Le Programme EMPATHIC pour les Autochtones
Introduction
Le programme « Emotional Maturity Problem-Solving & Awareness Targeting Higher Impulse Control » (EMPATHIC) [maturité affective, résolution de problèmes et sensibilisation pour une meilleure maîtrise des impulsions] pour les Autochtones est un programme scolaire destiné aux élèves de la première à la cinquième année. Il a été mis en oeuvre de 2003 à 2006 à l'école primaire et intermédiaire d'Eskasoni, en Nouvelle Écosse. Le programme EMPATHIC s'inspire du programme « Promoting Alternative Thinking Strategies » (PATHS) [favoriser les stratégies de réflexion novatrices], dont l'efficacité pour prévenir ou réduire les actes de violence, les infractions ou la consommation de drogue est largement reconnue aux États UnisNote 1. Le programme a été modifié pour tenir compte des valeurs culturelles et des méthodes d'enseignement propres aux Autochtones.
L'objectif du programme EMPATHIC consistait à favoriser la conscience émotionnelle et la maîtrise des impulsions chez les enfants autochtones pour réduire les risques qu'ils adoptent, plus tard, des comportements criminels et violents. Avec ce programme, on espérait obtenir les résultats suivants :
Les élèves de chacun des cinq niveaux scolaires ont suivi 40 leçons, dont certaines étaient répétées d'une année à l'autre afin d'assurer une meilleure assimilation. Les activités auxquelles les élèves ont participé incluaient : jeux de rôle, rédaction d'un journal, mises en situation avec des images et narration d'histoires. En plus du programme d'enseignement, un intervenant se rendait chaque semaine à certains domiciles pour mettre l'accent sur le bien-être de l'enfant.
Évaluation du projet
Le projet a été évalué tant sur le plan des processus que sur celui des effets obtenus. Les données ont été recueillies à l'aide des méthodes suivantes : sondages auprès du personnel de l'école, examen de dossiers, observation en classe, groupes de discussion composés d'élèves et entrevues auprès d'enseignants, de conseillers en orientation, d'administrateurs scolaires, de représentants du programme, de membres de l'équipe de gestion, de membres de la collectivité et de membres de famille des élèves.
Pour évaluer les résultats, on a utilisé un modèle quasi expérimental, avec une école témoin. On a effectué un sondage auprès des employés (c.-à-d. les enseignants, les conseillers en orientation et les administrateurs scolaires) de l'école d'Eskasoni et de l'école témoin pour connaître leurs opinions générales sur l'ambiance et le comportement des élèves à leur école. Les employés ont répondu au sondage avant et pendant le projet ainsi qu'à la fin de celui-ci.
Outre ce modèle, on a effectué un deuxième sondage à l'école d'Eskasoni pour recueillir des données quantitatives sur les types de comportements perturbateurs auxquels les enseignants étaient confrontés en classe. Tous les enseignants ont répondu à ce sondage, et ce, au début et à la fin du projet.
À l'école témoin, des difficultés sont survenues sur le plan de la collecte des données et on n'a donc pas recueilli suffisamment de réponses pour réaliser les analyses voulues. L'analyse du sondage effectué auprès du personnel de l'école Eskasoni a montré que les opinions générales sur le climat scolaire et le comportement des élèves n'avaient pas changé. Par contre, le deuxième sondage effectué auprès des enseignants a révélé que le comportement des élèves en classe s'était amélioré à plusieurs égards.
Principaux résultats
L'évaluation des processus a révélé que :
- l'administration de l'école, les enseignants et les parents ont largement souscrit au programme et à son contenu. Depuis, le programme a été adopté et il a été intégré dans les activités quotidiennes de l'école;
- le programme a été bien conçu et il a été appliqué correctement;
- le programme PATHS a été modifié adéquatement pour tenir compte de la culture autochtone;
- les élèves ont participé à toutes les activités prévues dans le programme. Ils ont particulièrement aimé l'initiative « PATHS Kid of the Week » [l'enfant de la semaine PATHS];
- il fallait sensibiliser davantage les membres de la collectivité et les familles au programme.
L'évaluation des résultats a révélé que :
- les élèves interrogés ont déclaré que le programme leur a permis de mieux maîtriser leurs émotions et de mieux gérer les situations difficiles;
- les enseignants et les administrateurs scolaires ont déclaré que les élèves utilisaient des mots appris pendant le programme EMPATHIC pour décrire des situations vécues ou des émotions ressenties; ils estimaient aussi que les élèves étaient plus susceptibles d'éviter les situations qui auraient pu aboutir à des batailles;
- les enseignants ont déclaré que les élèves s'échangeaient plus de compliments et qu'ils se préoccupaient davantage des autres. Certains enseignants ont aussi rapporté qu'ils avaient moins d'élèves trop agressifs dans leurs classes et moins d'élèves ayant de la difficulté à exprimer leurs sentiments. Ils ont aussi indiqué que, en général, ils passaient moins de temps à intervenir auprès d'élèves adoptant un comportement perturbateur;
- certains membres de famille ont déclaré que le programme avait permis de favoriser l'estime de soi chez leur enfant.
Leçons apprises
D'après la théorie du programme, la participation de la collectivité constitue un résultat qu'il faut obtenir à court terme pour atteindre les résultats voulus à moyen terme. Ainsi, il faudrait déployer des efforts concertés pour faire mieux connaître le programme à la collectivité.
L'appui unanime accordé par les différents niveaux du système scolaire et l'engagement des personnes qui ont offert le programme constitue des facteurs essentiels ayant contribué à son succès.
Les visites à domicile ont représenté une stratégie importante pour aider les parents à mieux connaître et comprendre le programme.
De plus, elles servaient à encourager toute la famille, puisqu'elles donnaient ainsi l'occasion de féliciter les parents pour leurs efforts.
Les séances de formation et d'orientation ont fortement contribué au succès du programme. Les personnes qui offrent le programme doivent bien connaître le contenu des leçons et elles doivent comprendre la culture autochtone.
Pour recueillir les données nécessaires à l'évaluation, il a fallu constamment tenir compte du calendrier scolaire.
Même s'il n'a pas été possible d'utiliser les données provenant de l'école témoin, le recours à de multiples méthodes de collecte de données a néanmoins permis d'obtenir des résultats très intéressants sur l'efficacité du programme. Lorsqu'on utilise un modèle avec un groupe témoin, il faut déterminer, dès le début du processus, à quel point les deux groupes sont comparables et dans quelle mesure il sera possible d'obtenir des échantillons de taille suffisante.
Conclusion
Les résultats de l'évaluation semblent indiquer que les élèves ont bien réagi à la version modifiée du programme, qui tenait compte de la culture et des méthodes d'enseignement propres aux Autochtones. On a rapporté que les élèves comprenaient mieux et exprimaient mieux leurs émotions. En outre, ils commençaient à mieux maîtriser leurs impulsions. Étant donné que le programme PATHS a déjà fait ses preuves et que les élèves de l'école Eskasoni ont participé activement aux activités du programme, il est raisonnable de conclure que, à long terme, on observera des changements dans leurs comportements agressifs et antisociaux.
Le programme EMPATHIC se révèle une intervention prometteuse pour renforcer la capacité de résilience des jeunes autochtones. Puisqu'il fait appel à des méthodes d'intervention appropriées à la culture et qu'il cible des facteurs de risque connus, ce programme est susceptible de prévenir la délinquance et les comportements criminels chez les jeunes. Il serait peut-être utile de reproduire le programme dans une autre collectivité autochtone et d'utiliser un modèle d'évaluation plus rigoureux pour obtenir d'autres données quant à son efficacité.
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Delbert Elliott, Ph. D., Blueprints Project for the Center for the Study and Prevention of Violence.
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