologie employée dans l'étude ne tienne pas compte des variables qui examinent le mieux la réduction des torts et les facteurs en jeu. Selon eux, il est possible que les fabricants de drogue amassent des stocks, ou encore produisent ou cultivent un excédent en prévision d'une saisie. Une interruption importante de la circulation de la drogue par le ciblage des fournisseurs de haut niveau pourrait également s'avérer nécessaire, ce que l'étude n'a pas pu déterminer. Par conséquent, pour les futures recherches sur l'impact des opérations de saisie de drogues et de réduction de l'offre, les auteurs recommandent surtout de trouver des moyens de faire la distinction entre les fournisseurs de haut et de bas niveau, ce qui permettra aux chercheurs d'examiner si les effets de réduction des torts sont différents selon qu'on cible les fournisseurs de haut niveau ou les fournisseurs de bas niveau, lorsqu'il s'agit de contrôler l'offre de drogues illicites.

Wan, Wai-Yin, Weatherburn, Don, Wardlaw, Grant, Sarafidis, Vasilis et Sara, Grant. (2014). Supply-Side Reduction Policy and Drug-Related Harm. Communication duNational Drug Law Enforcement Research Fund.

Documents connexes

Caulkins, Jonathan et Reuter, Peter. (1998). What Price Data Tell Us About Illicit Drug Markets. Journal of Drug Issues, 28(3), 593-612.

Reuter, Peter et Kleiman, Mark. (1986). Risks and Prices: An Economic Analysis of Drug Enforcement. Dans N. Morris et M. Tonry (dir.), Crime and justice: An annual review of research, 7, (p. 289-340). Chicago : Chicago University Press.

Désengagement moral et gangs de jeunes au Royaume-Uni

La déshumanisation joue un rôle clé dans la criminalité avec violence chez les jeunes membres de gangs, qui recourent beaucoup plus aux techniques de désengagement moral que les jeunes non membres de gangs.

Les hommes de moins de 30 ans constituent la population la plus à risque de violence en Angleterre et au pays de Galles, une proportion énorme de crimes violents étant perpétrée par les gangs. Afin de mieux comprendre les trajectoires qui mènent à la criminalité avec violence, les auteurs se tournent vers les théories cognitives sociales au sujet du désengagement moral pour expliquer les comportements criminels. Ces stratégies de désengagement moral incluent notamment la justification morale, où l'individu raisonne que la fin justifie les moyens, l'étiquetage péjoratif, où le langage est utilisé pour rendre un comportement amoral plus acceptable (p. ex., un petit mensonge innocent), la diffusion de la responsabilité, où la responsabilité est dispersée parmi les membres du groupe au lieu d'être attribuée à l'individu, la distorsion des conséquences, où un individu ou un groupe minimise le tort qu'il a causé, de même que la déshumanisation. Ces techniques aident un individu à adopter un comportement criminel en créant des justifications cognitives pour ce comportement et en lui permettant de rationaliser les gestes posés qui sont contraires aux mœurs et aux normes de la société.

Un grand nombre de recherches ont étudié le désengagement moral et la criminalité, démontrant l'influence prédictive de l'emploi de techniques de désengagement moral en délinquance criminelle. Toutefois, peu de recherches se sont penchées sur le comportement des gangs dans ce contexte. L'article de recherche avait pour but d'examiner, sur le plan empirique, « la mesure dans laquelle les stratégies de désengagement moral jouent un rôle de facilitation dans le comportement violent adopté par les jeunes membres de gangs » [Traduction] (753).

Au total, 184 garçons ont été recrutés dans des maisons pour jeunes et une école secondaire à Londres, au Royaume-Uni. Tous les participants ont rempli l'enquête auprès des jeunes Eurogang (Weerman et al., 2009) et la Mechanisms of Moral Disengagement Scale (Bandura et al., 1996). Les jeunes étaient considérés comme étant membres d'un gang s'ils répondaient aux quatre critères de la définition donnée dans l'enquête Eurogang : « (a) jeune âge – tous les membres du groupe étaient âgés de moins de 25 ans; (b) durabilité – le groupe existait depuis plus de trois mois; (c) orientation vers la rue – le jeune avait répondu “oui” à la question “Est-ce que ce groupe passe beaucoup de temps ensemble dans des lieux publics comme le parc, la rue, les zones commerciales ou le quartier?”; (d) criminalité de groupe comme partie intégrante de l'identité du groupe – le jeune avait répondu “oui” aux questions “La perpétration d'actes illégaux est-elle acceptée par votre groupe?” et “Les membres de votre groupe commettent-ils des actes illégaux ensemble?” » [Traduction] (754). Les auteures ont en outre évalué les crimes violents en fonction des réponses fournies par les participants aux questions suivantes : « frappé quelqu'un dans l'intention de lui faire mal », « attaqué quelqu'un avec une arme » et « utilisé une arme ou la force pour obtenir de l'argent ou autre chose » [Traduction] (754).

D'après les résultats, 25 jeunes étaient membres de gangs selon la définition de l'enquête Eurogang. Des différences majeures ont été observées entre les jeunes membres de gangs et non membres de gangs. Plus précisément, les membres de gangs affichaient des différences marquées par rapport aux jeunes non membres de gangs en ce sens qu'ils avaient des dirigeants clairement définis, des symboles, des rituels d'initiation et des vêtements particuliers. Aucune différence importante n'a été constatée pour le rôle des différents sexes, les rencontres régulières ou les tatouages entre les jeunes membres de gangs et non membres de gangs. Enfin, les jeunes membres de gangs avaient adopté un comportement violent beaucoup plus souvent au cours des six derniers mois que les jeunes non membres de gangs.

Si l'on se fie aux constatations, six des huit stratégies de désengagement moral variaient significativement comme fonction de l'appartenance à un gang. L'analyse montre que les membres de gangs étaient beaucoup plus susceptibles que les jeunes non membres de gangs de recourir à la justification morale, à un langage péjoratif, à une comparaison avantageuse, au déplacement de la responsabilité, au rejet du blâme et à la déshumanisation. Aucune différence importante n'a toutefois été remarquée entre les deux groupes pour la diffusion de la responsabilité ou la distorsion des conséquences.

Les auteures ont procédé à des analyses de médiation des techniques de désengagement moral et des crimes violents. Selon les résultats, la déshumanisation était la seule technique à avoir une influence de médiation marquée sur les crimes violents. Cette constatation indique que la déshumanisation entretient un lien partiel important avec la perpétration de crimes violents par les membres de gangs. On peut donc considérer que la déshumanisation facilite grandement la perpétration de crimes violents chez ces jeunes.

Bien que les autres techniques de désengagement moral n'aient pas affiché un rôle de médiation dans le comportement violent, étant donné que les membres de gangs ont beaucoup plus recours à la majorité de ces techniques que les jeunes non membres de gangs, on pourrait dire que ces techniques jouent un rôle important dans l'appartenance à un gang. Les futures recherches étudiant la mesure dans laquelle ces techniques de désengagement moral influencent divers comportements criminels et antisociaux, pourraient faire la lumière sur les diverses stratégies cognitives utilisées par les jeunes pour commettre des crimes. Ces recherches pourraient ainsi aider à déterminer sur quels domaines cognitifs mettre l'accent afin d'assurer la gérabilité et la réussite des interventions.

Alleyne, Emma, Fernandes, Isabel et Pritchard, Elizabeth. (2014). Denying Humanness to Victims: How Gang Members Justify Violent Behavior. Group Processes & Intergroup Relations17(6), 750-762.

Impact de l'élimination des dirigeants sur les organisations mexicaines de narcotrafiquants

Les pratiques d'élimination des dirigeants sont associées à une augmentation des homicides au Mexique.

Selon les chiffres du gouvernement, près de la moitié de tous les meurtres commis au Mexique sont associés aux drogues illicites (652). Dans le but d'endiguer la violence liée à la drogue, le gouvernement mexicain, sous l'administration Calderón, a donc adopté une politique visant à éliminer les dirigeants des organisations de narcotrafiquants, ce qui comprend la capture et l'emprisonnement de même que l'exécution. Or, cette politique ne fait pas l'unanimité : certains affirment qu'elle a en fait augmenté la violence liée à la drogue, soulignant le fait que l'administration actuelle a connu une hausse de plus de quatre fois le nombre de meurtres liés à la drogue par rapport à l'administration précédente. D'autres soutiennent que la hausse de la violence est au contraire révélatrice du succès de l'initiative. L'augmentation des meurtres de civils constitue toutefois une préoccupation grandissante.

Pour confirmer l'impact de l'élimination des dirigeants d'organisations de narcotrafiquants, l'auteur a examiné les données de décembre 2006 à décembre 2010 figurant dans Reforma, une base de données vérifiée qui contient les données sur les homicides liés aux organisations de narcotrafiquants et sur la violence liée à la drogue au Mexique. L'auteur a confirmé l'élimination des dirigeants d'organisations de narcotrafiquants en interrogeant des bases de données ouvertes pour vérifier avec un maximum de précision le moment et la méthode de l'élimination (capture ou exécution). Il a ensuite analysé les données afin de déterminer « tout changement dans la violence suivant l'élimination d'un dirigeant dans l'État d'origine de son organisation versus l'État où l'élimination a eu lieu » [Traduction] (656). Lorsqu'il a décidé de mettre l'accent sur l'État d'origine au lieu de l'État de l'élimination, l'auteur a pris appui sur l'hypothèse selon laquelle si la violence vise à exercer des représailles (c.-à-d. qu'elle est motivée par la vengeance), elle sera dirigée vers les responsables de l'application de la loi et les civils dans l'État de l'élimination. En revanche, si la violence découle d'un jeu de pouvoir au sein du marché illicite des drogues, alors l'auteur suppose que les actes de violence seront concentrés sur l'État d'origine de l'organisation par suite de l'élimination du dirigeant, servant ainsi de « mécanisme de signal » pour indiquer qu'un vide de pouvoir doit être comblé.

Au total, 415 décès additionnels ont été imputés à l'élimination des dirigeants d'organisations de narcotrafiquants au Mexique durant la période à l'étude. Les résultats indiquent que non seulement la violence augmente substantiellement après l'élimination du dirigeant d'une organisation de narcotrafiquants, mais aussi que les décès augmentent principalement dans l'État d'origine de l'organisation du dirigeant éliminé. Ces résultats concordent avec la théorie de l'auteur voulant que l'élimination d'un dirigeant annonce une violence déterminante, un « unique mécanisme » permettant à d'autres de se disputer la direction de l'organisation. De plus, les résultats montrent que l'exécution des dirigeants d'organisations de narcotrafiquants prédit des taux de violence plus élevés que leur capture. L'auteur a en outre examiné les taux de violence lorsque les dirigeants d'une organisation de narcotrafiquants étaient éliminés parce que le gouvernement avait offert une prime de 30 millions de pesos ou de 15 millions de pesos sur leurs têtes. L'élimination des dirigeants pour qui le gouvernement offrait les primes les plus élevées (30 millions de pesos) était associée à des augmentations de la violence, mais dans une mesure moindre que les autres méthodes d'élimination d'un dirigeant. Pour ce qui concerne l'élimination de dirigeants pour qui le gouvernement offrait une prime de 15 millions de pesos, les résultats n'étaient pas assez constants pour qu'il soit possible de les interpréter.

Les résultats laissent entendre que la politique mexicaine d'élimination des dirigeants d'organisations de narcotrafiquants se traduit par une augmentation des taux d'homicide, lesquels sont les plus élevés lorsque le dirigeant est exécuté. L'auteur théorise que l'élimination d'un dirigeant signale aux subordonnés au sein de l'organisation qu'il est temps de commettre davantage d'actes de violence afin de prouver qu'ils ont ce qu'il faut pour monter dans la chaîne de commandement. Autrement dit, l'élimination d'un dirigeant, en particulier son exécution, incite les membres de l'organisation à perpétrer davantage d'actes de violence afin de se tailler une place de choix au sein de l'organisation. L'exécution d'un dirigeant risque davantage d'accroître la violence que les autres formes d'élimination, car un dirigeant capturé peut toujours retourner dans l'organisation, ce qui réduit la concurrence entre les membres de l'organisation cherchant à monter dans la hiérarchie.

L'auteur formule quatre recommandations stratégiques à partir de ces constatations. D'abord, le gouvernement du Mexique pourrait envisager d'encourager les États-Unis, entre autres pays, à modifier leurs politiques en matière de drogues. Par exemple, on ne sait pas encore comment la décriminalisation récente du cannabis dans certains États américains influencera la violence liée à la drogue au Mexique. Deuxièmement, le gouvernement du Mexique pourrait envisager de publiciser les raisons de ses différentes stratégies d'élimination des dirigeants d'organisations de narcotrafiquants, puisqu'il apparaît clairement que les différentes méthodes produisent des résultats différents (les primes sur les dirigeants accroissent moins la violence que l'exécution des dirigeants). Troisièmement, les responsables de l'application de la loi pourraient envisager d'offrir des incitatifs aux membres des organisations de narcotrafiquants afin qu'ils leur fournissent des renseignements sur leurs supérieurs, dans une tentative pour réduire la concurrence lorsqu'un vide est créé. Enfin, le Mexique pourrait élargir la portée de ses politiques de manière à réduire le chômage, ainsi les Mexicains auraient moins d'incitatifs à se joindre à une organisation de narcotrafiquants. Sans compter que les responsables de l'application de la loi disposeraient d'un plus grand nombre de stratégies efficaces pour accroître la confiance des civils dans le gouvernement, ainsi que pour atténuer les enjeux croissants liés à la hausse des groupes d'autodéfense luttant contre les organisations de narcotrafiquants.

Dickenson, Matthew. (2014). The Impact of Leadership Removal on Mexican Drug Trafficking Organizations. Journal of Quantitative Criminology, 30(4), 651-676.

Honnêteté avec laquelle les membres de gangs avouent appartenir à un gang

Le fait de se déclarer membre actuel ou ancien, ou encore non-membre, fournit un bon indice du niveau d'appartenance à un gang.

Étant donné la controverse que soulève la façon dont les travaux de recherche identifient les gangs et leurs membres, les auteurs ont étudié la fiabilité de l'autodéclaration pour prédire le niveau d'intégration à un gang. La majorité des travaux de recherche sur les membres de gangs reposent sur des données et des sondages officiels ou sur des auto-identifications. Une bonne partie des travaux de recherche sur les membres de gangs misent donc sur l'honnêteté avec laquelle les personnes répondent à une question toute simple : « Faites-vous partie d'un gang? » ou « Avez-vous déjà fait partie d'un gang? » (597).

Compte tenu de la dépendance à l'auto-identification (aussi « autodéclaration ») pour établir l'appartenance à un gang, un certain nombre d'études ont cherché à évaluer la fiabilité et la validité des autodéclarations faites dans le cadre de recherches. La majorité des études confirment ainsi la validité des autodéclarations quant à l'appartenance à un gang. Par ailleurs, les constatations révèlent qu'une définition plus restreinte augmente la fiabilité des résultats, en distinguant les jeunes délinquants associés à un gang de ceux n'en faisant pas partie.

Les auteurs expliquent en quoi l'autodéclaration ne suit pas une progression statique ou linéaire, c'est-à-dire que ceux qui choisissent de se dissocier d'un gang peuvent passer du statut d'ancien membre à celui de membre pleinement réintégré dans un gang, en raison de leurs liens solides avec d'autres membres du gang. Par conséquent, les tentatives en vue de se dissocier d'un gang se révèlent parfois hésitantes, parfois même nombreuses, avant de réussir pleinement. Ces difficultés peuvent générer de faux positifs dans les travaux de recherche (c.-à-d. que « des personnes affirment ne plus appartenir à un gang mais participent encore à des activités du gang » [Traduction]) (597). Il existe aussi de faux négatifs (c.-à-d. des personnes disant faire partie d'un gang « mais ne participant plus aux activités du gang » [Traduction]) (597). Ces faux positifs et faux négatifs font en sorte que les chercheurs ont plus de mal à obtenir des résultats valides.

L'étude visait à établir la mesure selon laquelle l'autodéclaration permet de prédire l'intégration à un gang. Des entrevues ont été réalisées en 2011 auprès de 621 personnes qui étaient soit en probation soit en liberté conditionnelle, ou qui avaient accédé à un programme de sensibilisation en 2011. Les échantillons provenaient de cinq villes américaines : Cleveland (Ohio); Fresno (Californie); Los Angeles (Californie); Phoenix (Arizona); et St. Louis (Missouri). Les auteurs ont mis au point un modèle de réponse par degré au sujet de l'intégration à un gang. Parmi les variables de contrôle, notons les caractéristiques démographiques, les variables associées aux gangs telles que leur structure et la durée de l'appartenance à ceux-ci, et des variables théoriques comme la faible maîtrise de soi. La validité de l'autodéclaration a été évaluée au moyen d'une analyse de la relation entre différents niveaux d'appartenance à un gang – anciens membres, membres actuels et non-membres – et l'intégration à un gang.

Les résultats indiquent que l'autodéclaration fournit un excellent indice de l'intégration à un gang. Elle fournissait d'ailleurs le meilleur indice, comparativement à d'autres variables, de l'intégration à un gang, et elle permettait de mieux déceler les anciens membres de gangs par rapport aux non-membres et aux membres actuels. Par ailleurs, les variables que sont, entre autres, la diversité des délits et le respect des valeurs du code de la rue, constituaient également d'importants indices de l'intégration à un gang. La variable de la faible maîtrise de soi n'a démontré aucun lien avec l'intégration à un gang. En général, les résultats de l'autodéclaration n'ont pas beaucoup changé après la prise en compte des variables démographiques que sont, par exemple, l'âge ou l'ethnie, ce qui indique que l'autodéclaration représente un indice valable de l'intégration à un gang chez les personnes provenant de différents horizons.

Étant donné les répercussions de leurs constatations, les auteurs recommandent que les programmes de prévention, d'intervention et de répression se concentrent sur les personnes qui se déclarent membres actuels d'un gang. Le fait de cibler les anciens membres ou les non-membres pourrait créer un risque et une déviance chez ces deux groupes, en raison d'un étiquetage négatif et de l'exposition à des pairs très à risque. En ciblant d'anciens membres, les programmes d'intervention et les policiers risquent en outre de renforcer l'identité du gang duquel la personne chercher à se dissocier.

Les auteurs recommandent deux domaines de recherche. Tout d'abord, ils estiment qu'il faudrait mener des analyses longitudinales afin de relever des différences permanentes entre les non-membres et les membres actuels et anciens. Deuxièmement, ils recommandent fortement l'examen de différentes méthodes d'enregistrement des autodéclarations afin de repérer toute partialité qui se dégage du type d'autodéclaration, comme l'auto-identification, l'entrevue et le questionnaire.

Decker, Scott H., Pyrooz, David C., Sweeten, Gary et Moule, Richard K. Jr. (2014). Validating Self-Nomination in Gang Research: Assessing Differences in Gang Embeddedness Across Non-, Current, and Former Gang Members. Journal of Quantitative Criminology, 30(4), 577-598.

Démythifier le lien entre la taxation et la contrebande de tabac

Des facteurs tels que le crime organisé, et non la hausse des taxes sur le tabac, précipitent l'expansion des marchés illicites du tabac.

L'industrie du tabac soutient depuis longtemps que la taxation accrue de son produit augmente la contrebande. Or, de nombreuses études montrent que la taxation accrue du tabac aide à réduire les torts causés par le tabac en décourageant l'initiation à la consommation de tabac, en réduisant cette consommation et en accroissant son arrêt (3).

La contrebande de cigarettes représente un enjeu de santé publique mondial, mais les recherches antérieures montrent que des facteurs autres que les taxes contribuent à l'expansion des marchés illicites du tabac. Par exemple, le crime organisé est considéré comme un facteur de contribution important dans la contrebande illégale de tabac. Au Canada, le crime organisé a contribué à 90 % de la contrebande dans les années 90. Parmi les autres facteurs qui favorisent la contrebande de tabac, on retrouve les idées fausses relativement à l'achat de cigarettes « en toute légalité » dans les réserves des Premières Nations; or il est illégal d'acheter des cigarettes à prix réduit dans les réserves. Mentionnons également un manque d'application de la loi stratégique axée sur la contrebande de tabac, ainsi que l'absence de messages au public véhiculant non seulement les dangers du tabac pour la santé, mais aussi les conséquences de la contrebande de tabac sur le plan juridique.

Compte tenu de ces autres moteurs du marché illicite du tabac, la taxation augmente-t-elle la contrebande? Pour vérifier si tel est le cas, les auteurs ont examiné la littérature de recherche pertinente et analysé les données de l'Enquête de surveillance de l'usage du tabac au Canada 2008-2012, afin de confirmer les estimations du nombre de fumeurs et du recours à la contrebande en Ontario. Ils ont comparé les résultats avec les rapports de données de la Gendarmerie royale du Canada et les données nationales sur la taxe de 2014 sur les cigarettes.

Les études menées antérieurement dans plusieurs pays européens, notamment le Royaume-Uni, montrent que la hausse des taxes sur le tabac réduit la consommation et n'augmente pas la contrebande. De plus, il est possible de contrôler la contrebande en combinant les hausses de taxe avec des mesures de lutte contre la contrebande.

D'après les résultats de l'étude, à l'échelle du Canada, la hausse des taxes sur le tabac n'augmente pas la contrebande. Plus précisément, l'Ontario et le Québec imposent deux des taxes sur le tabac les plus basses, l'Ontario comptant la taxe sur le tabac la plus basse au Canada, pourtant les deux provinces affichent les taux de contrebande les plus élevés par rapport aux autres provinces et territoires, comme l'Alberta et la Colombie-Britannique, qui ont fortement augmenté leurs taxes sur le tabac. Le Québec a connu trois hausses de taxe depuis la mise en œuvre d'une nouvelle politique visant à lutter contre la contrebande de tabac par le comité ACCES, formé en 2001 dans le but de réduire la contrebande. Or, les résultats montrent que malgré ces trois hausses fiscales, la contrebande de tabac est demeurée plutôt stable. On peut en conclure que les hausses fiscales n'influencent pas de manière significative les marchés illicites du tabac.

D'autres constatations concernant la consommation de tabac en Ontario montrent que les hausses fiscales n'entraînent qu'une faible augmentation du nombre de consommateurs canadiens qui se rendent aux États-Unis pour acheter des cigarettes, après quoi ce nombre redescend progressivement. Par ailleurs, la hausse des taxes sur le tabac est associée à une baisse de la consommation en Ontario, ce qui réduit les torts causés par le tabac. Ces résultats concordent avec les conclusions tirées dans les études antérieures.

Si l'on se fie aux constatations du rapport, la hausse des taxes sur le tabac diminue la consommation et n'augmente pas la contrebande. Ces résultats donnent donc à penser que les taux élevés de contrebande de tabac au Canada, ainsi que les décès qui s'y rattachent, découlent principalement du crime organisé et d'autres facteurs tels que les idées fausses concernant l'achat de cigarettes dans les réserves des Premières Nations, la facilité d'accès à la contrebande sur les autoroutes, de même que le manque d'application de la loi stratégique, plutôt que de la hausse des taxes sur le tabac. D'après ces constatations, les auteurs sont d'avis que la combinaison de la hausse des taxes sur le tabac avec l'application stratégique et accrue de la loi, pourrait engendrer une hausse des recettes fiscales et une diminution des torts causés par le tabac (comme la consommation), en plus de mettre un frein à la contrebande de tabac.

Zhang, Bo et Schwartz, Robert. (2015). What Effect Does Tobacco Taxation Have on Contraband? Debunking the Taxation-Contraband Tobacco Myth. Rapport spécial de l'Unité de recherche sur le tabac de l'Ontario.


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ISSN : 2369-8152

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2017

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