Regina Anti-Gang Services
ISSN : 978-1-100-98965-5
L'épreuve des faits : sommaires d'évaluation 2012-SE-26
1. IntroductionFootnote 1
Le projet Regina Anti-Gang Services (RAGS) a été élaboré en 2007 en réponse à l'activité intense des gangs dans le quartier du Centre-Nord de Regina. Il offrait des services de soutien aux jeunes affiliés à un gang dans un des quartiers les plus pauvres, envahis par les gangs et marqués par la criminalité au Canada.
Même si l'Ontario compte plus de membres de gangs que toutes les autres provinces, la Saskatchewan vient en deuxième place quant au nombre de membres de gangs. Toutefois, comme elle compte le dixième de la population de l'Ontario, la Saskatchewan possède le plus grand nombre de membres de gangs au Canada par habitant, soit 1,34 membre de gangs de jeunes pour 1 000 personnes. En Saskatchewan, presque tous les gangs sont autochtones.
Au moment où a été élaborée la proposition du projet RAGS, Regina affichait le taux d'homicides le plus élevé des régions métropolitaines du Canada, soit 4,5 meurtres pour 100 000 personnes. Approximativement trois agressions sur quatre et trois infractions avec violence sur cinq étaient des voies de fait simples. Les agressions sexuelles comptaient pour 6 % de l'ensemble des crimes violents, et les vols qualifiés, pour 7 %.
Selon les estimations, le quartier du centre nord de Regina occupe la deuxième place des collectivités les plus pauvres au Canada, juste après le quartier Downtown East Side à Vancouver. Pour ce qui est de la criminalité, il affiche le quotient de localisation (QL) le plus élevé du Canada. Près d'un résidant sur deux est autochtone. Approximativement un tiers des résidents bénéficient de l'aide sociale, et un grand nombre dépendent des banques alimentaires pour survivre jusqu'à la fin du mois. Le taux de grossesses chez les adolescentes serait parmi les plus élevés au Canada. Par rapport au reste de Regina, la famille moyenne gagne environ la moitié du revenu moyen des résidents de la ville. C'est le quartier du centre nord qui affiche le taux de criminalité le plus élevé des secteurs de Regina, avec un nombre exceptionnellement élevé de crimes graves et violents. Le quart des appels aux policiers proviennent de cette collectivité.
Le Centre national de prévention du crime (CNPC) a octroyé 2,6 millions de dollars à la North Central Community Association (NCCA) pour la mise en oeuvre du projet RAGS, d'octobre 2007 à mars 2011. Le programme combine des éléments de plusieurs modèles fondés sur des données scientifiques, notamment l'approche Wraparound (approche globale), la thérapie multisystémique (TMS), la réduction des méfaits et le soutien fondé sur la culture et l'orientation religieuse.
2. Description du programme
Le projet Regina Anti-Gang Services (RAGS) visait à aider les jeunes affiliés à un gang à quitter le gang en toute sécurité. Par cet objectif, le projet RAGS cherchait à:
- Intéresser davantage les jeunes au marché du travail, à l'école et à la formation de recyclage;
- Renforcer leur identification à des modèles de comportement adultes sains;
- Réduire leur participation à la violence et à la criminalité liées aux gangs;
- Diminuer les activités du commerce du sexe associées aux gangs.
Les participants au projet RAGS ont pris part aux services quotidiens intensifs. Même si ces services s'inspiraient de modèles fondés sur des données scientifiques comme l'approche Wraparound et la TMS, le personnel a adapté ces modèles afin qu'ils correspondent mieux aux besoins des jeunes Autochtones. Axées sur le contexte social dans lequel commencent les comportements associés aux gangs tout en ciblant le changement individuel, les interventions visaient la famille comme principal domaine de travail afin d'accroître la force du jeune et de sa famille. Un modèle de gestion intensive des cas a servi à cibler les problèmes qui permettent de prévoir les risques et les facteurs de protection connus, tant individuellement que dans un groupe. Par conséquent, l'intensité du programme était de beaucoup supérieure à celle de l'approche Wraparound et de la TMS. Par exemple, tandis que la TMS dure environ 60 heures sur 16 semaines, le projet RAGS comptait en moyenne plus ou moins 385 heures de programme sur 77 semaines.
Le programme offrait quatre activités de base:
Acquisition de compétences psychosociales pour les jeunes hommes
Formation en groupe, éducation et apprentissage axés sur les compétences portant sur des sujets divers, comme la façon de quitter un gang, la violence, la conscience de soi, la résolution de problèmes, les relations saines, le rôle parental et paternel, les dépendances, l'esprit d'équipe, le pouvoir de contrôler sa vie, la modification du comportement et l'alphabétisation.
Programme « Circle keeper » pour les jeunes femmes
Formation visant l'acquisition de compétences psychosociales et formation culturelle traditionnelle, élaborée à l'intention des jeunes femmes membres d'un gang ou ayant des liens avec un gang en vue de les aider à délaisser le commerce du sexe et à quitter leur gang grâce à l'éducation.
Services de counseling intensif en vue de quitter un gang
Séances de counseling individuel, en cas de crise ou avec la famille qui ciblent des objectifs précis, comme la façon de quitter un gang en toute sécurité, le rôle parental, l'estime de soi, l'acquisition d'aptitudes à la vie quotidienne et autres.
Activités de liaison avec les écoles et les institutions
Mobilisation des participants possibles au projet RAGS au moyen d'activités dans les écoles, les centres correctionnels, les tribunaux et parfois dans la rue.
Participants au programme
Le programme ciblait des jeunes affiliés à des gangs (principalement des Autochtones) et des jeunes adultes âgés de 16 à 30 ans (l'âge moyen était de 23,9 ans) ainsi que leurs parents, leur famille ou les deux. Tous les participants présentaient des facteurs de risque importants, la totalité d'entre eux étant des membres ou d'anciens membres d'un gang ou des femmes qui y étaient affiliées par l'entremise de leur petit ami. La plupart (82 %) des participants avaient des dépendances graves à la drogue et à l'alcool. La vaste majorité d'entre eux avaient de solides liens sociaux avec la vie de gang : 88 % avaient des amis qui étaient membres d'un gang et 90 % avaient des membres de la famille qui faisaient partie d'un gang.
Qui plus est, la plupart avaient été impliqués dans des crimes très graves, notamment des meurtres, des homicides involontaires, des tentatives de meurtre, des voies de fait causant des lésions corporelles, des agressions armées, des vols qualifiés, des cambriolages à domicile, des vols d'automobiles, du trafic de drogues et des infractions liées à la prostitution.
Au total, 99 clients (66 de sexe masculin et 33 de sexe féminin) ont participé au projet RAGS de janvier 2008 à mars 2011. De ce groupe, 74 participants ont bénéficié de services de counseling intensif et ont répondu aux questionnaires. En moyenne, les jeunes qui ont terminé le programme (n = 51) y ont consacré 86,8 semaines et ont participé à 306 séances de traitement, ce qui équivaut à 439,8 heures. Parmi les premiers participants, sept ont abandonné le programme.
3. Évaluation du programme
Une évaluation indépendante du processus et de ses effets a permis de déterminer l'efficacité et l'efficience du projet RAGS. Une analyse des coûts a été incluse.
L'évaluation portait sur la période de mars 2008 à janvier 2011 et se fondait sur une approche mixte combinant des méthodes quantitatives et qualitatives.
La méthodologie quantitative a fait appel à un groupe témoin non aléatoire, les membres du groupe étudié et du groupe témoin étant appariés sur les variables clés. Le groupe étudié comprenait 74 participants au projet RAGS tandis que le groupe témoin comprenait 29 Autochtones délinquants à risque, adultes et jeunes, affiliés à un gang. Les membres du groupe témoin ont participé de façon minimale au projet RAGS. Ils ont bénéficié de cinq heures de contact ou moins par mois et ont participé uniquement aux activités de loisirs, sans assister aux séances de counseling.
Les chercheurs ont eu recours à plusieurs instruments et méthodes de collecte de données, notamment :
- Instruments d'enquête mesurant l'appartenance à un gang, la toxicomanie, le risque et la prévention, l'identité, les croyances et les attitudes au sujet des conflits, la violence, les armes à feu et le comportement agressif;
- Groupes de discussion avec les jeunes ciblés, des jeunes adultes et des Aînés;
- Dossiers du programme et des clients faisant la synthèse des sommaires des registres de participation et de contact;
- Analyse des plans des clients incluant notamment les plans de counseling et les relevés de participation;
- Observations par les membres de l'équipe;
- Données d'un tiers provenant du ministère des Services correctionnels, de la Sécurité publique et des Services de police ainsi que du Service de police de Regina.
Les données ont été recueillies sur une période de 24 mois, à cinq occasions, soit avant et après le programme ainsi qu'à mi-parcours, de même que lors d'une évaluation de suivi, effectuée après 24 mois, soit six mois après la date normale de la fin de la participation au programme.
Les évaluateurs ont utilisé deux méthodes statistiques pour mesurer les effets du programme. Les tests t pour échantillons appariés et les tests t pour échantillons indépendants ont permis de déterminer si des changements importants étaient survenus chez les jeunes ayant suivi un traitement et si les différences entre les deux groupes (participants au programme et non-participants) étaient statistiquement significatives, à un moment précis.
4. Résultats de l'évaluation
Résultats obtenus
Le tableau ci-dessous présente un sommaire des principaux résultats.
Sensibilisation et croyances
Croyances au sujet des conflits
Les résultats montrent un changement positif (diminution de 59 %) dans les croyances au sujet des conflits chez les participants au programme six mois après le début, mais cet effet n'a pas duré. Aucun résultat significatif n'a été constaté à 12 et à 18 mois, mais la tendance montre que les croyances au sujet des conflits ont diminué de 41 % à 12 mois, et de 63 %, à 18 mois. Les résultats révèlent également que le groupe témoin ne présentait pas de différence par rapport aux participants au programme, au début et à six mois. Même si le programme ne semble pas avoir modifié les croyances des participants au sujet de la résolution des conflits, la faible taille de l'échantillon à 18 mois pourrait expliquer ces résultats.
Attitudes
Approbation générale du comportement agressif
Cet aspect, évalué seulement à six mois, indique une baisse importante de 57 % chez les participants au programme.
Approbation des représailles
Les résultats montrent également, à six mois, une baisse significative de 71 % de l'approbation des représailles chez les participants.
Aversion pour les armes à feu
Cette mesure portait sur le malaise des participants face aux armes à feu. Les résultats dénotent, à six mois, une hausse de 65 % de l'aversion pour les armes à feu.
Stéréotype de genre
Il s'agit ici des attitudes à l'égard des stéréotypes de genre chez les participants. Même si une augmentation de 67 % de la propension au stéréotype de genre chez les participants au programme a été constatée à six mois, il n'y a pas eu d'amélioration significative entre l'évaluation avant le programme et six mois après le début du programme.
Globalement, il semble y avoir eu des changements d'attitude positifs. Toutefois, il est impossible d'établir avec précision les effets du programme puisqu'aucune comparaison n'a eu lieu avec le groupe témoin apparié.
Facteurs de risque et facteurs de protection
Scores à l'indice de risque
Cet indice composite englobait un certain nombre de facteurs de risque : affiliation à un gang, toxicomanie, crime sans violence, crime violent, modèles de comportement adultes et pairs affiliés à un gang. Les données, tant au sein du groupe des participants qu'au sein du groupe témoin, ont révélé qu'il y avait une baisse importante des scores obtenus au fil du temps par les participants en ce qui a trait à l'indice de risque.
Emploi
Aucun changement significatif n'a été constaté pour ce qui est de l'intérêt des jeunes pour le marché du travail à six, 12 ou 18 mois. Les comparaisons effectuées avec le groupe témoin apparié, au début du programme et six mois après, n'indiquent aucune différence entre les deux groupes en ce qui a trait à l'intérêt pour le marché du travail. Toutefois, par rapport au groupe témoin (dont les scores ont chuté au fil du temps), les participants au projet RAGS ont atteint un niveau d'intérêt supérieur pour le marché du travail.
Toxicomanie
La toxicomanie a diminué d'environ 61 à 68 % entre les intervalles de temps. Plus du double des jeunes ayant participé au programme ont diminué leur consommation de drogue qu'il y en a qui l'ont augmentée. Toutefois, une seule de ces mesures a montré une amélioration importante à six mois. Qui plus est, tandis que le groupe témoin a affiché un niveau plus élevé de consommation de substances, aucune différence significative n'a été constatée entre les deux groupes, à six mois. Même si le programme n'a pas semblé influer sur la consommation de substances des participants, le peu de fiabilité de la mesure utilisée (coefficient alpha de Cronbach de 0,60) peut expliquer l'absence de résultats significatifs.
Dépression
Les scores des participants au programme concernant la mesure de la dépression ont diminué au fil du temps. Par contre, seule la première mesure prise à six mois a dénoté une baisse significative de la dépression. Les participants du groupe témoin ont montré des niveaux de dépression plus élevés à l'intervalle de six mois, mais aucune différence importante n'a été constatée entre les jeunes participants au projet RAGS et le groupe témoin apparié. Le programme ne semble pas avoir eu d'effet sur l'amélioration des symptômes de dépression chez les jeunes.
Comportements
Scores à l'enquête sur l'affiliation à un gang
Les résultats indiquent une diminution régulière de l'affiliation à un gang au fil du temps. Elle a diminué pour environ 46 % des participants à six mois, pour 63 % des participants à 12 mois et pour 71 % à 18 mois. Même si aucune différence n'a été constatée au chapitre de l'affiliation à un gang entre les participants au programme et le groupe témoin apparié, les jeunes du groupe témoin apparié ont affiché une affiliation plus marquée à un gang à six mois, ce qui dénote l'incidence positive du programme sur cet aspect.
Crimes violents
On a évalué ce score en comptant dans combien de types de crimes violents les participants ont déclaré avoir été impliqués au cours des six mois antérieurs. Ces crimes comportaient soit le recours à la violence ou la menace de recours à la violence. D'après les résultats, les participants au programme ont réduit de manière importante leur participation à des crimes violents, avec une baisse de 50 %, 75 % et 63 %, à six, 12 et 18 mois, respectivement. Toutefois, la mesure unique du groupe témoin, à six mois, n'a révélé aucune différence entre les participants au projet RAGS et le groupe témoin apparié quant à l'importance du rôle joué dans les crimes violents. En raison de ces données partagées, nous ne pouvons pas établir, avec certitude, que le projet RAGS a eu une incidence sur le niveau d'implication dans des crimes violents des participants au programme.
Crimes sans violence
Cette mesure visait à évaluer dans combien de types différents de crimes les participants avaient été impliqués au cours des six mois antérieurs et qui ne comportaient pas de violence à l'endroit d'autres personnes. D'après les résultats, les crimes sans violence ont considérablement diminué au fil du temps, soit de 56 %, 63 % et 63 %, à six, 12 et 18 mois, respectivement. Les résultats comparés montrent que les jeunes du groupe témoin étaient davantage impliqués que les participants au projet RAGS dans des crimes sans violence six mois après le début du programme. Aucune autre comparaison n'a été effectuée à 12 et à 18 mois. D'après les résultats, le programme a vraisemblablement eu un effet sur la diminution de l'implication des participants dans des crimes sans violence.
Indicateur | Comparaison | T1 à T2 (6 mois) |
T1 à T3 (12 mois) |
T1 à T4 (18 mois) |
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n | p | d | n | p | d | n | p | d | ||
|
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Attitudes | ||||||||||
Croyances au sujet des conflits | test t – SG | 51 | <0,05 | 0,41 | 34 | ns | 0,030 | 19 | ns | 0,230 |
test t – EG | 65 | ns | 0,02 | |||||||
Approbation générale du comportement agressif | test t – SG | 21 | <0,05 | 1,06 | ||||||
Approbation des représailles | test t – SG | 21 | <0,05 | 1,27 | ||||||
Aversion pour les armes à feu | test t – SG | 20 | <0,05 | 1,15 | ||||||
Stéréotype de genre | test t – SG | 21 | ns | 0,50 | ||||||
Facteurs de risque | ||||||||||
Indice de risque | test t – SG | 37 | <0,05 | 1,04 | 25 | <0,05 | 0,81 | 12 | <,05 | 1,81 |
test t – EG | 57 | <0,05 | 0,71 | |||||||
Emploi | test t – SG | 50 | ns | 0,21 | 38 | ns | 0,17 | 18 | ns | 0,03 |
test t – EG | 76 | <0,05 | 0,88 | |||||||
Toxicomanie | test t – SG | 53 | ns | 0,31 | 38 | <0,05 | 0,57 | 19 | ns | 0,49 |
test t – EG | 80 | ns | 0,41 | 45 | ns | 0,91 | ||||
Dépression | test t – SG | 52 | <0,05 | 0,40 | 38 | ns | 0,35 | 19 | ns | 0,40 |
test t – EG | 78 | ns | 0,28 | |||||||
Comportements | ||||||||||
Affiliation à un gang | test t – SG | 54 | <0,05 | 0,86 | 40 | <0,05 | 1,33 | 21 | <,05 | 2,36 |
test t – EG | 78 | <0,05 | 0,83 | |||||||
Crimes violents | test t – SG | 46 | <0,05 | 0,51 | 32 | <0,05 | 1,08 | 16 | <,05 | 1,36 |
test t – EG | 62 | ns | 0,44 | |||||||
Crimes sans violence | test t – SG | 45 | <0,05 | 0,57 | 35 | <,05 | 1,06 | 16 | <,05 | 1,21 |
test t – EG | 73 | <0,05 | 0,57 |
Résultats de l'analyse des coûts
Le coût total du projet, y compris les contributions en nature, s'élevait à 2 872 560 $. Le coût moyen par participant (n = 99) était de 8 290,20 $ par année ou 690,85 $ par mois.
Limites de l'évaluation
Même si, dans l'étude actuelle, la sélection d'un groupe témoin apparié pourrait être considérée comme une méthode de recherche rigoureuseFootnote 2, il s'agit d'une méthode qui comporte des limites quant à sa capacité d'attribuer des résultats aux activités de programme. Pour l'interprétation des résultats, il faut donc tenir compte des éléments suivants, qui peuvent nuire à la validité :
Limites des tests statistiques utilisés
Les résultats ont été mesurés à de multiples reprises, entre les groupes, sur un certain nombre de périodes puis évalués au moyen de deux méthodes statistiques distinctes : les tests t pour échantillons appariés et les tests t pour échantillons indépendants. Tandis que ces méthodes sont appropriées pour mesurer le changement entre deux groupes ou entre deux périodes, elles le sont moins pour mesurer le changement sur plusieurs périodes et entre les groupes. La mesure répétée d'une période à l'autre, puis séparément entre les groupes pourrait indiquer un changement positif alors que ce n'est pas le cas, ou encore ne pas indiquer de changement positif alors qu'il y en a eu un.
Petite taille de l'échantillon
Le taux de participation pour les comparaisons entre les périodes et les groupes était assez faible. En ce qui a trait aux comparaisons entre les périodes, le taux de participation a chuté, passant de 54 cas à 21, et même à 18, au moment du suivi à 18 mois. Le taux de participation pour les comparaisons entre les groupes était encore plus faible, car aucun résultat n'a montré de différence entre les participants au programme et le groupe témoin apparié pour les périodes dépassant 12 mois, et la taille de l'échantillon à 12 mois est très faible, soit de dix à 12 cas en moyenne.
Instruments
Le personnel du projet RAGS a administré les questionnaires aux jeunes parce que bon nombre des participants possédaient un faible niveau d'alphabétisation. Cette façon de faire peut avoir faussé les résultats en raison du fait que les participants ont peut-être voulu se présenter à leur avantage. De même, il est possible que les instruments n'aient pas été administrés et interprétés de façon uniforme au fil du temps.
Validité conceptuelle
Les instruments d'enquête employés s'inspirent des instruments normalisés et provenaient en grande partie de la liste des outils acceptables proposés par le CNPC. Toutefois, lorsqu'un certain nombre d'indices étaient constitués à partir de ces instruments, un test statistique (coefficient alpha de Cronbach) révélait que certains d'entre eux mesuraient les mêmes concepts alors que d'autres mesuraient peut-être des concepts différents.
Quoi qu'il en soit, même si la fiabilité était légèrement inférieure au seuil de 0,70 pour ce qui est de la résolution des conflits, la toxicomanie, le stéréotype de genre et le malaise face aux armes à feu, les résultats indiquent que la plupart des mesures étaient fiables. Il a été constaté que la mesure de l'identité culturelle et du coefficient total du risque n'était pas fiable.
En dépit de ces nombreuses limites, l'évaluation est suffisamment rigoureuse pour justifier que l'on puisse attribuer certains résultats à des activités du programme, en particulier les résultats liés au fait que les jeunes quittent leur gang. Les mesures des résultats critiques, soit l'affiliation à un gang et le coefficient total du risque, ont montré un résultat positif en ce qui a trait aux mesures au sein d'un même groupe et entre les groupes.
5. Leçons retenues et recommandations
Prestation du programme
Services externes supplémentaires
Les participants au projet RAGS avaient besoin de programmes d'emploi et de counseling en matière de toxicomanie. Pour que le programme puisse répondre aux besoins complexes des participants, il a fallu établir des partenariats avec d'autres fournisseurs de services pouvant offrir un large éventail de mesures de soutien. De même, la gestion des cas était une composante clé du programme. Cette vaste gamme de services harmonisés devrait mettre l'accent sur la personne, sa santé, la famille, l'école, la main-d'oeuvre et la collectivité. Elle devrait être planifiée dès le début.
Intensité du programme
L'évaluation indiquait que le programme avait eu sa plus forte incidence à des périodes clés, essentiellement, dans les six premiers mois. Pour optimiser l'incidence des programmes, le projet RAGS devrait offrir des programmes d'intensité plus élevée au cours de ces moments charnières.
Participation de la famille
Certains participants avaient des liens avec les gangs par l'entremise des membres de leur famille, ce qui les plaçait dans une situation difficile où ils devaient rompre les liens avec la famille pour briser ceux qu'ils avaient avec leur gang. Pour éviter ces obstacles éventuels et créer des possibilités avec les membres de la famille des participants, il conviendrait d'ajouter une composante parentale au projet RAGS et de leur offrir des services à la famille.
Enseignements autochtones traditionnels
Les programmes culturels sont importants pour les jeunes Autochtones appartenant à un gang. Malgré tout, de nombreux participants sont susceptibles de rejeter les activités culturelles comme la communication avec les chefs autochtones de leur collectivité. Dans le but d'accroître les chances que les jeunes tissent des liens avec leur culture plutôt qu'avec leur gang, il faudrait intégrer les pratiques et les enseignements traditionnels dans tous les aspects des programmes.
Établir des relations grâce à des activités
Pour la réussite du programme, il était essentiel d'encourager des partenariats avec la police et les services correctionnels. L'établissement de bonnes relations peut amener les participants à percevoir les policiers comme des mentors et des conseillers, et en général, cela peut se produire quand les agents se portent volontaires dans leurs temps libres pour faire participer les jeunes à des activités récréatives, artistiques ou liées à l'emploi. Le personnel a également eu avantage à faire participer les jeunes à des activités récréatives et artistiques. Ces activités en commun ont eu des effets très positifs, notamment en favorisant un dialogue ouvert entre le personnel et les participants en plus d'aider les participants à avoir de meilleurs rapports, même ceux qui étaient peut-être des ennemis dans la rue.
Programmes adaptés aux besoins des femmes
Les clientes sont mal à l'aise lorsqu'elles partagent les mêmes locaux que les hommes dans le cadre du programme. Aux yeux des jeunes femmes traumatisées, tout homme peut être un agresseur. Il est essentiel que les programmes abordent la violence physique et sexuelle vécue par ces femmes de la part de leurs partenaires masculins. Il faut élaborer des programmes adaptés aux besoins des jeunes femmes et qui traitent des facteurs de risque et de protection qui leur sont propres. De tels programmes devraient être distincts de ceux destinés aux jeunes hommes, mis en oeuvre dans des locaux séparés et sûrs, et devraient être dispensés par des femmes.
Considérations relatives au recrutement
Le recrutement de personnel pour le projet RAGS a été difficile, car le programme exigeait des membres du personnel qu'ils soient sur appel à des moments difficiles, d'où un taux de roulement élevé. Même si les membres du personnel possédant une expérience des gangs exerçaient une plus grande influence chez les participants, cet avantage a également entraîné des conflits d'intérêts. Pour réduire ces différents risques, il conviendrait de former le personnel sur le maintien de limites appropriées avec les jeunes. Cette formation est d'autant plus importante lorsqu'il s'agit de membres du personnel possédant déjà une expérience des gangs et qui peuvent également fréquenter les mêmes cercles sociaux que les participants.
Gestion du risque de violence
La réalisation de projets permettant de quitter un gang comporte des risques: les chefs de gang ne veulent pas que leurs membres quittent le gang et sont susceptibles de recourir aux menaces et à la violence à l'endroit du personnel et des participants. Dans le cas du projet RAGS, les participants craignaient que les membres du gang tentent d'infiltrer le programme afin de surveiller les participants. Il faudrait atténuer ces risques en s'assurant que les bureaux sont sécuritaires, en effectuant des évaluations à l'extérieur au moment de l'admission, en mesurant le niveau de motivation des participants, en effectuant des vérifications et des consultations régulières au sujet de la sécurité et en examinant tous les cas d'incidents de violence « évités de justesse ».
Évaluation
Créer une culture d'évaluation
Il n'est pas inhabituel pour les membres du personnel des organismes de services aux jeunes d'être peu exposés aux évaluations des résultats, ce qui peut entraîner de nombreuses difficultés pour l'évaluation. Afin de surmonter ces difficultés, l'équipe d'évaluation devrait passer beaucoup de temps avec les membres du personnel de l'organisme afin de démystifier le concept d'évaluation et de dissiper leurs préoccupations. En outre, il faudrait créer une culture d'évaluation qui fait participer les membres du personnel de l'organisme dès le début du projet et qui favorise la collaboration.
Mobiliser les participants
Dès le début de l'évaluation, les jeunes ont été mobilisés au moyen de quatre méthodes principales : la mise à l'essai des outils, la consultation des évaluateurs, la participation à des groupes de discussion et la formulation de commentaires sur les résultats de chaque rapport annuel. Les jeunes qui ont participé de façon concrète à l'évaluation ont adhéré aux outils et à la méthodologie. Les jeunes doivent savoir que leur voix est importante et que leurs idées et leurs préoccupations seront notées et prises en considération.
Sensibilisation aux réalités culturelles
La méthodologie et les outils d'évaluation devraient refléter les cultures des Premières Nations et des Métis, y compris la langue et les traditions culturelles. Pour ce faire, les évaluateurs devraient consulter le personnel autochtone et les jeunes Autochtones. Afin de montrer son engagement à l'égard de la sensibilisation aux réalités culturelles, l'équipe d'évaluation devrait participer aux activités culturelles avec les jeunes, notamment les festins, les cérémonies, les sueries et les cercles.
Sensibilisation aux différences entre les sexes
Les outils d'évaluation ont été conçus de façon à permettre une évaluation et des outils de suivi qui tiennent compte des différences entre les sexes. Par exemple, certaines questions de l'enquête portaient sur la garde des enfants, la participation au commerce du sexe et la dépression. Au moment d'évaluer l'appartenance et l'affiliation à un gang, les questions devraient tenir compte des expériences des hommes et des femmes au sein d'un gang et des facteurs de risque et de protection propres aux femmes.
Élaborer des options pour le groupe témoin dès le début
Il est essentiel d'apparier le groupe étudié à un groupe témoin afin d'exclure toute autre explication des effets du programme. Toutefois, il est très difficile de recruter un échantillon de participants pour le groupe témoin et de maintenir un contact avec des membres de gang à risque élevé. C'est pourquoi il est préférable de poursuivre au moins deux options pour le groupe témoin dès le début afin de garantir la participation d'un groupe témoin adéquat.
Maintenir le contact avec les participants au fil du temps
Bien qu'il soit difficile de maintenir un contact avec les membres de gangs à risque élevé au fil du temps, il est essentiel de le faire. À mesure que la taille des échantillons de participants qui répondent aux questions de suivi diminue, la valeur des tests statistiques diminue également, ce qui peut nuire à la capacité des évaluateurs de vérifier si des effets persistent au fil du temps. Pour que les évaluateurs puissent disposer de données suffisantes afin de vérifier les effets du programme au fil du temps, les employés du projet doivent redoubler d'efforts pour trouver les participants qui ont déjà suivi le programme et sont peut-être passés à autre chose.
Utiliser des méthodes mixtes
Souvent, l'évaluation des projets d'intervention auprès des gangs repose uniquement sur des méthodes quantitatives. Bien qu'ils soient importants, ces outils ne peuvent pas rendre compte de la dynamique ni des détails précis de questions complexes comme la santé mentale, l'affiliation à un gang, le fait de quitter un gang, le commerce du sexe et l'identité culturelle ou l'attachement à la culture. Les études de cas, les entrevues en profondeur, l'observation des activités du programme, l'étude des dossiers de clients et les groupes de discussion sont des méthodes qui complètent bien les mesures quantitatives.
6. Conclusion
Le projet RAGS a réussi à atteindre sa population cible et à aider les participants à quitter un gang. Toutefois, les résultats sont peu concluants quant à la capacité du projet RAGS d'aider les femmes affiliées à un gang à quitter le commerce du sexe.
Globalement, le programme a eu une incidence positive sur les croyances des participants au sujet des conflits et semble avoir amélioré les attitudes à l'égard du comportement agressif, des représailles et des armes à feu. Le programme a réduit de façon importante les scores globaux des participants en ce qui a trait au risque.
Toutefois, l'effet du programme sur l'emploi, la toxicomanie et la dépression a été moins significatif ou peu concluant. Il convient de souligner tout particulièrement que le projet RAGS a influé sur les principaux résultats liés au comportement comme l'affiliation à un gang, le crime sans violence et peut-être le crime violent. La mise en oeuvre et l'évaluation de projets comparables à celui du RAGS dans d'autres collectivités autochtones pourraient contribuer à améliorer les résultats obtenus.
Pour de plus amples renseignements au sujet de ce projet, ou pour obtenir une copie du rapport final d'évaluation, veuillez contacter le Centre national de prévention du crime, par courriel, à ps.prevention-prevention.sp@canada.ca.
Pour recevoir des informations sur les activités du CNPC, nous vous invitons à vous inscrire à la liste d'envoi électronique du CNPC en visitant notre page d'enregistrement à : http://www.securitepublique.gc.ca/cnt/bt/mlng-lst-fra.aspx
Notes
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